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Article (Décision n° 2006-0592 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 26 septembre 2006 portant sur la définition des marchés pertinents des services de capacité, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article (Décision n° 2006-0592 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 26 septembre 2006 portant sur la définition des marchés pertinents des services de capacité, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)



II-1.5. Séparation entre segment terminal et circuit interurbain


La recommandation indique : « les éléments constitutifs des segments terminaux dépendront de la topologie du réseau propre à chaque Etat membre et seront désignés par l'ARN compétente ».
C'est l'architecture technique des offres de capacités de France Télécom qui sert de référence sur le marché français.
Elle conduit aux points de séparation suivants entre les deux marchés :
- pour les liaisons louées ETSI : le premier brasseur de liaisons louées ; celui-ci joue un rôle actif pour les liaisons louées jusqu'à 2 Mbit/s (brassage des IT) mais n'est qu'un point d'interconnexion pour les liaisons louées de débits supérieurs (34 et 155 Mbit/s principalement) ;
- pour les services de capacité avec interfaces alternatives : le premier brasseur ATM (ou équivalent).
Les « premiers brasseurs » de France Télécom représentent aujourd'hui de l'ordre de 250 points.
En fonction de l'évolution de la structure des réseaux, l'Autorité pourra être amenée à revoir le point de séparation entre segment terminal et circuit interurbain.


II-1.6. Distinction entre marchés de détail et marchés de gros


A la différence de la téléphonie où il existe une différence de nature entre les prestations de détail (un appel téléphonique de bout en bout) et les prestations de gros (un tronçon d'appel), pour les liaisons louées, la plupart des produits vendus aux utilisateurs finals sont aussi vendus à des opérateurs. Ainsi, les liaisons louées 2 Mbit/s sont utilisées massivement par les opérateurs mobiles entre les BTS et les BSC. De même, les offres conçues pour être vendues à des opérateurs sont parfois achetées par des entreprises qui ne sont pas fournisseurs de services de communications électroniques.
Néanmoins, si les opérateurs achètent beaucoup de produits de détail, c'est en grande partie parce qu'aujourd'hui il n'existe pas toujours des produits de gros adaptés.
La différence de la nature de la demande est telle qu'il paraît pertinent de distinguer d'une part le marché des produits vendus à des utilisateurs finals, et d'autre part le marché des produits vendus à des opérateurs.


II-2. MARCHÉ DE DÉTAIL
II-2.1. Délimitation en termes de produits et services


La délimitation en termes de services se fait en partant de l'ensemble minimal de liaisons louées et en examinant la substituabilité du côté de la demande et de l'offre de ce segment de marché avec les segments de services les plus « proches ». Si cette substituabilité est forte, ils sont inclus dans le marché pertinent avec l'ensemble minimal. Sinon, ils en sont exclus. Et ainsi de suite avec tous les services raisonnablement susceptibles de se substituer aux capacités de l'ensemble minimal.
La demande en services de capacités sur le marché de détail provient des besoins des entreprises et administrations ayant au moins deux sites et échangeant entre leurs sites des quantités importantes de services de communications électroniques (principalement de voix et de données).
Ces besoins se convertissent en consommation lorsque trois conditions sont réunies :
- avoir un intérêt économique à acheter un service de capacité plutôt qu'un service à la durée dès que l'on dépasse un certain volume d'échanges : l'achat de liaisons louées pour l'échange de la voix permet de « forfaitiser » la dépense plutôt que de payer à la durée ;
- souhaiter contrôler ou séparer la gestion d'une partie du service (notamment la partie « routage ») : l'achat d'un service de capacités plutôt que de services de transmission de données plus packagés comme les RPV IP qui peuvent rendre les mêmes services peut s'expliquer par la volonté de conserver le contrôle d'une partie du service ;
- acheter sur le marché plutôt que de déployer ses propres infrastructures : certaines des plus grandes entreprises françaises (les entreprises de transport comme la SNCF, les autoroutes, EDF) ont déployé des réseaux propres à une époque où elles trouvaient les tarifs des liaisons louées trop élevés ou parce que les réponses techniques sur le marché ne les satisfaisaient pas. L'ouverture à la concurrence et la diversification des services qu'elle a entraînée renforcent la tendance des entreprises, même les plus importantes, à externaliser leurs besoins de communications entre sites, au moins jusqu'à la couche de transport.


II-2.1.1. Inclusion de l'ensemble minimal et des autres liaisons louées
jusqu'à 2 Mbit/s dans le même marché
II-2.1.1.1. Du côté de la demande


Il y a une chaîne de substituabilité continue et forte allant des liaisons louées analogiques aux liaisons louées numériques de 2 Mbit/s, c'est-à-dire entre les liaisons louées de l'ensemble minimal et les autres liaisons louées de moins de 2 Mbit/s.

Entre les liaisons louées analogiques, numériques très bas débit et les liaisons louées numériques 64 kbit/s, il y a une substituabilité de la demande, attestée par la réalité du marché : les acheteurs remplacent leurs liaisons louées analogiques ou numériques très bas débit par des liaisons louées 64 kbit/s à mesure qu'ils passent à des applications internes plus récentes et plus consommatrices en débits et que le différentiel de prix se réduit entre ces catégories de liaisons.
La substituabilité des liaisons louées numériques de 64 kbit/s à 2 Mbit/s du côté de la demande est également attestée par la réalité du marché (montée en débits progressive des acheteurs de 64 kbit/s vers les 2 Mbit/s). Elle s'explique par les caractéristiques techniques identiques en termes d'interfaces, de qualité de service, de disponibilité géographique et d'applications (voix, données, vidéo) entre ces liaisons qui favorisent le passage au niveau supérieur dès que les besoins en débit de l'entreprise augmentent (avec la croissance de l'activité ou des évolutions dans les applications internes) ou que les prix se rapprochent.


Tableau 1 : Mesure de l'écart des tarifs entre liaisons louées
(contrat de 3 ans pour une distance de 15 km, tarifs 2004)


France Télécom indique dans sa réponse à la première consultation publique ne pas avoir pu reconstituer cette analyse comparative « ni sur la base des tarifs 2002 ou 2003, ni sur la base des tarifs 2004 ». En effet, par soucis de concision, le document soumis à la consultation ne précisait pas les hypothèses prises (distance de la liaison de 15 km, contrat de 36 mois permettant une remise de 10 %). En tout état de cause, les tarifs de ces liaisons n'ont pas évolué entre 2002 et 2004.
La comparaison des écarts de tarifs des liaisons louées de l'opérateur historique donne des éléments pour analyser l'effet d'un test du monopoleur hypothétique en cas de hausse durable de tarifs de 5-10 % :
- une substituabilité forte entre liaisons louées analogiques et numériques très bas débit et liaisons louées 64 kbit/s ;
- une substituabilité forte entre liaisons louées 64 kbit/s et 128 kbit/s ;
- une rupture tarifaire relative entre les 128 kbit/s et les 256 kbit/s ;
- une substituabilité forte et continue entre débits compris entre 256 kbit/s et 2 Mbit/s structurées et non structurées.
La rupture tarifaire entre 128 kbit/s et 256 kbit/s ne semble pas freiner l'actuelle substitution constatée entre liaisons louées inférieures à 128 kbit/s et liaisons louées de plus de 256 kbit/s sur le marché, compte tenu de la croissance de la demande en débits plus élevés.


II-2.1.1.2. Du côté de l'offre


Jusqu'à 2 Mbit/s, la chaîne de substituabilité par l'offre ne présente pas de discontinuité forte : le réseau d'accès est le même (boucle locale de cuivre) ; le coeur de réseau logique utilisé est le même pour fournir les services (par exemple, le réseau RTNM des liaisons louées pour l'opérateur historique) ; enfin, des coûts de changements dans les équipements d'extrémités côté client (ETCD) et côté opérateur (ADM et PAM) sur un même site représentent une part limitée du coût total (19), comme le montrent les éléments de coûts du modèle d'interconnexion de liaisons louées bottom-up de l'Autorité :


Tableau 2 : Modèle bottom-up réalisé par TERA pour l'ARCEP (2002)


Les différences de coûts selon les technologies de production des liaisons louées pour passer d'une liaison louée donnée à la liaison louée de débit immédiatement supérieure sont généralement réduites : coûts de remplacement d'équipements terminaux qui restent peu différents et surcoût de brassage dû à un débit supérieur (occupation des ports de sortie du brasseur). La seule différence de coût sensible existante se fait lors du passage d'une liaison louée de 128 kbit/s à une liaison louée de 256 kbit/s du fait de l'utilisation systématique d'une seconde paire de cuivre à partir de ce débit. Cependant, cette différence de coût n'est pas suffisamment importante pour provoquer une véritable rupture dans la chaîne de substituabilité par l'offre pour qui a déjà effectué les investissements en génie civil.