II-2.2.3. L'analyse des parts de marchés
L'Autorité a estimé les part de marchés des différents opérateurs sur la base des informations dont elle dispose. En particulier, les réponses au questionnaire quantitatif qu'elle a adressé aux acteurs le 25 juillet 2003 ont été complétées au cours du premier trimestre 2004 et ont fait l'objet de projections en 2005. L'Autorité a évalué la répartition des parts de marché tant en termes de volume de ventes que de chiffre d'affaires.
a) Les communications nationales
Les parts de marché des opérateurs sur les segments des communications nationales pour la clientèle résidentielle sont présentées ci-après. Leurs équivalents pour la clientèle professionnelle sont introduits dans un second temps.
Au sein de l'ensemble des communications locales et interurbaines, pour la clientèle résidentielle ou professionnelle, le rythme d'ouverture des marchés des communications locales a été différent de celui des marchés des communications interurbaines, car l'obligation de sélection du transporteur y a été imposée plus tardivement. L'ouverture des marchés des communications locales consécutive à l'introduction de la sélection du transporteur s'est ralentie.
(i) Pour la clientèle résidentielle :
Les parts de marché de France Télécom peuvent être détaillées en fonction des deux segments qui la composent : les communications locales et interurbaines (i.e. vers des postes fixes) et les communications vers les mobiles.
Sur le segment des communications nationales, la progression des parts de marché des opérateurs alternatifs a fortement ralenti entre 2002 et 2003 en atteignant seulement 1,7 point (après avoir été de 7,3 points entre 2001 et 2002, du fait notamment de l'introduction en janvier 2002 de la sélection du transporteur et de la présélection des appels locaux). La part de marché globale des opérateurs alternatifs a ainsi atteint 25,1 % en valeur en 2003. La concurrence est concentrée entre trois opérateurs qui totalisent à eux seuls 96 % du marché alternatif.
L'Autorité s'est attachée à observer les parts que France Télécom pourrait conserver sur le segment des communications locales et interurbaines pour la clientèle résidentielle. Il ressort des différentes hypothèses émises que cette part de marché resterait en tout état de cause supérieure à 60 %, tant en volume qu'en valeur avant 2008. Cette analyse ne devrait pas être modifiée par le rapprochement, annoncé en mai et autorisé en août 2005, entre Cegetel et 9 Telecom, qui apparaissent parmi les principaux concurrents de France Télécom sur les marchés des communications nationales ; une telle opération ne devrait pas substantiellement modifier le fonctionnement du marché dans les trois années à venir, comme l'a déjà montré l'historique des fusions successives qui ont conduit à la consolidation de 9 Telecom au cours des deux dernières années.
En outre, une modification du volume global du segment des communications locales et interurbaines par l'essor de la voix sur accès large bande (VLB) ne semble pas devoir impacter fortement le niveau de part de marché que France Télécom y conservera à l'horizon de l'analyse (2005-2008). En effet, Wanadoo est actuellement leader sur le marché du haut débit, donc l'essor de la VLB ne devrait pas restreindre le poids de France Télécom sur le marché des communications.
(ii) Pour la clientèle professionnelle :
Les parts de marché de France Télécom peuvent être détaillées pour refléter l'évolution des deux segments qui la composent : les communications locales et interurbaines (i.e. les communications vers des postes fixes) et les communications vers les mobiles.
La pénétration des opérateurs alternatifs sur le segment des communications nationales pour la clientèle professionnelle est de 21,6 % en valeur et 25,6 % en volume pour 2003. Les parts de marché détenues par les opérateurs alternatifs sont dispersées entre un nombre d'opérateurs plus élevé que celui qu'on constate sur le segment de la clientèle résidentielle.
L'analyse montre que pour les communications interurbaines, l'expression des parts de marché de France Télécom en volume est nettement inférieure à son expression en valeur. Ce décalage traduit la possibilité dont dispose France Télécom de dégager des recettes plus importantes que ses concurrents sur ce segment ; les opérateurs alternatifs sont contraints de commercialiser des offres aux tarifs particulièrement compétitifs pour entrer sur le marché professionnel.
Les estimations de l'Autorité pour appréhender les parts de France Télécom sur le segment des communications nationales pour la clientèle professionnelle indiquent qu'elles ne pourraient vraisemblablement pas descendre en dessous de 60 % en volume, et de 65 % en valeur avant 2008. Cette analyse ne devrait pas être modifiée par le rapprochement entre Cegetel et 9 Telecom, qui apparaissent parmi les principaux concurrents de France Télécom sur les marchés des communications nationales, en particulier pour la clientèle professionnelle.
Par ailleurs, l'essor de la VLB sous l'impulsion des opérateurs alternatifs ne semble pas devoir remettre en cause ce constat, car c'est un mouvement qui touche principalement le marché résidentiel. Sur le marché professionnel, les opérateurs indiquent que leurs offres « tout IP » seront disponibles dans le courant de l'année 2005, et que leur essor ne sera pas réel avant 2006. La modification de l'analyse du fonctionnement du marché des communications nationales avant 2008 ne semble pas suffisamment forte pour modifier la conclusion de l'analyse du fonctionnement de l'ensemble des marchés des communications nationales dans le cadre de la présente décision.
b) Les communications internationales
Les tableaux ci-après indiquent la répartition du marché des communications internationales entre les acteurs, pour la clientèle résidentielle puis pour la clientèle professionnelle.
C'est sur le segment pour la clientèle professionnelle que les opérateurs alternatifs ont acquis la plus grande part du marché (40,9 %), en comparaison de celle qu'ils totalisent sur le segment de la clientèle résidentielle (29,8 % en 2003).
Sur le segment des communications internationales, tant pour la clientèle résidentielle que pour la clientèle professionnelle, la part de marché de France Télécom a néanmoins progressé de nouveau entre 2002 et 2003 (+ 4,4 points en volume pour la clientèle professionnelle par exemple), après avoir connu une phase de régression (- 3,5 points en volume sur ce marché).
Les estimations de l'Autorité pour la période couverte par l'analyse tendent à montrer que les parts de France Télécom sur le segment des communications internationales devraient se situer autour de 60 % pour la clientèle professionnelle (la part en valeur excédant la part en volume) à la suite d'une poursuite très lente du recul de France Télécom par rapport à ses concurrents. Pour la clientèle professionnelle, on constate que France Télécom regagne des parts de marché quasiment chaque année depuis au moins 2001 ; elles ne devraient donc reculer que de quelques points sous le seuil calculé pour 2003. Le rapprochement entre 9 Telecom et Cegetel est susceptible de modifier la répartition des parts de marché constatée en 2003 entre les acteurs en présence, mais ne devrait pas avoir d'impact significatif sur les parts de marché de France Télécom avant la fin de la période couverte par l'analyse (2005-2008).
c) Conclusion pour les marchés des communications
Comme l'illustrent les courbes synthétiques présentées à la fin de la partie II-2.1.3., France Télécom conserve une part de marché supérieure à 70 % sur chacun des marchés pertinents des communications fixes délimités par l'Autorité.
Les évolutions constatées montrent certes que la part de marché de France Télécom devrait régresser ; cependant, la mesure dans laquelle cette évolution peut être attendue lui laisse des parts de marché très élevées (jamais inférieures à 60 %), notamment sur les segments des communications vers les mobiles et des communications internationales.
Les changements induits par le développement des offres de VLB et par le projet de fusion entre Cegetel et 9 Telecom ne devraient pas conduire à une remise en cause de l'analyse relative aux parts de marché, y compris dans sa dimension prospective pour les années 2005 à 2008. Dans le cas contraire, l'Autorité anticiperait le renouvellement de la présente analyse des marchés de la téléphonie fixe pour adapter ses conclusions, comme le prévoit l'article D. 301 du CPCE.
II-2.2.4. Le contrôle d'infrastructures difficiles à dupliquer
Sur les marchés des communications, c'est principalement le réseau de commutation de niveau local (les commutateurs d'abonnés de France Télécom) voire de niveau régional (commutateurs de transit) qui est difficile à dupliquer. Les coûts fixes de génie civil et de transmission sont élevés. Cette dimension est d'autant plus forte que l'impact de la sélection du transporteur reste limité.
II-2.2.5. La présence d'importantes économies d'échelle et de gamme
L'identification d'importantes économies d'échelle ou de gamme permet de déterminer l'existence de barrières à l'entrée sur le marché.
En ce qui concerne la présence d'économies d'échelle dans l'activité de l'opérateur historique, on peut se référer à l'importance du nombre de clients pour chaque réseau local, qui permet l'amortissement des coûts fixes. France Télécom se trouve dans une situation où la fourniture d'un appel de bout en bout lui est toujours permise à un coût global plus faible que celui de tout opérateur alternatif, en raison de la couverture dense de son réseau, de ses coûts de commutation et de transmission plus faibles et de la possibilité d'opérer un moins grand nombre de phases d'interconnexion.
En ce qui concerne les économies de gamme, on voit que les coûts fixes du réseau commuté sont partagés entre la clientèle résidentielle et la clientèle professionnelle d'une part, et sur les différents types de communications d'autre part. France Télécom se trouve dans une situation où l'étendue de son offre de communications lui permet d'imputer des coûts de manière plus ventilée et donc plus efficace que d'autres opérateurs.
II-2.2.6. L'intégration verticale
L'entrée et le maintien de nouveaux concurrents sur les marchés des communications sont rendus difficiles par l'intégration verticale de France Télécom : elle lui permet d'être présent sur les marchés de détail tout en bénéficiant de son poids sur les marchés de gros correspondants, et notamment sur le marché du départ et de la terminaison d'appel. L'opérateur peut ainsi s'appuyer sur sa forte puissance sur le marché de l'accès.
L'intégration verticale de France Télécom a été renforcée en 2005 par l'intégration de Wanadoo dans sa maison mère.
II-2.2.7. L'existence d'un réseau de distribution
et de vente très développé
Le groupe France Télécom dispose d'un important réseau de distribution directe comptant 750 points de vente sur le territoire métropolitain, dans lesquels sont fournis divers produits de téléphonie fixe mais aussi de téléphonie mobile (Orange) et d'accès à internet (Wanadoo).
A titre de comparaison, 9 Telecom indiquait disposer de 30 agences en métropole, à destination exclusive de la clientèle professionnelle et Cegetel de 6 agences commerciales en régions et de boutiques de partenaires (dont les Espaces SFR) avant leur fusion.
L'enjeu de la présence commerciale est révélé par les modalités de recrutement de nouveaux clients : environ la moitié des nouveaux clients des principaux opérateurs alternatifs ont été recrutés après avoir contacté eux-mêmes les opérateurs, et les démarches de ces derniers passent majoritairement (jusqu'à 49 %) par l'abord dans un point de vente (41). Plus la présence physique des alternatifs est faible et noyée dans le maillage des boutiques du groupe France Télécom, plus le recrutement de nouveaux clients est difficile et coûteux.