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Article (Décision n° 2007-0636 du 26 juillet 2007 portant modification de la décision n° 2005-0571 en date du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article (Décision n° 2007-0636 du 26 juillet 2007 portant modification de la décision n° 2005-0571 en date du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)


I-2.2. Influence significative
et obligations imposées à France Télécom


Sur chacun de ces six marchés de détail, France Télécom est réputée exercer une influence significative. L'Autorité estime que les éléments qui l'ont amenée à cette désignation n'ont pas substantiellement évolué. France Télécom continue ainsi d'exercer une très forte influence sur les marchés des accès et des communications et en particulier sur le marché professionnel.
Au titre de cette influence significative, et conformément à l'article L. 38 du CPCE, l'Autorité a privilégié l'imposition de remèdes sur les marchés de gros pour prévenir les problèmes concurrentiels identifiés sur les marchés de détail. Néanmoins, l'Autorité a estimé nécessaire de compléter ce dispositif par l'imposition d'obligations s'appliquant à France Télécom directement sur les marchés de détail de la téléphonie fixe. Ainsi, au titre de la décision n° 2005-0571 de l'Autorité, France Télécom a été soumise sur les six marchés pertinents de détail rappelés supra à une obligation de non-discrimination, une interdiction de couplage abusif, une interdiction de pratiquer des prix excessifs et une interdiction de pratiquer des tarifs d'éviction. Afin de permettre à l'Autorité de vérifier le respect de ces obligations, France Télécom s'est également vu imposer de communiquer à l'Autorité, préalablement à leur mise en oeuvre, les tarifs des offres relevant des marchés en question et de comptabiliser les coûts de ces mêmes prestations.
Néanmoins, ces obligations de détail ne s'appliquaient pas à l'intégralité des prestations relevant des quatre marchés pertinents de détail des communications téléphoniques. En effet, toutes ces obligations ne s'appliquaient aux prestations de communications téléphoniques relevant d'un marché pertinent de détail que dans la mesure où les communications étaient associées à un accès qui relevait lui-même d'un marché pertinent de détail. France Télécom ne s'est ainsi vu imposer aucune obligation de détail sur les prestations de communications voix sur large bande (VLB), qui relèvent bien des marchés pertinents de communications mais qui sont associées à un accès haut débit qui, n'étant pas destiné principalement à la téléphonie, ne relève pas des marchés pertinents de l'accès au service téléphonique.
Comme envisagé dans la décision n° 2005-0571, un réexamen anticipé des obligations imposées à France Télécom sur les marchés de détail de la téléphonie fixe a été mené en 2006. Par sa décision n° 2006-0840 d'allégement de la régulation appliquée à ces marchés de détail, l'Autorité a ainsi levé, sur les seuls marchés des communications du segment résidentiel, les obligations de communication préalable, d'interdiction de pratiquer des tarifs d'éviction, d'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs, et d'interdiction de couplages abusifs d'offres. Toutefois, ces obligations demeuraient valables sur le marché des accès résidentiels, et donc pour les offres couplant accès et communications, mais aussi sur l'ensemble du segment professionnel. L'Autorité a par ailleurs imposé, par sa décision n° 2006-0840, une obligation complémentaire sur les marchés de gros de communication pour information.
Les obligations précitées sont définies aux articles 25 à 31 du dispositif de la décision modifiée n° 2005-0571. L'article 1er de la présente décision porte modification des articles précités.
De même que s'agissant de la délimitation des marchés, certains acteurs, dans leurs réponses à la consultation publique qui a été menée sur le projet de décision, ont jugé qu'une nouvelle analyse de l'influence significative de France Télécom sur les marchés de détail de la téléphonie fixe devait être menée, notamment pour prendre en considération les offres reposant sur les accès large bande. L'Autorité estime cependant qu'aucune des évolutions de ces marchés ne justifie de réexaminer l'influence significative exercée par France Télécom (cf. I-2).


I-2. Le cadre juridique du réexamen


L'analyse des marchés de la téléphonie fixe, et notamment des marchés de détail, porte jusqu'au 1er septembre 2008.
Néanmoins, l'Autorité précise que, conformément au CPCE, elle a la possibilité de modifier les obligations imposées à un opérateur déclaré puissant sans réexaminer dans le même temps la délimitation des marchés pertinents sur lesquels ces obligations s'appliquent.
L'article D. 303 du CPCE prévoit ainsi que les obligations imposées dans une décision d'analyse des marchés à une entreprise exerçant une influence significative « sont réexaminées dans les conditions prévues à l'article D. 301. Ce réexamen peut être effectué conjointement à celui des marchés pertinents correspondants et à celui de la liste des opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés. Toutefois, l'autorité peut modifier, dans les conditions prévues par le présent code, les obligations imposées aux opérateurs exerçant une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques sans effectuer une nouvelle détermination des marchés pertinents ».
L'Autorité, comme elle l'a précisé dans sa décision n° 2005-0571 d'analyse de marchés et comme elle l'a fait en 2006, a donc la possibilité de réexaminer certaines obligations imposées à France Télécom sans réexaminer dans le même temps la délimitation des marchés pertinents sur lesquels ces obligations s'appliquent.
En outre, l'Autorité rappelle que, dans sa décision d'analyse des marchés de la téléphonie fixe, elle avait indiqué imposer des obligations de détail à France Télécom de manière transitoire.
Par ailleurs, l'Autorité estime que l'évolution du marché ne justifie pas de réexamen anticipé ni de la définition des marchés ni de l'influence significative de France Télécom sur ces marchés.
En réponse à la consultation publique, quatre opérateurs estiment que l'allégement est encore prématuré, par rapport au cadre juridique en vigueur, France Télécom jouissant toujours d'une influence significative sur les marchés considérés, et que l'Autorité est en avance sur le cadre réglementaire européen. Un opérateur précise sur ce dernier point que l'actuel projet de révision de la recommandation européenne sur les marchés pertinents prévoit a priori de maintenir comme pertinent pour une régulation sectorielle ex ante le marché de l'accès résidentiel.
L'Autorité souhaite tout d'abord rappeler qu'il appartient au régulateur national, le cas échéant, d'imposer, de modifier ou de lever des obligations qu'il jugerait pertinentes au regard du contexte national. L'Autorité précise également que la Commission européenne n'a pas formulé de remarques sur le projet de décision qu'elle lui a notifié. L'Autorité rappelle en outre que la recommandation européenne impose l'étude de la situation concurrentielle sur les marchés de détail sans pour autant entraîner l'imposition systématique d'obligations réglementaires.
Un opérateur alternatif estime par ailleurs que la procédure d'allégement des obligations suivie par l'ARCEP pourrait être jugée non conforme aux prescriptions du cadre réglementaire européen. En effet, selon cet acteur, la directive « accès » ne légitimerait pas de façon explicite le retrait d'obligations imposées préalablement sans mener une nouvelle analyse de marché. Certains opérateurs alternatifs considèrent en outre que l'Autorité n'a pas respecté la chronologie de l'allégement annoncée lors de la consultation publique portant sur la première phase d'allégement de la régulation appliquée aux marchés de détail de la téléphonie fixe.
S'agissant de la nécessité qui consisterait à procéder à une analyse des marchés préalablement à la levée des obligations imposées à un opérateur déclaré puissant, l'Autorité estime que les cadres juridiques européen et français lui offrent explicitement cette possibilité (cf. supra) et souhaite rappeler que la Commission européenne a confirmé, dans ses commentaires sur la décision n° 2006-0840 de l'Autorité, la possibilité de modifier les obligations imposées à France Télécom sans nouvelle détermination des marchés pertinents. De plus, la Commission européenne, dans ses observations relatives à la décision d'analyse des marchés n° 2005-0571, avait invité l'Autorité à concentrer sa régulation sur les marchés de gros et à lever au plus vite (à tout le moins avant la fin de période de validité de l'analyse, i.e. avant septembre 2008) la régulation sur les marchés de détail.
Enfin, l'Autorité justifie sa revue de la chronologie annoncée dans la consultation publique sur la première phase d'allégement par la nécessité d'avoir une approche dynamique de la régulation pouvant l'amener à modifier son action réglementaire de manière appropriée, proportionnée et objective, en fonction des évolutions constatées sur les marchés concernés. En outre, l'Autorité souhaite rappeler qu'elle n'avait pas annoncé de calendrier ferme quant à une éventuelle dérégulation des marchés de détail de la téléphonie fixe, mais avait donné des repères sur la démarche et les modalités au travers de sa consultation publique afin de recueillir les commentaires du secteur.


I-3. Principes ayant justifié le premier allégement
de la régulation des marchés de détail


Dans son analyse des marchés de la téléphonie fixe, l'Autorité a estimé que la situation concurrentielle existant au moment de cette analyse sur chacun des marchés pertinents de détail justifiait l'application d'une régulation sur ces marchés de détail et l'imposition à France Télécom sur ces mêmes marchés des obligations citées au I-1.2 du présent document.
En particulier, dans sa décision n° 2005-0571, l'Autorité concluait qu'il était « justifié d'imposer des obligations ex ante sur les marchés de détail de la téléphonie fixe jusqu'au 1er septembre 2008. Toutefois, si les obligations imposées sur les marchés de gros devaient influencer favorablement le développement de la concurrence sur ces marchés de détail dans un délai plus court, l'Autorité se devra, conformément au nouveau cadre, de revoir sa position et de modifier en conséquence les obligations imposées ».
Dans ses observations susvisées sur cette analyse des marchés de détail de la téléphonie fixe, la Commission avait considéré « qu'en présence d'obligations effectives au niveau de gros de l'accès et du départ d'appel, les marchés aval de détail pour l'accès et/ou les appels [pourraient], avec le temps, devenir durablement concurrentiels avec pour conséquence que la régulation existante au détail pourrait être supprimée ». Elle avait même invité l'Autorité à « s'engager à réviser [cette] analyse (...) à tout le moins dans un délai plus court que la révision proposée pour 2008 ».
L'Autorité avait alors précisé dans sa décision n° 2005-0571 : « Les obligations imposées au titre de l'analyse des marchés de gros de la téléphonie fixe ont effectivement, et notamment, pour objectif de conduire à terme à un allégement de la régulation sur les marchés de détail sous-jacents. L'obligation imposée sur les marchés de gros de publier une offre technique et tarifaire de vente en gros de l'accès au service téléphonique [VGAST] poursuit précisément cet objectif. En effet (...) la mise en oeuvre effective et une industrialisation satisfaisante de cette obligation pourront conduire à un allégement des obligations portant sur les marchés de détail. Elles devraient permettre de favoriser un développement réel de la concurrence sur ces marchés, les opérateurs alternatifs obtenant la possibilité de concurrencer l'opérateur historique sur les marchés de l'accès au réseau téléphonique et d'accroître la pression concurrentielle sur le marché des communications.
L'Autorité confirme donc qu'elle observera avec vigilance les effets qu'aura la régulation qu'elle impose sur les marchés de gros sur le degré de concurrence des marchés de détail aval. Lorsqu'elle aura constaté que les offres de gros régulées permettront aux opérateurs alternatifs de bâtir des offres compétitives et commercialement innovantes à l'échelle nationale, l'Autorité procédera, comme elle l'avait déjà mentionné dans son projet de décision, à une revue du dispositif de régulation des marchés de détail de la téléphonie fixe. »

L'Autorité a également affirmé dans sa décision d'analyse des marchés qu'elle était « résolue à anticiper l'examen des remèdes imposés sur les marchés de détail si l'évolution de la situation concurrentielle des marchés de gros le justifie ».
Enfin, l'article 32 de la décision n° 2005-0571 dispose que « les obligations figurant aux articles 16 à 31 de la présente décision sont imposées à France Télécom à compter de la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française et jusqu'au 1er septembre 2008, sans préjudice des dispositions de l'article 21 et d'un éventuel réexamen anticipé des obligations imposées, conformément aux dispositions de l'article D. 303 du code des postes et des communications électroniques ».
Ainsi, dans sa décision n° 2006-0840, l'Autorité, après analyse de la situation concurrentielle sur les marchés de détail de la téléphonie fixe, a levé en septembre 2006 certaines obligations imposées à France Télécom sur le marché de détail des communications résidentielles.
La suite du présent document examine le contexte concurrentiel et le fonctionnement actuel des marchés de détail de la téléphonie fixe, puis explique la pertinence d'un allégement des obligations imposées à France Télécom sur ces marchés.


II. - Evolutions des prestations offertes
sur les marchés de gros et de détail


Cette partie donne l'analyse que l'Autorité fait de la situation concurrentielle existant sur les marchés de détail de la téléphonie fixe (II-1) et sur le développement des offres disponibles sur les marchés de gros sous-jacents (II-2) qui justifient un réexamen des obligations actuellement en vigueur sur les marchés de détail.


II-1. Evolution de la situation concurrentielle
sur les marchés de détail


L'évolution de la situation concurrentielle sur les marchés des communications téléphoniques s'est poursuivie depuis les analyses que l'Autorité a menées en 2005 et en 2006.
L'offre de sélection du transporteur permet toujours aux opérateurs alternatifs de concurrencer France Télécom sur les marchés résidentiels des communications téléphoniques tant nationales qu'internationales. Ainsi, 6,9 millions de consommateurs (soit 21 % du nombre total d'abonnés sur des lignes bas débit) ont choisi un opérateur autre que France Télécom pour leurs communications (3). Néanmoins, et depuis deux ans, c'est surtout du fait de l'essor des services de voix sur large bande (VLB) (4) que la pression concurrentielle s'exerce sur les marchés résidentiels des communications. L'Autorité estime ainsi qu'en 2006 les communications VLB ont représenté 23 % du volume global des communications passées depuis des lignes fixes, alors qu'elles en représentaient 7 % en 2005 et 1 % en 2004 (5). Le recours aux services de communications sur large bande devrait continuer à suivre une tendance croissante dans les années à venir.
L'offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique, quant à elle, poursuit son développement depuis sa commercialisation au 1er avril 2006 (cf. infra).
Cependant, la pression concurrentielle des offres de communications VLB s'exerce principalement sur les marchés résidentiels et encore peu sur les marchés professionnels, où il existe une plus forte attente en termes de qualité de service, à laquelle les opérateurs ne répondent pas encore pleinement. L'Autorité précise qu'elle ne dispose pas encore aujourd'hui d'un recul suffisant sur l'offre de VGAST sur accès numérique et qui est dédiée aux marchés professionnels.
Le développement des services de communications VLB sur les marchés résidentiels, allié à la poursuite de l'utilisation des services de communications en sélection du transporteur, permet un accroissement significatif de la pression concurrentielle exercée sur France Télécom et participe au développement d'une concurrence effective et durable sur les marchés résidentiels des communications. Toutefois, ces éléments ne sont pas suffisants pour remettre en cause l'influence significative exercée par France Télécom sur ces marchés avant le terme de la période d'application de l'analyse qu'elle a menée en 2005, compte tenu notamment de son contrôle de l'infrastructure essentielle de boucle locale, de la présence d'importantes économies d'échelle et de gamme, de son intégration verticale mais aussi de l'existence d'un réseau de distribution et de vente très développé.
Dans sa réponse à la consultation publique, France Télécom accueille favorablement la démarche présentée par l'Autorité, dont elle souligne néanmoins le caractère tardif au regard de la pression concurrentielle exercée par les services VLB, au contraire des opérateurs alternatifs, qui estiment pour leur part qu'à l'heure actuelle la situation concurrentielle n'a pas évolué de façon significative sur les marchés de détail de l'accès résidentiel, leurs parts de marché et celles de France Télécom ayant peu changé. Plusieurs acteurs ont regretté, sur ce point, l'absence d'éléments quantitatifs dans la consultation publique justifiant la modification de la situation concurrentielle.
En réponse à ces observations, l'Autorité souligne que l'observation des parts de marché d'un acteur est un critère important pour l'analyse de la puissance de celui-ci. A ce titre, l'ARCEP ne remet pas en question l'influence significative exercée par France Télécom sur les marchés de détail de la téléphonie fixe.
La régulation sectorielle a pour objectif de mettre en oeuvre les conditions favorisant l'exercice d'une concurrence effective et loyale. L'Autorité ne poursuit donc pas l'objectif de diminuer la puissance de marché de l'acteur auquel sont imposées des obligations sectorielles ; la position dominante n'est pas sanctionnable au contraire de son abus qui, lui, est sanctionnable devant le Conseil de la concurrence.
Un opérateur précise en outre, dans sa réponse à la consultation publique, que l'ARCEP devrait affiner son analyse en distinguant la situation en zone métropolitaine de celle dans les DOM. Cet opérateur souligne qu'il demeure le seul à concurrencer France Télécom sur le marché résidentiel de l'accès en bande étroite et le seul concurrent significatif sur le segment résidentiel. Enfin, il explique qu'en l'absence de développement des services fondés sur la voix sur large bande dans les DOM les technologies IP n'exercent pas de pression concurrentielle sur l'opérateur historique.
L'Autorité souligne que l'offre de gros VGAST sur les accès RTC est effective dans les DOM et que la concurrence sur le marché de l'accès RTC s'y est engagée : la VGAST enrichit l'offre alternative de présélection. L'Autorité souhaite rappeler que la concurrence par les offres de communications reposant sur des accès haut débit s'est également engagée dans les DOM. Enfin, l'Autorité souligne que le Conseil de la concurrence exerce ses prérogatives en matière de sanction des abus de position dominante tant en métropole que dans les DOM.