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Article (Décision n° 2004-938 du 9 décembre 2004 portant sur l'influence significative de la société SFR sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau et les obligations imposées à ce titre)

Article (Décision n° 2004-938 du 9 décembre 2004 portant sur l'influence significative de la société SFR sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau et les obligations imposées à ce titre)




I-4. Evolution prévisible de la situation concurrentielle


Les obstacles au développement d'une concurrence effective sur le marché de la terminaison d'appel mobile sont structurels et ne sont donc pas susceptibles d'évoluer a priori sur l'horizon de la période d'analyse (2005-2007).
L'Autorité estime que la faible élasticité de la demande de services téléphoniques par rapport au prix des appels entrants n'évoluera pas dans une proportion susceptible de créer une pression concurrentielle significative sur les charges de terminaison d'appel.
L'Autorité observera néanmoins avec attention le fonctionnement du marché et anticipera le prochain exercice d'analyse du marché si cette analyse prospective ne se vérifiait pas.


I-5. Avis du Conseil de la concurrence


Dans son avis n° 04-A-17 en date du 14 octobre 2004, le conseil soutient l'analyse développée par l'Autorité :
« L'ensemble des éléments décrits ci-dessus conduit donc à penser que, à l'horizon de 2007 et comme le propose l'ART, il n'existe aucune prestation substituable à la terminaison d'un appel sur le réseau mobile d'un opérateur et aucune évolution prévisible ne paraît a priori susceptible d'accroître la pression concurrentielle sur les CTA des trois opérateurs mobiles. Les trois marchés ainsi distingués sont d'un type très particulier puisque, par construction, ils ne peuvent constituer que des monopoles, non contestables par d'autres opérateurs.
« Compte tenu de l'ensemble des éléments généraux et individuels qui précèdent, le Conseil de la concurrence estime qu'Orange, SFR et Bouygues Telecom doivent être regardés, au sens de l'article L. 37-1 du code des postes et télécommunications, comme exerçant une influence significative sur leur marché de gros respectif de terminaison d'appel en métropole. »


I-6. Observations des autorités réglementaires nationales
et de la Commission européenne


Aucune autorité réglementaire nationale n'a transmis d'observation à l'ART.
La Commission européenne a transmis le 1er décembre 2004 ses observations :


« (1) Notification formelle avant transposition complète
et adoption de législation secondaire


La Commission note que la France doit encore adopter les législations secondaires appropriées établissant les conditions légales nécessaires pour que l'ART puisse formellement procéder aux analyses de marchés et imposer les obligations jugées nécessaires aux entreprises PSM. La Commission note aussi que l'ART n'a pas l'intention d'adopter formellement les mesures finales qui résultent de cette notification (ni d'en assurer leur mise en application par les personnes concernées) tant qu'une transposition appropriée (c'est-à-dire publication des décrets concernés) n'a pas eu lieu.
La Commission rappelle que, conformément au cadre réglementaire européen, les ARN sont autorisées (i) à effectuer les analyses de marchés (en ce compris la définition des marchés pertinents correspondant aux circonstances nationales), (ii) à décider, le cas échéant, des obligations ex ante envisagées et (iii) à notifier les projets de mesures conformément à l'article 7 de la directive "Cadre, et ce même avant transposition complète de la législation européenne en droit national.
Cependant, la présente évaluation de la Commission se fonde sur l'hypothèse d'une transposition correcte du cadre réglementaire européen en droit national dans la mesure où les dispositions concernées par cet exercice doivent être valides et applicables en droit français et sont sans préjudice de toute analyse de la Commission quant à la conformité de cette transposition.
En vue d'assurer que la mesure finale est fondée sur la nature du problème constaté, proportionnée et justifiée au regard des objectifs politiques énoncés à l'article 8 de la directive "Cadre, la Commission considère que le laps de temps entre l'analyse de marchés, les consultations nationale et communautaire et l'adoption de la mesure finale doit être le plus court possible. Dans ce contexte, il convient de souligner que la mesure finale devra être renotifiée comme un projet de mesure sous l'article 7, paragraphe 3, de la directive "Cadre, si un élément matériel et/ou substantiel de l'analyse de l'ART venait à être modifié suite aux retards supplémentaires pris dans le processus de transposition, puisque les données et la structure du marché peuvent encore changer si la date de transposition est retardée.


(2) Analyses de marchés en outre-mer


L'ART précise dans sa notification que "les projets de décisions sur la désignation des entreprises puissantes et les obligations réglementaires relatives à l'outre-mer seront notifiés ultérieurement. Dès lors, les services de la Commission examineront la compatibilité avec le droit communautaire de l'analyse des marchés pertinents relatifs à l'outre-mer quand l'ART notifiera les examens PSM correspondants, conformément à l'article 7, paragraphe 3, de la directive "Cadre.


(3) Définition de marché et hérissons


Bien qu'il subsiste des doutes sur l'inclusion de la terminaison des appels fixe vers mobile par le biais des hérissons dans le marché pertinent, son exclusion de la définition de marché dans ce cas particulier n'aurait pas conduit à un résultat différent de l'analyse PSM. Par conséquent, la Commission considère qu'une conclusion sur la délimitation exacte du marché de produits n'a pas d'impact dans le cas présent pour les besoins de l'examen PSM.


(4) Obligations de séparation comptable et de contrôle des prix


La Commission rappelle à l'ART que les décisions précisant (i) les modalités de l'obligation de séparation comptable et de la comptabilisation des coûts, et (ii) l'encadrement tarifaire des entreprises PSM pour l'année 2007, doivent être notifiées conformément à l'article 7, paragraphe 3, de la directive "Cadre. »
La Commission européenne conclut que :
« Conformément à l'article 7, paragraphe 5, de la directive "Cadre, l'ARN française se doit de tenir le plus grand compte des observations formulées par les autres ARN et par la Commission, peut adopter le projet de mesure final et, le cas échéant, le communiquer à la Commission. »


I-7. Conclusion pour SFR


Après avoir tenu le plus grand compte des observations de la Commission européenne, l'Autorité considère que SFR doit être réputé exercer une influence significative sur le marché pertinent de gros de terminaison d'appel vocal sur son réseau à destination de ses clients.


II. - OBJECTIFS DE L'ACTION RÉGLEMENTAIRE,
INFLUENCE SIGNIFICATIVE ET OBLIGATIONS IMPOSÉES


L'imposition d'obligations ex ante, prévue à l'article L. 38 du code des postes et des communications électroniques, doit être motivée et proportionnée au regard des objectifs de l'action réglementaire listés à l'article L. 32-1 du code (II-1). Ces obligations ne doivent être imposées que sur la seule terminaison d'appel vocal « directe » et non sur les hérissons (II-2) pour remédier aux obstacles au bon fonctionnement du marché découlant de la capacité de SFR à exercer une influence significative sur ce marché (II-3).


II-1. Principes généraux


La finalité de la conduite des analyses de marchés est d'identifier les marchés pertinents, les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un de ces marchés et de déterminer les obligations spécifiques qui doivent être imposées de manière motivée et proportionnée au regard des objectifs de l'action réglementaire. Concrètement, il peut s'agir, soit d'imposer de nouvelles obligations, soit de maintenir les obligations qui existent déjà, soit de procéder à leur levée si la situation concurrentielle le justifie.


II-1.1. Objectifs de l'ART


L'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques précise les objectifs qui doivent guider l'action générale de l'ART et donc en particulier son intervention dans le cadre des analyses de marché :
« Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des télécommunications prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis et veillent :
1. A la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques ;
2. A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ;
3. Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;
4. A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;
5. Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel ;
6. Au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique ;
7. A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements ;
8. Au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48 ;
9. A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ;
10. A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen ;
11. A l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation ;
12. A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public ;
13. Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent ;
14. A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public. »


II-1.2. Principales obligations


Les principales obligations spécifiques prévues par la directive « Accès » susvisée et l'article L. 38 du code des postes et des communications électroniques sont les suivantes :
- obligation relative à l'accès à des ressources de réseau spécifiques et à leur utilisation ;
- obligation de non-discrimination ;
- obligation de transparence, y compris l'obligation d'établir une offre de référence ;
- obligation relative à la séparation comptable ;
- contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts.


II-2. Les hérissons


Comme il a été exposé dans la décision « définition de marché », les hérissons constituent un substitut imparfait à la terminaison d'appel mobile vocal « directe ». Le développement important de hérissons dans le marché métropolitain soulève trois types de problèmes au regard des objectifs de l'action réglementaire :
- ils constituent et engendrent des investissements inefficaces par rapport à l'optimum de premier rang que constituent les interconnexions directes entre réseaux. De ce fait, ils dégradent la compétitivité du secteur ;
- ils engendrent une dégradation de la qualité de service pour les utilisateurs finals et donc une perte de bien-être pour la collectivité ;
- ils perturbent le fonctionnement, voire l'intégrité, des réseaux, la gestion et l'utilisation efficace des fréquences radioélectriques.
Mais l'Autorité observe que c'est la persistance, d'une part, d'un écart tarifaire très important entre certains prix de détail de la téléphonie mobile et les charges de terminaison d'appel mobile, et d'autre part, de l'existence du système du bill & keep, qui ont engendré le développement des hérissons. Autrement dit, les hérissons sont un symptôme ou une réponse de marché à une distorsion du marché de la terminaison d'appel vocal.
Il convient donc de traiter la cause du problème et non le symptôme. Par ailleurs, une action directe au niveau des hérissons serait difficile à mettre en oeuvre. Une action provoquant une disparition quasi immédiate des hérissons n'est pas raisonnable car elle perturberait gravement le fonctionnement des réseaux (2) au détriment des clients finals, faute d'une période de transition permettant la migration des structures d'interconnexion.
Aussi, l'Autorité n'imposera d'obligations que sur les seules prestations de terminaison d'appel vocal « directe » fournies dans le cadre de l'interconnexion physique des réseaux. Une baisse du prix de la terminaison d'appel vocal (cf. partie IV) permet de refermer l'espace économique sous-tendant le développement des hérissons d'ici à la fin 2005. Parallèlement, la décision des opérateurs mobiles de sortir du système du bill & keep contribuera à résoudre le problème. Ainsi, les opérateurs utilisant des hérissons recevront un signal économique cohérent les incitant à migrer vers une interconnexion directe avec une période transitoire suffisante pour prendre les décisions d'investissement nécessaires au réajustement de leur capacité d'interconnexion et mettre en oeuvre ces investissements.