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Article (Délibération n° 2005-039 du 10 mars 2005 portant avis sur un projet de décret en Conseil d'Etat relatif au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles)

Article (Délibération n° 2005-039 du 10 mars 2005 portant avis sur un projet de décret en Conseil d'Etat relatif au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles)


La Commission nationale de l'informatique et des libertés,
Saisie pour avis le 3 décembre 2004 par le ministre de la justice d'un projet de décret en Conseil d'Etat relatif au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, pris en application de l'article 706-53-12 du code de procédure pénale ;
Vu la Convention n° 108 du 28 janvier 1981 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;
Vu la directive n° 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
Vu le code de procédure pénale, et notamment ses articles 706-53-1 à 706-53-12 ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, et notamment son article 26 ;
Vu la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, et notamment ses articles 216 et 217 ;
Vu le projet de décret en Conseil d'Etat transmis par le ministre de la justice ;
Après avoir entendu M. Patrick Delnatte, commissaire, en son rapport et Mme Charlotte-Marie Pitrat, commissaire du Gouvernement, en ses observations,
Emet l'avis suivant :
Le ministre de la justice a, conformément à l'article 706-53-12 du code de procédure pénale, saisi pour avis la Commission du projet de décret prévu par cette disposition et du dossier de formalités préalables relatif au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAIS).

Conformément à l'article 706-53-1 du code de procédure pénale, le FIJAIS a pour finalités la prévention du renouvellement des infractions à caractère sexuel visées à l'article 706-47 du code de procédure pénale et l'identification de leurs auteurs.
Les informations enregistrées, conformément à l'article 706-53-2 du code de procédure pénale, concernent l'identité des personnes concernées (nom, prénom, sexe, date et lieu de naissance, nationalité, le cas échéant les alias, les changements de nom et les noms d'usage, ainsi que les adresses successives du domicile ou de la résidence, la commune de rattachement pour les personnes titulaires d'un livret ou d'un carnet de circulation avec, le cas échéant, les dates correspondantes).
La Commission prend acte qu'il est également prévu de collecter la filiation des personnes devant être inscrites au fichier, mais uniquement dans l'hypothèse où ces dernières ne figureraient pas déjà au répertoire national d'identification des personnes physiques ; dans la mesure où la collecte de cette information a pour but de ne pas inscrire par erreur une personne au FIJAIS, elle considère que l'enregistrement de cette information est justifié dans ce cas précis ; qu'en outre, cette information ne saurait constituer un critère de recherche dans la base.
Les autres informations enregistrées concernent la décision ou la mesure justifiant l'inscription au FIJAIS (nature de l'infraction justifiant les poursuites ou la condamnation, nature et date de la décision, peines ou mesures prononcées, juridiction les ayant prononcées) ; l'enregistrement au fichier de la date et du lieu des faits commis par l'intéressé est justifié par la nécessité pour les officiers de police judiciaire de pouvoir identifier plus facilement les auteurs des infractions visées à l'article 706-47 du code de procédure pénale.
Conformément à l'article 706-53-4 du code de procédure pénale, les informations enregistrées sont effacées à l'issue d'un délai de vingt ou trente ans selon la gravité de l'infraction considérée à compter du jour où l'ensemble des décisions enregistrées ont cessé de produire tout effet ; le projet de décret précise les hypothèses dans lesquelles ces informations sont effacées avant l'écoulement de cette durée maximale de conservation (décision non définitive faisant l'objet d'un non-lieu, de relaxe ou d'acquittement ; cessation ou mainlevée d'une mesure de contrôle judiciaire ; mort de l'intéressé ; ordre du procureur de la République compétent d'effacer des informations).
Les intéressés exerceront leur droit d'accès aux informations les concernant selon la même procédure que pour l'accès aux informations enregistrées au casier judiciaire national automatisé, à savoir la communication orale par un magistrat de l'ensemble des informations les concernant, sans pouvoir en obtenir une copie, conformément à l'article 777-2 du code de procédure pénale.
La liste des destinataires des informations enregistrées au FIJAIS est fixée par l'article 706-53-7 du code de procédure pénale et concerne les autorités judiciaires, les officiers de police judiciaire et les préfets et administrations de l'Etat.
La Commission prend acte du fait que la liste précise des administrations publiques susceptibles d'avoir accès au FIJAIS, qui n'est pas encore arrêtée, lui sera soumise ultérieurement, conformément aux dispositions de l'article 706-53-12 du code de procédure pénale et que le projet de décret rappelle expressément que les officiers de police judiciaire ne peuvent accéder au FIJAIS que dans le cadre des procédures limitativement énumérées par la loi dont ils peuvent être saisis ou de l'information prévue par l'article R. 53-8-25 et à la condition d'être spécialement habilités à cette fin.
S'agissant de la transmission par le gestionnaire du fichier, conformément à l'article 706-53-8 du code de procédure pénale, de toute nouvelle inscription d'une personne au FIJAIS, de toute modification d'adresse d'une personne déjà inscrite et de l'identité des personnes qui n'ont pas justifié de leur adresse dans les délais prévus au ministère de l'intérieur, la commission prend acte de ce que les informations transitent par le ministère de l'intérieur, sans être jamais stockées que ce soit au niveau central ou local, qu'aucune donnée directement nominative ne sera transmise de cette façon et que le destinataire de l'alerte ne pourra utiliser que le numéro de dossier contenu dans l'alerte pour consulter le fichier.
S'agissant des dispositions transitoires de la loi du 9 mars 2004, la commission note que le législateur a prévu l'inscription au FIJAIS des personnes condamnées pour l'une des infractions prévues par l'article 706-47 du code de procédure pénale avant la date de publication de cette loi ; qu'à cette fin, le gestionnaire du FIJAIS est autorisé à obtenir la liste de ces personnes qui exécutent une peine privative de liberté par consultation du fichier national des personnes incarcérées ; que, s'agissant des personnes condamnées mais ayant purgé leur peine, il est prévu que les services de la police ou de la gendarmerie nationales procèdent, à la demande du magistrat contrôlant le fichier, aux recherches nécessaires pour déterminer l'adresse de ces personnes.
La commission observe que ces dispositions législatives prévoient expressément que les recherches prévues peuvent se faire par des traitements automatisés rapprochant l'identité de ces personnes avec les informations figurant dans les fichiers des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale prévues, dans le fichier des comptes bancaires de l'administration fiscale ou dans les fichiers de police judiciaire ; que, si ces rapprochements ne sont autorisés que pendant une période de trente-six mois à compter de la publication de la loi du 9 mars 2004, ils n'en constituent pas moins des traitements automatisés de données à caractère personnel au sens de la loi du 6 janvier 1978 ; qu'en conséquence, s'ils devaient être pratiquement mis en oeuvre, ils devraient au préalable être autorisés par la commission.
Le projet de décret prévoit les modalités de l'information des intéressés, qui sera effectuée en même temps que la notification des obligations résultant de l'inscription au fichier et, selon le cas, par la juridiction, l'administration pénitentiaire ou un magistrat.
La commission prend acte de la proposition du ministère de la justice de lui soumettre, après validation par les ministères concernés, le document prévu par l'article R. 53-8-9 et servant à la fois de support à cette information.
S'agissant des garanties mises en oeuvre, la commission prend acte de ce que :
- le FIJAIS est placé sous le contrôle du magistrat dirigeant le casier judiciaire, auquel le projet de décret reconnaît la possibilité de refuser ou d'effacer les enregistrements qui ne sont pas conformes aux exigences législatives et réglementaires ;
- l'alimentation du fichier est opérée directement et sans délai par les magistrats, par l'intermédiaire de moyens de télécommunication sécurisés après vérification de leur identité ;
- le gestionnaire du fichier procédera, avant d'inscrire effectivement une personne au FIJAIS, à la vérification de son identité dans les conditions prévues par l'article R. 64 du code de procédure pénale, c'est-à-dire au vu du répertoire national d'identification des personnes physiques ; que le projet de décret modifie l'article R. 64 du code de procédure pénale afin de préciser que le gestionnaire du fichier ne peut utiliser l'extrait du répertoire qui lui est communiqué qu'à cette seule fin de vérification ;
- les critères d'interrogation du fichier sont énumérés par le projet de décret ;
- le projet de décret prévoit les modalités et la procédure selon lesquelles les intéressés peuvent demander la rectification ou l'effacement des informations les concernant qui sont inscrites au fichier ; que, s'ils obtiennent gain de cause, le gestionnaire du fichier, une fois informé de la décision du magistrat compétent, doit procéder sans délai à l'effacement ou à la rectification des données concernées ;
- le code de procédure pénale, à l'instar de ce qu'il prévoit déjà pour le casier judiciaire national automatisé, limite les rapprochements et les interconnexions dont le FIJAIS peut faire l'objet aux fichiers ou recueils de données nominatives dépendant du ministère de la justice et érige en infraction le fait, pour les personnes ou organismes ne dépendant pas de ce ministère, de mentionner les informations figurant au FIJAIS, hors les cas et dans les conditions prévues par la loi ;
- les mesures de sécurité et de confidentialité entourant tant le traitement que les données qui y sont enregistrées sont celles qui sont déjà propres au casier judiciaire national automatisé ; que l'identification et l'authentification des utilisateurs des différentes fonctions de l'application sont décrites avec un niveau de sécurité très élevé ; que, conformément à l'article 706-53-12 du code de procédure pénale, le projet de décret précise que les informations concernant les enregistements et les interrogations dont le fichier fait l'objet, ainsi que la qualité de la personne ou de l'autorité ayant procédé à l'opération, sont conservées trois ans.