I. - PUISSANCE DE MARCHÉ D'ORANGE CARAÏBE
L'analyse de l'influence significative sur un marché se fonde sur des principes généraux (I-1), l'étude du comportement des acheteurs et des consommateurs (I-2), l'analyse du comportement tarifaire des opérateurs mobiles (I-3) et l'évolution prévisible du marché (I-4). L'analyse de l'Autorité prend en compte l'avis du Conseil de la concurrence (I-5) et les observations des autres autorités réglementaires nationales et de la Commission européenne (I-6). Il est conclu qu'Orange Caraïbe est réputé exercer une influence significative sur le marché considéré (I-7).
I-1. Principes de la détermination d'une influence significative sur un marché
I-1.1. Principes généraux
Aux termes de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, « est réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d'autres, se trouve dans une position équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs ».
En application des principes issus de la jurisprudence tels que rappelés dans les lignes directrices susvisées, la part de marché d'une entreprise constitue un critère essentiel, bien que non exclusif. En effet, la jurisprudence considère que la présence de parts de marché élevées - supérieures à 50 % - permet, sauf circonstances exceptionnelles, d'établir l'existence d'une position dominante. Par ailleurs, l'évolution des parts de marché respectives de l'entreprise et de ses concurrents, sur une période de temps appropriée, constitue un facteur complémentaire.
Les parts de marché peuvent être évaluées sur la base des volumes ou des chiffres d'affaires, l'indicateur le plus pertinent devant être défini en fonction des caractéristiques de chaque marché.
Le critère de la part de marché ne saurait toutefois suffire à établir l'existence d'une position dominante. En application de la jurisprudence et des lignes directrices de la Commission sur l'analyse du marché, d'autres indices de nature plus qualitative sont à prendre en compte dans l'analyse, tels que, notamment :
- la taille de l'entreprise ;
- le contrôle d'une infrastructure qu'il n'est pas facile de dupliquer ;
- l'avancée ou la supériorité technologique ;
- l'absence ou la faible présence de contre-pouvoir des acheteurs ;
- la diversification des produits ou des services ;
- l'intégration verticale de l'entreprise ;
- l'existence d'un réseau de distribution et de vente très développé ;
- l'absence de concurrence potentielle ;
- l'existence d'une concurrence par les prix ;
- d'autres critères tels que l'accès privilégié aux marchés des capitaux ou la présence d'économies de gamme ou d'échelle.
L'Autorité s'est efforcée de mettre en oeuvre, parmi ces critères, ceux apparaissant comme les plus appropriés à la désignation des opérateurs puissants dans le cadre du marché concerné par la présente analyse.
I-1.2. Application des principes générauxaux marchés de gros de la terminaison d'appel
Dans la décision « définition de marché » susvisée, il a été indiqué que le marché pertinent considéré était le marché des prestations de terminaison d'appel vocal sur chaque réseau individuel à destination des clients de l'opérateur mobile, quelle que soit l'origine de l'appel (fixe ou mobile, nationale ou internationale), et quelle que soit la technologie utilisée pour produire cette prestation (GSM ou UMTS). Les appels par le biais de hérissons utilisant une carte SIM de cet opérateur, à destination de cet opérateur, ont été inclus dans le marché. L'Autorité examine l'existence d'une éventuelle influence significative individuelle de chaque opérateur sur ce marché de la terminaison vocale ainsi défini.
Chaque opérateur dispose de 100 % de parts de marché sur le marché de la terminaison vocale sur son propre réseau. En effet, les opérateurs de départ ont à leur disposition uniquement deux types de prestations, toutes deux offertes directement par l'opérateur mobile de terminaison (offre d'interconnexion et hérissons)
Outre le fait que chaque opérateur dispose de 100 % de parts de marché, il est techniquement impossible pour un nouvel entrant de rentrer sur l'un de ces marchés (un opérateur ne peut pas proposer d'offre concurrente à celle de l'opérateur mobile pour terminer du trafic vocal sur le réseau de cet opérateur mobile). Ces deux éléments sont soulignés par les lignes directrices de la Commission européenne comme des indicateurs importants d'une présomption d'influence significative sur le marché.
Il n'en reste pas moins qu'une part de marché de 100 % et une absence de concurrence potentielle déjà évoquées précédemment ne sauraient être suffisantes pour qualifier le degré d'influence significative. Il est nécessaire, conformément aux lignes directrices, de procéder à une analyse approfondie des caractéristiques économiques du marché pertinent.
L'évaluation du pouvoir d'achat compensateur dont pourrait bénéficier l'opérateur acheteur ou le consommateur est un élément important qui permet de caractériser le degré d'influence significative de l'opérateur et de comprendre si ce dernier peut effectivement agir indépendamment de la demande et des concurrents. Cette capacité d'agir indépendamment des autres peut être confirmée par l'examen des prix pratiqués par le passé et notamment par la possibilité de s'écarter durablement de prix correspondant à une rentabilité raisonnable.
I-2. Comportement des acheteurs et des consommateurs
Outre la circonstance qu'Orange Caraïbe dispose d'une part de marché de 100 % sur un marché où la concurrence potentielle est a priori nulle, comme l'a montré l'analyse précédente, il est nécessaire d'analyser si cet opérateur peut agir, dans une mesure appréciable, indépendamment des acheteurs de terminaison d'appel.
Le contre-pouvoir s'évalue, d'une part, par la capacité et l'intérêt qu'ont les acheteurs de terminaison sur le marché de gros à s'opposer à une hausse de la charge de terminaison d'appel et, d'autre part, par l'influence du comportement des consommateurs.
Il convient d'examiner, en premier lieu, s'il peut exister un pouvoir d'achat compensateur de la part des clients sur le marché de gros. Les principaux clients d'Orange Caraïbe en parts de marché sont France Télécom et Bouygues Telecom Caraïbe. On note en effet qu'en 2002 43 % du volume vendu de terminaison d'appel vocal en France a été acheté par des opérateurs fixes français, et 52 % par des opérateurs mobiles français (source : ART/Enquête annuelle 2002). Or, à la même date, d'une part, France Télécom détenait plus de 70 % de parts de marché des appels fixe vers mobile en France (et le second opérateur moins de 10 %), et, d'autre part, Bouygues Telecom Caraïbe détenait au 30 juin 2004 17 % du parc mobile dans la zone Antilles-Guyane derrière Orange Caraïbe (et l'opérateur suivant 0,3 %).
De la part de ces opérateurs, un pouvoir d'achat compensateur pourrait hypothétiquement s'exercer sur Orange Caraïbe, par le biais :
a) Du refus par un opérateur d'acheter la prestation de terminaison d'appel d'Orange Caraïbe, privant ainsi ses abonnés de la faculté de joindre ceux de ce dernier.
b) D'un prix de détail pour les appels destinés à Orange Caraïbe excessivement élevé, de façon à assécher le trafic entrant de ce dernier ou à le faire apparaître comme un « réseau cher » (en représailles).
Toutefois, il est difficile d'envisager que France Télécom, maison mère du groupe Orange, agisse de la sorte, à l'encontre des intérêts d'Orange Caraïbe.
Quant à Bouygues Telecom Caraïbe, il ne paraît pas, d'un point de vue commercial, en mesure de mettre en oeuvre ce type de comportement eu égard à sa situation sur le marché de détail.
L'analyse des évolutions des tarifs outre-mer confirme largement l'absence de tout pouvoir d'achat compensateur de la part des opérateurs présents (cf. I-3).
En second lieu, une pression concurrentielle pourrait également s'exercer par d'éventuels effets de substitution sur les marchés de détail sous-jacents. Si les clients des appels fixe vers mobile ou mobile vers mobile avaient pu utiliser des services de substitution en réponse à une hausse des prix, une hausse de la terminaison d'appel ne se serait pas alors traduite nécessairement par une rentabilité accrue pour l'opérateur mobile concerné. L'analyse de la substituabilité des produits effectuée lors de la définition du marché a montré que l'effet d'une telle substitution était limité et que les opérateurs mobiles n'étaient pas incités à pratiquer des tarifs modérés.
I-3. Comportement tarifaire des opérateurs mobiles
I-3.1. Evolutions des tarifs dans l'outre-mer
Les prix moyens présentés dans cette partie sont les prix calculés à partir des tarifs des opérateurs mobiles et de la statistique d'appels définie dans les décisions n°s 2001-970 et 2001-971 de l'Autorité portant sur le niveau de la charge de terminaison d'appel sur le réseau d'Orange France et de SFR.
Figure 1 : estimation de l'évolution du prix moyen de la terminaison d'appel dans l'outre-mer (en EUR/min)
Les éléments de coût d'Orange Caraïbe dont l'Autorité dispose sont soumis au secret des affaires et sont donc présentés en annexe D, qui ne sera pas rendue publique.
I-3.2. Une évolution des prix confirmant l'absence de pouvoir d'achat compensateur
Depuis le 1er janvier 2003, conformément à la décision n° 02-1191 de l'Autorité en date du 12 décembre 2002, Orange Caraïbe et SRR doivent orienter leurs tarifs d'interconnexion vers les coûts. Pourtant, depuis lors, un seul mouvement de baisse a été constaté, en janvier 2004, de l'ordre de 10 % pour Orange Caraïbe, et de l'ordre de 14 % pour SRR. Les autres opérateurs mobiles ont quant à eux maintenu leurs tarifs, malgré la baisse d'Orange Caraïbe et SRR.
Les niveaux de charge de terminaison d'appel vocal restent significativement supérieurs à ceux de la métropole : le niveau le moins élevé outre-mer (SRR) étant 34 % supérieur à celui du plus élevé métropolitain (Bouygues Telecom).
Orange Caraïbe, Bouygues Telecom Caraïbe, SRR et Orange Réunion ont, dans leur réponse à la consultation publique, indiqué qu'ils subissaient des coûts supplémentaires à ceux des opérateurs de métropole. Ceux-ci auraient trois principales sources : l'éloignement de la métropole, les intempéries et la taille des marchés. Concernant la zone Antilles-Guyane, il a aussi été indiqué que l'exploitation d'un réseau sur des territoires non contigus était un facteur de coût supplémentaire.
L'Autorité estime qu'en effet il peut exister des facteurs de coûts supplémentaires à ceux de la métropole. Néanmoins, il existe aussi des facteurs de réduction de coûts. Ainsi, les parts de marché en parc d'abonnés d'Orange Caraïbe (83 %) et de SRR (72 %) sont très nettement supérieures à celles des opérateurs mobiles de métropole (Orange France détient 50 % de parts de marché).
Ces éléments sont confirmés par les niveaux de coûts fournis par Orange Caraïbe et SRR pour l'année 2002 qui ne sont que légèrement supérieurs à ceux estimés pour Orange France et SFR pour la même année.
S'agissant d'Orange Réunion, Bouygues Telecom Caraïbe, SMM, Dauphin Telecom et SPM Telecom, les modélisations réalisées conduisent l'Autorité à considérer que les tarifs de terminaison d'appel pratiqués sont sensiblement supérieurs aux coûts de référence définis en IV-1.
L'Autorité en conclut qu'il existait pour chacun des opérateurs des marges réelles de baisse.
L'ART considère qu'en l'absence de régulation de la charge de terminaison d'appel Orange Caraïbe est en mesure d'agir indépendamment des acheteurs sur le marché de la terminaison d'appel vocal sur son réseau. Le système dans lequel le client de détail d'Orange Caraïbe n'est pas facturé pour les appels qu'il reçoit n'introduit quasiment aucune pression concurrentielle sur le prix de la terminaison d'appel vocal facturé par Orange Caraïbe à un opérateur tiers.
I-4. Evolution prévisible de la situation concurrentielle
Les obstacles au développement d'une concurrence effective sur le marché de la terminaison d'appel mobile sont structurels et ne sont donc pas susceptibles d'évoluer a priori sur l'horizon de la période d'analyse (2005-2007).
L'Autorité estime que la faible élasticité de la demande de services téléphoniques par rapport au prix des appels entrants n'évoluera pas dans une proportion susceptible de créer une pression concurrentielle significative sur les charges de terminaison d'appel.
L'Autorité observera néanmoins avec attention le fonctionnement du marché et anticipera le prochain exercice d'analyse du marché si cette analyse prospective ne se vérifiait pas.
I-5. Avis du Conseil de la concurrence
Dans son avis n° 2004-A-17 en date du 14 octobre 2004, le Conseil soutient l'analyse développée par l'Autorité :
« Comme le Conseil l'a constaté pour la métropole, la terminaison d'appel sur le réseau de chaque opérateur mobile [outre-mer] constitue un marché distinct. Les opérateurs mobiles sont donc détenteurs d'une infrastructure incontournable, ce qui est un élément allant dans le sens de l'exercice d'une influence significative de chaque opérateur sur le marché de gros de la TA vocale sur son réseau. Toutefois, des éléments spécifiques aux sociétés opérant dans ces départements ou aux marchés concernés pourraient remettre en cause l'exercice effectif de ce pouvoir de marché.
En ce qui concerne la zone Antilles-Guyane, quatre opérateurs interviennent sur des zones géographiques légèrement identiques : Bouygues Telecom Caraïbes et Orange Caraïbe couvrent l'ensemble de la zone. Dauphin Telecom dessert les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy et Saint-Martin Mobiles ne couvre que l'île de Saint-Martin. L'ART estime la CTA de Dauphin Telecom à 36 cEUR/mn contre 29 cEUR pour celles de Bouygues Telecom Caraïbes et Orange Caraïbes.
Plusieurs éléments sont de nature à contrebalancer l'influence significative que les petits opérateurs de cette zone pourraient exercer sur le marché de leurs terminaisons d'appel. En premier lieu, Dauphin Telecom et Saint-Martin Mobiles disposent, sur l'ensemble de la zone Antilles-Guyane, d'une très faible part de marché. En second lieu, le déploiement de Dauphin est en phase de démarrage. En troisième lieu, France Télécom, pour le téléphone fixe, et Orange Caraïbe, pour la téléphonie mobile, sont les seuls clients de Bouygues Telecom Caraïbes, de Dauphin et de Saint-Martin Mobiles sur le marché de la TA sur les réseaux mobiles. La puissance d'achat compensatrice du groupe France Télécom est donc de nature à limiter la puissance de marché de ces trois opérateurs.
En tant que premier opérateur arrivé sur ce marché (en 1996 contre 2001 pour Bouygues Telecom Caraïbes) et en tant que filiale du groupe France Télécom, Orange Caraïbe bénéficie d'un fort effet marque, d'un fort effet club (avec plus de 80 % de part de marché) et de la puissance financière et marketing de sa maison mère.
Au vu des éléments précédents, le Conseil de la concurrence est d'avis que seul Orange Caraïbe exerce une puissance significative sur le marché de la TA vocal sur son propre réseau dans la zone Antilles-Guyane. »
I-6. Observations des autorités réglementaires nationales et de la Commission européenne
Aucune autorité réglementaire nationale n'a transmis d'observation à l'ART.
La Commission européenne a transmis le 19 janvier 2005 ses observations :
« La Commission a examiné la notification et formule les observations suivantes :
(1) Définition de marché et "hérissons
Bien qu'il subsiste des doutes sur l'inclusion de la terminaison des appels fixe vers mobile par le biais des "hérissons (le cas échéant) dans le marché pertinent, son exclusion de la définition de marché dans ce cas particulier n'aurait pas conduit à un résultat différent de l'analyse PSM. Par conséquent, la Commission considère qu'une conclusion sur la délimitation exacte du marché de produits n'a pas d'impact dans le cas présent pour les besoins de l'examen PSM.
(2) Obligations de séparation comptable et de contrôle des prix
La Commission rappelle à l'ART que les décision précisant les modalités de l'obligation de séparation comptable et de la comptabilisation des coûts doivent être notifiées conformément à l'article 7, paragraphe 3, de la directive "Cadre. »
La Commission européenne conclut que :
« Conformément à l'article 7, paragraphe 5, de la directive "Cadre, l'ART doit tenir le plus grand compte des observations formulées par les autres ARN et par la Commission, peut adopter le projet de mesure final et, le cas échéant, le communiquer à la Commission. »
I-7. Conclusion pour Orange Caraïbe
En conséquence de l'analyse présentée, l'Autorité considère qu'Orange Caraïbe doit être réputé exercer une influence significative sur le marché pertinent de gros de terminaison d'appel vocal sur son réseau à destination de ses clients.
II. - OBJECTIFS DE L'ACTION RÉGLEMENTAIRE, INFLUENCE SIGNIFICATIVE
ET OBLIGATIONS IMPOSÉES
L'imposition d'obligations ex ante, prévue à l'article L. 38 du code des postes et des communications électroniques, doit être motivée et proportionnée au regard des objectifs de l'action réglementaire listés à l'article L. 32-1 du code (II-1). Ces obligations ne doivent être imposées que sur la seule terminaison d'appel vocal « directe » et non sur les hérissons (II-2) pour remédier aux obstacles au bon fonctionnement du marché découlant de la capacité d'Orange Caraïbe à exercer une influence significative sur ce marché (II-3).
II-1. Principes généraux
La finalité de la conduite des analyses de marchés est d'identifier les marchés pertinents, les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un de ces marchés et de déterminer les obligations spécifiques qui doivent être imposées de manière motivée et proportionnée au regard des objectifs de l'action réglementaire. Concrètement, il peut s'agir soit d'imposer de nouvelles obligations, soit de maintenir les obligations qui existent déjà, soit de procéder à leur levée si la situation concurrentielle le justifie.
II-1.1. Objectifs de l'ART
L'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques précise les objectifs qui doivent guider l'action générale de l'ART et donc en particulier son intervention dans le cadre des analyses de marché :
« Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des télécommunications prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis et veillent :
1. à la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques ;
2. à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ;
3. au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;
4. à la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;
5. au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel ;
6. au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique ;
7. à la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements ;
8. au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48 ;
9. à l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ;
10. à la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen ;
11. à l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation ;
12. à un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public ;
13. au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent ;
14. à l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public. »
II-1.2. Principales obligations
Les principales obligations spécifiques prévues par la directive « Accès » susvisée et l'article L. 38 du code des postes et des communications électroniques sont les suivantes :
- obligation relative à l'accès à des ressources de réseau spécifiques et à leur utilisation ;
- obligation de non-discrimination ;
- obligation de transparence, y compris l'obligation d'établir une offre de référence ;
- obligation relative à la séparation comptable ;
- contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts.
II-2. Les hérissons
Comme il a été exposé dans la décision « définition de marché », les hérissons constituent un substitut imparfait à la terminaison d'appel vocal mobile « directe ». Le développement de hérissons dans la zone d'activité d'Orange Caraïbe soulève trois types de problèmes au regard des objectifs de l'action réglementaire :
- ils constituent et engendrent des investissements inefficaces par rapport à l'optimum de premier rang que constituent les interconnexions directes entre réseaux. De ce fait ils dégradent la compétitivité du secteur ;
- ils engendrent une dégradation de la qualité de service pour les utilisateurs finals et donc une perte de bien-être pour la collectivité ;
- ils perturbent le fonctionnement, voire l'intégrité, des réseaux, la gestion et l'utilisation efficace des fréquences radioélectriques.
Mais l'Autorité observe que c'est la persistance d'un écart tarifaire très important entre certains prix de détail de la téléphonie mobile et les charges de terminaison d'appel mobile qui a engendré le développement des hérissons. Autrement dit, les hérissons sont un symptôme ou une réponse de marché à une distorsion du marché de la terminaison d'appel vocal.
Il convient donc de traiter la cause du problème et non le symptôme. Par ailleurs, une action directe au niveau des hérissons serait difficile à mettre en oeuvre.
Aussi, l'Autorité n'imposera d'obligations que sur les seules prestations de terminaison d'appel vocal « directe » fournies dans le cadre de l'interconnexion physique des réseaux. Une baisse du prix de la terminaison d'appel vocal (cf. partie IV) permet de refermer l'espace économique sous-tendant le développement des hérissons dans les années à venir.
II-3. Obstacles au développement d'une concurrence effective
En vertu des articles L. 37-1 et L. 38 du code des postes et des communications électroniques, la mise en oeuvre, par l'Autorité, d'obligations ex ante au niveau des marchés de gros doit permettre « de lever ou d'atténuer les obstacles au développement d'une concurrence effective », ces obstacles étant identifiés au cours de l'analyse des marchés. Il convient donc de procéder à cet examen en ce qui concerne Orange Caraïbe.
Ces obstacles sont de trois ordres :
- la capacité d'Orange Caraïbe à faire obstruction lors des négociations des conventions d'interconnexion avec un opérateur tiers compte tenu de sa position monopolistique sur le marché ;
- la capacité d'Orange Caraïbe à mettre en oeuvre des discriminations abusives compte tenu de son intégration verticale sur le marché de la téléphonie mobile et horizontale sur le marché de la téléphonie fixe via son appartenance au groupe France Télécom (partie III) ;
- l'absence de pression concurrentielle sur les prix de terminaison d'appel (partie IV).
III. - CAPACITÉ D'OBSTRUCTION DES NÉGOCIATIONS ET DE DISCRIMINATION ABUSIVE COMPTE TENU DE L'INFLUENCE SIGNIFICATIVE DE LA POSITION DE MONOPOLE ET DE L'INTÉGRATION VERTICALE D'ORANGE CARAÏBE
Eu égard à la capacité d'Orange Caraïbe à faire obstruction lors des négociations des conventions d'interconnexion (et de leurs avenants successifs) et de mettre en oeuvre des discriminations abusives compte tenu de l'influence significative d'Orange Caraïbe sur le marché, de sa position de monopole structurel sur le marché de la terminaison d'appel vocal vers son réseau et de son intégration verticale sur le marché du mobile/mobile et du fixe/mobile, l'Autorité estime nécessaire de :
- permettre l'interconnexion et l'accès dans des conditions efficaces (obligation d'accès III-1) ;
- éviter que l'opérateur favorise ses propres services de détail sur la téléphonie mobile ou la société de détail de son groupe qui intervient sur le marché de détail de la téléphonie fixe, ou une société partenaire (obligation de non-discrimination III-2) ;
- donner de la visibilité aux acheteurs sur un élément essentiel de leur plan d'affaires (obligation de transparence III-3) ;
- contrôler la mise en oeuvre de la non-discrimination (obligation de séparation comptable III-4).
III-1. Prestations d'interconnexion et d'accès au réseau mobile
L'article L. 38 (1°) du CPCE et l'article 12 de la directive « Accès » prévoient que l'ART peut imposer des obligations d'accès à un opérateur disposant d'une influence significative.
L'Autorité avait envisagé lors de sa consultation publique préliminaire trois sous-obligations : l'obligation générale d'accéder à toute demande raisonnable, l'obligation de fournir une prestation minimale d'acheminement, et l'obligation de fournir une prestation minimale d'accès aux sites. A la lumière des réponses à cette consultation publique, seule la première est finalement retenue.
Afin de permettre l'interopérabilité des services et des investissements efficaces au titre de l'interconnexion ou de l'accès et compte tenu de la position monopolistique d'Orange Caraïbe sur le marché, l'Autorité estime nécessaire d'imposer une obligation d'accepter toute demande raisonnable d'interconnexion et d'accès, à des fins de terminer « directement » du trafic vocal à destination des abonnés d'Orange Caraïbe, conformément à l'article D. 310 (1°) du code des postes et des communications électroniques. Compte tenu de l'impossibilité pour un opérateur souhaitant terminer un appel sur le réseau de déployer ses propres infrastructures, cette obligation est donc justifiée et proportionnée, notamment au regard de l'objectif visant à « [définir des] conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ».
L'Autorité note à cet égard que les prestations d'interconnexion et d'accès, proposées aujourd'hui par Orange Caraïbe, que ce soit pour l'acheminement du trafic de terminaison ou pour l'accès à leurs sites, semblent a priori raisonnables puisqu'elles ont été proposées par l'opérateur mobile lui-même. De même, l'opérateur mobile a de lui-même ouvert à l'interconnexion certains sites de commutation, il semble donc a priori raisonnable que ces points restent ouverts à l'interconnexion. Cette obligation répond donc aux critères imposés par l'article L. 38-IV bis du code susvisé.
Dans le cadre de la présente analyse prospective, l'Autorité estime qu'il n'y a pas lieu d'aller au-delà de l'obligation générale, et d'imposer par avance des obligations spécifiques et en particulier un ensemble minimal de prestations, dans la mesure où Orange Caraïbe continue à offrir des services de terminaison d'appel vocal et d'accès aux sites d'interconnexion de qualité ou de caractéristiques au moins équivalentes à celles que l'opérateur proposait jusqu'à présent.
En cas de modification d'une prestation existante par Orange Caraïbe, l'Autorité sera attentive à ce que l'évolution ne nuise pas à l'efficacité de l'interconnexion ou de l'accès entre opérateurs. Une telle évolution devra en conséquence être communiquée aux opérateurs interconnectés avec des préavis suffisants (cf. III-3).
S'agissant de l'offre actuelle, Orange Caraïbe offre en particulier deux types de prestations :
- les prestations d'acheminement de trafic : Orange Caraïbe a organisé son architecture d'interconnexion en trois zones, une pour chaque département. Pour terminer un appel à destination d'un client dont le numéro de téléphone correspond à un certain département, l'opérateur doit livrer cet appel à un point d'interconnexion d'Orange Caraïbe dans ce département ;
- les prestations d'accès aux sites : Orange Caraïbe propose notamment un mode de raccordement par liaison louée.
L'Autorité estime que si un opérateur demandait à Orange Caraïbe un nouveau service d'interconnexion ou d'accès non couvert par l'offre d'interconnexion ou d'accès existante de l'opérateur mobile cette demande relèverait en premier lieu de la négociation entre les opérateurs.
III-2. Obligation de non-discrimination
L'article L. 38 (2°) du CPCE et l'article 10 de la directive « Accès » prévoient la possibilité d'imposer une obligation de non-discrimination.
Les obligations de non-discrimination font notamment en sorte que les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres entreprises fournissant des services équivalents, et qu'ils fournissent aux autres des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires.
Comme le précise le considérant 17 de la directive « Accès », l'application d'une obligation de non-discrimination permet de garantir que les entreprises puissantes sur un marché de gros ne faussent pas la concurrence sur un marché de détail, notamment lorsqu'il s'agit d'entreprises intégrées verticalement qui fournissent des services à des entreprises avec lesquelles elles sont en concurrence sur des marchés en aval.
La grande technicité des prestations d'interconnexion ou d'accès rend aisée pour un opérateur puissant l'offre de conditions techniques et tarifaires différentes pour ses différents clients, ses partenaires et ses propres services.
Des conditions techniques et tarifaires discriminatoires sur le marché de gros seraient préjudiciables à la concurrence sur les marchés de détail aval des communications fixe vers mobile et des communications mobile vers mobile. Il est donc justifié et proportionné d'introduire une obligation de non-discrimination, d'une part entre clients, et d'autre part entre clients et services internes, notamment au regard de l'objectif visant à garantir « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques » et « l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ».
Ainsi, un opérateur puissant n'est pas autorisé à pratiquer des conditions différenciées quand la prestation d'interconnexion fournie est la même (1).
L'allocation des coûts communs entre services de détail et de gros de l'opérateur doit être non discriminatoire, comme indiqué dans la partie IV-1.