L'imprécision des dispositions réglementaires relatives à la fourniture de services à valeur ajoutée
Le marché des services à valeur ajoutée s'est développé sans encadrement législatif ou réglementaire spécifique et l'offre de l'opérateur historique a de fait structuré le marché. Hormis les contraintes ex ante imposées à l'opérateur historique, les obligations en termes d'interconnexion pour les opérateurs de réseau et les réglementations applicables, le cas échéant, à la fourniture de services de contenu, il n'existe aucune règle spécifique quant aux modalités d'acheminement ou de facturation entre opérateurs des SVA, que ce soit dans le droit européen ou le droit national.
Des difficultés pour contracter
Le bon fonctionnement du segment de marché des SVA est essentiellement assuré par la commercialisation, à l'utilisateur final appelant, des contenus de l'éditeur de contenu par l'opérateur départ, lequel prend ainsi en charge les prestations liées à la facturation, l'encaissement, le recouvrement, la publication des tarifs associés dans sa grille tarifaire, la relation clientèle, etc. Ces prestations revêtent alors une importance particulière.
Cependant, la nécessité de contracter avec l'ensemble des opérateurs départ ou l'ensemble des fournisseurs de services/éditeurs de contenu semble poser plusieurs difficultés.
Il apparaît ainsi que dans certains cas les fournisseurs de services ne contractualisent pas avec l'ensemble des opérateurs départ, ce qui signifie que les services à valeur ajoutée qu'ils offrent via un numéro du plan national de numérotation ne sont pas accessibles à l'ensemble des abonnés français, ou, s'ils sont accessibles, que les sommes encaissées sont intégralement conservées par les opérateurs départ. Un opérateur départ de taille modeste a ainsi indiqué que sa taille est un motif de refus de contractualiser pour certains fournisseurs de services/éditeurs de contenu qui ne souhaitent pas développer les infrastructures d'interconnexion nécessaires pour collecter les appels au départ de sa boucle locale.
En outre, plusieurs opérateurs départ précisent que dans certains cas et pour diverses raisons ils n'acheminent pas le trafic vers certains services : choix de l'éditeur, problèmes techniques, problèmes de nature déontologique ou inhérents à des contentieux en cours, non-signature des contrats nécessaires, etc.
Enfin, la mise en place des mécanismes financiers de reversement de l'opérateur départ jusqu'à l'éditeur de contenu est également un sujet de difficulté. Tout d'abord, plusieurs fournisseurs de services indiquent ne pas être en mesure de récupérer leur part des montants facturés par les différents opérateurs départ aux utilisateurs finals appelants en ce qu'ils ne sont pas à même de contracter avec l'ensemble des opérateurs départ ni d'identifier l'origine du trafic. Dans ces conditions, il n'est pas rare que les opérateurs départ conservent les montants qui devraient être reversés aux fournisseurs de services et in fine aux éditeurs de contenu. Enfin, de nombreuses critiques sont émises en ce qui concerne les taux de rétention ou reversement fixés par les opérateurs départ.
Une insatisfaction des consommateurs
L'Autorité souligne que le fonctionnement du marché des SVA dépend largement de la confiance des consommateurs dans l'utilisation de ces services.
Or il apparaît que ceux-ci font part d'une insatisfaction croissante quant au fonctionnement de ce secteur. En particulier, ils soulignent des difficultés en termes de compréhension des tarifs, d'identification des différents acteurs en jeu ainsi que de contrôle des contenus offerts. L'Autorité a présenté dans le document susvisé la synthèse des contributions sur ce sujet et les actions envisagées.
Une demande de contrôle déontologique accru
Le contrôle déontologique est indispensable pour garantir la confiance des consommateurs dans l'utilisation des SVA et donc pour favoriser le développement du secteur des SVA. Ce sujet a été développé dans le document de synthèse précité.
Cas spécifique relatif à l'utilisation de numéros pour le rappel automatique au départ des publiphones
Le mécanisme de rappel automatique, également appelé call back, est l'une des modalités mises en oeuvre par les fournisseurs de services par cartes téléphoniques prépayées à code pour proposer notamment au départ des boucles locales publiphoniques des tarifs de communication compétitifs à leurs clients.
L'appelant, client du fournisseur de services par cartes téléphoniques, compose un numéro, en général un numéro gratuit, lui permettant de joindre une plate-forme de services, laquelle identifie l'origine de l'appel, puis rappelle automatiquement le client pour le mettre en relation avec son correspondant et débite le coût de la communication de sa carte prépayée. Ainsi, selon ce mécanisme, l'opérateur départ ne perçoit aucune rémunération de détail pour la communication émise au départ de sa boucle locale publiphonique, l'appel étant transformé en un appel « en réception ».
Cependant, et spécifiquement pour les communications au départ des publiphones pour lesquels les coûts de l'infrastructure d'accès ne sont pas recouverts par un abonnement mais par une surtaxe sur le trafic sortant, cette pratique de rappel automatique compromet le modèle économique de la publiphonie en ne participant pas au financement desdits coûts. Si cette situation perdurait, elle serait de nature à affecter un service qui est, pour certains consommateurs, l'unique moyen d'accéder au service téléphonique.
A ce titre, l'Autorité avait mis en consultation publique, entre le 26 décembre 2006 et le 25 janvier 2007, son analyse du fonctionnement du marché des cartes téléphoniques, de l'opportunité de faire cesser l'usage des mécanismes de rappel automatique au départ des publiphones et des modalités pratiques permettant d'atteindre cet objectif. Elle a également publié un document de synthèse des réponses à cette consultation publique.
I-C. - Objectifs d'une régulation symétrique
Historiquement, la régulation des services à valeur ajoutée n'a concerné que France Télécom. En effet, seul opérateur disposant d'une boucle locale à l'échelle nationale, il était le seul opérateur à devoir fournir aux opérateurs nouveaux entrants des prestations d'interconnexion pour leur permettre d'offrir notamment des services à valeur ajoutée. La concurrence dans le secteur des SVA s'est ainsi à l'origine développée sur les activités de fournisseur de services et de collecte et non sur celle d'opérateur départ.
Les prestations de France Télécom relatives aux SVA consistaient en :
- des prestations de départ d'appel ;
- des prestations de facturation pour compte de tiers.
Or l'Autorité estime que certaines des difficultés dans le fonctionnement du marché des services à valeur ajoutée, exposées ci-avant et qui empêchent son essor, peuvent être traitées par la mise en place d'une régulation symétrique applicable aux différents acteurs concernés.
Tout d'abord, il convient de rappeler que la présente décision s'applique aux numéros tels que définis à l'article 1er, à savoir les numéros du plan national de numérotation permettant l'accès à un service fourni par l'utilisateur final appelé, qui constituent des ressources publiques. Sont ainsi exclus du périmètre de la présente décision les services qui seraient fournis par d'autres moyens tels qu'un portail internet.
Ensuite, lors d'une communication à destination d'un numéro SVA, une relation est établie entre deux utilisateurs finals : l'appelant d'un côté, et l'éditeur de contenu (ou plus exactement sa « plate-forme »), de l'autre. Ainsi, la communication débute sur le réseau de boucle locale à partir duquel est émis l'appel et s'achève sur le réseau de boucle locale sur lequel est située la plate-forme de l'éditeur de contenu fournissant le service à valeur ajoutée.
Pour que cette communication puisse être acheminée de bout en bout dans de bonnes conditions, il faut que l'opérateur qui « gère » les appels sortants de l'appelant, d'une part (ou opérateur départ), et l'opérateur qui gère l'entrée des appels sur la plate-forme de l'éditeur de contenu, d'autre part (ci-après « opérateur exploitant le numéro SVA »), le rendent possible.
Ainsi l'opérateur départ doit-il faire le nécessaire pour que le numéro SVA de l'éditeur de contenu soit techniquement « ouvert » sur le réseau de boucle locale de l'appelant et, le cas échéant, livrer l'appel à l'interconnexion, sur le réseau de collecte choisi par le fournisseur de services.
De son côté, l'opérateur qui exploite le numéro SVA doit par exemple entreprendre les démarches contractuelles nécessaires pour que le numéro SVA soit techniquement ouvert au départ du réseau de l'appelant (et plus globalement au départ de tous les réseaux de boucle locale), faire collecter l'appel, le traiter en réception, le livrer à l'appelé, etc.
L'Autorité estime par conséquent nécessaire de préciser les règles communes en matière d'accessibilité des numéros SVA et de mise en place de mécanisme financier de reversement associé, afin de permettre l'interopérabilité de bout en bout des services de communications électroniques offerts par les exploitants de numéros SVA aux éditeurs de contenu avec le service téléphonique offert par les opérateurs départ à leurs abonnés, et de garantir les conditions d'une concurrence effective et loyale au bénéfice du consommateur sur le secteur des services à valeur ajoutée.
L'objet de la présente décision est ainsi de mettre en place une régulation symétrique commune à tous les acteurs concernant les SVA. Elle est sans préjudice de toute autre obligation le cas échéant imposée à un opérateur dans le cadre d'une analyse de marché sur le fondement de l'article L. 37-1 du CPCE.
II. - COMPÉTENCE DE L'AUTORITÉ ET PROCÉDURE
II-A. - Incompétence de l'Autorité sur le contrôle déontologique des contenus
Il convient de rappeler que l'Autorité n'est pas compétente en matière de contrôle déontologique des contenus. Ce constat a déjà été souligné dans de nombreux règlements de différends, et confirmé par la Cour d'appel de Paris (3) et la Cour de cassation (4). Le contenu des services est en revanche soumis aux règles de déontologie du Conseil supérieur de la télématique et du comité de la télématique anonyme (CST-CTA).
La Cour de cassation (5) a en particulier précisé que :
« Considérant [...] qu'en l'espèce le litige dont celle-ci [l'Autorité] a été saisie ne se rattache pas à un problème d'accès aux services en ligne Audiotel, au sens de l'article L. 36-8 du code des postes et des télécommunications, mais tend seulement à remettre en cause les modalités de régulation de ces services, issues de l'application du décret du 25 février 1993 dont l'objet même était d'instituer une procédure permettant que des restrictions soient apportées au principe de la liberté des télécommunications dans le cas des services Télétel et services offerts sur les kiosques télématiques ou téléphoniques, en fonction de leur contenu, dès lors que celui-ci est de nature à porter atteinte à la protection de la jeunesse ;
Qu'en effet, cette saisine soumet à l'Autorité le litige qui oppose la société Copper Communications à la société France Télécom sur la validité des clauses contenus dans deux contrats Audiotel dont il n'est pas discuté qu'ils aient été établis conformément aux dispositions des articles D. 406-1 et suivants du code des postes et des télécommunications, instituant le Conseil supérieur de la télématique et le Comité de la télématique anonyme, qui n'ont été ni écartées ni modifiées par la loi du 26 juillet 1996 créant une autorité de régulation des télécommunications ;
Or, considérant que l'Autorité, qui agit dans le respect des dispositions du code des postes et télécommunications et de ses règlements d'application, ainsi que le rappelle l'article L. 36-6 de ce code, n'a été investie ni du pouvoir d'interprétation des lois et règlements ni de celui de contrôler la légalité d'un règlement dont l'objet a été précisément d'instituer un mécanisme de contrôle du contenu des services Télétel et services offerts sur les kiosques télématiques ou téléphoniques ;
Qu'elle n'a dès lors pas vocation à apprécier les clauses insérées dans des contrats en application du régime juridique d'exception prévu pour les services Audiotel ;
Qu'il s'ensuit que, sans méconnaître l'étendue de ses pouvoirs et sans dénaturer le litige dont elle était saisie, l'Autorité s'est à juste titre déclarée incompétente pour trancher le litige dont la société Copper communications l'avait saisie. »
Par conséquent, l'ensemble des obligations que l'Autorité entend préciser s'appliquent d'une part aux seuls opérateurs - i.e. les utilisateurs finals ne sont pas concernés -, et d'autre part sont sans préjudice des contraintes réglementaires spécifiques qui peuvent s'appliquer au contenu, notamment en matière déontologique.