Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Observations du Gouvernement en réponse à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 29 novembre 1996 par plus de soixante députés)
II. - Sur les griefs invoqués dans la saisine
Les députés auteurs de la saisine invoquent trois types de griefs. Ils font d'abord valoir que plusieurs dispositions, de nature selon eux purement rédactionnelle, ne pourraient trouver pour ce motif leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Ils considèrent ensuite que le 3o de l'article 12, relatif aux modalités de recouvrement, n'a pas d'incidence directe sur l'équilibre de la sécurité sociale. Enfin, ils estiment que tel n'est pas non plus le cas de la validation décidée par le Parlement à l'article 34.
Pour sa part, le Gouvernement considère que ces griefs ne peuvent être retenus.
A titre liminaire, il convient de souligner que les dispositions critiquées qui figurent aux articles 33-I, 34 et 41-III ont pour origine des amendements introduits dans le projet. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'à supposer, comme le soutiennent les parlementaires requérants, que ces dispositions soient étrangères au domaine des lois de financement de la sécurité sociale, tel que délimité par l'article L.O. 111-3, l'irrecevabilité qui en découlerait en vertu du III du même article aurait dû être soulevée au cours des débats.
S'agissant de ces trois dispositions, les observations qui suivent ne seront donc présentées que pour le cas où le Conseil constitutionnel considérerait que les griefs qui les concernent sont recevables.
A. - En premier lieu, certaines des dispositions critiquées affectent directement l'équilibre général de la sécurité sociale.
Ayant par elles-mêmes une incidence significative, elles ne sauraient être considérées comme adoptées en violation de l'article L.O. 111-3.
1. Ainsi, le 4o de l'article 10 permet d'assujettir à la part de contribution sociale généralisée affectée à l'assurance maladie les titulaires de revenus de remplacement non imposables, le critère de non-imposition étant déterminé avant prise en compte des réductions d'impôt, alors qu'il l'est actuellement après prise en compte de ces réductions : la référence à l'article 1417 du code général des impôts dans sa rédaction actuelle permet en effet d'apprécier le montant de la cotisation d'impôt ouvrant droit à exonération, « abstraction faite des réductions d'impôt ». Le rendement attendu de cette mesure est de 400 millions de francs.
2. Il en va de même pour l'article 34, qui valide certaines perceptions effectuées en exécution d'un arrêté du 13 mai 1991. L'annulation récente par le Conseil d'Etat, pour un motif de procédure, de l'arrêté en cause conduit à supprimer une minoration de 40 p. 100 du complément afférent aux frais de salle d'opération pour la période du 19 mai 1991 au 31 mars 1992. Le surcoût en résultant pour les régimes de l'assurance maladie est d'environ 1 milliard de francs. L'ampleur du montant à reverser, qui serait en pratique d'au moins 700 millions de francs dès 1997, est incompatible avec l'objectif national de dépenses d'assurance maladie figurant à l'article 6 de la loi. De ce fait,
l'argumentation des requérants ne peut être retenue.
B. - En deuxième lieu, les articles contestés concernent, pour une large part, des éléments inséparables des mesures affectant directement l'équilibre général de la sécurité sociale.
1. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la définition des modalités de recouvrement se rattache directement au champ défini par l'article L.O. 111-3.
S'agissant d'impositions, il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, d'en définir non seulement les règles d'assiette et de taux, mais aussi les modalités de recouvrement. La loi de financement de la sécurité sociale, compétente pour élargir l'assiette de la C.S.G., ne peut donc renvoyer à un décret le soin de préciser ces modalités. Et dès lors qu'il revient au législateur de se prononcer, il est nécessaire qu'il le fasse dans le même texte. A défaut, en effet, les mesures figurant dans la loi de financement ne pourraient entrer en vigueur. L'incidence qu'elle doivent avoir sur l'équilibre serait, dès lors, compromise.
La loi déférée n'a donc pas méconnu l'article L.O. 111-3 en précisant :
- au 3o de l'article 12, les modalités de recouvrement de la C.S.G.
désormais perçue, en vertu de l'article 10 de la même loi, sur les pensions d'invalidité et les indemnités journalières et allocations visées par cet article ;
- au 6o de l'article 13, celles qui permettent de percevoir la contribution sur les produits du patrimoine mentionnés au 5o du même article ;
- au 3o de l'article 14, la base juridique du recouvrement de la C.S.G. sur les produits de placement nouvellement assujettis à la contribution (comptes épargne logement, plans épargne logement, assurance vie, etc.). A défaut, le recouvrement ne pourrait être effectué.
2. En outre, le 1o de l'article 12 permet d'actualiser les modalités de recouvrement de la C.S.G.
En effet, ces modalités sont définies par référence à celles des cotisations, elles-mêmes régies par des décrets en Conseil d'Etat. Le recouvrement de cette contribution devant, comme il a été dit plus haut, être défini par la loi, ce mécanisme revient à cristalliser les dispositions législatives en fonction des textes réglementaires en vigueur à la date à laquelle le Parlement a procédé à ce renvoi. Il appartient donc au législateur de tirer les conséquences des diverses modifications effectuées depuis 1993, date du dernier vote effectué sur ce point. Cet alinéa a une portée réelle sur les conditions de recouvrement de la C.S.G., lesquelles ont elles-mêmes, comme on l'a déjà souligné, une incidence directe sur les ressources de la sécurité sociale.
C. - En troisième lieu, plusieurs dispositions critiquées par la saisine,
apparemment rédactionnelles, sont, en réalité, étroitement liées à des mesures non contestées qui, en augmentant les ressources des régimes de sécurité sociale, concourent aux conditions de leur équilibre général.
1. Tel est le cas de celles de l'article 9 et du 1o des articles 13 et 14 qui visent à rectifier l'erreur consistant à avoir codifié les dates d'entrée en vigueur de dispositions antérieures relatives à l'assiette de la C.S.G. à l'intérieur des articles L. 136-1, L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale.
A défaut de ces modifications, les mesures d'extension d'assiette adoptées par la présente loi auraient pu paraître rétroactives.
2. Les autres dispositions critiquées correspondant à des ajustements de cohérence, dont l'insertion dans la loi de financement de la sécurité sociale est justifiée.
a) Ainsi, le 3o de l'article 13 rectifie une référence inexacte à l'article de la loi d'origine plutôt qu'à celui du code de la sécurité sociale. Cette disposition, comme celle évoquée plus haut au 1o du même article, n'a d'autre objet que d'éviter toute incertitude, dans l'application concrète du prélèvement aux nouveaux éléments de l'assiette définis au II de l'article L. 136-6 (sommes taxées d'office en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales ; revenus dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale).
b) De même, les dispositions du V et du VI de l'article 31 tirent les conséquences de l'insertion dans le code de la sécurité sociale, en application du I non contesté, de l'article L. 713-1-1. Les dispositions prévues par les articles L. 713-3, L. 713-13 et L. 713-15 deviennent sans objet. L'article L. 713-17, qui vise des articles du chapitre III du titre Ier du livre VII du code de la sécurité sociale, doit être modifié pour tenir compte des insertions et suppressions d'articles prévues par l'article 31. En l'absence de ces dispositions, le texte du code serait juridiquement incohérent.
c) Celles des 5o et 6o de l'article 10 sont des dispositions de cohérence,
dont l'une (le 5o) tire les conséquences de l'assujettissement à la C.S.G.
des indemnités journalières accidents du travail, et l'autre (le 6o) prend acte de la suppression des stages d'initiation à la vie professionnelle.
S'agissant en particulier du 5o, on soulignera qu'à défaut de cette disposition, une même indemnité serait assujettie en vertu du II de l'article L. 136-2 tel que modifié par la présente loi, alors qu'elle resterait exonérée en vertu de l'énumération du III dans sa rédaction actuelle.
d) Les 2o et 4o de l'article 12 améliorent la cohérence du texte en corrigeant les références erronées aux articles de la loi du 29 décembre 1990. Ainsi ces dispositions facilitent l'application des dispositions nouvelles.
e) Celles des III à VII de l'article 32 tirent les conséquences du principe de l'assujettissement des laboratoires pharmaceutiques effectuant des ventes directes au prélèvement jusque-là limité aux seuls grossistes répartiteurs.
Il s'agit d'une nécessaire mise en cohérence du texte actuel. A défaut, le texte serait juridiquement incohérent, le renvoi aux « établissements » que visait auparavant l'article L. 138-1 n'ayant plus de sens.
f) Quant au I de l'article 33, il supprime les alinéas 2 et 3 de l'article L. 322-5 du code de la sécurité sociale. Ces alinéas prévoyaient les modalités de fixation des tarifs de responsabilité des caisses pour la prise en charge des frais de transport sanitaire et de détermination des dispenses d'avance des frais par les assurés. Or ces modalités sont substantiellement modifiées par les articles L. 322-5-1 et L. 322-5-2 insérés dans le code par le même article 33. Sans le I de cet article, le texte du code conduirait à des difficultés d'interprétation sur ces deux points, voire à un conflit de normes.
g) Enfin le III de l'article 41 modifie l'article L. 351-10 du code de la construction, lequel précise que l'aide personnalisée au logement n'est pas « prise en compte » pour l'attribution des prestations familiales. Or, le forfait logement institué dans le code de la sécurité sociale par l'article 41 introduit bien une prise en compte de l'allocation de parent isolé pour le calcul de l'assiette de l'A.P.L. La disposition en cause se justifie donc par un souci de cohérence juridique entre les deux codes.
En définitive, aucun des griefs invoqués à l'encontre de la loi déférée n'est de nature à en justifier la censure. Aussi le Gouvernement demande-t-il au Conseil constitutionnel de rejeter le recours dont il est saisi.