I. - INTRODUCTION
I-A. - L'analyse des marchés pertinents
Conformément à l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité est en charge de la détermination des marchés du secteur des communications électroniques pertinents susceptibles d'être soumis à une régulation ex ante. Elle conduit une analyse concurrentielle de ces marchés, et désigne le ou les opérateurs réputés exercer une influence significative sur ces marchés. Conformément à l'article L. 37-2, l'Autorité fixe ensuite en les motivant la liste des obligations imposées à ce ou ces opérateurs.
Conformément à l'article D. 301 du même code, l'Autorité a publié le 23 juin 2004 un document de consultation intitulé « Consultation publique sur l'analyse des marchés du haut débit ».
Dans ce document, après avoir analysé la situation concurrentielle prévalant sur chacun des marchés de détail et de gros du haut débit, l'Autorité a proposé une délimitation des marchés pertinents. Elle a ainsi proposé une définition du marché du dégroupage de la boucle locale, ainsi que des marchés de gros des offres d'accès large bande livrées aux niveaux régional et national. Sur chacun de ces marchés, elle a proposé une analyse conduisant à la détermination de l'entreprise exerçant une influence significative sur le marché, et a soumis à consultation une liste d'obligations qu'elle estimait justifié et proportionné d'imposer à cette entreprise.
Après avoir considéré l'ensemble des vingt-cinq contributions des acteurs et consulté le Conseil de la concurrence selon les dispositions de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité a établi des projets de décisions en vue de leur transmission à la Commission européenne, ainsi qu'aux autorités réglementaires compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne, projets qu'elle a soumis, en parallèle, à consultation publique du 13 avril 2005 au 13 mai 2005.
Les régulateurs des autres Etats membres n'ont pas émis de commentaire sur cette notification. La Commission a adressé à l'Autorité une lettre l'informant qu'elle n'avait pas d'observations à formuler sur l'analyse présentée par l'Autorité du marché de gros des offres d'accès large bande livrées au niveau régional
L'Autorité a reçu neuf contributions en réponse à la consultation publique menée en parallèle à cette notification. Ces contributions ont fait apparaître la nécessité de clarifier certains aspects du projet de décision « obligation », qui a donc été amendé en ce sens.
L'analyse du marché de gros des offres d'accès large bande livrées au niveau régional conduite par l'Autorité se compose de deux décisions : la décision « délimitation du marché et opérateur puissant », ainsi que la présente décision « obligations ».
La décision n° 2005-0278 « délimitation du marché et opérateur puissant » susvisée, d'une part, définit le marché pertinent de gros des offres d'accès large bande par DSL livrées au niveau régional, indépendamment de la clientèle visée et de l'interface de livraison employée. Le périmètre du marché correspond au territoire métropolitain, aux départements d'outre-mer et à Mayotte. D'autre part, elle désigne France Télécom comme opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent de gros des offres d'accès large bande livrées au niveau régional.
La présente décision porte sur la détermination des obligations imposées à France Télécom, en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau régional.
I-B. - Durée d'application de la décision
Conformément aux prescriptions de l'article D. 303 du code des postes et des communications électroniques, il incombe à l'Autorité de fixer la durée d'application de chacune des obligations, qui ne peut dépasser la date de révision des décisions prises en vertu de l'article D. 301, selon lequel l'inscription d'un marché sur la liste de l'ensemble des marchés pertinents « est prononcée pour une durée maximale de trois ans » ; l'Autorité doit notamment réviser cette liste, de sa propre initiative « lorsque l'évolution de ce marché le justifie », ou encore « dès que possible après la modification de la recommandation de la Commission européenne ».
La présente décision s'applique à compter de son entrée en vigueur jusqu'à la date du 1er mai 2008. Cependant, au regard de ce qui précède, si les conditions d'évolution du marché le justifient, l'Autorité réexaminera avant cette date le marché de gros des offres d'accès haut débit livrées au niveau régional et pourra, le cas échéant, être amenée à prendre avant ce terme une nouvelle décision « obligations ».
I-C. - Principes généraux relatifs à la détermination des obligations imposées à l'opérateur exerçant une influence significative sur un marché
Conformément à l'article 16 de la directive-cadre, lorsqu'une autorité de régulation nationale a identifié un opérateur exerçant une influence significative sur un marché pertinent, celle-ci est tenue de lui imposer des mesures réglementaires spécifiques visées aux articles 9 à 13 de la directive « accès ». Ces obligations sont les suivantes :
- obligations de transparence ;
- obligations de non-discrimination ;
- obligations relatives à la séparation comptable ;
- obligations relatives à l'accès à des ressources spécifiques et à leur utilisation ;
- contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts.
Conformément au considérant 14 de la même directive, il s'agit d'un ensemble maximal d'obligations pouvant être imposées aux entreprises.
L'article 8 de la directive « accès » prévoit également que les obligations imposées sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés dans l'article 8 de la directive-« cadre ».
Par ailleurs, le paragraphe 118 des Lignes directrices indique qu'un projet de mesure est considéré comme compatible avec le principe de proportionnalité si la mesure à prendre poursuit un but légitime et si les moyens employés sont à la fois nécessaires et aussi peu contraignants que possible.
L'article L. 38-I du code des postes et des communications électroniques prévoit que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, une ou plusieurs des obligations [...], proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 ».
Il s'agit des obligations suivantes :
- rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non-discrimination ;
- fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ;
- faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés ;
- ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ;
- isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès.
S'agissant de l'accès, l'Autorité peut imposer à un opérateur réputé exercer une influence significative de faire droit aux demandes raisonnables notamment lorsqu'elle considère qu'un refus ou des propositions déraisonnables empêcheraient l'émergence d'un marché de détail concurrentiel durable ou risqueraient d'être préjudiciables aux utilisateurs finaux.
Dans ce cadre, l'ART peut préciser les contours de l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès en imposant certains des mécanismes spécifiques qui figurent notamment à l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques.
En outre, lorsque l'Autorité apprécie le caractère proportionné des obligations d'accès qu'elle est susceptible d'imposer, elle veille notamment à prendre en compte les critères d'analyse suivants mentionnés à l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques :
a) La viabilité technique et économique de l'utilisation ou de la mise en place de ressources concurrentes, compte tenu du rythme auquel le marché évolue et de la nature et du type d'interconnexion et d'accès concerné.
b) Le degré de faisabilité de la fourniture d'accès proposée, compte tenu de la capacité disponible.
c) L'investissement initial réalisé par le propriétaire des ressources, sans négliger les risques inhérents à l'investissement.
d) La nécessité de préserver la concurrence à long terme.
e) Le cas échéant, les éventuels droits de propriété intellectuelle pertinents.
f) La fourniture de services paneuropéens.
En toute hypothèse et quelles que soient les obligations qui peuvent être imposées, celles-ci doivent être proportionnées aux objectifs généraux fixés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, à savoir :
« 1° A la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques.
2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques.
3° Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques.
4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence.
5° Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel.
6° Au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique.
7° A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements.
8° Au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48.
9° A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs.
10° A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen.
11° A l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation.
12° A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public.
13° Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent.
14° A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public. ».
II. - ANALYSE DE L'AUTORITÉ
Compte tenu de la situation concurrentielle observée sur le marché de gros des offres d'accès haut débit livrées au niveau régional, l'Autorité est amenée à imposer plusieurs obligations à France Télécom, établies au terme de l'analyse suivante.
II-A. - Obligation de faire droit
aux demandes raisonnables d'accès
L'article L. 38-I (3°) du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'ART peut imposer des obligations d'accès à un opérateur disposant d'une influence significative sur un marché pertinent. Conformément à l'article D. 310 du code, elles peuvent notamment prendre la forme d'une obligation d'accorder à des tiers l'accès à des éléments ou ressources de réseau spécifiques, de négocier de bonne foi avec les opérateurs ou encore de ne pas retirer un accès déjà accordé.
II-A-1. Obligation générique
L'analyse prospective de la situation concurrentielle prévalant sur le marché de gros de l'accès large bande livré au niveau régional, telle que développée dans la décision n° 2005-0278 « délimitation du marché et opérateur puissant » susvisée, a montré que France Télécom bénéficie sur ce marché du contrôle d'une infrastructure difficile à dupliquer.
En effet, si le dégroupage de la boucle locale, qui constitue un vecteur essentiel du développement de la concurrence sur le marché de l'accès DSL, permet aux opérateurs de concurrencer les offres de gros régionales de France Télécom, il reste toutefois limité géographiquement à une partie du territoire, sur laquelle les lourds investissements qu'il suppose ont un sens économique pour un opérateur alternatif. Actuellement, le dégroupage ne couvre qu'une moitié environ de la population française. A l'horizon de l'analyse, il apparaît qu'une forte proportion des répartiteurs de France Télécom ne sera pas dégroupée.
Pour compléter la couverture du dégroupage, et pouvoir ainsi commercialiser des offres de détail au plan national, les opérateurs doivent nécessairement utiliser le réseau de France Télécom, car c'est le seul opérateur disposant d'un réseau DSL étendu au-delà des zones dégroupées. L'accès au réseau DSL de France Télécom est donc indispensable pour rendre possible l'exercice d'une concurrence effective entre les opérateurs sur les marchés de détail, à l'échelle du territoire national et dans l'intérêt des utilisateurs, conformément aux objectifs mentionnés aux articles L. 32-1-II (2°) et D. 310 du code des postes et des communications électroniques.
Deux modes d'accès distincts au réseau DSL de France Télécom existent actuellement pour les opérateurs : l'achat de trafic haut débit centralisé en un point de livraison national unique ou à des niveaux intermédiaires, dits régionaux, du réseau.
D'un point de vue économique, le recours à un système de collecte régional plutôt qu'à une offre nationale permet à un opérateur alternatif qui a déployé un réseau longue distance, pour le dégroupage ou pour l'acheminement de trafic voix, de remplir son propre réseau, rentabilisant ainsi plus rapidement ses investissements.
D'un point de vue technique, le recours à une offre régionale plutôt qu'à une collecte en un point de livraison national unique donne par ailleurs à un opérateur une plus grande maîtrise des infrastructures, au plus près des accès, accroissant ainsi sa maîtrise du produit vendu au client final et sa capacité de différenciation. Cette capacité de différenciation et de contrôle technique sur leur produit est une caractéristique importante des besoins des opérateurs, sur les marchés du haut débit où le rythme des évolutions techniques, économiques et marketing qui prévaut est soutenu et ne devrait pas se ralentir sur la période couverte par la présente analyse des marchés.
L'accès aux offres de France Télécom au niveau régional constitue ainsi un moyen pour les opérateurs d'augmenter leur capacité de différenciation et d'innovation, d'utiliser leur propre réseau et de s'étendre progressivement en capillarité. Il permet le développement d'une concurrence durable par le déploiement d'infrastructures alternatives sur l'intégralité du territoire.
Au surplus, le réseau de France Télécom est adapté à la fourniture de cet accès : il est suffisamment capillaire et hiérarchisé pour être rendu accessible au niveau régional, et dispose d'une capacité suffisante pour être ouvert au trafic d'autres opérateurs. Plusieurs offres régionales sont d'ailleurs d'ores et déjà proposées par France Télécom aux opérateurs tiers, comme ADSL Connect ATM ou encore IP/ADSL régional.
Au vu des éléments d'analyse qui précèdent, l'Autorité estime qu'il est nécessaire d'imposer à France Télécom l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables des opérateurs tiers visant à obtenir l'accès à des éléments de réseaux ou à des moyens et ressources associés sur le marché des offres régionales. Ces demandes devront respecter les critères de l'article L. 38-V du code.
Dans ce cadre, France Télécom devra négocier de bonne foi avec les opérateurs qui demandent l'accès sur ce marché, afin de minimiser les cas de litige.
La proportionnalité de ces prescriptions est vérifiée en l'absence de mesures moins contraignantes permettant d'atteindre le même objectif, et au regard des critères spécifiques mentionnés à l'article L. 38-V précité du code, notamment en ce qui concerne la prise en compte du degré de faisabilité de la fourniture de l'accès à un niveau régional et de la nécessité de préserver la concurrence à long terme.
II-A-2. Précision de l'obligation
Le caractère raisonnable d'une demande d'accès formulée par un opérateur devra être apprécié au regard de la proportionnalité entre les contraintes économiques et techniques d'une telle demande pour France Télécom, et le bénéfice attendu pour la résolution d'un problème concurrentiel particulier ou plus généralement pour le fonctionnement des marchés du haut débit.
A cette fin il sera tenu le plus grand compte des éléments d'appréciation retenus dans le code des postes et des communications électroniques dans son article L. 38-V.
Compte tenu du développement actuel du marché et des offres, il apparaît d'ores et déjà que certaines demandes d'accès doivent être considérées comme raisonnables ; il convient donc, conformément à l'article D. 310, de préciser plusieurs obligations qu'il apparaît nécessaire d'imposer à France Télécom sur le marché de gros des offres régionales.
II-A-2-a. Prestations existantes
Les prestations qui étaient fournies par France Télécom avant la mise en oeuvre de la présente décision, et qui relèvent du marché pertinent considéré sont le fruit de demandes auxquelles France Télécom avait accédé, car elle les estimait raisonnables, ou qui lui avaient été imposées par les autorités de régulation en tant qu'elles étaient justifiées et proportionnées aux problèmes de concurrence rencontrés.
Ces offres représentaient fin 2004 environ 40 % des accès que France Télécom vendait sur le marché de gros aux opérateurs alternatifs. Elles apparaissent donc comme structurantes pour le marché. Toute remise en cause ou évolution artificielle à court terme de ces prestations serait une source de déstabilisation technique, économique et commerciale des opérateurs et serait finalement nuisible au marché.
Le maintien des prestations existantes, notamment proposées à travers les offres Turbo DSL dans son utilisation « opérateurs », IP/ADSL régional, ADSL Connect ATM et Bitstream est donc un élément indispensable pour assurer la pérennité des plans de développement des opérateurs. Ce maintien doit être assuré sans coûts supplémentaires ou frais de migration.
Le maintien des prestations déjà proposées aux opérateurs se fonde sur les dispositions des 1° et 3° de l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques. En l'absence de moyen moins contraignant permettant de rendre possible l'exercice d'une concurrence effective entre les opérateurs sur les marchés de détail à l'échelle du territoire national, dans l'intérêt des utilisateurs, conformément aux objectifs mentionnés au 2° du II de l'article L. 32-1 et D. 310 du code des postes et des communications électroniques, et compte tenu du b du V de l'article 38 relatif au degré de faisabilité de la fourniture des accès concernés, la mesure est proportionnée au but poursuivi.
II-A-2-b. Interfaces de livraison des accès
En France, deux types de réseaux ont été principalement déployés par les opérateurs de télécommunications pour le haut débit : les réseaux utilisant l'ATM comme protocole de transmission pour le coeur de réseau, d'une part, et, plus récemment, les réseaux « tout IP ». Ces choix d'architecture représentent des investissements lourds, qui ne peuvent être remis en cause que sur un terme long.
France Télécom utilise les deux technologies sur son réseau : elle a déployé à la fois un réseau ATM très capillaire et un réseau IP qui présente au moins un point d'entrée par région. Ces deux protocoles de transport sont utilisés par le trafic issu des accès DSL. En effet, les accès DSL produits par France Télécom sont dans un premier temps transportés sur le réseau ATM à travers plusieurs brasseurs, puis convertis en IP par un équipement BAS (Broadband Access Server) et transportés ensuite sur le réseau IP de France Télécom.
A moyen terme, l'utilisation de DSLAM IP et d'une architecture tout IP pourrait se généraliser.
Deux types d'offres de gros régionales sont proposées actuellement par France Télécom aux opérateurs sur le marché de gros français : les offres livrées en ATM, disponibles en un nombre étendu de points de livraison, et les offres livrées en IP, sur un nombre plus restreint de points de livraison. La part de la livraison en mode IP représente plus de 60 % des offres régionales que France Télécom vendait début 2005 à ses concurrents.
Dans ces conditions, il convient d'examiner quelles modalités d'accès, en termes d'interfaces de livraison, il apparaît justifié et proportionné d'imposer à France Télécom sur ce marché.
L'ART note tout d'abord que le code des postes et des communications électroniques fixe dans l'article L. 32-1-II (13°) que l'ART doit « veiller au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique », des mesures qu'elle prend.
Par ailleurs, étant donné les conditions de développement des réseaux en France précisées ci-dessus, restreindre l'offre de gros à un seul type d'interface, ATM ou IP, serait de nature à constituer une barrière à l'entrée pour des acteurs qui auraient fait un autre choix technologique, et limiterait ainsi de fait le développement de la concurrence sur les zones où l'accès au réseau de France Télécom est incontournable.
Notamment, la limitation de l'accès sur le marché de gros de l'accès large bande à la seule technologie ATM empêcherait les opérateurs ayant fait un choix d'architecture technique en « tout IP », et qui déploient sur cette technologie un réseau capillaire, de compléter leur couverture de dégroupage par une offre de gros qui leur permette d'utiliser de façon optimale leur réseau. Cette limitation leur imposerait d'avoir recours à une offre de gros ATM inadaptée à leurs besoins, notamment en termes de dimensionnement et de tarification, et d'investir de plus dans des équipements spécifiques de conversion ATM/IP.
L'Autorité note enfin que la fourniture de ces deux types d'interface est faisable au regard de l'architecture du réseau de France Télécom et de la capacité disponible sur ce réseau, et qu'elle ne nécessite pas d'investissements spécifiques risqués de sa part. Au contraire, fournir ces accès lui permet de mieux remplir ses réseaux ATM et IP.
En conséquence, sur le fondement des dispositions de l'article D. 310 (3°) du code, l'Autorité estime nécessaire que France Télécom propose aux opérateurs alternatifs au moins les deux interfaces de livraison ATM et IP pour la livraison régionale aux points d'interconnexion où ces technologies sont disponibles.
Au demeurant, cette obligation s'impose sans préjudice du traitement qui pourrait être réservé à toute demande d'accès de livraison de flux sous une autre interface.
Cette obligation permettra de garantir une concurrence loyale et effective. Compte tenu de l'impossibilité pour les opérateurs alternatifs de mettre en place des ressources concurrentielles, du caractère limité des contraintes qu'elle crée en termes d'investissement pour France Télécom, du degré de faisabilité de la fourniture des accès au moins en mode ATM et IP et de la nécessité de préserver la concurrence à long terme, conformément aux éléments mentionnés aux a à d du V de l'article 38 du code des postes et des communications électroniques, et en l'absence de mesures moins contraignantes permettant de garantir, dans les mêmes conditions, la loyauté et l'effectivité de la concurrence, la mesure est proportionnée à l'objectif poursuivi.
II-A-2-c. Capillarité des offres de gros
L'observation de réseaux déployés par les opérateurs alternatifs en France met en évidence que seul un opérateur dispose d'un réseau suffisamment capillaire pour lui permettre de raccorder plus de 100 points du réseau de France Télécom en ATM. Un autre dispose d'un réseau en propre présentant une quarantaine de points d'interconnexion en ATM avec le réseau de France Télécom. En IP, les réseaux les plus capillaires des opérateurs alternatifs comptent entre 20 et 50 points de présence.
Les offres de gros actuelles de France Télécom proposent deux types de raccordement correspondant à des niveaux tarifaires distincts :
- un niveau « région » ou « plaque » DSL, permettant de couvrir le territoire national en raccordant entre 20 et 40 points du réseau de France Télécom, que ce soit en ATM ou en IP ;
- un niveau « local », disponible uniquement en ATM, nécessitant un raccordement infradépartemental pour avoir accès au tarif correspondant, soit de l'ordre de 130 points de raccordement.
L'opérateur peut choisir un nombre de points de raccordement intermédiaire, il dispose alors d'un tarif mixte, relevant pour partie du tarif « local » et du tarif « régional » ou « plaque ».
Dans ces conditions, il convient d'examiner quelles modalités d'accès, en termes de capillarité des offres de gros, il apparaît justifié et proportionné d'imposer à France Télécom sur le marché des offres régionales.
Compte tenu du niveau de déploiement atteint aujourd'hui par les opérateurs concurrents et du réseau de France Télécom, il apparaît tout d'abord nécessaire pour garantir le développement d'une concurrence durable sur les zones non dégroupées de rendre disponible une offre de gros au niveau « région » ou « plaque ».
En effet, seul ce niveau de capillarité est en mesure de répondre aux besoins de la plupart des opérateurs tiers, et de permettre ainsi le déploiement de plusieurs réseaux alternatifs favorisant ainsi l'exercice d'une concurrence renforcée sur les marchés de détail du large bande.
Par ailleurs, la livraison de trafic IP au niveau régional est la seule actuellement possible compte tenu de l'architecture du réseau de France Télécom : elle est donc nécessaire pour garantir l'égalité des conditions de la concurrence, quelle que soit l'interface de livraison des accès considérée.
Les critères a et d énoncés à l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques sont ainsi vérifiés.
Au-delà de cette offre correspondant à un déploiement minimal des opérateurs, il apparaît également justifié que France Télécom accède aux demandes raisonnables des opérateurs concernant le raccordement pour un réseau plus capillaire, et donc au niveau local, dans la mesure où l'ouverture de tels points de raccordement est techniquement faisable pour France Télécom.
En effet, l'existence d'une offre plus capillaire, à des tarifs plus attractifs, est une incitation au déploiement d'infrastructures par les opérateurs alternatifs. Une telle offre leur permet d'utiliser au mieux leurs investissements, en ayant recours dès que possible à leur propre réseau. En pratique, le niveau le plus capillaire des offres de gros proposées par France Télécom doit être accessible pour un nouvel entrant, et non uniquement aux propres filiales ou services de France Télécom, afin de garantir des conditions loyales et non discriminatoires de concurrence sur les marchés avals.
Les critères a et d énoncés à l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques, ainsi que l'objectif de d'investissement efficace dans les infrastructures, énoncé à l'article L. 32-1, sont ainsi vérifiés.
Par ailleurs, l'Autorité note que les opérateurs peuvent être souscripteurs de plusieurs prestations distinctes d'accès régional auprès de France Télécom, comme des offres professionnelles et des offres résidentielles par exemple. Afin de favoriser une mutualisation des investissements et une rationalisation des architectures techniques, une homogénéisation des points de raccordement proposés au titre des différentes offres doit être assurée dans la mesure où elle est techniquement faisable.
Enfin, conformément à l'analyse présentée dans la partie « prestations existantes », il convient de s'assurer que les offres formulées maintiennent les points de raccordement actuels, afin de ne pas déstabiliser les plans d'investissement et les stratégies de déploiement mises en place dans l'ancien cadre par les opérateurs alternatifs.
L'examen des contraintes représentées par la fourniture de ces offres pour France Télécom met en évidence que les différents niveaux de raccordement évoqués ci-dessous (« région » ou « plaque », d'une part, raccordement « local » plus capillaire, d'autre part) sont compatibles avec l'architecture actuelle du réseau de France Télécom. Ils correspondent en effet à un accès à son réseau au niveau des noeuds qui hébergent des équipements de routage des flux permettant d'orienter le trafic vers d'autres noeuds de son réseau : le coût supplémentaire consistant à orienter ces trafics vers le réseau d'opérateurs alternatifs qui viendraient s'y connecter est de fait réduit. En outre, ces différents niveaux de capillarité des offres de gros sont déjà proposés par France Télécom au travers des offres TurboDSL, ADSL Connect ATM et IP/ADSL régional.
Le critère de faisabilité de l'accès, énoncé à l'article L. 38-V (b) du code des postes et des communications électroniques, est ainsi vérifié.
Dans ces conditions, sur le fondement de l'article D. 310 (1°) du code des postes et des communications électroniques, l'analyse concurrentielle conduit l'Autorité à mettre à la charge de la société France Télécom l'obligation de proposer aux opérateurs :
- une offre permettant une couverture nationale par un raccordement de type « plaque » ou « région », i.e. d'une vingtaine à une quarantaine de points ;
- une offre permettant une couverture nationale par un opérateur alternatif par un raccordement de type « local », infradépartementale ;
- en homogénéisant autant que faire se peut les points de raccordement proposés au titre des différentes offres d'accès régionales.
Edictée dans le but de garantir une concurrence durable, en particulier sur les zones non dégroupées, et l'égalité des conditions de concurrence, et en l'absence de mesures moins contraignantes pour France Télécom, cette obligation est proportionnée aux objectifs poursuivis précités et notamment de loyauté et d'effectivité de la concurrence, compte tenu des éléments mentionnés aux a, b et d du V de l'article 38.
II-A-2-d. Offre professionnelle et offre résidentielle
Les opérateurs alternatifs développent des offres de détail d'accès large bande à la fois pour la clientèle résidentielle et pour la clientèle professionnelle. France Télécom, propose elle aussi ces deux types de solutions, à travers Transpac, s'agissant de la clientèle professionnelle, et Wanadoo ou la marque France Télécom, pour les résidentiels. Ces deux types d'offres, si elles correspondent à des prestations techniques voisines, se distinguent nettement en termes d'options ou caractéristiques additionnelles, notamment en termes de qualité de service et de garantie du débit.
Pour un opérateur alternatif, la qualité de service dépend à la fois des services et paramètres qu'il contrôle lui-même et de la qualité de service propre de l'offre de gros de France Télécom.
Ainsi, afin de pouvoir commercialiser leurs produits auprès de clients résidentiels et professionnels et concurrencer les offres aval de France Télécom, les opérateurs alternatifs doivent bénéficier d'offres de gros répondant aux besoins de ces deux types de clientèles, résidentielle et professionnelle.
Pour France Télécom, la fourniture de ces deux types d'offres de gros ne constitue pas une charge excessive. Le réseau sous-jacent à la fourniture de ces deux catégories d'offres est le même, seules diffèrent les niveaux de qualité de service et de garantie du débit. Or, le réseau de France Télécom est conçu pour gérer de multiples offres avec des paramétrages de qualité de service variés qui sont commercialisés sur les marchés de détail résidentiel et professionnel.
De plus, France Télécom propose d'ores et déjà ces deux types d'offres de gros, à travers l'offre Turbo DSL répondant aux besoins de la clientèle entreprise et les offres ADSL Connect et IP/ADSL pour les offres de type « résidentiel ».
Il ressort de ces éléments que les critères cités aux alinéas a et b de l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques sont ainsi vérifiés. En tenant compte de ces éléments, cette obligation n'est pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi et des contraintes qu'elle fait peser sur France Télécom.
Les sujétions imposées à France Télécom permettent d'atteindre les objectifs visés par l'article L. 32-1 précité sans qu'il puisse exister un quelconque rapport de disproportion. En effet, nonobstant l'existence actuelle de ce types d'offres, la présente obligation tient compte, d'une part, de l'impossibilité pour les opérateurs alternatifs de mettre en place des ressources concurrentes et, d'autre part, du niveau d'investissement initial réalisé par France Télécom. Cette obligation prend également en considération la nécessité de préserver la concurrence à long terme.
Par suite, conformément à l'article D. 310 (1° et 3°) du code, l'Autorité estime qu'il est nécessaire que la société France Télécom propose aux opérateurs :
- une offre adaptée à la clientèle de détail « résidentielle » ;
- une offre adaptée à la clientèle de détail « professionnelle ».
II-A-2-e. Offre mono-canaux et bi-canaux
Les services de détail qui peuvent être fournis sur un accès haut débit se multiplient. Les offres des opérateurs proposent de plus en plus, outre un accès à haut débit à l'Internet, des offres de téléphonie ou de visiophonie, ou encore des offres de télévision ou de vidéo à la demande. Etant donné le rythme de l'innovation technologique et marketing constaté sur ces marchés, il est certain que ces offres s'étofferont encore dans les trois années à venir.
Les premières offres de gros d'accès large bande qui ont été proposées par France Télécom étaient des offres mono-canal, permettant à l'opérateur client de gérer un unique canal de transfert de données, adapté à la fourniture d'un accès Internet à haut débit.
Cependant, France Télécom propose depuis la fin de l'année 2004 sur l'intégralité du territoire national des offres de détail couplant par exemple Internet et visiophonie, fournies à partir d'un accès haut débit.
En dehors des zones de dégroupage, les opérateurs ne sont en mesure de concurrencer avec une qualité de service satisfaisante de telles offres que s'ils ont accès à une offre de gros d'accès large bande bi-canaux, l'un des canaux transportant le trafic Internet et l'autre étant adapté au transport de la voix ou de la visiophonie. En l'absence d'alternative technique à l'utilisation des ressources de France Télécom pour ce faire, le critère énoncé au a de l'article L. 38-V est vérifié.
En outre, la faisabilité technique de telles offres de gros pour France Télécom est relativement aisée dès lors qu'un paramétrage bi-canal est prévu pour les offres de détail de France Télécom : ces offres de gros utilisent le même réseau que les offres mono-canal, avec le paramétrage et la technique développés pour les offres de détail multiservices. France Télécom propose d'ailleurs désormais sur le marché de gros régional de telles offres bi-canaux.
La faisabilité de l'accès et le caractère limité des investissements correspondant, critères cités à l'article L. 38-V (b et c) du code, sont ainsi vérifiés.
En conséquence, afin de renforcer la concurrence au bénéfice des utilisateurs finaux, l'Autorité considère que la société France Télécom doit être tenue, conformément aux dispositions de l'article D. 310 (1° et 3°) du code, de proposer aux opérateurs :
- une offre mono-canal, adaptée à la fourniture d'accès à Internet seul ;
- une offre bi-canal, adaptée notamment à la fourniture couplée d'accès Internet et d'accès de type voix sur IP ou visiophonie.
Au demeurant, cette obligation s'impose sans préjudice du traitement favorable que France Télécom devra réserver à toute autre demande raisonnable visant à obtenir l'accès à de nouvelles modalités d'offres de gros dérivant d'innovations qui pourront être constatées sur le marché de détail.
Compte tenu des dispositions de l'article L. 38-V (a, b, c et d) du code et en l'absence de mesures moins contraignantes permettant d'atteindre le même objectif, l'obligation imposée à France Télécom n'est pas disproportionnée.
II-A-2-f. Migration inter-offres
Pour fournir des accès large bande à leurs clients finaux, potentiellement situés sur l'ensemble du territoire, les opérateurs alternatifs utilisent plusieurs offres de gros de France Télécom, comme l'offre nationale IP/ADSL, différentes offres régionales et le dégroupage.
Les évolutions technologiques, les choix d'architecture et les besoins spécifiques de tel ou tel type de clientèle peuvent impliquer des modifications dans le choix des offres de gros achetées par les opérateurs. Notamment, un opérateur peut avoir besoin d'offres de plus en plus capillaires, suivant les investissements, nécessairement progressifs, qu'il consent dans de nouvelles infrastructures et de nouveaux raccordements au réseau de France Télécom.
Lorsqu'il choisit une nouvelle prestation de gros, un opérateur peut basculer l'intégralité de son parc existant vers cette nouvelle prestation à l'aide d'une offre de migration. Ces migrations inter-offres lui permettent donc tout d'abord de rentabiliser les coûts, essentiellement fixes, d'ouverture d'une zone à une offre capillaire non seulement sur les flux de nouveaux abonnés mais aussi sur le parc existant.
Elles sont de plus une condition nécessaire à la fluidité du marché et à l'établissement du jeu de la concurrence sur la base d'abonnés la plus vaste possible. En effet, étant donné la position historique forte et l'avance de France Télécom sur les marchés du haut débit, les offres de migrations représentent un élément structurant de l'établissement de la concurrence, en faisant porter la concurrence non seulement sur les nouveaux abonnés mais aussi sur le parc existant.
L'Autorité constate que France Télécom est seule à même de procéder à ces migrations, étant l'opérateur qui fournit les deux offres de gros entre lesquelles la migration a lieu : l'opérateur client ne peut techniquement y procéder lui-même.
Par ailleurs, les offres de migrations ne correspondent pas à des investissements supplémentaires de la part de France Télécom, mais sont une déclinaison des commandes d'accès classiques.
Enfin, elles sont même souvent plus simples que les commandes d'accès, puisqu'elles se réduisent dans certains cas à des manipulations logicielles et non physiques. De telles offres sont proposées aujourd'hui par France Télécom.
Au regard de ces éléments, les critères cités à l'article L. 38-V (a, b et c) du code sont ainsi vérifiés.
Ainsi, en application des dispositions de l'article D. 310 (1°) du code, l'Autorité considère que la société France Télécom doit être en mesure de proposer aux opérateurs des offres de migration entre ses offres de gros d'accès large bande, i.e. des offres nationales vers les offres régionales et, lorsque cela est pertinent, entre les différentes offres régionales.
Il résulte de ce qui précède que cette obligation n'est pas disproportionnée, compte tenu des éléments mentionnés aux a à c du V de l'article 38 et des objectifs fixés par l'article L. 32-1 précité, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but.
II-A-2-g. Colocalisation des équipements
et raccordement des réseaux
Deux modes de livraison des offres de gros d'accès large bande régionales peuvent être envisagées, et existent aujourd'hui :
- une livraison du trafic à l'opérateur alternatif au niveau du site de France Télécom ;
- une livraison du trafic au niveau du point de présence le plus proche de l'opérateur alternatif.
Dans le premier cas, une prestation de colocalisation des équipements de l'opérateur alternatif dans les sites de France Télécom est nécessaire pour rendre l'offre d'accès régionale opérationnelle. Dans le second cas, une prestation de raccordement du point de présence de l'opérateur au site de France Télécom doit être fournie.
Ces deux solutions apparaissent comme nécessaires et complémentaires, en répondant à des logiques techniques et économiques distinctes. La première offre est pertinente pour les opérateurs dont le réseau est étendu jusqu'au site de France Télécom. Son coût pour l'opérateur est essentiellement fixe, et elle est donc adaptée pour les sites à fort volume. La seconde, dans laquelle l'opérateur n'investit pas lui-même dans le lien entre son point de présence et le site France Télécom, mais utilise le réseau de France Télécom pour ce faire, représente des coûts variables et récurrents et se prête à des volumes de trafic plus faibles.
En l'absence de ces offres, de colocalisation ou de raccordement du point de présence de l'opérateur, l'offre d'accès large bande livrée au niveau régional serait vidée de son sens puisque l'opérateur client ne pourrait pas en prendre livraison : elles constituent le lien entre l'offre d'accès proprement dite utilisant le réseau de France Télécom et le réseau de l'opérateur qui en est client.
Ces deux offres apparaissent donc comme des prestations associées à l'accès sur le présent marché, en ce qu'elles sont indispensables pour rendre effective l'utilisation des offres de gros d'accès large bande. La Commission européenne précise à ce propos, dans sa recommandation sur les marchés pertinents, qu'en l'absence de concurrence effective sur un marché recensé « il peut être nécessaire d'imposer plusieurs obligations pour parvenir à une solution globale du problème. [...] Si on estime que des mesures correctrices particulières s'imposent pour un segment technique donné, il n'est ni nécessaire ni opportun, pour y imposer des obligations, de recenser chaque segment technique comme étant un marché pertinent. On peut citer, par exemple, le cas où une obligation de fournir un accès dégroupé à la boucle locale est complétée par des obligations connexes concernant l'accès aux installations de colocalisation. » (1)
L'Autorité note que ces deux catégories d'offres sont d'ores et déjà proposées par France Télécom pour ses offres de gros, sur le haut débit comme sur l'interconnexion, ce qui atteste de la faisabilité de la fourniture de ces prestations associées.
Par ailleurs, le recours à des ressources concurrentes est très limité pour les opérateurs alternatifs. Pour ce qui est des solutions de colocalisation dans les bâtiments de France Télécom, seule France Télécom est à même de les proposer. Pour ce qui est des solutions de raccordement distant, elles peuvent être dans certains cas proposées par des opérateurs tiers ayant étendu leur réseau propre jusqu'au site de France Télécom. Cependant, ce cas de figure n'est pas systématique : le réseau de cet opérateur tiers peut ne pas raccorder le point de présence de l'autre opérateur ; de plus, seule une partie des sites de France Télécom est concernée. Ainsi, au regard de la capillarité du réseau de France Télécom, qui dessert l'intégralité des sites de raccordement pour le haut débit et des points de présence des opérateurs, elle seule est à même de fournir dans tous les cas ces liens de raccordement.
Au regard de ces éléments, les critères a et b de l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques sont ainsi vérifiés. Enfin, certaines modalités concernant ces prestations connexes de raccordement du réseau de France Télécom peuvent être précisées. Dans une perspective d'efficacité, il convient d'assurer la mutualisation de l'ensemble des ressources déployées sur un site, au titre des différentes options de l'offre régionale ou au titre des prestations d'interconnexion ou de dégroupage, et ce afin de ne pas dupliquer inutilement les ressources. Cette mutualisation est source d'économie de ses ressources pour France Télécom. Elle améliore l'efficacité économique du dispositif mis en place pour l'ensemble des opérateurs.
De même, il est souhaitable, pour favoriser l'efficacité des investissements dans les infrastructures, de permettre la mutualisation de ressources entre différents opérateurs. Cette mutualisation minimise les ressources mobilisées par France Télécom pour le compte des opérateurs alternatifs et permet une réduction des coûts au bénéfice de l'ensemble des acteurs, y compris France Télécom.
Au regard de ce qui précède, l'Autorité estime qu'il est nécessaire, sur le fondement de l'article D. 310 (6°) du code des postes et des communications électroniques, que la société France Télécom propose aux opérateurs une offre de colocalisation des équipements, d'une part, et de raccordement des points de livraison, d'autre part, en tant que ressources associées à l'accès sur le marché de gros des offres régionales.
Les solutions proposées par France Télécom ne devront pas restreindre artificiellement les possibilités de mutualisation des ressources déployées, au titre de différentes offres, ou par différents opérateurs, sur un site donné.
Edictée dans le but de permettre l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, l'obligation imposée à France Télécom constitue le minimum nécessaire permettant d'atteindre ce but, compte tenu, dans l'appréciation de l'Autorité, des éléments mentionnés à l'article L. 38 V a, b et c.