II-A-2-c. Substituabilité entre différents types de dégroupage
Le dégroupage est un terme générique recouvrant plusieurs types d'accès dégroupés. On peut ainsi distinguer dégroupage partiel et total, d'une part, et dégroupage de la boucle locale et de la sous-boucle locale cuivre, d'autre part.
Ces quatre modes de dégroupage correspondent à des demandes globalement assez proches. Elles supposent en effet les mêmes types d'investissements de la part de l'opérateur, en termes de raccordements et d'équipements, et les mêmes savoir-faire technologiques. Elles permettent de plus de proposer au client final les mêmes catégories de services.
D'une part, le dégroupage total suppose les mêmes investissements en termes de capillarité du réseau et d'installation d'équipements actifs que le dégroupage partiel, tout en permettant à l'opérateur de proposer des services supplémentaires à son client, reposant sur l'utilisation des fréquences basses de la paire de cuivre.
D'autre part, le dégroupage de la sous-boucle locale cuivre permet d'atteindre certains abonnés avec des débits supérieurs à ceux possibles avec le dégroupage au niveau du répartiteur. En effet, le sous-répartiteur étant plus proche des locaux de l'abonné, l'affaiblissement des lignes depuis le sous-répartiteur est donc moindre comparé à l'affaiblissement depuis le répartiteur. Il apparaît que le dégroupage de la sous-boucle locale cuivre ne représente pas une demande indépendante du dégroupage de la boucle locale, mais en est complémentaire. Il permet en effet de contourner les contraintes liées à la longueur des lignes issues des répartiteurs et d'aller proposer pour ces lignes trop longues des services directement depuis le sous-répartiteur.
Par ailleurs, du côté de l'offre, un opérateur proposant l'un de ces modes de dégroupage est nécessairement en mesure de proposer les autres car elles constituent, en pratique, des déclinaisons d'une seule et même opération physique. Ces quatre offres sont fondées sur la même infrastructure technique, difficilement duplicable par un nouvel entrant, à un niveau proche dans la hiérarchie du réseau.
Du côté de la demande et du côté de l'offre, les quatre modes de dégroupage définis ci-dessus apparaissent donc comme substituables.
L'Autorité considère que le marché pertinent à délimiter est celui des offres d'accès dégroupé, total ou partagé, à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre.
II-B. - Délimitation géographique du marché
II-B-1. Principes
Il est rappelé au point 56 des lignes directrices susvisées que, « selon une jurisprudence constante, le marché géographique pertinent peut être défini comme le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans la fourniture ou la demande des produits ou services pertinents, où elles sont exposées à des conditions de concurrence similaires ou suffisamment homogènes, et qui se distingue des territoires voisins sur lesquels les conditions de concurrence sont sensiblement différentes ».
La Commission précise au point 59 des lignes directrices susvisées que, dans le secteur des communications électroniques, la portée géographique du marché pertinent est traditionnellement déterminée par référence à deux critères principaux qui permettent de procéder à la délimitation géographique des marchés de communications électroniques : le territoire couvert par les réseaux, d'une part, et l'existence d'instruments de nature juridique conduisant à distinguer telle ou telle zone géographique ou, au contraire, à considérer que le marché est de dimension nationale, d'autre part.
Par ailleurs, cette analyse doit être menée dans une approche prospective. S'agissant des marchés de gros sous-jacents aux services de communications électroniques fixes, le critère de substituabilité du côté de la demande est peu pertinent pour déterminer l'étendue géographique d'un marché : un opérateur cherchant à acheter un produit de gros pour desservir un client donné situé dans une zone géographique donnée ne peut acheter un produit de gros dont l'accès est situé sur une zone géographique distincte.
Ainsi, c'est le critère de substituabilité du côté de l'offre qui primera dans l'analyse. Plus précisément, en se référant aux lignes directrices de la Commission, il conviendra de déterminer si des opérateurs qui ne sont pas encore présents sur une zone géographique donnée, mais le sont sur une autre zone géographique, feront le choix d'y entrer à court terme en cas d'augmentation des prix relatifs. Dans ce cas, la définition du marché doit être étendue à la zone sur laquelle sont présents ces opérateurs.
II-B-2. Analyse
L'Autorité constate que France Télécom, opérateur historique, possède et opère un réseau d'accès cuivre en situation de quasi-monopole, détenant plus de 99 % des paires de cuivre en France, et qui couvre l'intégralité des territoires de la métropole, des départements d'outre-mer et de Mayotte, à l'exception de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ainsi, les conditions de concurrence apparaissent comme parfaitement homogènes sur ce marché à l'échelle nationale, à l'exception de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Saint-Pierre-et-Miquelon est une collectivité territoriale d'outre-mer de la République française. La réglementation communautaire n'y est pas applicable, mais elle entre dans le périmètre couvert par le code des postes et des communications électroniques.
L'Autorité note que sur le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon la boucle locale est possédée par SPM Télécom, filiale du groupe France Télécom.
Tenant compte de la jurisprudence communautaire, qui se réfère notamment au territoire couvert par un réseau pour délimiter la dimension géographique des marchés pertinents, l'Autorité distingue deux zones géographiques : d'une part, le territoire composé de la métropole, des départements d'outre-mer et de Mayotte, d'autre part, Saint-Pierre-et-Miquelon.
La présente décision traite par défaut de la zone géographique correspondant au territoire métropolitain, aux départements d'outre-mer et à Mayotte. Le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon sera traité dans une décision ultérieure de l'Autorité.
II-C. - Pertinence du marché au regard de la régulation sectorielle
L'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques dispose que l'Autorité doit définir les marchés, « au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective ».
Ainsi, pour qualifier un marché de pertinent au regard de la régulation sectorielle, il convient de mener une analyse concurrentielle de ce marché.
Le marché de gros de l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre a fait l'objet d'une analyse par la Commission européenne, dans sa recommandation sur les marchés pertinents. Elle a estimé que ce marché remplissait les trois critères qu'elle a définis (présence de barrières à l'entrée, absence de perspective de développement de la concurrence, insuffisance du droit de la concurrence) (8) et que, de ce fait, ce marché était pertinent pour la régulation ex ante.
La nécessité de réguler ex ante ce marché est justifiée au regard des caractéristiques structurelles du marché évoquées ci-dessous.
Ce marché repose sur la boucle locale, qualifiée d' « infrastructure essentielle » par le Conseil de la concurrence (9), qui appartient à un unique opérateur et à laquelle tout opérateur alternatif a besoin d'avoir accès pour pouvoir proposer des offres haut débit sur les marchés de détail.
Ce réseau local n'étant pas duplicable par un opérateur nouvel entrant, il apparaît que les barrières à l'entrée sur ce marché sont extrêmement élevées et que les perspectives de développement de la concurrence sont quasi nulles. Dans ces conditions, l'ouverture de ce marché n'est possible que par l'intervention d'une régulation ex ante qui dispose d'outils adaptés pour réguler l'accès, y compris au plan tarifaire, sur un terme suffisamment long pour qu'une concurrence pérenne puisse se développer. Ces outils spécifiques à la régulation ex ante sont notamment l'obligation pour les tarifs de refléter les coûts ou encore la mise en place et le suivi d'obligations de séparation comptables et d'audit des coûts. Le seul droit de la concurrence apparaît donc comme insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence structurels existant sur ce marché.
L'Autorité considère donc que le marché tel que défini dans l'analyse ci-dessus doit être déclaré pertinent au titre de la régulation sectorielle des communications électroniques, à ce stade indispensable pour favoriser le développement de la concurrence et l'investissement des opérateurs dans les infrastructures.