Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Observations du Gouvernement en réponse à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 27 décembre 1994 par soixante députés)
I. - Sur l'article 92
L'article 92 de la loi déférée a pour objet d'autoriser le régime d'assurance chômage à utiliser à titre expérimental, jusqu'au 31 décembre 1996, une partie - très limitée - de ses ressources pour financer des actions de reclassement, ainsi que l'ont souhaité les partenaires sociaux signataires d'un accord conclu le 8 juin 1994.
Depuis son origine, le régime d'assurance chômage repose sur un système conventionnel, la loi (article L. 351-1 et suivants du code du travail) ne traçant qu'un cadre juridique très large et renvoyant, pour son application, à un accord conclu entre partenaires sociaux et agréé par l'Etat.
Dans la mesure où l'accord du 8 juin 1994 pouvait conduire à verser des allocations de chômage sous des formes parfois dérogatoires au droit commun (dérogation notamment à la condition de recherche d'emploi) et dès lors que ces allocations sont financées par des contributions obligatoires des employeurs et des salariés, un texte législatif pouvait paraître nécessaire pour permettre ces novations. Il convient de remarquer toutefois que le régime d'assurance chômage intervient déjà, dans le cadre législatif actuel, par convention avec l'Etat ou par accord entre partenaires sociaux, sous des formes autres que le versement d'allocations de chômage à des demandeurs d'emploi.
Ainsi l'Unedic participe notamment:
- au financement de la rémunération des stagiaires, en leur versant une allocation formation-reclassement;
- au financement des allocations servies aux personnes en convention de conversion.
En outre, le régime d'assurance chômage peut consacrer chaque année 2 p. 100 des dépenses d'indemnisation (soit plus de 2 milliards de francs) au titre des fonds sociaux sous forme d'aides individuelles diverses à des personnes en difficulté, allocataires ou simples anciens cotisants. Or les expérimentations qui seront menées dans le cadre de l'accord du 8 juin ont été financièrement limitées à 500 MF par an.
Compte tenu de cet aspect expérimental, limité dans le temps et financièrement encadré, ainsi que du désir des partenaires sociaux de mener des expériences diverses dans le cadre d'un accord qu'ils ont eux-mêmes souhaité le plus ouvert possible (cet accord en effet ne fixe que deux limites: une durée maximale de versement des aides de six mois, pour des personnes allocataires depuis au moins huit mois), le texte législatif ne pouvait être trop restrictif. En particulier, ce texte ne pouvait fixer dans le détail la nature des expérimentations envisagées.
Aussi est-ce faire un procès d'intention au législateur que de prétendre que ce projet remet en cause les droits à indemnisation des bénéficiaires d'allocations de chômage, qu'il place les intéressés dans un statut mal défini et qu'aucune garantie n'est apportée pour s'assurer de leur consentement.