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Article (Observations du Gouvernement en réponse à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 1995 présentée par plus de soixante députés)

Article (Observations du Gouvernement en réponse à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 1995 présentée par plus de soixante députés)

A. - Les conditions prévues par le législateur

répondent aux buts qu'il s'est fixés


Ce dispositif est motivé par le souci d'assurer la pérennité des entreprises à contrôle familial en améliorant les conditions de leur transmission. Elles sont en effet menacées par le retrait de leur(s) dirigeant(s), qui sont souvent leur(s) fondateur(s), soit par défaut de repreneur, soit parce que la reprise est le fait d'un concurrent, souvent tenté de démembrer, de délocaliser ou de faire disparaître la société après l'avoir rachetée.
La fiscalité des mutations à titre gratuit contribue significativement à cette situation dans la mesure où, lorsque l'entreprise constitue l'essentiel du patrimoine transmis, les droits d'enregistrement ne peuvent être acquittés par les bénéficiaires que par prélèvement sur les actifs. Or, si ce prélèvement atteint ne serait-ce que 20 p. 100, et a fortiori 40 p. 100 ou 60 p. 100 du montant de la donation, la poursuite de l'exploitation est compromise.
Cette situation ne se présente pas pour la transmission d'autres biens car il est presque toujours possible d'en céder une partie sans compromettre la conservation de la partie restante.
A défaut d'une baisse générale du niveau des droits de mutation à titre gratuit, que l'état des finances publiques ne permet pas d'envisager, cette situation justifiait une mesure législative.
Les critères retenus sont pertinents au regard de l'objectif poursuivi.
Le Gouvernement a souhaité privilégier les transmissions anticipées, mieux à même de prévenir les difficultés de transmission, à un moment où elles peuvent s'opérer dans des conditions favorables.
Les auteurs du recours tirent alternativement argument du fait que la mesure peut concerner simultanément plusieurs donateurs et plusieurs donataires pour tenter de démontrer que celle-ci n'est pas adaptée à l'objectif qu'elle entend poursuivre : transmission d'une entreprise du fait du décès de l'exploitant ou prévention du morcellement de la détention du capital.
1. S'agissant de l'application de la mesure à une donation par plusieurs donateurs, elle répond tout à fait à l'objectif d'assurer une transmission organisée de l'entreprise.
Si celle-ci est dirigée par plusieurs personnes, aucune n'ayant individuellement le contrôle de l'entreprise, le fait d'exiger la transmission, par un seul et même acte, des titres nécessaires au contrôle de la société garantit que l'avantage sert à la transmission effective de ce contrôle et non à une simple transmission patrimoniale des titres d'un minoritaire, fût-il dirigeant.
Qu'il s'agisse de l'entreprise individuelle ou d'une société, il est constaté que, dans la majorité des cas, le capital de l'entreprise n'est pas détenu par une seule personne, d'où la nécessité de prévoir que le transfert peut être effectué par plusieurs donateurs.
Ainsi, lorsque l'entreprise individuelle constitue, du fait du régime matrimonial, un bien commun pour les époux, aucun des deux époux ne disposant de plus de 50 p. 100 de la propriété, la mutation à titre gratuit de l'entreprise ne pourrait jamais bénéficier du dispositif adopté si un seul des époux intervenait à l'acte.
Par ailleurs, pour les sociétés, il est également rare qu'un seul associé dispose de plus de 50 p. 100 du capital. Limiter l'application du dispositif à un seul associé aurait conduit à privilégier les transmissions des seuls actionnaires majoritaires par rapport aux minoritaires.
Dès lors, la possibilité de prévoir que plusieurs donateurs puissent participer à l'acte s'imposait pour atteindre le seuil de plus de 50 p. 100, condition essentielle du dispositif, compte tenu du mode de détention des entreprises.
2. Quant à la transmission à plusieurs donataires, elle ne remet pas plus en cause l'adéquation de la mesure à l'objectif poursuivi.
Elle a paru même constituer une obligation, compte tenu des règles civiles relatives à la réserve héréditaire, si la composition du patrimoine ne permet pas de remplir de leurs droits tous les héritiers réservataires ayants droit. L'atteinte à l'égalité devant l'impôt résulterait bien plutôt de l'octroi de l'avantage à un donataire unique qui serait ainsi traité différemment de ses codonataires. Il appartient au demeurant au(x) donateur(s) de transmettre l'entreprise à celui ou à ceux qui paraissent les plus aptes à en assurer la pérennité.
Afin de s'assurer du transfert effectif du contrôle de l'entreprise, un seuil de plus de 50 p. 100 des actifs ou des droits sociaux est exigé.
L'argument selon lequel les bénéficiaires devraient nécessairement exercer des fonctions de direction de l'entreprise relève d'une conception dangereuse et artificielle :
- dangereuse, car il serait malsain d'obliger les donataires à diriger eux-mêmes l'entreprise s'il existe par ailleurs un dirigeant extérieur jugé plus compétent et mieux à même d'assurer la pérennité de l'entreprise ;
- artificielle, car, si le législateur avait posé une condition de cette nature, les montages destinés à y donner une satisfaction apparente auraient été très aisés (dirigeants de façade, transmission d'un faible nombre d'actions, désignation d'un salarié destiné à assurer ces fonctions, etc.).
Dans ce contexte, l'obligation faite aux donataires de conserver les titres pendant cinq ans, sauf à payer un impôt relativement lourd, est de nature à garantir la pérennité du contrôle familial de l'entreprise et donc la continuité de celle-ci. Un délai plus long aurait risqué d'être contre-productif car il aurait entravé les évolutions ultérieures nécessaires au développement de l'entreprise.
En résumé, le projet institue donc une différenciation pertinente au regard de l'objectif poursuivi et de la prise en compte de la situation particulière liée à la transmission d'une entreprise.
L'avantage est ainsi réservé aux cas dans lesquels le contrôle effectif de l'entreprise est transmis. C'est pour garantir cet objectif que le Gouvernement s'est opposé, dans la discussion parlementaire, à tout amendement qui aurait permis d'accorder l'avantage à la transmission d'une simple nue-propriété ne conférant pas ce contrôle aux donataires.