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Article (Décision n° 2005-0960 du 8 décembre 2005 portant sur la spécification des obligations de comptabilisation et de restitution des coûts, notamment de séparation comptable, imposées à la société Orange France, à la Société française du radiotéléphone, à la société Bouygues Telecom, à la société Orange Caraïbe et à la Société réunionnaise du radiotéléphone en raison de leur influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif)

Article (Décision n° 2005-0960 du 8 décembre 2005 portant sur la spécification des obligations de comptabilisation et de restitution des coûts, notamment de séparation comptable, imposées à la société Orange France, à la Société française du radiotéléphone, à la société Bouygues Telecom, à la société Orange Caraïbe et à la Société réunionnaise du radiotéléphone en raison de leur influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif)


II-2. Les objectifs des obligations comptables


Le cadre réglementaire français éclairé par le cadre communautaire fait apparaître une déclinaison en trois volets des obligations comptables.
Le premier volet s'attache aux méthodes de comptabilisation des coûts (art. D. 311 et D. 312 du CPCE).
Un système de comptabilisation des coûts est un dispositif qui permet l'attribution des coûts, des revenus et du capital employé à chaque activité et service offerts sur le marché considéré. L'Autorité est compétente pour, le cas échéant, définir les spécifications du système de comptabilisation des coûts imposé au titre de la régulation des marchés.
Le format des restitutions comptables produites par le système de comptabilisation des coûts est défini par l'Autorité, et le degré de détail de ces restitutions est déterminé en fonction des objectifs de régulation, notamment le respect des obligations de non-discrimination et de reflet des coûts correspondants lors du contrôle tarifaire.
Les méthodes de valorisation et d'allocation des coûts utilisées dans la préparation des restitutions du système de comptabilisation des coûts doivent par ailleurs satisfaire les principes d'efficacité, de non-discrimination et de pertinence.
Le taux de rémunération du capital appliqué est déterminé par l'Autorité.
Cette obligation de tenir un système de comptabilisation des coûts réglementaires est notamment utilisée à des fins de séparation comptable et s'applique sur un périmètre large correspondant à l'ensemble des activités de l'entreprise. Au-delà des données comptables de la société concernée, il convient en particulier d'apprécier la pertinence des niveaux de charges relatives aux prestations fournies à l'opérateur par des tiers ayant avec lui des liens capitalistiques.
Le deuxième volet prévoit la mise en place de l'obligation de séparation comptable (art. D. 312), en tant qu'il permet d'établir des « comptes individualisés ».
Afin d'obtenir une vision globale de l'ensemble de ses activités, et en particulier de l'allocation des coûts et ressources entre ces activités, l'opérateur soumis à l'obligation de séparation comptable doit mettre en oeuvre un système de comptes individualisés, dont le nombre, le périmètre et le détail sont établis, en tant que de besoin, par l'Autorité.
Le système de comptes individualisés est alimenté par le système de comptabilisation des coûts ; à ce titre, les méthodes de valorisation et d'allocation des coûts doivent être explicitées, transparentes et respecter les principes d'efficacité, de non-discrimination et de pertinence. En particulier, le système de comptes individualisés permet de retracer les coûts et les revenus de chacune des activités entrant dans le périmètre de l'obligation, le capital employé par ces activités et les fonctions et inducteurs de coûts.
Le troisième volet prévoit également la mise en place de l'obligation de séparation comptable, en tant qu'elle porte sur la transparence des flux internes aux entreprises verticalement intégrées (directive « accès », article 11 et article D. 312 [II] du CPCE).
Dans l'optique de garantir le respect de l'obligation de non-discrimination prévue explicitement par le cadre communautaire, l'article L. 38 (5°) du CPCE dispose que les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, l'obligation « d'isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article » dont l'obligation prévue à l'article L. 38 (2°) de « fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ». L'article D. 312 (II) prévoit que lorsqu'un opérateur est soumis à une obligation de séparation comptable, et que ce dernier « est tenu à une obligation de non-discrimination, il peut être tenu de valoriser aux mêmes prix de cession les installations et équipements de son réseau ou les moyens qui y sont associés, qu'ils soient employés pour fournir des services d'interconnexion et d'accès ou d'autres services ». Ainsi, les méthodes de valorisation des coûts utilisées pour les prestations d'interconnexion ou d'accès auxquelles l'opérateur a recours pour ses propres besoins doivent être les mêmes que celles utilisées pour l'établissement des tarifs de ces prestations à destination d'un opérateur tiers.
De même, au titre de l'obligation de non-discrimination imposée à un opérateur disposant d'une influence significative sur un marché de gros, l'Autorité peut demander la justification des modalités techniques et financières des services d'interconnexion et d'accès que cet opérateur offre à ses propres services, filiales et partenaires (art. D. 309 du CPCE).


III. - SPÉCIFICATION DU SYSTÈME
DE COMPTABILISATION DES COÛTS
III-1. Principe


Les spécifications du système de comptabilisation des coûts sont définies par l'Autorité dans l'annexe A de la présente décision. La société Orange France, la Société française du radiotéléphone et la société Bouygues Telecom pour la métropole, respectivement la société Orange Caraïbe sur la zone Antilles-Guyane et la Société réunionnaise du radiotéléphone à la Réunion, mettent en oeuvre ces spécifications dans le cadre de la restitution réglementaire à l'Autorité pour les exercices comptables relatifs aux années 2004, 2005, 2006 et 2007, respectivement pour les exercices comptables relatifs aux années 2006 et 2007.
Au-delà du respect des règles précisées dans cette annexe par l'Autorité, les opérateurs sont amenés en l'absence de spécifications à arrêter des choix, notamment de comptabilisation et d'allocation de coûts. Ces choix peuvent avoir une influence significative sur la restitution réglementaire faite à l'Autorité. Ainsi, les opérateurs transmettent, à l'Autorité ainsi qu'aux organismes de certification désignés par cette dernière, l'ensemble de leurs choix, notamment de comptabilisation et d'allocation des coûts et des revenus, en les expliquant et en les motivant.
L'Autorité tient à souligner l'existence de deux exercices distincts :
- la comptabilisation des coûts, d'une part ;
- la tarification de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile, d'autre part.
Le premier exercice consiste en la définition par l'Autorité des méthodes de valorisation des actifs et des règles de comptabilisation de coûts, dans le respect desquelles les comptes règlementaires (incluant des éléments de coûts) doivent lui être restitués.
Dans le cadre du deuxième exercice, l'Autorité prend en compte l'ensemble des éléments restitués, notamment relatifs aux coûts, avant de déterminer l'encadrement tarifaire annuel ou pluriannuel de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile. Aussi, les spécifications du système de comptabilisation des coûts ne sauraient-elles préjuger des méthodes retenues pour la tarification de la prestation de terminaison d'appel vocal directe pour une année donnée. S'agissant par exemple de la valorisation des actifs (cf. ci-dessous), ces méthodes peuvent notamment reposer sur un référentiel de coûts historiques ou d'autres référentiels de coûts, ce qui suppose que l'Autorité dispose des éléments nécessaires en termes de restitution (cf. section IV-2).


III-2. Valorisation des actifs
Existence de différentes méthodes de valorisation des actifs


Trois méthodes différentes de celle des coûts historiques sont envisageables.
La méthode des coûts courants. En comparaison de la méthode des coûts historiques, l'amortissement et le coût du capital sont modifiés pour intégrer les évolutions de prix des actifs, c'est-à-dire à la fois l'inflation et le progrès technique. Le profil des annuités totales et les parts respectives de l'amortissement et du coût du capital, infléchis en conséquence, sont ainsi ajustés pour permettre à l'opérateur de financer régulièrement les renouvellements nécessaires de son réseau.
La méthode des annuités économiques. Elle s'inscrit dans la logique précédente de prise en compte des évolutions de prix. Mais elle intègre en outre un principe de lissage des annuités totales au cours du temps, qui deviennent ainsi moins dépendantes des cycles d'investissements. Elle répond dès lors à la fois aux impératifs de financement de l'opérateur et à la volonté du régulateur de limiter l'impact des cycles d'investissements.
Les coûts de remplacement en filière reposent sur le principe du « make or buy » : cette méthode vise à rendre neutre pour les opérateurs clients la décision de louer l'infrastructure ou de la reconstruire. Elle est proche de la méthode des annuités économiques dans ses fondements ; toutefois, à la différence de celle-ci, elle ne s'applique pas à la chronique des investissements réalisés, mais s'appuie sur une chronique théorique, déduite de la valeur à neuf du réseau.
Les caractéristiques de la méthode de valorisation des actifs recherchées par l'Autorité sont les suivantes :
En premier lieu, il est important que la méthode soit la moins sensible possible aux variations liées aux cycles d'investissement.
En deuxième lieu, les actifs constitutifs des réseaux mobiles, lorsqu'ils correspondent à des investissements récents, sont sujets à des évolutions sensibles de prix d'achat des équipements correspondants et s'avèrent marqués par de forts taux de progrès techniques. Il apparaît important à l'Autorité que la méthode de coûts choisie puisse intégrer ces paramètres.


Pertinence des méthodes de valorisation des actifs
dont celle des coûts historiques


En ce qui concerne la méthode des coûts historiques en vigueur depuis 2001, il se pourrait qu'elle ne soit pas la plus appropriée à l'avenir pour répondre aux objectifs précités, puisqu'en particulier elle ne prend qu'imparfaitement en compte l'évolution des prix.
Les méthodes des coûts courants et des annuités économiques, ainsi que la méthode de coûts de remplacement en filière, ne sont pas nécessairement aujourd'hui les plus appropriées pour la valorisation des actifs intervenant dans la fourniture de prestations de terminaison d'appel vocal mobile, mais l'Autorité n'écarte pas la possibilité qu'elles puissent le devenir dans le futur.
Ainsi, la méthode des coûts historiques présente aujourd'hui une relative pertinence pour la valorisation d'actifs de réseaux mobiles par rapport aux autres méthodes, notamment car, à la différence d'actifs d'un réseau fixe (comme celui de France Télécom), les actifs de très longue durée et comptablement complètement amortis sont quasi inexistants.


Conclusion


Dans la continuité de la décision n° 2001-458 susvisée et en l'état actuel de l'examen de la pertinence des méthodes envisageables de valorisation d'actifs, l'Autorité choisit au titre de la présente décision de maintenir la méthode des coûts historiques pour la restitution des éléments de coûts et de revenus.


IV. - RESTITUTION COMPTABLE
IV-1. Principes généraux


L'Autorité attend des opérateurs qu'ils produisent des résultats issus de leur système de comptabilisation des coûts sous des formats définis par l'Autorité et sur la base de coûts historiques.
Conformément au CPCE, l'Autorité détermine le taux de rémunération du capital que les opérateurs utilisent pour chaque exercice annuel. A défaut d'une révision annuelle, le taux en vigueur correspond au dernier taux arrêté par l'Autorité. La méthode de calcul de ce taux tient compte du coût moyen pondéré des capitaux et de celui que supporterait un investisseur dans le secteur des services mobiles de communications électroniques en France.
Conformément à l'article D. 312-II du CPCE précité, l'Autorité peut préciser le nombre et le degré de détail des comptes individualisés. A ce titre, l'Autorité impose notamment aux opérateurs concernés la restitution sous la forme d'un compte individualisé des coûts historiques relatifs aux prestations vocales, dont celle de terminaison d'appel vocal mobile.
Au-delà de la prestation de terminaison d'appel vocal mobile, il est nécessaire que l'Autorité puisse apprécier la complétude des coûts, notamment en raison du choix fait d'allouer à chaque prestation les coûts communs (ou indivis) au prorata de tous les autres coûts.
Par ailleurs, l'Autorité impose aux opérateurs la transmission d'états de coûts et de revenus prévisionnels. Ces éléments forment un compte individualisé prévisionnel, qui résulte de la projection sur les années futures des grands agrégats de coûts et de revenus, sur la base d'informations disponibles à la date de constitution de ce compte prévisionnel. Ce dernier ne présente pas le même niveau de détail que le compte individualisé constaté, formé d'éléments de revenus et de coûts historiques. L'opérateur pourra s'il le souhaite préciser le degré de fiabilité ou la marge d'erreur portée par le compte prévisionnel transmis à l'Autorité.
Enfin, au sein des comptes individualisés, les opérateurs distinguent les coûts spécifiques au réseau de deuxième génération (2G) de ceux spécifiques au réseau de troisième génération (3G) et des coûts communs à ces deux technologies (2). Cette distinction est cohérente avec la classification des équipements de réseau et moyens de transmission en trois catégories : « spécifique 2G », « spécifique 3G » et communs.
L'Autorité tient à souligner que l'imposition d'un degré fin de détail du compte individualisé voix, en particulier la restitution séparée des coûts spécifiques 2G et des coûts spécifiques 3G, ne remet pas en cause le principe de neutralité technologique (3). En effet, l'Autorité n'envisage pas d'instaurer une différenciation tarifaire de terminaison d'appel entre la 2G et la 3G, ni d'appliquer des méthodes de valorisation d'actifs différentes selon que ces actifs correspondent au réseau 2G ou au réseau 3G. Néanmoins, dans la mesure où les réseaux 3G vont, durant une phase de montée en charge de quelques semestres, faire apparaître des amortissements pleins pour des volumes de trafic modérés, l'Autorité souhaite disposer d'une visibilité sur l'ampleur de cet effet comptable sur les coûts relatifs à la terminaison d'appel vocal mobile.
En outre, la restitution demandée est proportionnée aux objectifs de régulation définis à l'article L. 32 (1-II) du CPCE en ce qu'elle permet à l'Autorité de mieux appréhender les obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts imposées par la présente décision en termes de « développement de l'emploi de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ».
Enfin, ces demandes spécifiques sont justifiées en raison du fort enjeu représenté par la terminaison d'appel vocal mobile dans le secteur des communications électroniques : cette prestation est celle qui engendre les flux financiers interopérateurs les plus importants, à la fois entre opérateurs mobiles et entre les opérateurs fixes et les opérateurs mobiles.

La terminaison d'appel vocal fixe vers mobile a représenté en 2002 un volume de trafic de 10 milliards de minutes pour un chiffre d'affaires de 2,2 milliards d'euros. La terminaison mobile vers mobile a représenté un volume de plus de 12 milliards de minutes en 2002. La terminaison d'appel vocal fixe vers mobile a représenté en 2003 un volume de trafic identique à celui de 2002, de 10 milliards de minutes, pour un chiffre d'affaires de 1,9 milliard d'euros. La terminaison mobile vers mobile a représenté un volume de plus de 15 milliards de minutes en 2003.