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Article (Décision no 98-403 DC du 29 juillet 1998)

Article (Décision no 98-403 DC du 29 juillet 1998)

Sur l'article 51 :

Considérant que l'article 51 insère dans le code général des impôts un article 232 qui comporte huit paragraphes ;

Considérant que le I institue à compter du 1er janvier 1999 une taxe annuelle sur les logements vacants dans les communes dont la liste sera fixée par décret et qui appartiennent à des zones d'urbanisation continue de plus de deux cent mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements ; que le II rend exigible le paiement de la taxe pour les logements vacants depuis au moins deux années consécutives à l'exception de ceux détenus par les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte et destinés à être attribués sous conditions de ressources ; que le III détermine la personne redevable de la taxe ; que le IV en définit l'assiette et le taux ; que le V exclut du champ d'application de la taxe les logements dont la durée d'occupation est supérieure à trente jours consécutifs au cours de chacune des deux années de la période de référence définie au II ; que le VI dispose que la taxe n'est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable ; que le VII prévoit que le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions de la taxe sont régis comme en matière de taxe financière sur les propriétés bâties ; que le VIII affecte le produit net de la taxe à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat ;

Considérant que les requérants soutiennent, en premier lieu, qu'en instituant ladite taxe le législateur n'aurait pas épuisé l'intégralité de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ; que le champ d'application de la taxe serait en effet imprécis ; que les notions de « vacance » et de « vacance indépendante de la volonté du contribuable », ainsi que les règles de recouvrement de la taxe, auraient dû être définies par la loi ; qu'ils allèguent, en deuxième lieu, une méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques entre les bailleurs privés et publics et, parmi les bailleurs privés, entre les sociétés d'économie mixte de logement social et les autres propriétaires ; qu'ils font grief, en troisième lieu, à la taxe de contrevenir au principe d'universalité budgétaire énoncé à l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;

Considérant, en premier lieu, qu'en prévoyant qu'un décret fixera la liste des communes où la taxe sera instituée le législateur a pris soin de préciser les critères qui s'imposeront au pouvoir réglementaire : qu'en effet ces communes devront appartenir « à des zones d'urbanisation continue de plus de deux cent mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, au détriment des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées, qui se concrétise par le nombre élevé de demandeurs de logement par rapport au parc locatif et la proportion anormalement élevée de logements vacants par rapport au parc immobilier existant » ; qu'en disposant en outre que la taxe sera « due pour chaque logement vacant depuis au moins deux années consécutives, au 1er janvier de l'année d'imposition », mais ne le sera pas « en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable », le législateur a, conformément au sixième alinéa de l'article 34 de la Consitution, fixé des règles d'assiette de la nouvelle contribution créée par la loi ; qu'enfin, en prévoyant que « le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions de la taxe sont régis comme en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties », il a déterminé les règles de recouvrement de ladite taxe ; que, dès lors, les griefs tirés de ce que le législateur n'aurait pas épuisé sa compétence sont infondés ;

Considérant, en deuxième lieu, que manque en fait le moyen tiré d'une rupture de l'égalité devant les charges publiques entre bailleurs publics et bailleurs privés, aucune disposition de la loi n'établissant entre eux de distinction en ce qui concerne leur assujettissement ; que l'exonération prévue en faveur des organismes d'habitations à loyer modéré et des sociétés d'économie mixte pour les logements qu'ils détiennent et qui sont destinés à être attribués sous conditions de ressources est justifiée par la différence de situation entre, d'une part, ces organismes et sociétés et, d'autre part, les autres bailleurs publics et privés ; qu'en effet l'affectation des logements en cause fait l'objet d'un contrôle particulier de la part des pouvoirs publics, renforcé au demeurant par les dispositions de la section 3 du chapitre II du titre Ier de la loi déférée, et que la vacance temporaire de certains de ces logements trouve son fondement dans la mise en oeuvre de politiques spécifiques, liées notamment à des opérations d'urbanisme ou à la recherche de la « mixité sociale des villes et des quartiers » ; que, dès lors, le moyen invoqué doit être rejeté ;

Considérant, en troisième lieu, que l'article 51 affecte le produit net de la taxe, qui entre dans la catégorie des impositions de toute nature visées à l'article 34 de la Constitution, à l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat, qui constitue un établissement public ; qu'aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle n'interdit d'affecter le produit d'une imposition à un établissement public ; que, par suite, la taxe a le caractère de ressource d'un établissement public et, comme telle, n'est pas soumise aux prescriptions de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée qui s'appliquent aux seules recettes de l'Etat ; que le grief allégué doit, dès lors, être rejeté ;

Considérant, toutefois, que l'objet de la taxation instituée par les dispositions critiquées est d'inciter les personnes mentionnées au III de l'article 51 à mettre en location des logements susceptibles d'être loués ; qu'il résulte des principes constitutionnels ci-dessus énoncés que la différence de traitement fiscal instaurée par cet article entre ces personnes n'est conforme à la Constitution que si les critères d'assujettissement retenus pour l'application du même article sont en rapport direct avec cet objet ; que ladite taxation ne peut dès lors frapper que les logements habitables, vacants et dont la vacance tient à la seule volonté de leur détenteur ;

Considérant, sur le premier point, que ne sauraient être assujettis des logements qui ne pourraient être rendus habitables qu'au prix de travaux importants et dont la charge incomberait nécessairement à leur détenteur ;

Considérant, sur le deuxième point, que ne sauraient être regardés comme vacants des logements meublés affectés à l'habitation et, comme tels, assujettis, en vertu du 1o du I de l'article 1407 du code général des impôts, à la taxe d'habitation ;

Considérant, sur le troisième point, que ne sauraient être assujettis des logements dont la vacance est imputable à une cause étrangère à la volonté du bailleur, faisant obstacle à leur occupation durable, à titre onéreux ou gratuit, dans des conditions normales d'habitation, ou s'opposant à leur occupation, à titre onéreux, dans des conditions normales de rémunération du bailleur ; qu'ainsi, doivent être notamment exonérés les logements ayant vocation, dans un délai proche, à disparaître ou à faire l'objet de travaux dans le cadre d'opérations d'urbanisme, de réhabilitation ou de démolition, ou les logements mis en location ou en vente au prix du marché et ne trouvant pas preneur ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sous ces réserves, l'article 51 est conforme à la Constitution ;