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Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Saisine du Conseil constitutionnel en date du 25 février 1997 présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 97-388 DC)

Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Saisine du Conseil constitutionnel en date du 25 février 1997 présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 97-388 DC)

La modification apportée au cinquième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ne prend toute sa signification qu'à la lecture de l'ensemble des dispositions qui composent cet alinéa. En étendant le champ des sommes susceptibles d'être exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale, elle affecte le domaine d'une loi promulguée le 28 décembre 1979 et ouvre donc, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision no 85-187 DC du 25 janvier 1985), la possibilité à celui-ci de se prononcer sur l'ensemble des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
Lors de l'examen de la loi de 1979, le rapporteur devant l'Assemblée nationale, M. Etienne Pinte, s'était interrogé sur la constitutionnalité de l'étendue de la délégation de pouvoir ainsi donnée au pouvoir réglementaire. Il estimait, dans son rapport, que « la question qui se pose est de savoir si l'on peut préciser la nature des contributions patronales exclues de l'assiette des cotisations (cotisations minimales obligatoires aux régimes de retraite complémentaire, par exemple) ou s'il faut s'en tenir, comme le projet de loi le propose, à un montant fixé par décret dont la base de calcul devrait, au minimum, figurer dans la loi » (rapport no 1401, p. 22).
L'adoption de la loi dans les conditions prévues à l'article 49-III de la Constitution n'aura pas permis au Parlement d'amender, sur ce point, le texte du Gouvernement. On relèvera, cependant, que le décret d'application n'a été publié que cinq années plus tard, le 23 juillet 1985.
Quelques exemples permettront d'illustrer l'importance des avantages accordés en 1979 et encore renforcés par la loi relative à l'épargne retraite.
L'avantage social offert par l'avant-dernier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est plafonné à un niveau très élevé : 85 % du plafond de la sécurité sociale pour l'ensemble des cotisations de l'employeur aux régimes complémentaires de retraite et de prévoyance, soit, en 1997, 139 944 F.
Dans la pratique, pour un salarié cotisant normalement aux régimes de retraite complémentaire (6 % à l'ARRCO et 16 % à l'AGIRC), disposant d'une couverture de prévoyance (décès, incapacité/invalidité, maladie, 4 % du salaire) et d'une couverture de retraite supplémentaire collective à adhésion obligatoire dans l'entreprise (cotisation égale à 4 % du salaire). Il y avait, en 1995, réintégration de l'excédent dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale pour un salaire annuel supérieur à cinq fois le plafond de la sécurité sociale, soit, en 1995, près de 800 000 F (voir Retraites d'entreprise, p. 302 à 305, éditions Francis Lefebvre). En l'absence d'une couverture de retraite supplémentaire, le risque de réintégration apparaît au-delà de six fois le plafond de la sécurité sociale, soit, en 1995, pour un salaire supérieur à 900 000 F.
Dans leur rapport, déjà cité, au ministre du budget, Etudes des prélèvements fiscaux et sociaux posant sur les ménages, MM. Bernard Ducamin, Robert Baconnier et Raoul Briet sont très réservés sur ce qu'ils qualifient de nouvelles formes de rémunération permettant d'éluder l'impôt ou le prélèvement social. Ils estiment que « de façon mécanique, tout développement des systèmes complémentaires ou surcomplémentaires porte en effet atteinte au financement des régimes de base en réduisant leur assiette » (p. 63 du rapport).
On ajoutera, enfin, que la mesure adoptée va à l'encontre de la politique suivie en ce qui concerne l'assiette de la CRDS et de la CSG qui englobent la part employeur des couvertures ou dispositifs qui viennent s'ajouter à ceux des régimes complémentaires obligatoires de salariés (AGIRC, ARRCO) suivant ainsi les recommandations du Conseil des impôts dans son 14e rapport au Président de la République sur la CSG.
En conséquence, l'avant-dernier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale n'est pas conforme à la Constitution, le législateur ayant méconnu sa compétence en déléguant, sans avoir fixé la moindre limite, au pouvoir réglementaire le soin de déterminer des exonérations de cotisations de sécurité sociale.