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Article (Décision no 2001-451 DC du 27 novembre 2001)

Article (Décision no 2001-451 DC du 27 novembre 2001)

En ce qui concerne les griefs tirés de l'atteinte à la liberté d'entreprendre :

Quant à la création d'une nouvelle branche de sécurité sociale :

17. Considérant que, selon la saisine des sénateurs, le choix opéré par le législateur d'exclure du secteur concurrentiel la garantie des risques en cause ne serait justifié par l'intérêt général ni dans son principe, ni dans les modalités retenues, et porterait, dès lors, une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d'entreprendre ; que, d'une part, les assureurs du monde agricole, dont la participation au fonctionnement du nouveau régime serait restreinte « au recueil des bulletins d'adhésion » se trouveraient privés d'exercer librement une « activité historique », alors même que l'objectif poursuivi de l'amélioration de la couverture sociale des agriculteurs pouvait être satisfait en maintenant le système d'assurances privées, notamment par la revalorisation des prestations au prix d'une augmentation modérée du montant des primes ; que, d'autre part, le choix d'un régime par répartition équilibré serait promis à l'échec, car porteur d'un déficit structurel devant conduire à l'augmentation des cotisations et, à terme, à l'octroi de subventions ; qu'enfin, le transfert de la gestion du risque afférent aux accidents de la vie privée à la branche « maladie » de la sécurité sociale agricole contribuerait encore à l'aggravation des charges publiques tout en offrant aux assurés une couverture moins favorable ;

18. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;

19. Considérant qu'aux termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; que, selon son onzième alinéa : « Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ; qu'il incombe au législateur comme à l'autorité réglementaire, conformément à leurs compétences respectives, de déterminer, dans le respect des principes posés par ces dispositions, les modalités concrètes de leur mise en oeuvre ;

20. Considérant qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, et notamment, comme en l'espèce, dans celui des principes fondamentaux de la sécurité sociale, d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;

21. Considérant que les dispositions de la loi déférée ont pour objet d'améliorer la protection sociale des agriculteurs non salariés, notamment par la création d'indemnités journalières et d'une rente décès, ainsi que par une meilleure indemnisation de l'incapacité permanente ; que, dès lors, le législateur a pu, pour satisfaire aux prescriptions des dispositions précitées du Préambule de 1946, choisir de créer une nouvelle branche de sécurité sociale sans commettre, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, d'erreur manifeste constitutive d'une atteinte inconstitutionnelle à la liberté d'entreprendre ;