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Article (Décision n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article (Décision n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)





I-2.1.2. Périmètre des marchés de l'accès au réseau téléphonique public


Les produits d'accès commercialisés aujourd'hui peuvent comporter plusieurs dimensions :
- l'accès au réseau de l'opérateur (selon diverses technologies : analogique, RNIS, ADSL...) ;
- l'accès aux services proposés par l'opérateur (accès au RTP, accès à internet, accès à des canaux audiovisuels, accès à un réseau privé) ;
- l'engagement en qualité de service (délais de livraison, garantie de temps de rétablissement...) ;
- les services complémentaires (facturation, prestations liées à l'accès téléphonique [messagerie, transfert d'appel], prestations liées au réseau privé [administration], prestations liées conjointement à l'accès téléphonique et au réseau privé [annuaire partagé, messagerie partagée...]).
Parmi les prestations d'accès, on peut distinguer quatre types de produits selon leur lien avec la téléphonie :
- les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie, tels que l'abonnement de base pour une ligne téléphonique fixe ;
- les accès utilisés principalement pour la téléphonie, tels que l'abonnement de base d'une ligne téléphonique fixe en dégroupage partiel permettant aussi l'accès à internet à haut débit ;
- les accès dont l'usage principal ne se limite pas à la téléphonie, tels qu'une offre en dégroupage total permettant l'accès à internet à haut débit, l'accès au service téléphonique et/ou à la télévision ;
- les accès de données tels qu'un réseau privé virtuel ou une liaison louée, qui peuvent être utilisés pour fournir un accès au réseau téléphonique public.
La question de la substituabilité ou de son absence se pose dans la comparaison de chacun de ces accès. L'analyse qui suit porte sur la substituabilité entre les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie et les accès utilisés principalement pour la téléphonie (a), sur la non-substituabilité entre les accès utilisés principalement pour la téléphonie et les accès dont l'usage principal ne se limite pas à l'accès au service téléphonique (b), sur la non-substituabilité entre les accès utilisés principalement pour la téléphonie et les accès de données (c) et sur la substituabilité ou non entre la composante « accès RTP » et les accès principalement téléphoniques dans les offres globales pour les entreprises (d).
Pour cette analyse, l'Autorité utilisera les définitions suivantes :
IP. On désigne par « IP » le protocole internet défini par l'Internet Engineering Task Force (IETF) ;
Voix sur IP. On désigne par « voix sur IP » la technologie utilisant le protocole IP pour le transport de la voix, au niveau de l'accès ou du coeur du réseau ;
Voix sur large bande (VLB). On désigne par « voix sur large bande » ou « VLB », les services de téléphonie fixe utilisant la technologie de la voix sur IP sur un réseau d'accès à internet dont le débit dépasse 128 kbit/s, et dont la qualité est maîtrisée par l'opérateur qui les fournit ;
Voix sur internet (VoI). On désigne par « voix sur internet » les services de communications vocales utilisant le réseau public internet, et dont la qualité de service n'est pas maîtrisée par son fournisseur.


a) Les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie
et les accès utilisés principalement pour la téléphonie sont substituables


La plupart des produits commercialisés aujourd'hui pour donner accès au réseau téléphonique public permettent aussi d'accéder à internet en bas débit. En outre, les offres d'abonnement analogiques de France Télécom permettent à leurs clients de souscrire un accès haut débit à internet auprès de France Télécom ou d'un autre FAI ; à ce titre, ces offres d'abonnement analogiques ne sont pas utilisées exclusivement pour accéder au réseau téléphonique. Enfin, on peut observer que l'offre d'accès de base RNIS comprend deux canaux B utilisés principalement pour la voix et un canal D utilisé pour la signalisation et le transport de données.
Tous ces produits sont vendus dans une gamme de prix qui reflète principalement l'usage d'accès au réseau téléphonique public, même s'ils permettent d'autres usages annexes.
Ces usages annexes peuvent bien sûr représenter les usages principaux de certains clients : une entreprise située dans une zone sans haut débit pourra utiliser un abonnement analogique ou RNIS uniquement pour accéder à internet, un client ayant récemment déménagé pourra utiliser son abonnement principal uniquement pour pouvoir souscrire à un abonnement haut débit, une entreprise pourra commander un accès de base RNIS uniquement pour utiliser le canal D si elle doit pouvoir communiquer avec un serveur n'autorisant les connexions que depuis ce type d'accès.
Néanmoins, le jeu concurrentiel est analysé sur l'ensemble du marché. A l'échelon national, les offres sont commercialisées pour un usage principal de téléphonie, et sont tarifées en conséquence.
Il existe donc une substituabilité du côté de la demande.
Ces produits doivent donc être considérés dans les mêmes marchés, y compris les prestations annexes incluses dans ces offres, que ce soit pour accéder à un réseau de données (notamment internet et X.25), ou pour fournir des prestations liées à l'accès téléphonique (notamment le signal d'appel, l'affichage du numéro ou du nom des appelants, le renvoi d'appels, le rappel du dernier appelant, la restriction de la présentation du numéro, le double appel, la conférence téléphonique, la messagerie vocale, le répertoire téléphonique, le suivi de consommation, la restriction d'appels, la sélection directe à l'arrivée) dans la mesure où l'ensemble de ces services est commercialisable en bouquet indissociable.
Conformément à l'article L. 32-1-II (13°) du CPCE, l'analyse de l'Autorité doit veiller à être technologiquement neutre. Si un opérateur commercialisait un produit d'accès avec d'autres technologies d'accès que celles utilisées aujourd'hui pour la voix (analogique, RNIS), par exemple de la voix sur IP sur un accès exploitant la technologie ADSL, et que ce produit était principalement utilisé pour accéder au réseau téléphonique public, et s'il était vendu dans une même gamme de prix, alors il devrait être inclus dans les mêmes marchés que les autres accès principalement téléphoniques.
Dans la suite on dénomme « principalement téléphonique » les accès exclusivement ou principalement téléphoniques.


b) Les accès utilisés principalement pour la téléphonie
et les accès dont l'usage principal ne se limite pas à la téléphonie ne sont pas substituables


Les produits qui ne sont pas principalement utilisés pour accéder au réseau téléphonique ne peuvent pas être considérés comme substituables aux produits étudiés dans la section précédente.
Certaines offres d'accès à haut débit, qu'elles soient par câble, par paire de cuivre, ou par fibre optique, permettent d'accéder au réseau téléphonique mais fournissent de manière conjointe d'autres services comme l'accès à haut débit au réseau internet ou l'accès à un bouquet de chaînes de télévision. Néanmoins, dès lors que ces offres ne sont pas choisies par le client final principalement pour la prestation de téléphonie mais aussi, voire principalement, pour leur caractère « multiservice » (notamment leur capacité à accéder au réseau internet à haut débit ou à des services audiovisuels), elles ne répondent pas à la même demande que celles destinées principalement à l'accès téléphonique. Il n'existe donc pas de substituabilité du côté de la demande.

En outre, le positionnement et le développement des offres multiservices à haut débit, auxquelles un utilisateur s'abonne pour des services qui peuvent inclure le service téléphonique, mais sans en constituer l'élément principal, les distinguent des offres dont cet accès est le principal usage. Les conditions de concurrence ne sont donc ni similaires ni suffisamment homogènes.
Ainsi, le parc de clients haut débit de 1998 ne comptait que quelques dizaines de milliers d'abonnés, et se concentrait sur le câble ; le marché actuel a bénéficié du fort développement des offres ADSL : au premier trimestre 2005 on comptait près de 500 000 abonnés au câble et 6,8 millions en haut débit sur le marché résidentiel (13). Par ailleurs, le tarif de détail des accès haut débit, s'il a été divisé par trois en deux ans pour un débit de 512 kbit/s, reste sensiblement plus élevé que celui d'un accès dédié à l'accès téléphonique et à l'accès à internet bas débit : les offres de débit 512 kbit/s commencent à environ 15 EUR, en plus de l'abonnement téléphonique pour les accès partiellement dégroupés (l'évolution des offres va actuellement surtout dans le sens d'une augmentation des débits). Les offres en dégroupage total impliquent pour leur part l'acquisition d'un modem qui peut coûter de 3 à 4 EUR par mois. Enfin, une dizaine d'acteurs majeurs interviennent sur le marché du haut débit, alors qu'on a vu le nombre excessivement faible d'opérateurs intervenant sur celui des offres principalement téléphoniques, en particulier pour la clientèle résidentielle.