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Article (Circulaire du 21 août 1995 relative à l'application de l'article 15 de la loi no 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie)

Article (Circulaire du 21 août 1995 relative à l'application de l'article 15 de la loi no 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie)

2.3. L'exclusion de certains faits


La référence à l'article 14 conduit à écarter de l'amnistie deux catégories de faits:
- en premier lieu, lorsque les mêmes faits ont entraîné à la fois une condamnation pénale et une sanction disciplinaire, la sanction disciplinaire ne peut être amnistiée si la condamnation pénale ne l'est pas elle-même.
L'amnistie de la condamnation pénale s'apprécie en principe au jour où cette condamnation revêt un caractère définitif;
- en second lieu, sont exclus de l'amnistie, sans qu'il soit besoin que ces faits aient donné lieu à poursuite ou à condamnation pénale, les faits qui constituent un manquement à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur,
sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République.
La loi ne définit pas les notions de probité, de bonnes moeurs et d'honneur. Il convient donc de se référer à la jurisprudence.
L'atteinte à la probité recouvre principalement les atteintes frauduleuses aux biens. Constitue, par exemple, un manquement à la probité le fait d'utiliser le matériel de l'entreprise à son propre profit (Cour de cassation, chambre sociale, 12 décembre 1983), le fait de détourner à son profit une cotisation syndicale (Conseil d'Etat, Legoff, 25 avril 1984), ou d'utiliser à des fins personnelles des heures de délégation (Cour de cassation, chambre sociale, 27 novembre 1985 et Conseil d'Etat, Dargniat, 7 mars 1994), de travailler pour son propre compte en période d'arrt maladie (Conseil d'Etat, Edegdag, 22 juillet 1992). En revanche, ne constitue pas un manquement à la probité le fait pour un salarié ayant quinze ans d'ancienneté dans l'entreprise d'emprunter sans autorisation du petit matériel pour le week-end (Conseil d'Etat, Ollier, 15 juin 1994).
L'atteinte aux bonnes moeurs n'est pas précisée par la jurisprudence qui est rarement amenée à se prononcer sur ce sujet. Elle peut recouvrir notamment le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles.
La notion d'atteinte à l'honneur est utilisée en jurisprudence pour qualifier les actes intentatoires à l'intimité de la vie privée, la violation du secret professionnel ou l'atteinte à la liberté du travail.
Ainsi la violation du secret des communications téléphoniques résultant de ce qu'un salarié a écouté une communication adressée à son directeur constitue un manquement à l'honneur (Cour de cassation, chambre sociale, 13 décembre 1984).
De même, le Conseil d'Etat a considéré, concernant le fait d'empêcher un non-gréviste de rejoindre son poste de travail, que l'atteinte à la liberté du travail constituait un manquement à l'honneur (Kada, 16 mars 1990).
La jurisprudence relative à l'amnistie d'actes de violence illustre la nécessité de rechercher le caractère intentionnel et durable de l'acte pour caractériser le manquement à l'honneur: le Conseil d'Etat a jugé que le coup porté fortuitement à un responsable de l'entreprise lors de l'envahissement de locaux ne constituait pas un manquement à l'honneur (Conseil d'Etat,
R.V.I., 1er juin 1990). En revanche, les violences exercées délibérément à l'encontre de non-grévistes pour les contraindre à débrayer ont été jugées contraires à l'honneur (Conseil d'Etat, S.A. des automobiles Citroën, 6 janvier 1989).
Les injures ne peuvent généralement pas être qualifiées de contraires à l'honneur, qu'il s'agisse de propos injurieux envers le directeur de l'usine (Conseil d'Etat, Fédération nationale agro-alimentaire et forestière, 10 mai 1985) ou d'injures proférées à l'encontre d'un supérieur hiérarchique dans le bureau de l'inspecteur du travail et accompagnées de l'accusation de favoriser un autre salarié (Conseil d'Etat, Kolak, 15 mai 1985).
Le salarié peut avoir été sanctionné pour plusieurs faits dont certains seulement entrent dans l'une de ces catégories. Il revient dans ce cas au conseil de prud'hommes, juge du contentieux de l'amnistie des sanctions disciplinaires, d'apprécier le poids respectif des faits amnistiés et non amnistiés dans la sanction infligée.