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Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Décision no 95-369 DC du 28 décembre 1995)

Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Décision no 95-369 DC du 28 décembre 1995)

Sur l'article 9 :

Considérant que l'article 9 institue dans certaines conditions un abattement de 50 p. 100 sur la valeur des biens professionnels, plafonné à 100 millions de francs par donataire, lorsque ces biens sont transmis à titre gratuit entre vifs ; qu'il prévoit, en outre, à certaines conditions d'âge et causes de décès, l'extension de cet avantage aux droits de succession ; que ces dispositions ont été présentées comme destinées à favoriser la transmission des entreprises en contribuant à assurer la pérennité des petites et moyennes entreprises ;
Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que, compte tenu de la fixation d'un plafond d'éxonération élevé, l'application de cette exonération en cas de pluralité de donateurs tend non pas à faciliter la transmission par un chef d'entreprise petite ou moyenne de son « outil professionnel » mais à privilégier fiscalement la transmission de certains éléments de patrimoine par rapport à tous les autres types de biens, en avantageant au surplus les actionnaires majoritaires par rapport aux actionnaires minoritaires ; que d'ailleurs cet avantage fiscal est susceptible de bénéficier à une pluralité de donataires qui ne sont pas même tenus d'exercer une fonction dirigeante dans l'entreprise ; que dès lors le principe d'égalité devant l'impôt est méconnu ; qu'il en va de même en ce qui concerne la disposition qui étend le bénéfice de cet avantage aux transmissions d'entreprise résultant d'un décès accidentel lorsque la personne concernée est âgée de moins de soixante-cinq ans, dans la mesure où les conditions posées ne constituent nullement une différence significative au regard de l'objet de la réduction d'impôt ;
qu'enfin, en réservant le bénéfice de la disposition aux seules donations consenties par acte notarié en excluant les donations sous seing privé ayant fait l'objet de formalités d'enregistrement, la loi contrevient également au principe d'égalité ;
Considérant qu'en vertu de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la contribution commune aux charges de la nation « doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés » ; que, si le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur décide de favoriser par l'octroi d'avantages fiscaux la transmission de certains biens, c'est à la condition que celui-ci fonde son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ;
Considérant qu'en instituant un abattement de 50 p. 100 sur la valeur de biens professionnels transmis entre vifs à titre gratuit à un ou plusieurs donataires, à la seule condition que ceux-ci conservent ces biens pendant une période de cinq années, sans exiger qu'ils exercent de fonction dirigeante au sein de l'entreprise et en étendant le bénéfice de cette mesure aux transmissions par décès accidentel d'une personne âgée de moins de soixante-cinq ans, la loi a établi vis-à-vis des autres donataires et héritiers des différences de situation qui ne sont pas en relation directe avec l'objectif d'intérêt général ci-dessus rappelé ; que, dans ces conditions et eu égard à l'importance de l'avantage consenti, son bénéfice est de nature à entraîner une rupture caractérisée de l'égalité entre les contribuables pour l'application du régime fiscal des droits de donation et de succession ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs de la requête, l'article 9 de la loi ne peut être regardé dans son ensemble comme conforme à la Constitution ;