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Article (Saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 1995 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 95-369 DC)

Article (Saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 1995 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 95-369 DC)

I. - En ce qui concerne l'article 3 de la loi déférée


Cet article limite le champ de la réduction d'impôt accordée au titre des contrats d'assurance-vie. La réduction est supprimée pour les versements afférents aux contrats à primes périodiques ou à prime unique seulement si ces contrats ont été conclus ou prorogés à compter du 20 septembre 1995, mais aussi pour les versements afférents aux contrats à versements libres quelle que soit la date de la conclusion de ces derniers contrats.
Cette disposition est, en ce qui concerne les contrats à versements libres,
entachée d'une rétroactivité certaine. Certes, rien n'oblige les épargnants ayant souscrit de tels contrats à poursuivre leurs versements après l'entrée en vigueur de la loi... mais il n'en reste pas moins que les versements « libres » effectués entre le 1er janvier 1995 et la publication de la loi déférée ne bénéficieront pas de la réduction d'impôt à laquelle leurs auteurs avaient droit lorsqu'ils y ont procédé. Alors même qu'il ne s'agit pas ici de loi pénale, la rétroactivité n'est pas conciliable avec le principe de sécurité juridique constitutif de l'Etat de droit et appelle à ce titre la censure.
Elle est également entachée de violation du principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt. On aurait pu admettre que le type de contrat d'assurance-vie (à primes périodiques ou unique d'un côté, à versements libres de l'autre) constitue une différence de situations « justificative » d'une différence de traitement relative à l'applicabilité même de la réduction d'impôt au regard du but d'interventionnisme fiscal visé par le législateur. L'objet de la disposition, aux termes de l'exposé des motifs du projet gouvernemental, est en effet de « rééquilibrer le traitement fiscal de l'épargne longue ». Mais il ne saurait en aller de même s'agissant de la date d'effet de la suppression de cet avantage fiscal. En effet, de deux choses l'une : ou bien le principe de non-rétroactivité des lois doit s'appliquer en la matière et dès lors aucun contrat passé avant la publication de la loi déférée ne devrait être frappé par la suppression de la réduction d'impôt, ou bien la rétroactivité de la loi fiscale est ici tolérée et dans ce cas le « rééquilibrage du traitement fiscal de l'épargne longue » doit s'appliquer indifféremment à tous les contrats en cours, l'objet de la disposition ne pouvant en aucun cas justifier que la rétroactivité soit sélective.
Le caractère discriminatoire de la rétroactivité de cette mesure ne peut qu'entraîner l'annulation de l'ensemble de l'article 3, dont il est inséparable.