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Article (Décision n° 2007-0667 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 6 septembre 2007 portant modification de la décision n° 2005-0571 en date du 27 septembre 2005 sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article (Décision n° 2007-0667 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 6 septembre 2007 portant modification de la décision n° 2005-0571 en date du 27 septembre 2005 sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)




I. - LE CADRE RÉGLEMENTAIRE EN VIGUEUR


Le marché du départ d'appel et de ses prestations associées ainsi que les remèdes qui y sont appliqués ont été définis dans la décision n° 2005-0571 d'analyse des marchés de la téléphonie fixe (I-1). Le cadre prévoit la possibilité pour l'Autorité de réexaminer ces obligations au vu de l'évolution de la situation sur les différents marchés (I-2).


I-1. L'analyse des marchés de la téléphonie fixe


Dans sa décision n° 2005-0571 susvisée d'analyse des marchés de la téléphonie fixe, l'Autorité a défini dans un premier temps les différents marchés pertinents pour une régulation sectorielle ex ante des marchés de la téléphonie fixe (I-1.1). Sur chacun d'entre eux ensuite, elle a évalué si des entreprises disposaient d'une influence significative. Puis, après avoir désigné France Télécom comme opérateur puissant sur ces marchés ou segments de marché, elle lui a imposé certaines obligations qu'elle a jugées proportionnées visant à permettre le développement d'une concurrence effective, durable et loyale (I-1.2).


I-1.1. Définition du marché pertinent du départ d'appel


L'Autorité a défini dans son analyse des marchés de la téléphonie fixe six marchés pertinents de détail et trois marchés pertinents de gros (départ d'appel, transit et terminaison d'appel), dont le marché du transit est segmenté en deux sous-marchés (marché du transit intra territorial et marché du transit inter territoires). La prestation de départ d'appel correspond à un service d'acheminement de trafic entre un abonné et un point d'interconnexion. On dit de l'opérateur qui achète une telle prestation qu'il « collecte » l'appel, i.e qu'il « récupère » le trafic à un point d'interconnexion de boucle locale de départ pour en assurer l'acheminement ultérieur sur son propre réseau (ou éventuellement sur celui d'autres opérateurs).
Ainsi, un service de départ d'appel est fourni par un opérateur A :
- pour du trafic vocal interpersonnel, pour permettre l'acheminement de l'appel passé depuis une de ses lignes fixes (sélection du transporteur, VGAST et publiphonie) ;
- pour du trafic Internet, lorsqu'un utilisateur final bénéficiant d'une ligne fixe dudit opérateur A se connecte à l'Internet bas débit (offres Internet bas débit à la minute ou forfaitaires) ;
- pour du trafic lié aux services à valeur ajoutée (dits SVA ou services spéciaux), lorsqu'un utilisateur final bénéficiant d'une ligne fixe dudit opérateur A compose le numéro d'une plate-forme de services (en général, un numéro de type 08AB, un numéro court à 4 chiffres du type 3BPQ et 10YT, un numéro de service de renseignements téléphoniques de type 118XYZ, un numéro de service à valeur sociale harmonisé de type 116XYZ ou toute autre tranche du plan national de numérotation le cas échéant ultérieurement définie par l'Autorité et destinée à permettre l'accès à de tels services).
Les produits inclus dans le marché de gros du départ d'appel désignent donc des « prestations » offertes par un opérateur à d'autres opérateurs, pour assurer, pour leur compte, un acheminement de trafic. Par conséquent, ils sont définis par leur fonction et non par leur mode technique de production, conformément au principe de neutralité technologique. En particulier, le fait que le trafic soit transporté, avant et après livraison sur l'interface d'interconnexion, en mode commuté, en mode IP, ou selon tout autre mode reste neutre sur la définition du produit du point de vue de l'acheteur. De fait, certains appels collectés actuellement à l'interconnexion en mode commuté sont acheminés sur le réseau d'origine en mode et interface ATM ou VoIP. De même, les prestations de gros qui seraient livrées sur de nouvelles interfaces d'interconnexion, et notamment sur des interfaces VoIP, ou plus généralement tout autre trafic en bande étroite, sont incluses dans ce marché.
Le marché de gros du départ d'appel est défini aux articles 1er et 8 du dispositif d'analyse des marchés de la décision n° 2005-0571.


I-1.2. Influence significative et obligations imposées à France Télécom


Comme cela a été indiqué par l'Autorité dans sa décision n° 2005-0571, le marché du départ d'appel repose essentiellement sur l'infrastructure de boucle locale de l'opérateur historique, laquelle constitue une facilité essentielle. Ce marché est donc caractérisé par de fortes barrières à l'entrée. Elles auraient nécessairement pour effet, en l'absence de régulation ex ante, d'empêcher le développement d'une concurrence dynamique, dans la mesure où France Télécom dispose du réseau le plus capillaire sur le territoire d'analyse, qui rend l'accès aux clients qu'elle raccorde indispensable pour l'activité de tout opérateur de communications électroniques.

A ce titre, notamment, France Télécom a été désignée comme exerçant une influence significative sur le marché du départ d'appel. L'Autorité a ainsi estimé proportionné de soumettre France Télécom, sur le marché pertinent du départ d'appel, notamment aux obligations de faire droit aux demandes raisonnables d'accès, de non-discrimination, de transparence, d'orientation vers les coûts, de séparation comptable et de comptabilisation des coûts de ces prestations. L'Autorité a également maintenu de manière transitoire l'obligation de France Télécom de fournir une prestation de facturation pour compte de tiers pour les communications à destination des services à valeur ajoutée au départ de sa boucle locale et pour les offres d'accès à l'Internet bas débit, « dans les mêmes conditions qu'actuellement ».
Ces conditions sont précisées dans la décision n° 2005-0571 : « France Télécom facture ses abonnés au nom du fournisseur de services, et prélève une part du montant facturé au titre de la prestation de facturation pour compte de tiers.
Dans le cas des services à coûts partagés (dits aussi à paliers bas et intermédiaires), France Télécom inclut les sommes dues par les clients dans le deuxième volet de la facture, qui comprend la facturation de l'ensemble de ses services, et procède par conséquent au recouvrement des sommes éventuellement impayées par les clients.
Par ailleurs, elle inclut l'ensemble de ses services à revenus partagés (dits aussi à paliers élevés) et de ceux des opérateurs tiers dans le troisième volet de la facture, et dans le cas d'impayés sur le service d'un de ces opérateurs, exécute une première relance auprès de l'abonné, puis fournit les éléments d'information nécessaires au recouvrement des impayés au fournisseur de services concerné. »
S'agissant de ses prestations de départ d'appel et de leurs prestations associées et afin de permettre à l'Autorité de vérifier le respect de ces obligations, France Télécom est également tenue de publier les conditions techniques et tarifaires de ces prestations dans son offre de référence d'interconnexion et d'accès, mais aussi de mesurer et de publier un ensemble d'indicateurs de qualité de service.
Les obligations précitées sont précisées aux articles 16 à 24 du dispositif de la décision n° 2005-0571.


I-2. Le cadre juridique du réexamen


L'analyse des marchés de la téléphonie fixe, et notamment du marché du départ d'appel, porte sur une période courant jusqu'au 1er septembre 2008.
Néanmoins, l'Autorité précise que, conformément au CPCE, elle a la possibilité de modifier les obligations imposées à un opérateur déclaré puissant sans réexaminer dans le même temps la délimitation des marchés pertinents sur lesquels ces obligations s'appliquent.
L'article D. 303 du CPCE prévoit ainsi que les obligations imposées dans une décision d'analyse des marchés à une entreprise exerçant une influence significative « sont réexaminées dans les conditions prévues à l'article D. 301. Ce réexamen peut être effectué conjointement à celui des marchés pertinents correspondants et à celui de la liste des opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés. Toutefois, l'Autorité peut modifier, dans les conditions prévues par le présent code, les obligations imposées aux opérateurs exerçant une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques sans effectuer une nouvelle détermination des marchés pertinents ».
L'Autorité, comme elle l'a précisé dans sa décision n° 2005-0571 susvisée, a donc la possibilité de réexaminer certaines obligations imposées à France Télécom sans réexaminer dans le même temps la délimitation des marchés pertinents sur lesquels ces obligations s'appliquent.


II. - SITUATION CONCURRENTIELLE ET ÉVOLUTION DE LA RÉGULATION SECTORIELLE


L'Autorité estime que l'évolution du marché ne justifie pas de réexamen anticipé ni de la définition des marchés ni de l'influence significative de France Télécom (II-1). Le réexamen des obligations imposées à France Télécom sur le marché du départ d'appel et en particulier sur sa prestation associée de facturation pour compte de tiers est quant à lui justifié à la fois par l'évolution de la régulation concernant l'acheminement des communications à destination des services à valeur ajoutée (II-2) et par l'évolution des offres de gros de France Télécom disponibles sur ce marché (II-3).


II-1. Situation concurrentielle


On observe tout d'abord que la situation concurrentielle n'a pas évolué de manière significative depuis l'analyse des marchés de la téléphonie fixe que l'Autorité a menée en 2005 : France Télécom demeure un opérateur puissant, à la fois sur les marchés de détail de l'accès et des communications et sur le marché de gros du départ d'appel.
Ainsi, les parts de marché de France Télécom en tant qu'opérateur départ fixe de communications à destination des services à valeur ajoutée représentent toujours plus de 70 % en 2005 (2), et ce malgré l'augmentation de la pression concurrentielle du fait de la multiplication des opérateurs de boucle locale fixe (réels et virtuels). Par ailleurs, s'agissant des communications à destination des numéros SVA utilisés pour l'accès à Internet bas débit, on observe une diminution moyenne de 30 % (3) par an de leur volume, qui s'explique par le développement majeur des offres d'accès à l'Internet haut débit.
Ces éléments ne permettent pas de remettre en cause l'influence significative exercée par France Télécom sur ces marchés, découlant notamment du contrôle de l'infrastructure essentielle de boucle locale, et ce avant le terme de la période d'application de l'analyse des marchés.
Par ailleurs, France Télécom reste également un acteur prépondérant sur le segment de marché de la fourniture de services à valeur ajoutée, au travers de son unité d'affaires « Distribution et rémunération des services en ligne ». On constate ainsi que le trafic à destination des numéros SVA collectés par France Télécom représente près de 55 % de parts de marché en volume en 2005 (4) (dont 3/4 du segment de marché des services à paliers élevés, dits à revenus partagés).
L'Autorité estime qu'il convient de maintenir une régulation asymétrique spécifique à France Télécom du fait de sa situation particulière, qui se traduit par la puissance de France Télécom sur les marchés de détail de l'accès et des communications et sur le marché de gros amont du départ d'appel, mais également par sa position prépondérante sur le segment de marché de détail en aval de fourniture de services à valeur ajoutée.