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Article (Circulaire du 3 août 1995 relative à l'application de la loi no 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie)

Article (Circulaire du 3 août 1995 relative à l'application de la loi no 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie)

V. - Exclusions de l'amnistie (art. 25)


Premier texte de loi après une élection présidentielle, la loi d'amnistie est l'occasion d'affirmer certaines orientations de politique pénale. C'est ainsi que les exclusions du bénéfice de l'amnistie permettent de ne pas accorder de pardon aux comportements les plus inacceptables, auxquels l'oubli est refusé.
Certes, le texte voté a repris par rapport aux exclusions figurant dans les textes de 1981 et 1988 un large « tronc commun », contenant les infractions à l'évidence les plus graves.
Parmi le « tronc commun », il convient de citer les infractions mettant en cause l'unité de la nation, notamment dans le cadre d'actions terroristes (art. 25 [1o]) ou dans celui de discriminations entre les êtres humains (art. 25 [2o]), les infractions de violences à mineurs de quinze ans (art. 25 [3o]), les infractions en matière de contrefaçon, dont le champ a été élargi aux contrefaçons de marques et de dessins et modèles (art. 25 [6o]) et les infractions de fraude électorale (art. 25 [7o]).
Les faits de trafic de stupéfiants justifient également une stigmatisation particulière (art. 25 [11o]).
La sérénité des relations économiques, atout essentiel pour le pays, dépend par ailleurs largement du respect des règles posées par la loi ou le règlement, quelle que soit la gravité des sanctions encourues. C'est pourquoi sont exclues de l'amnistie les infractions en matière de douane, de fiscalité et de relations financières avec l'étranger (art. 25 [12o]).
Le texte exclut également, comme il est de tradition, les délits de presse les plus graves, relatifs notamment à l'apologie des crimes de guerre.
L'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, qui incrimine la contestation de l'existence des crimes contre l'humanité, vient compléter cette énumération (art. 25 [16o]).
Il exclut enfin les infractions en matière de patrimoine, dans une rédaction plus précise que celle retenue en 1988, destinée à éviter les difficultés passées d'interprétation (art. 25 [20o]), et les principaux délits portant atteinte à l'environnement (art. 25 [21o]).
Au-delà, le Gouvernement a entendu affirmer ses orientations de politique pénale en prévoyant des exclusions nouvelles ou en élargissant la portée d'exclusions traditionnelles; sont ainsi exclus du bénéfice de l'amnistie:
- les délits de blessures et d'homicides involontaires commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule (3), les délits de conduite en état alcoolique et de fuite, ainsi que tous les délits prévus par le code de la route (art.
25 [8o et 9o]);
- le délit de mise en danger d'une personne (art. 25 [8o]);
- les contraventions en matière routière pour lesquelles un retrait de plus de trois points du permis de conduire est prévu (art. 25 [10o]): sont ainsi exclues les contraventions les plus graves telles que les blessures involontaires entraînant une incapacité n'excédant pas trois mois, les non-respects de la priorité, les non-respects des arrêts imposés, les dépassements de 40 km/h ou plus de la vitesse maximale autorisée;
- les infractions de corruption au sens large: corruption, trafic d'influence, concussion, ingérence, prise illégale d'intérêts, favoritisme (art. 25 [4o]); ces faits portent en effet atteinte au fonctionnement de la démocratie et indignent légitimement nos concitoyens;
- les délits liés à l'immigration clandestine, prévus par les articles 19,
21 et 27 de l'ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France (art. 25 [13o]) et les délits qui sont relatifs au travail clandestin et aux trafics de main-d'oeuvre étrangère (art. 25 [14o]): la lutte contre la situation irrégulière d'étrangers en France et contre leur exploitation par des employeurs indélicats exige en effet un effort et une continuité qui ne doivent pas être interrompus;
- le délit d'usurpation d'identité, afin notamment que le casier judiciaire puisse conserver la trace d'agissements susceptibles d'avoir entraîné des inscriptions indues au préjudice des victimes de ces usurpations (art. 25 [18o]);
- les principaux délits en matière de concurrence et de bourse (art. 25 [22o]);
- les délits d'exercice illégal des professions médicales (art. 25 [19o]).
Divers amendements parlementaires, acceptés par le Gouvernement, sont venus restreindre encore le champ de l'amnistie.
Il s'agit en premier lieu des infractions liées à l'interruption volontaire de grossesse.
L'Assemblée nationale a pris l'initiative, en accord avec le Gouvernement,
d'exclure du bénéfice de l'amnistie l'infraction prévue par l'article L.
162-15 du code de la santé publique, créée par la loi no 93-121 du 27 janvier 1993, qui punit de deux années d'emprisonnement et de 30 000 F d'amende le fait d'empêcher une interruption volontaire de grossesse ou de tenter de le faire en perturbant le fonctionnement des hôpitaux ou en intimidant les personnes.
La portée de cette exclusion avait été toutefois limitée par le Sénat aux seules procédures ayant abouti à une condamnation à une peine d'emprisonnement, avec ou sans sursis.
Sur proposition de la commission mixte paritaire, le Parlement a finalement souhaité revenir au texte adopté par l'Assemblée mais en ajoutant à la liste des exclusions celle des délits liés à l'interruption volontaire de grossesse hors du cadre légal.
Sont donc exclus du bénéfice de l'amnistie, outre le délit prévu par l'article L. 162-15 du code de la santé publique, les délits prévus et punis par les articles L. 647 du code de la santé publique et 223-10 à 223-12 du code pénal et par les textes correspondants en vigueur avant le 1er mars 1994 (art. 25 [23o]).
Il s'agit ensuite des infractions liées aux accidents mortels ou corporels du travail, afin de ne pas permettre l'oubli des faits les plus graves en matière de sécurité du travail (art. 25 [28o]), de celles en matière de conditions de travail dans les transports routiers, dont l'actualité récente a encore rappelé toute l'importance (art. 25 [15o]), et du délit d'entrave à la mission de l'inspection du travail (art. 25 [14o]).
Il s'agit enfin de l'abandon de famille (art. 25 [5o]), de la violation de sépulture (art. 25 [17o]) et des infractions de rébellion ou d'outrages à agents ou d'atteintes à la sérénité de la justice (art. 25 [24o à 27o]).