Implantation en 1998 des sites serveurs de calcul par rapport aux MAN opérateurs alternatifs
(source des données Colt)
III-2.2.3. Les collectivités locales
Les collectivités locales peuvent intervenir en amont de ces marchés en déployant des infrastructures passives. A l'horizon de la présente analyse les infrastructures actives déployées par les collectivités locales ne devraient pas avoir un impact significatif sur les marchés de services de capacités.
Un opérateur alternatif (Colt) indique ne connecter à ce jour aucun client entreprise via des fibres louées aux collectivités locales, les seuls contrats signés concernant le support de liaisons dorsales. Cette absence d'utilisation des fibres optiques proposées par les collectivités locales peut s'expliquer dans certains cas par la longueur de fibre trop importante pour connecter un seul client, dans d'autres par la tarification de ces fibres à un tarif « rentable » pour construire un lien POP-NRA, mais non rentable pour la connexion d'une entreprise. En outre, pour un opérateur entrant, il est très coûteux de multiplier le nombre de fournisseurs de services de communications électroniques actifs (gestion des incidents, etc...) et que cela rend d'autant plus délicat la construction de services avec des protocoles complexes qui ne sont pas compatibles avec tous les systèmes.
Un autre opérateur alternatif (MCI) fait remarquer que la location de fibres issues des DSP représente une opportunité pour lui dans certains cas, essentiellement en région parisienne (Fibre Optique Défense et IRISE), les sites clients raccordés en province n'étant qu'au nombre de 5. L'opérateur souligne que, techniquement, il peut être difficile de s'interconnecter avec ces réseaux locaux et que, économiquement, il est difficile pour un opérateur entrant de souscrire à des offres avec des FAS importants et des durées d'engagement supérieures à celles habituellement pratiquées sur le marché des liaisons louées. Ainsi le fonctionnement du marché au niveau national n'est pas sensiblement modifié par les DSP.
Comme France Télécom le fait remarquer dans sa réponse à la seconde consultation publique, l'Autorité se félicite de l'importance prise par les réseaux d'initiative publique. Leur impact sur les marchés de services de capacité n'est cependant pas mesurable à ce jour. Dans le cas où cette situation évoluerait, l'Autorité anticiperait le renouvellement de la présente analyse des marchés des services de capacité pour adapter ses conclusions, comme le prévoit l'article D. 302 du CPCE.
III-2.2.4. La concurrence potentielle sur le marché
La concurrence potentielle provient d'opérateurs qui pourraient éventuellement entrer sur le marché, notamment à la faveur d'une augmentation des prix ou d'une baisse des barrières à l'entrée.
Celle-ci ne semble pas pouvoir provenir des boucles locales du marché résidentiel (câblo-opérateurs) : leur boucle locale actuelle est concentrée dans des zones résidentielles et, dans les zones où ils sont en mesure de raccorder des entreprises, cette boucle nécessite de gros investissements de mise à niveau. De plus, le développement de services aux entreprises suppose des dépenses en moyens commerciaux, humains et marketing élevées. La barrière à l'entrée économique semble trop importante pour qu'ils puissent entrer sur le marché.
Elle ne semble pas non plus pouvoir provenir des opérateurs déployant des boucles locales radio (cf. II-2.3.1).
Pour les opérateurs ayant déployé un réseau dorsal pour les besoins en services de communications électroniques de la clientèle résidentielle (Télé 2, Free, AOL, Club Internet, Telecom Italia), la barrière économique d'entrée sur le marché des entreprises semble élevée (investissements lourds en termes commerciaux et en infrastructures). Des opérateurs comme Club Internet ou Telecom Italia, adossés à des opérateurs historiques ayant une expérience sur le marché des entreprises, sont susceptibles d'entrer sur le marché des entreprises mais cette entrée devrait être progressive et toucher en premier lieu les segments de la téléphonie et de l'accès à Internet et peu celui des services de capacités.
La concurrence potentielle qui peut venir des opérateurs ayant déployé un réseau dorsal pour servir le marché résidentiel ne semble pas pouvoir modifier la situation concurrentielle à l'horizon de l'analyse de marché.
III-2.3. Evolutions globales du marché
Des corrections marginales apportées par certains opérateurs ont conduit à légèrement modifier les chiffres après la mise en consultation publique de l'analyse, sans en changer les ordres de grandeur.
D'autre part, afin d'actualiser les analyses chiffrées du document soumis à consultation publique, les opérateurs ont répondu à un nouveau questionnaire quantitatif, envoyé le 27 janvier 2006, et dont la structure correspondait aux nouvelles caractéristiques du marché. La croissance du segment des capacités avec interfaces alternatives se confirme pour 2005. L'augmentation du chiffre d'affaires s'explique par une montée en débit des liaisons.
Pour le chiffre d'affaires (millions d'euros)
Pour le parc (nombre de liaisons)
III-2.4. Evolution des parts de marché de France Télécom
L'évolution des parts de marché de France Télécom en valeur sur l'ensemble du marché pertinent indique une tendance à la baisse mais une part de marché restant supérieure à 85 % en 2004 et à 80 % en 2005.
Sur la base des chiffres portant de la période 2001-2004, un examen des parts de marché avait été conduit sur les segments plus fins composant le marché. Que ce soit lorsqu'on examine les segments du marché par interfaces (liaisons louées traditionnelles vs interfaces alternatives) ou les débits (services de moins de 10 Mbit/s vs services de plus de 10 Mbit/s), les parts de marché de France Télécom sont en baisse mais toujours supérieure, à la barre des 70 % de 2001 à 2004. On notera néanmoins que, du fait de l'existence d'une certaine concurrence en infrastructures via les MAN déployés par certains opérateurs pour raccorder les sites clients, la part de marché de France Télécom pour les services de plus de 10 Mbit/s est sensiblement inférieure à celle qu'il occupe sur le segment des services de moins de 10 Mbit/s.
Concernant l'année 2005, les données recueillies en réponse au questionnaire du 27 janvier 2006 ne comprenaient plus de distinction entre les débits inférieurs ou supérieurs à 10 Mbit/s, ce qui correspond à l'analyse faite en II.2.1.2 de la présente décision incluant tous les services de capacité dans un même marché de détail.
Evolution de la part de marché de France Télécom selon les débits (2001-2005)
Evolution de la part de marché de France Télécom
selon les interfaces (2001-2005)
Au niveau des parcs, le calcul des parts de marché des opérateurs a moins de sens compte tenu de l'hétérogénéité des produits composant le marché pertinent (par exemple, une liaison analogique de moins de 4 kbit/s de 1 km aura le même poids dans le calcul qu'une liaison louée numérique de 155 Mbit/s de 30 km).
Néanmoins, l'examen des parts de marché de France Télécom en parc sur l'ensemble du marché pertinent confirme les ordres de grandeur obtenus sur le chiffre d'affaires avec une tendance à la baisse mais une part de marché restant supérieure à 80 % en 2004.
III-2.5. Evolution des prix des services commercialisés par France Télécom (2000-2005)
France Télécom en tant qu'opérateur en charge de la fourniture obligatoire des liaisons de l'ensemble minimal (liaisons louées analogiques, numériques 64 kbit/s et 2 Mbit/s structurées et non structurées) était tenu de respecter une obligation d'orientation de ses tarifs vers les coûts, ce qui a pu avoir une influence sur la fixation de ses tarifs.
A l'inverse, pour les autres services de capacités, notamment les liaisons louées dites n*64 kbit/s, il ne subissait aucune contrainte dans sa tarification, à l'exception d'une procédure d'homologation tarifaire. Or, sur ces liaisons, ses prix sont restés relativement stables au cours de la période, malgré l'ouverture à la concurrence depuis 1998 (voir graphique suivant portant sur les liaisons louées 128 kbit/s et 512 kbit/s), et ce malgré l'introduction d'une offre de gros à partir de l'année 2002.
Evolution des prix des liaisons louées numériques
Transfix 128 kbit/s de France Télécom (2000-2004)
Evolution des prix des liaisons louées numériques
Transfix 2.0 de 512 Kbit/s de France Télécom (2000-2004)
France Télécom, dans sa réponse à la première consultation publique, conteste que ses prix soient restés stables entre 2000 et 2004 au motif que la baisse du chiffre d'affaires sur cette période serait supérieure de 6 points à celle de la baisse du parc. La contestation de France Télécom est infondée : aucune décision tarifaire de France Télécom portant sur une évolution tarifaire de liaisons louées 64 k - 2 M n'a été homologuée depuis le passage à l'euro. L'année 2005, achevée après le lancement de la consultation publique, n'a donné lieu à aucune baisse de tarifs sur ces produits.
En outre, l'estimation faite par France Télécom est incorrecte, non seulement elle se fonde sur des périmètres différents (les liaisons louées ETSI, et non les liaisons louées ETSI inférieures ou égales à 2 Mbit/s), mais en plus elle est théoriquement infondée : une liaison louée étant tarifée en fonction de la distance et en débit, il suffit que la répartition en distance et en débit ait évolué entre 2001 et 2004 pour rendre inutilisable toute référence à une évolution du CA/parc entre 2001 et 2004.
III-2.6. Avantages concurrentiels de France Télécom
III-2.6.1. Contrôle d'une infrastructure difficile à dupliquer
Il est très difficile, techniquement et économiquement, de dupliquer la boucle locale mais aussi le réseau de desserte inter-répartiteur de France Télécom. En effet, le niveau des investissements nécessaires des opérateurs comparés aux revenus procurés par les services reste une barrière économique à l'entrée très élevée, notamment pour les opérateurs qui ne sont présents que sur le marché professionnel (voir analyse sur le marché de gros du segment terminal). L'introduction du dégroupage total permet de réduire le coût de déploiement dans la boucle locale pour les services de moins de 10 Mbit/s. De même, le déploiement d'infrastructures optiques en propre permet d'accéder aux sites des clients pour leur fournir des services de plus de 10 Mbit/s. Cependant, le dégroupage total et le déploiement des infrastructures optiques des opérateurs entrants ne devraient se limiter que dans les principales zones d'activité économique réunissant suffisamment de demande potentielle pour rentabiliser les investissements nécessaires et donc n'avoir qu'un impact insuffisant sur la période couverte par l'analyse de marché pour réduire sensiblement l'avantage conféré par le contrôle de l'infrastructure d'accès aux sites clients sur le segment terminal.
Sur l'essentiel du territoire et donc du marché, l'entrée d'opérateurs concurrents sur le marché de détail des services de capacités n'est généralement envisagée qu'en ayant recours aux offres de gros sur le marché du segment terminal (principalement celles de l'opérateur historique).
III-2.6.2. Présence d'importantes économies d'échelle et de gamme
France Télécom bénéficie d'économies d'échelle durablement supérieures à ses concurrents : grâce à l'importance de ses volumes de production, l'opérateur peut disposer d'un coût moyen de production inférieur à celui d'un autre opérateur. Ces économies d'échelle sont identifiables dans l'activité de France Télécom par le nombre très important de clients pour chaque réseau local, qui permet à l'opérateur historique un amortissement particulièrement rapide de ses investissements. A l'inverse, un opérateur souhaitant être compétitif par rapport à l'opérateur historique sur ce marché devra limiter ses tarifs de détail, ce qui rendra d'autant plus difficile l'amortissement de ses coûts et la couverture à terme des coûts irrécupérables. Cela augmentera son profil de risques financiers en allongeant la période de rentabilisation de ses investissements.
En outre, France Télécom bénéficie d'économies de gamme supérieures à ses concurrents : le partage des coûts fixes du réseau d'accès se fait sur une gamme plus étendue d'offres de détail et de gros.
III-2.6.3. Intégration verticale de France Télécom et effet de levier sur le marché de détail
Malgré la création d'offres de gros couvrant plusieurs segments de marché du segment terminal, France Télécom dispose encore des avantages d'effet de levier sur le marché de détail.
Tableau 5 : Réplicabilité des offres de détail de France Télécom
III-2.6.3.1. Sur le segment des liaisons louées
L'offre de demi-circuit LPT a été créée en 2002 lors d'un règlement de différend entre les sociétés MFS et France Télécom afin de permettre aux opérateurs d'utiliser ces LPT pour bâtir des liaisons louées de détail concurrentes de celles de France Télécom.
Malgré le mouvement significatif de commande des offres d'interconnexion de liaisons louées LPT apparu depuis le début de l'année 2004, il semblerait que les opérateurs ne les utilisent pas pour fournir des liaisons louées de détail mais comme brique de base pour bâtir des offres de détail sur d'autres segments de marché à plus forte valeur ajoutée comme les RPV IP ou la fourniture de la voix aux grands sites. Sur ces segments de marchés, notamment les RPV IP, les opérateurs peuvent valoriser quelques avantages comparatifs dans les services et applications à valeur ajoutée (sécurisation, hébergement, gestion de la qualité de service et de la flexibilité des débits sur un réseau MPLS).
III-2.6.3.2. Sur le segment des capacités avec interfaces alternatives
Le problème de réplicabilité des offres de détail de France Télécom se situe principalement au niveau des services de plus de 10 Mbit/s : alors que des offres de capacités de détail avec interfaces alternatives de France Télécom de plus de 10 Mbit/s existent sur le marché depuis 1997 (notamment les services Ethernet Lan to Lan point à point), l'absence d'offres de gros jusqu'en octobre 2005 (lancement de l'offre de gros « CE2O » [33]) a limité la concurrence des opérateurs entrants sur ce segment de marché à une concurrence en infrastructure par le biais des boucles métropolitaines optiques dans le segment terminal, ne couvrant que quelques communes d'une dizaine d'agglomérations, soit une portion très réduite du territoire.
L'introduction de nouvelles offres de gros sur ce segment de marché (notamment à la suite de cette analyse de marché) permettra d'améliorer la réplicabilité des offres de détail de France Télécom. Cependant, ce mouvement sera relativement progressif et la régulation de l'accès ne portera pas ses effets sur toute la période de l'analyse des marchés.
L'offre de gros avec interfaces alternatives de plus de 10 Mbit/s existante, CE2O, a été lancée sur le marché en mai 2005 et commandée pour la première fois par les opérateurs au dernier trimestre 2005. Cette offre n'a bien sûr pas pu être encore intégrée à des offres de détail des opérateurs entrants. Cela ne pourra d'ailleurs se faire qu'après une période assez longue : pour la réplicabilité technique, il faut compter entre 6 mois de délai incompressible dans un scénario optimiste où les tests techniques se révèlent satisfaisants et les différents engagements pris par France Télécom sont respectés (34), et environ 18 mois dans un scénario pessimiste mais déjà vécu avec les LPT (35). Par la suite, on ne peut exclure encore une période supplémentaire de migration de services existants, d'optimisation des architectures d'interconnexion, de compatibilité avec la gamme de services existants fournis sur infrastructures propres, de recherche de l'espace économique nécessaire pour l'intégration systématique aux offres de détail. Selon les opérateurs entrants, le premier usage qu'ils feront de CE2O est surtout destiné à bâtir des services de niveau 3 du type RPV IP avant de songer à des services de capacités de niveau 1 ou 2 (tout comme ils l'ont fait pour les LPT).
En outre, l'offre CE2O n'offre que des débits compris entre 6 et 100 Mbit/s et a pour noeud d'interconnexion les brasseurs ATM de France Télécom. Ces caractéristiques techniques et d'architecture ne lui permettent pas de couvrir l'ensemble des besoins de réplicabilité des offres de détail de France Télécom existantes, notamment deux catégories d'offres :
- les services de capacités avec interfaces alternatives de plus de 100 Mbit/s comme SMHD Giga, Inter LAN 1.0 1 Gbit/s ou Inter SAN ;
- les capacités avec interfaces alternatives de France Télécom d'envergure locale ou métropolitaine (quelques kilomètres entre sites clients), dont l'architecture repose sur un rattachement des sites clients à un même répartiteur de France Télécom, sans remontée jusqu'au brasseur. Il s'agit d'offres comme Inter LAN 1.0 ou Réseau Intra-Cité.
Si de nouvelles offres de gros avec des architectures aux caractéristiques techniques plus adaptées que CE2O à la réplicabilité de telles offres de détail sont créées à la suite de l'analyse de marché, cela induira des délais encore plus longs pour le lancement d'offres de détail par les opérateurs les incorporant comme briques de base : les délais déjà évoqués entre le lancement d'une offre de gros par France Télécom et celui d'une offre de détail des opérateurs, ainsi que ceux entre la finalisation de la procédure d'analyse de marché et le lancement effectif de l'offre de gros.