Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Observations du Gouvernement en réponse à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 22 décembre 1994 par soixante députés)
4. Sur la violation de l'article 6 de l'ordonnance organique
du 2 janvier 1959
On notera, à titre préliminaire, que les pensions de l'Etat n'ont jamais figuré au titre Ier du budget. Elles sont prévues, à l'instar des rémunérations d'activité et des cotisations sociales, au titre III du budget de l'Etat. Elles n'ont donc pu être « extraites » du titre Ier comme l'affirment les requérants.
L'article 34 prévoit le versement à l'Etat par le F.S.V. des sommes correspondant aux majorations de pensions pour enfants à charge servies aux fonctionnaires retraités. Il n'est nullement contraire à l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 dans la mesure où:
- ces majorations de pensions demeurent une dépense de l'Etat imputée sur le budget général;
- l'article contesté se borne à faire application des principes généraux posés par la loi du 22 juillet 1993 au cas particulier des fonctionnaires retraités.
a) Les majorations de pensions pour enfants à charge servies aux fonctionnaires de l'Etat retraités ne sont aucunement « débudgétisées » puisqu'elles demeureront imputées sur le budget général, payées à partir de ce dernier et intégralement retracées par la loi de règlement. L'Etat reste le débiteur des bénéficiaires de majorations pour enfants à charge et assurerait leur paiement même s'il advenait que le Fonds de solidarité vieillesse ne puisse plus assurer ses obligations. La dépense en cause est évaluative et l'Etat en garantit le paiement.
b) Par l'article 34 de la loi déférée, le législateur applique à l'Etat le principe général du partage assurance-solidarité contenu dans la loi du 22 juillet 1993 relative à la sauvegarde et à la protection sociale. Cette loi a en effet prévu la prise en charge financière (mais aucunement un financement direct, qui reste dans tous les cas assuré par les régimes de base) des prestations dites de « solidarité » par le Fonds de solidarité vieillesse. L'opération contestée par les requérants consiste en l'application pour l'Etat de principes clairement définis et cantonnés par la loi du 22 juillet 1993 précitée. Ceci conduit, pour des charges limitées et précisément identifiées, à inscrire en dépenses du F.S.V. le règlement à l'Etat des sommes répondant aux principes inscrits dans la loi du 22 juillet 1993. Cette opération est possible dès lors que les principes sur lesquels elle repose correspondent à une logique explicitement définie par le législateur et entrant dans un schéma global et cohérent visant à clarifier les charges de chacun au sein des régimes de retraites.
Par analogie avec la logique précise qui vient d'être évoquée et qui correspond à la spécialité du Fonds de solidarité vieillesse, on citera l'exemple du régime de la compensation et de la surcompensation démographique (art. L. 134-1 du code de la sécurité sociale).
Il s'agit d'un mécanisme de solidarité entre régimes obligatoires de sécurité sociale dans lequel le régime des pensions civiles et militaires de l'Etat (P.C.M.) est partie prenante. Aux termes de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale, la compensation « tend à remédier aux inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives entre les différents régimes ».
Si aujourd'hui le régime des P.C.M. est contributeur net, pour environ 15 milliards de francs par an, à ce mécanisme de solidarité, en raison de son rapport démographique plus favorable que les autres régimes, l'Etat deviendrait bénéficiaire net de ce mécanisme si son rapport démographique venait à se dégrader. Le budget de l'Etat serait alors, pour les pensions des fonctionnaires, dans une situation identique à celle qui est prévue concernant les majorations pour enfants: il bénéficierait d'une participation tierce qui allégerait ses propres charges de pensions dont il resterait cependant toujours le seul débiteur et payeur, sur son propre budget.
Dès lors que ces mécanismes de solidarité que sont le Fonds de solidarité vieillesse ou le système de la compensation démographique correspondent à des logiques précises et cantonnées qui font entrer le régime des pensions civiles et militaires dans le droit commun des systèmes spécifiques voulus par le législateur pour harmoniser l'économie et les charges des régimes de retraite, le Gouvernement estime qu'il n'existe aucun principe de valeur constitutionnelle qui en écarterait l'Etat, dans la mesure où celui-ci applique toutes les règles posées par ces mécanismes et garde l'entière et totale responsabilité du paiement de l'intégralité des pensions dues aux ressortissants du régime des P.C.M.
Le rapport de la commission des finances du Sénat indique d'ailleurs (tome II, fascicule 1, page 136): « Les mesures d'extension proposées par le présent article peuvent être considérées comme une juste application de la mission confiée en termes généraux au F.S.V. par l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. Sur la forme, elles respectent la compétence du législateur. Sur le fond, il s'agit bien sans conteste d'avantages d'assurance vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale ».
Par ces motifs, le Gouvernement demande au Conseil constitutionnel de rejeter le recours.