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Article (LOI no 96-589 du 2 juillet 1996 relative à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002 (1))

Article (LOI no 96-589 du 2 juillet 1996 relative à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002 (1))



A N N E X E

RAPPORT ANNEXE


Introduction


Le Président de la République a décidé d'engager une réforme majeure de nos moyens de défense, comparable par son ampleur à celle du début des années soixante, qui, sous l'impulsion du général de Gaulle, fut à l'origine d'une modernisation de nos armées et de la réalisation des forces nucléaires françaises.
C'est un outil de défense rénové, adapté à l'environnement transformé décrit dans le Livre blanc sur la défense de 1994 et anticipant les évolutions du début du siècle prochain, qui a fait l'objet d'une planification à l'horizon 2015.
Une telle réforme requiert une approche globale, harmonisant doctrine,
effectifs, équipements et politique industrielle. Il n'est pas un secteur de la défense qui ne soit concerné par cette mutation.
La planification et la programmation militaire pour les six prochaines années consacrent le passage progressif à une armée professionnelle. Cette orientation, qui implique la disparition du service militaire dans sa forme actuelle, entraîne des conséquences importantes sur le format des forces armées, leur réorganisation et la restructuration de notre défense. Elle pose la question de l'avenir du service national.
Le modèle d'armée professionnelle décrit dans le présent rapport prévoit qu'au terme de la période de transition, seuls les jeunes Français volontaires effectueront un service dans les forces armées.
La redéfinition de nos moyens de défense s'inscrit dans un contexte de maîtrise des finances publiques, avec le souci non seulement de limiter à un niveau raisonnable les crédits consacrés par l'Etat à sa défense, mais aussi d'édifier une défense plus efficace et moins coûteuse. Une enveloppe de ressources annuelle de 185 milliards de francs, en francs constants 1995, a été retenue. Elle permet sans conteste de maintenir la France parmi les premières nations d'Europe dans le domaine de la défense.
La loi de programmation repose sur un double objectif : la réussite de la professionnalisation et de la réorganisation des forces armées ; la poursuite de la modernisation des forces. Elle accorde une attention particulière au personnel et aux conséquences des restructurations militaires et industrielles qui devront être mises en oeuvre. Une politique d'accompagnement économique et social est définie à cette fin.
Le dispositif législatif nécessaire à la conduite d'ensemble de la réforme comportera donc, outre la présente loi de programmation, une loi sur le service national, une loi portant organisation générale de la réserve ainsi qu'une loi fixant les mesures propres à faciliter l'exécution de la présente loi de programmation en matière de personnel.

1. Vers un nouveau modèle d'armée

1.1. Un environnement stratégique transformé

et toujours dangereux


L'effondrement de l'Union soviétique et la dissolution du pacte de Varsovie ont mis fin à la division de l'Europe en deux blocs rivaux et à la menace militaire massive qui existait à nos frontières et à celles de nos alliés. Il subsiste cependant à l'Est de l'Europe, et pour de longues années encore, des arsenaux militaires surdimensionnés, dont le contrôle demeure une source de préoccupation.
En Europe, il n'existe plus de source de conflit majeur, mais la paix demeure fragile. L'apparition de tensions, liées à des désaccords frontaliers, au statut de certaines minorités ou à des rivalités inter-ethniques ne peut être ignorée. Ces tensions peuvent donner naissance à des conflits armés susceptibles de s'étendre s'ils ne sont pas maîtrisés à temps.
Au-delà des frontières de l'Europe, les ambitions de certaines puissances régionales ou la prolifération d'armes de destruction massive peuvent représenter des risques réels pour la paix dans le monde et la sécurité de notre pays, en dépit des progrès dans l'élaboration d'instruments de prévention internationale (conventions sur l'interdiction des armes chimiques et bactériologiques, projet de traité sur l'interdiction complète des essais nucléaires).
Cette situation est particulièrement dangereuse dans les zones, comme au Moyen-Orient ou en Asie, dépourvues d'organisations ou de traités multilatéraux instaurant une coopération active dans le domaine de la sécurité et du règlement pacifique des différends.
Par ailleurs, notre politique de défense doit également prendre en compte un certain nombre de menaces ne s'exerçant pas dans le cadre des rapports interétatiques traditionnels, qu'il s'agisse de l'activité de mouvements nationalistes et terroristes, des progrès du crime organisé, des trafics d'armes et de drogue.
Si nos frontières sont aujourd'hui en paix, le monde qui nous entoure ne l'est pas. Une attitude vigilante s'impose donc. La France doit maintenir sa garde et conserver les moyens de sa défense et de sa sécurité.

1.2. Cadre politique et grands choix internationaux

1.2.1. Les objectifs


Dans le nouvel équilibre résultant des changements de l'environnement international, le premier objectif de notre défense est de protéger :
- nos intérêts vitaux, en toutes circonstances, quelle que soit l'origine ou la nature des menaces ; l'intégrité du territoire national et de ses approches aériennes et maritimes, le libre exercice de notre souveraineté et la protection de la population en constituent le coeur ;
- nos intérêts stratégiques, qui résident prioritairement dans le maintien de la paix sur le continent européen et les zones qui le bordent, notamment la Méditerranée, ainsi que dans la préservation des espaces essentiels à notre activité économique et à la liberté de nos échanges ;
- enfin, nos intérêts de puissance consciente de ses responsabilités dans le monde, membre permanent du Conseil de sécurité et dotée de l'arme nucléaire. Depuis le début de la Ve République, la politique de défense de la France allie préservation de l'autonomie stratégique et respect des solidarités. Le défi à venir sera de lui donner sa dimension européenne.

1.2.2. Le renforcement des solidarités

européenne et atlantique


Aujourd'hui moins que jamais, la défense de la France ne doit être conçue comme un repli sur soi : elle s'inscrit dans une perspective européenne et internationale.
La politique de défense servira la construction d'une défense européenne crédible, à la fois bras armé de l'Union européenne et moyen de renforcer le pilier européen de l'Alliance. En Europe, la France, membre de l'Union européenne, de l'Alliance atlantique et de l'U.E.O., est en effet au coeur de ce réseau de solidarités qui tendent à faire de notre continent un espace stratégique commun.
La solidarité européenne tient d'abord, pour la France, à sa relation privilégiée avec l'Allemagne. La relation franco-allemande en matière de défense et de sécurité, fondée sur le traité de l'Elysée du 22 janvier 1963 et le protocole de 1988, est une priorité ancienne et solidement établie de notre politique. Depuis lors, cette coopération n'a cessé de s'approfondir,
tant dans le domaine militaire, avec le Corps européen dont les deux pays sont à l'origine, que dans le domaine de l'armement, où l'Allemagne est notre premier partenaire, avec la structure commune de coopération récemment mise en place.
Un partenariat privilégié nous lie également au Royaume-Uni, notamment dans le domaine nucléaire. La coopération entre les deux puissances nucléaires européennes de l'Alliance atlantique permet un renforcement mutuel de la dissuasion et consolide la contribution européenne à la dissuasion globale.
Dans le domaine des forces classiques, la coopération entre les armées n'a cessé de se développer. Elle s'est manifestée dans le domaine aérien par la création du Groupe aérien européen (G.A.E).
La coopération européenne repose aussi sur un réseau de coopérations multilatérales qui associent, en particulier, les pays de la Méditerranée,
aussi bien dans les domaines opérationnels qu'industriels.
Les progrès de la construction européenne ont renforcé les liens politiques, économiques et sociaux entre les Etats intéressés, à un point tel que leurs intérêts de sécurité sont devenus difficiles à distinguer. La France souhaite donc la mise en place, sous l'autorité du Conseil européen, d'une politique commune de sécurité et de défense ambitieuse. Dans le même esprit, elle souhaite constituer avec ses partenaires européens une base industrielle et technologique commune, composante à part entière de l'identité européenne en matière de défense.
Notre vision de l'Alliance atlantique elle-même est européenne. Fondée sur une solidarité entre tous les alliés et, singulièrement, sur l'engagement des Etats-Unis, l'Alliance demeure, pour la France comme pour ses partenaires,
une garantie indispensable pour l'équilibre et la sécurité en Europe. Le développement des capacités politiques et militaires des Européens et le renforcement du pilier européen de l'O.T.A.N. sont les deux volets indissociables d'une même politique.
La France entend participer pleinement à la réforme de l'Alliance ; son engagement futur dans l'Alliance rénovée dépendra des adaptations qui seront décidées et du degré de responsabilité que les Européens pourront effectivement y exercer dans le cadre d'un nouveau partenariat transatlantique. Les Européens devront pouvoir mener, y compris avec les moyens de l'Alliance, une opération militaire sous leur responsabilité.

1.2.3. Les responsabilités internationales de la France


Membre permanent du Conseil de sécurité de l'O.N.U. et puissance nucléaire, la France a enfin des responsabilités à assumer dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale, ainsi que des engagements de solidarité à respecter en Afrique et au Moyen-Orient.
Depuis la fin de la « guerre froide », elle a sensiblement accru sa contribution aux opérations de maintien de la paix et les forces armées ont été fortement sollicitées à ce titre.

1.2.4. Les cadres d'engagement


La conjonction de ces intérêts, de ces solidarités et de ces responsabilités définit les cadres d'engagement possible de nos forces.
Il convient, en premier lieu, de prévoir la participation des armées à la protection et à la sécurité du territoire national et de ses approches,
notamment dans l'hypothèse d'une entreprise de déstabilisation ou d'une vaste campagne de terrorisme.
Il nous faut également pouvoir agir sur une base nationale ou,
éventuellement, multinationale, pour la défense d'intérêts nationaux menacés, ou au titre de la mise en oeuvre des accords de défense conclus avec des pays amis, en Afrique ou au Moyen-Orient.
En troisième lieu, l'action dans le cadre de l'Alliance atlantique ou de l'Union de l'Europe occidentale doit être désormais conçue moins dans l'éventualité d'une menace du type de celle qu'a longtemps exercée l'U.R.S.S. qu'en cas de conflit régional mettant en jeu nos obligations au titre des traités.
Enfin, nous devons être capables d'agir sur mandat de l'Organisation des Nations unies pour contribuer à des opérations de maintien ou de rétablissement de la paix. Celles-ci pourront se dérouler au sein d'une coalition appropriée, ou dans le cadre de l'U.E.O. ou dans celui de l'O.T.A.N.

1.3. Les grandes fonctions opérationnelles


Les missions des forces armées définies par le Président de la République demeurent, en premier lieu, de garantir la protection des intérêts vitaux de la France et la sécurité du territoire et des populations, d'assurer le respect de ses engagements internationaux et de lui permettre d'assumer les responsabilités particulières qui sont les siennes sur le plan international. L'incertitude et la diversité des menaces et des risques imposent de concevoir des moyens de défense souples et une stratégie capable de s'adapter en permanence à la variété des situations et des rapports de force internationaux.
Le scénario principal de notre défense, qui avait conduit à codifier une relation étroite et continue entre service national et rôle de l'appelé,
entre forces classiques et capacités de dissuasion nucléaire, ne peut plus être prédominant. Les crises et conflits, actuels et futurs, en Europe et hors d'Europe, appellent des traitements différenciés qui verront se combiner les divers instruments de notre politique de défense.
A cette fin, le poids respectif et l'articulation des quatre grandes fonctions opérationnelles (dissuasion, prévention, projection, protection) varieront selon les situations. Il serait périlleux de les figer dans une configuration unique et un modèle stratégique invariable.

1.3.1. La dissuasion


La dissuasion reste l'élément fondamental de la stratégie de défense de la France. Elle demeure la garantie contre toute menace sur nos intérêts vitaux, quelles qu'en soient l'origine et la forme. Elle reste nécessaire dans un monde où la vigilance continue de s'imposer. Elle doit prendre en compte la perspective européenne et le renforcement des solidarités.
Simultanément, notre politique de dissuasion doit tirer parti du répit qu'offre la situation actuelle pour redéfinir les moyens et la posture de nos forces. En effet, la France n'est plus menacée, dans sa survie même, par la présence, à proximité immédiate de nos frontières, de forces nucléaires,
aéroterrestres et chimiques considérables.
Mais la présence, pendant de longues années encore, de milliers d'armes nucléaires dans les arsenaux hérités de la guerre froide, l'apparition d'autres types de dangers susceptibles de mettre en cause nos intérêts vitaux, notamment le développement sur d'autres continents d'armes de destruction massive, font que la dissuasion nucléaire garde toute son impérieuse nécessité. Elle doit pouvoir s'adapter avec souplesse à l'incertitude qui entoure la nature des menaces et des risques futurs.
Dissuasive, la stratégie nucléaire de la France demeure exclusivement défensive. Elle contribue à la sécurité et à l'équilibre en Europe et dans le monde. Elle ne saurait être un instrument de coercition, encore moins un outil de bataille susceptible d'être employé en vue d'un gain militaire.
Cette stratégie doit prendre en compte la solidarité européenne. Aussi,
l'imbrication croissante des intérêts vitaux des nations européennes et le caractère commun de bien des menaces qui les visent ont-ils conduit la France à avancer l'idée d'une dissuasion « concertée », dans le cadre d'une approche d'ensemble de la sécurité européenne et atlantique.
Il ne s'agit pas d'étendre de manière unilatérale une garantie nucléaire française, ni d'imposer à nos partenaires un contrat. La France propose une démarche pragmatique et progressive, fondée sur l'idée que la concertation renforce la dissuasion.
Avec nos partenaires britanniques, une concertation et une coopération sont engagées. Avec l'Allemagne, un dialogue approfondi sera entrepris, dans le respect des spécificités de chacun. Avec les autres pays européens, la mise en oeuvre, à terme, d'une défense commune telle que prévue par le traité sur l'Union européenne appelle une concertation. Cette approche implique également un dialogue avec les Etats-Unis et au sein de l'Alliance.
Sur le plan des moyens, notre politique de dissuasion doit tenir compte à la fois de la permanence de certains risques et des évolutions favorables de l'environnement international. La structure de nos forces et leur niveau seront donc revus durant la période couverte par la loi de programmation,
dans le strict respect des principes de suffisance et de crédibilité.
Notre dissuasion entre ainsi dans une ère nouvelle.
Elle repose désormais sur deux composantes qui seront modernisées, l'une balistique, emportée par les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération, l'autre aérobie, emportée par des aéronefs. Ces moyens offriront la souplesse et la diversité qui permettront à la dissuasion française de rester pertinente et crédible en toutes circonstances. Les composantes sol-sol de notre arsenal actuel seront démantelées et le format de la Force océanique stratégique (FOST) sera ramené à au moins quatre S.N.L.E., entraînant une réduction significative du nombre des armes nucléaires déployées par la France.
L'effort consacré au programme Palen permettra, grâce à l'ultime campagne d'essais qui vient de s'achever, de garantir, dans l'avenir, la sûreté et la fiabilité de nos armes nucléaires. Les installations des sites d'expérimentation nucléaire du Pacifique seront démantelées. L'usine haute de Pierrelatte et l'usine de Marcoule seront fermées.
La part du budget du ministère de la défense consacrée aux forces nucléaires s'établira, en fin de période, à un niveau inférieur à 20 p. 100 du titre V (contre 31,4 p. 100 en 1990), au sein d'un budget d'équipement lui-même en diminution.

1.3.2. La prévention


La contribution à la stabilité et à la paix est la meilleure garantie contre la réapparition de grandes menaces, le développement de situations de crise ou de conflits susceptibles de mettre en cause notre sécurité ou nos intérêts et ceux de nos partenaires de l'Union européenne et de l'Alliance atlantique. Pleinement impliquée dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale par ses choix politiques, la France accorde donc une priorité à la mise en oeuvre d'une stratégie de prévention.
La prévention doit aussi, par le renseignement, nous mettre à l'abri des surprises stratégiques, faciliter l'adaptation permanente des moyens et de l'organisation de notre défense, orienter la préparation du futur. Elle doit enfin permettre la résolution des crises au plus bas niveau d'engagement de forces.
L'efficacité de la prévention repose sur les moyens de renseignement, une présence permanente à l'extérieur de nos frontières et les dispositifs de coopération avec les pays alliés ou amis.
La détention d'une capacité propre d'anticipation et de compréhension des situations constitue, dans ce cadre, l'une des clés de l'autonomie stratégique.
C'est pourquoi un effort particulier sera réalisé au bénéfice des moyens humains et techniques dont doivent disposer les grandes directions du renseignement, en particulier en matière d'observation d'origine spatiale.
Le maintien d'un dispositif de forces prépositionnées, notamment en Afrique, permettra, dans les régions concernées, l'analyse permanente des situations, la réaction immédiate, l'accueil éventuel des renforts et l'exercice de la solidarité avec le pays hôte ou dans son environnement.
La prévention appelle la réalisation et l'exploitation en commun de moyens de renseignement. Elle implique un rapprochement des capacités d'analyse des situations, dont la coopération engagée par les pays participant aux programmes des satellites Hélios et Horus sera le catalyseur.

1.3.3. La projection


La crédibilité d'une stratégie de prévention ne peut être assurée que si elle est susceptible d'être prolongée par une capacité d'engagement militaire destinée à contrer une menace dans le cadre de nos alliances, à répondre à l'appel d'organisations internationales de sécurité, notamment les Nations unies, et à délivrer un signal politique fort, là où nos intérêts ou ceux de nos partenaires seraient directement mis en cause.
Les menaces militaires à prendre en compte sont désormais plus éloignées de nos frontières, la localisation des zones de conflits potentiels, aussi bien en Europe qu'à l'extérieur du continent européen, implique une capacité d'action à distance qui dépasse le champ, très limité, assigné au principal de nos forces dans le passé.
C'est pourquoi notre défense et la mise en jeu de nos obligations internationales se joueront souvent sur des théâtres situés à distance du territoire national. Notre capacité de projection sera donc conçue pour être au service de la défense nationale et européenne.
Priorité assignée à nos forces classiques, la constitution de cette capacité de projection obéira aux principes suivants :
- la disponibilité requise pour les forces, la maîtrise de procédures et d'équipements complexes, l'engagement dans un cadre qui sera souvent d'emblée multinational, conduisent à compléter la professionnalisation de nos armées ; - la diversité des types d'engagement possibles, leur caractère interarmées et généralement international impliquent que l'on constitue les armées autour d'éléments organiques permettant une articulation souple du commandement et des forces, dont la nature et le volume soient, en toute occasion, adaptables au besoin ;
- la capacité de la France à peser, à la mesure de sa contribution politique et militaire, dans la conception et la conduite d'opérations auxquelles elle aurait décidé de participer, suppose de disposer de moyens de commandement et de communications projetables, interarmées, interopérables avec nos alliés ; à terme, il s'agit de pouvoir mettre en oeuvre une force nationale ou participer au commandement d'une force multinationale avec nos partenaires européens, engageant des moyens terrestres du niveau d'un corps d'armée, un groupe aéronaval et des forces aériennes, avec leurs moyens de contrôle de l'espace aérien ;
- s'il n'est pas à notre portée d'acheminer dans des délais très courts, en tout lieu et en tout temps, l'ensemble des forces projetables, il est indispensable de disposer d'une capacité autonome de projection initiale,
terrestre, aérienne et maritime, pour mettre en place les premiers éléments ou les renforts. Pour la suite des opérations, il sera fait appel, comme aujourd'hui, à des moyens civils, des moyens alliés, ou, ultérieurement, à un « pool » européen.
En termes de capacités, la loi de programmation doit permettre de progresser vers les objectifs retenus par la planification 2015, c'est-à-dire permettre aux forces armées de déployer à distance, avec leur support et leur logistique associés, sous commandement interarmées, les moyens suivants :
- pour l'armée de terre, soit plus de 50 000 hommes pour prendre part à un engagement majeur dans le cadre de l'Alliance, soit 30 000 hommes sur un théâtre, pour une durée d'un an, avec des relèves très partielles (ce qui correspond à un total de 35 000 hommes), tandis que 5 000 hommes relevables sont engagés sur un autre théâtre (ce qui correspond à 15 000 hommes environ) ;
- pour la marine, un groupe aéronaval et son accompagnement, ainsi que des sous-marins nucléaires d'attaque, à plusieurs milliers de kilomètres ;
- pour l'armée de l'air, avec une capacité de transport maintenue au niveau actuel, une centaine d'avions de combat et de ravitailleurs en vols associés, ainsi que les moyens de détection et de contrôle aérien, et les bases aériennes nécessaires ;
- pour la gendarmerie, des éléments spécialisés et d'accompagnement des forces.
Enfin, les forces capables de missions de projection pourront être requises, si le besoin s'en fait sentir, pour la protection du territoire national.
Leur plus grande mobilité, leur souplesse d'articulation permettront de répartir ou de concentrer les efforts sur le territoire pour des missions de sécurité ou de service public.

1.3.4. La protection


Mission essentielle des forces armées, la protection du territoire est une exigence permanente. La défense du territoire national doit en effet pouvoir être assurée en toutes circonstances.
En l'absence de menace extérieure majeure et directe sur nos frontières,
c'est aujourd'hui une mission de sécurité intérieure plutôt qu'une mission de défense proprement militaire. De ce fait, les forces de gendarmerie, à la différence des autres forces armées, verront leurs effectifs s'accroître.
Il s'agit d'être capable en permanence de prévenir ou de réprimer l'exercice d'un chantage, de représailles ou d'agressions limitées contre le territoire ou les populations, notamment en cas de risques résultant de crises internationales dans lesquelles la France serait directement ou indirectement impliquée.
Dans un contexte d'intensification des échanges internationaux, il faut également pouvoir répondre à la diversification des menaces. Qu'il s'agisse de la lutte contre le terrorisme, contre le trafic de drogue ou la grande criminalité, pour ne parler que des menaces les plus apparentes, le concours des formations et des moyens militaires de toute nature peut s'avérer indispensable en cas de crise ou d'événement grave, à tout moment et en tout lieu.
De même, dans le cadre de leurs missions de service public, les armées continueront d'apporter leur concours aux populations, en cas de catastrophe naturelle ou pour parer aux conséquences d'accidents technologiques.
Elles pourront donc être mises à la disposition de l'autorité civile, dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui. Leur mobilité accrue permettra de satisfaire à ces demandes. La meilleure articulation possible sera recherchée entre les autorités civiles et le commandement territorial militaire, en matière de découpage territorial administratif et militaire, pour faciliter les liaisons et le commandement opérationnel.
La sûreté et la défense aérienne du territoire seront assurées par l'aviation de combat. Elles s'appuieront sur la chaîne permanente de détection et de contrôle, reliée à celle de nos alliés, qui sera modernisée. La surveillance des approches maritimes relèvera, comme par le passé, des bâtiments et aéronefs de la marine.
Enfin, conséquence directe de la liberté de circulation des personnes et des biens dans l'Union européenne, la protection du territoire s'inscrira de plus en plus dans le cadre d'une coopération renforcée avec nos voisins et alliés. La protection doit, elle aussi, se concevoir à une échelle européenne.

1.4. Les conséquences

1.4.1. La professionnalisation


La professionnalisation des forces armées résulte d'un triple constat portant sur la nature des risques à affronter, le cadre d'engagement des forces et l'évolution des systèmes d'armes.
La nature des crises auxquelles nous risquons d'être désormais confrontés nécessitera la projection, dans des délais très brefs, de forces réduites en nombre, mais immédiatement disponibles et opérationnelles, pour mener des actions limitées le plus souvent dans le temps et dans l'espace et remplir des missions extrêmement variées.
Simultanément, l'imbrication toujours plus grande de nos intérêts de sécurité avec ceux de nos alliés et de nos voisins, la recherche permanente d'un ordre international plus stable nous conduiront à intervenir dans des cadres d'action très différents, exigeant de nos forces une très grande faculté d'adaptation, une expérience et un savoir-faire que seule la professionnalisation sera en mesure de leur apporter.
Enfin, la mise en oeuvre et l'entretien de systèmes d'armes de plus en plus sophistiqués dans un environnement complexe requièrent une formation longue, coûteuse et soigneusement entretenue des servants, des opérateurs et des techniciens.
C'est pourquoi, en réponse à l'évolution des besoins militaires, il a été décidé de conduire jusqu'à son terme la professionnalisation de nos forces.

1.4.2. La coopération internationale


Dans la très grande majorité des cas, l'engagement de nos armées s'effectuera dans un contexte multinational.
L'échange de renseignements, la mise en commun de moyens d'analyse et la recherche de l'interopérabilité des commandements et des forces sont autant de domaines à développer en priorité. La réforme entreprise donnera à nos forces la souplesse d'emploi nécessaire pour répondre aux besoins de plus en plus diversifiés de ces coopérations.
Les coopérations européennes constitueront le champ privilégié de cette politique.
La capacité opérationnelle et la disponibilité du Corps européen, de l'Eurofor et de l'Euromarfor seront accrues par la professionnalisation de nos forces. Le stationnement de nos troupes en Allemagne sera profondément modifié, à la suite de la restructuration de l'armée de terre. Mais la Brigade franco-allemande sera confirmée dans ses missions et son stationnement actuels. Enfin, la coordination des activités opérationnelles des armées de l'air française et britannique sera poursuivie au sein du Groupe aérien européen.
La diminution des formats des forces armées, aussi bien en France que chez nos partenaires, autant que l'amélioration des capacités opérationnelles de l'U.E.O. et le renforcement de l'identité européenne au sein de l'O.T.A.N.
conduiront à intensifier ces coopérations. Les projets en cours d'étude doivent se concrétiser, en particulier dans les domaines du transport aérien et maritime, de la formation, ainsi que de la logistique opérationnelle.
Au cours des années à venir, la part des programmes d'équipement réalisés en coopération croîtra sensiblement. Les objectifs de maîtrise des coûts,
d'harmonisation des besoins et d'interopérabilité des forces rendent plus que jamais indispensable une coopération ambitieuse entre pays européens pour le lancement et la conduite de ces programmes.

1.4.3. Le modèle 2015


Le modèle 2015, qui résulte des travaux de planification conduits par le ministère de la défense, a été établi au vu de l'ensemble des analyses qui précèdent (cf. tableaux ci-après).
Approuvé par le Président de la République en conseil de défense, il correspond à une armée professionnelle, plus ramassée, mieux équipée, mieux adaptée aux actions hors du territoire national. Ses capacités ont été définies de façon à permettre, simultanément, le développement d'un dispositif permanent de prévention, une présence visible et significative dans une action internationale et d'abord alliée, ainsi que des opérations de moindre envergure sous commandement national, tout en préservant la protection du territoire et de ses approches.
Les moyens nucléaires seront maintenus en permanence au niveau de suffisance adapté au nouvel environnement. Le renouvellement des composantes balistiques (M 51) et aérobie (ASMP amélioré), au début du siècle prochain, offrira la garantie et la souplesse nécessaires ; la fiabilité et la crédibilité de ces forces sont assurées sur le long terme.
La réduction des effectifs des armées s'accompagnera d'une modernisation destinée à conférer progressivement aux fonctions de prévention et de projection la dimension souhaitée.
C'est ainsi que sont engagées simultanément, durant la période de planification, les principales réalisations suivantes : satellites Hélios II, Horus et Syracuse III, ensemble Leclerc/Tigre, avion Rafale polyvalent pour l'armée de l'air et la marine, hélicoptère NH 90, frégates antiaériennes Horizon, sous-marins nucléaires d'attaque de nouvelle génération, armements intelligents (antichars longue portée de troisième génération, amélioration du lance-roquettes multiples, Mica, armement guidé laser), missiles de croisière de la famille Apache, dont le Scalp d'emploi général. Ces systèmes d'armes constituent la clé de la supériorité technologique pour la défense du pays et celle de l'Europe.
L'accent sera également mis sur les capacités interarmées, renseignement,
commandement (poste de commandement interarmées de théâtre [PCIAT]) et communications. Il s'agit d'abord de conférer à notre pays l'autonomie stratégique nécessaire. Il faut, d'autre part, doter nos forces, lorsqu'elles seront engagées au sein de grands ensembles multinationaux, des moyens leur permettant de contribuer à la conduite et au commandement d'une opération, à un niveau correspondant à notre engagement politique et militaire.
La souplesse dans la nouvelle organisation des forces armées permettra la constitution de modules de différentes tailles, autorisant les combinaisons nécessaires pour répondre à la variété des situations et des cadres d'action possibles.
A l'horizon 2015, l'armée de terre, beaucoup plus compacte, avec des effectifs réduits de l'ordre de 36 p. 100 sera réorganisée autour de quatre forces : une force blindée, une force mécanisée, une force d'intervention blindée rapide et une force d'infanterie d'assaut. Elle pourra ainsi mettre en oeuvre une capacité blindée équilibrée entre moyens lourds et légers ainsi que des appuis satisfaisants, avec une composante aéromobile qu'il conviendra cependant d'améliorer à terme.
La marine, dont les effectifs auront connu une diminution de l'ordre de 19 p. 100, sera articulée esentiellement autour d'une Force océanique stratégique, d'un groupe aéronaval doté de ses moyens d'accompagnement, ainsi que d'une force de sous-marins nucléaires d'attaque. Le groupe aéronaval sera composé de 2 porte-avions (1), dont le Charles-de-Gaulle, et sera équipé de 3 avions de guet embarqué Hawkeye ainsi que de 60 Rafale.
(1) Sous réserve que les conditions économiques le permettent.

L'armée de l'air, dont les effectifs diminueront d'environ 24 p. 100,
alignera à terme 300 avions modernes de type Rafale, aptes à toutes les missions classiques et nucléaires, avec une composante de commandement et de contrôle modernisée et mobile. Elle offrira par ailleurs une capacité de transport identique à celle d'aujourd'hui.
La gendarmerie verra ses missions traditionnelles s'accroître et prendra une part plus importante à la protection du territoire. Aussi, ses effectifs progresseront-ils de 5 p. 100. Elle continuera de s'appuyer sur le maillage territorial qui conditionne l'exécution de ses missions de sécurité intérieure.

MODELES D'ARMEE



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Vous pouvez consulter le tableau dans le JO no 0153 du 03/07/96 Page 9985 a 10002
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PRESENTATION DU MODELE D'ARMEE PROFESSIONNALISEE PAR FONCTIONS