Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Saisine du Conseil constitutionnel en date du 3 juillet 1996 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 96-380 DC)
II. - Sur l'article 6 bis de la loi déférée
Cet article institue un régime de « congé de fin de carrière » au bénéfice des fonctionnaires de France Télécom, qui peuvent ainsi, à partir de soixante ans, percevoir 70 p. 100 de leur rémunération d'activité complète jusqu'à l'atteinte de la limite d'âge.
Mais il exclut du bénéfice de ce nouveau régime les « agents pouvant prétendre à une pension à jouissance immédiate au titre des 1o et 2o du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite »,
c'est-à-dire notamment (au titre du 1o) les fonctionnaires ayant déjà atteint la limite d'âge.
Cette exclusion, qui paraît logique à première vue, engendre pourtant une incontestable discrimination au détriment des agents dits « de service actif », qui peuvent partir en retraite dès l'âge de cinquante-cinq ans, avec une « pension à jouissance immédiate » « en raison du risque » ou des « fatigues exceptionnelles » liés à l'emploi qu'ils occupent. Car, dans l'hypothèse, fréquente, d'un tel départ en retraite avant d'avoir obtenu l'ancienneté ouvrant droit à une pension au taux maximal, l'agent « de service actif » se trouvera dans une situation beaucoup plus défavorable que le nouveau bénéficiaire du « congé de fin de carrière ». Ainsi, à ancienneté comparable de trente-deux annuités et demie liquidables, le bénéficiaire du congé de fin de carrière percevrait-il une rémunération de 7,6 p. 100 supérieure à celle du titulaire d'une « pension à jouissance immédiate » pour « service actif » (70 p. 100 du revenu d'activité dans le premier cas, 65 p. 100 dans le second), l'inégalité augmentant encore une fois atteint l'âge de soixante ans de versement de la pension de retraite définitive (75 p. 100 contre 65 p. 100).
Or s'il existe bien une différence de situations entre les agents de « service actif » et les autres fonctionnaires de France Télécom, cette différence ne saurait, bien évidemment, eu égard à l'objet de la disposition déférée, justifier que soit réservé aux agents de « service actif », dont les fonctions sont plus pénibles, un sort moins favorable qu'à leurs collègues en matière de pensions de retraite, et ce à âge égal, à ancienneté égale et à indice égal.
A l'intérieur d'un même corps de fonctionnaires, la loi déférée pratique ainsi une exclusion discriminatoire qui ne saurait échapper à la censure.
Telles sont les raisons qui nous conduisent à vous demander de déclarer contraire à la Constitution la loi déférée, et notamment ses articles 1er et 6 bis.
(Liste des signataires : voir décision no 96-380 DC.)