3. Les médias
L'importance des médias écrits et audiovisuels dans la campagne
électorale ne s'est pas démentie lors de cette élection. Toutefois, l'étendue de la compétence de la commission à l'égard de l'un ou l'autre de ceux-ci est radicalement différente.Depuis sa création, la commission rappelle qu'elle n'a pas compétence
pour faire respecter le principe d'égalité de traitement dans la presse écrite: en vertu de l'article 11 du décret du 14 mars 1964, la campagne par voie de presse est seulement régie, sous réserve de ce qui concerne la publicité commerciale, par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et la commission n'est pas habilitée à intervenir en ce domaine.La commission a eu l'occasion de rappeler ces règles à la suite d'une
question posée par un journaliste qui envisageait de publier la veille du second tour de scrutin une interview de l'un des deux candidats.Par ailleurs, la commission a indiqué à l'un des candidats qui
envisageait de procéder à une insertion commerciale dans la presse locale,La campagne audiovisuelle est réglementée par l'article 12 du décret du
14 mars 1964 qui s'applique aussi bien aux sociétés nationales de programme qu'aux services de communication audiovisuelle autorisés ou concédés. Cet article pose un principe général d'égalité de traitement des candidats que tous les services doivent respecter et comporte un certain nombre de prescriptions plus détaillées en ce qui concerne la campagne officielle proprement dite.Cette amélioration a été obtenue dès la période importante de la «
précampagne », où le Conseil supérieur de l'audiovisuel demande seulement aux médias de respecter l'équilibre entre les candidats, puisque, d'une part, tous les « pré-candidats » ont eu accès aux magazines d'information, ce qui n'avait pas été le cas en 1988, et que, d'autre part, les écarts constatés entre les groupes de candidats qui se constituent au cours de cette période (les « grands » d'un côté, les « moyens » et les « petits » de l'autre) ont été, au fur et à mesure que l'on se rapprochait de l'ouverture de la campagne officielle, sensiblement réduits grâce à la pression constante exercée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, approuvé sur ce point par la commission.S'agissant de la période officielle de la campagne électorale, les
résultats sont encore plus spectaculaires, puisque l'égalité de traitement qui était présentée comme un objectif difficilement accessible a été pratiquement atteint pour tous les candidats à l'exception de M. Cheminade;Quant à la campagne officielle radiotélévisée diffusée sur France 2,
France 3, France Inter, R.F.O. et R.F.I., elle a atteint un public plus large que lors de la précédente élection: pour le premier tour, elle a touché en dix jours quatre-vingts millions de téléspectateurs contre cinquante-deux millions en 1988. Ce succès est imputable aux efforts faits, non seulement pour animer et moderniser ces émissions, mais aussi pour en améliorer la programmation.On observera enfin que le débat télévisé du deuxième tour, qui n'est
prévu par aucun texte et ne fait pas partie de la campagne officielle, tend à devenir un des moments majeurs de la campagne électorale. Alors qu'il a duré plus de deux heures, il a retenu, selon Médiamétrie, l'attention de dix-sept millions de téléspectateurs, contre quinze millions en 1988.L'ensemble de ces progrès s'explique par l'action du Conseil supérieur
de l'audiovisuel, soutenu dès son installation par la commission; on peut penser aussi qu'un certain nombre d'acteurs de ce secteur considèrent maintenant que l'égalité de traitement des candidats à une campagne électorale fait partie de la déontologie de leur profession.Lors de l'examen des projets de recommandations et de décisions du
Conseil supérieur de l'audiovisuel relatives à la campagne officielle, la commission a notamment eu à prendre parti sur un certain nombre de dispositions, dont certaines soulevaient des questions nouvelles et importantes. Elle a ainsi considéré que l'article L. 52-8 du code électoral, modifié par l'article 4-III de la loi no 95-65 du 19 janvier 1995, qui autorise les candidats à recourir à la publicité par voie de presse pour solliciter des dons financiers, ne permet pas à un candidat d'utiliser les émissions de la campagne officielle à la radiotélévision pour lancer un appel de fonds (cf. annexe XII).Les efforts faits pour rendre plus attractive la campagne officielle
radiotélévisée, notamment en prévoyant des modules d'émissions de durées différentes et en programmant les plus brefs d'entre eux aux heures de grande écoute, ont amené la commission à vérifier, à l'occasion de l'examen des conditions de programmation des émissions en vue du second tour de scrutin,La durée prévue par le décret du 14 mars 1964 pour la campagne
officielle du second tour, au cours de laquelle deux candidats seulement restent en lice, paraît excessive et chacun des candidats a souhaité ne pas utiliser l'intégralité des deux heures dont il disposait. Consultée, la commission a considéré que cette réduction des horaires ne pouvait être effectuée par une décision unilatérale du Conseil supérieur de l'audiovisuel, mais devait résulter d'un accord des candidats consigné dans un procès-verbal (cf. annexes XIII et XIV).Enfin, la commission a observé que les dispositions du troisième alinéa
de l'article 12 du décret du 14 mars 1964, selon lesquelles les candidats peuvent seulement demander que des partis ou des groupements politiques dont l'action s'étend à la généralité du territoire national participent à leurs émissions après y avoir été habilités par elle, ne faisaient plus l'objet d'une application stricte, les candidats souhaitant s'entourer de personnalités de la société civile.Ces dispositions étant devenues quasiment caduques, la commission
souhaite que le droit soit mis en accord avec les faits et qu'un nouveau dispositif soit adopté. Elle considère en revanche que chaque émission doit continuer à faire l'objet, au moins en partie, d'une utilisation personnelle par le candidat, et qu'il doit être rappelé aux intervenants éventuels qu'ils restent soumis dans ce cadre aux règles déontologiques de leur profession.L'application des règles ainsi posées n'a pas soulevé de difficultés
majeures même si elle exige, notamment de la part des services du Conseil supérieur de l'audiovisuel, un suivi extrêmement minutieux en tout point.L'égalité de traitement des candidats dans le temps d'antenne qui leur
était consacré par chacun des services audiovisuels a été obtenue, ainsi que cela a été rappelé. A cet égard, la pertinence des dispositions de la recommandation du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 9 mars 1995, qui précise les modalités d'application du principe d'égalité par les services audiovisuels pendant la période de la campagne officielle, a pu être vérifiée. L'égalité de traitement notamment doit être appréciée par chaîne,Il est apparu toutefois que, compte tenu de la durée de la campagne
officielle, l'appréciation globale ne pouvait se faire semaine par semaine,La commission a eu à examiner également les conditions dans lesquelles
pouvait être déterminé par une chaîne l'ordre de passage des candidats à ses journaux télévisés; elle a considéré qu'un procédé de tirage au sort « par lot » entre « grands », « moyens » et « petits » candidats n'était pas conforme à la recommandation du Conseil supérieur de l'audiovisuel, selon laquelle les candidats ont droit à une programmation dans des conditions comparables. Une politique d'invitation ajustée au jour le jour par les chaînes, en consultation permanente avec les candidats, lui a paru plus appropriée (cf. annexe XV).Enfin, le traitement équilibré auquel les candidats ont droit de la part
des services audiovisuels ne concerne pas seulement le temps d'antenne qui leur est accordé, mais aussi le ton sur lequel ils sont interrogés. Un candidat, M. Cheminade, s'est en effet plaint auprès de la commission de ce qu'il avait été l'objet d'un « lynchage médiatique » à l'occasion de certaines émissions de radio et de télévision.Après avoir visionné et auditionné les émissions critiquées, la
commission a constaté qu'en effet une différence de traitement, en particulier dans le ton, avait été imposée au candidat. Elle y a vu,Après débat, et constatant que M. Cheminade n'avait pas utilisé la
totalité de son temps de parole, elle n'a pas jugé nécessaire de lui accorder, comme demandé, un nouveau temps d'antenne pour s'exprimer dans de meilleures conditions, mais a décidé qu'un rappel écrit serait fait aux responsables d'avoir à respecter l'obligation de traiter les candidats d'une manière égale, ainsi qu'il est prescrit dans les recommandations du C.S.A.Les invitations dont ce candidat a été l'objet ultérieurement sur les
chaînes en cause devaient permettre de compenser l'inégalité ainsi constatée (cf. annexe XVI).Au total, un constat satisfaisant peut être dressé sur la manière dont
les dispositions du décret du 14 mars 1964 ont reçu application dans le secteur audiovisuel; ce constat ne peut toutefois dispenser d'une réflexion à long terme sur l'incidence que pourra avoir, au regard de l'égalité de traitement entre les candidats et des contraintes qu'il impose aux services audiovisuels, le développement des réseaux câblés et de la diffusion par satellite.