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Article (Décision n° 2006-0592 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 26 septembre 2006 portant sur la définition des marchés pertinents des services de capacité, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article (Décision n° 2006-0592 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 26 septembre 2006 portant sur la définition des marchés pertinents des services de capacité, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)



II-2.1.3.3. Conclusion


La substituabilité du côté de la demande entre liaisons louées et services de capacités est forte, notamment pour les débits de plus de 10 Mbit/s sur fibre optique. Cette substituabilité par la demande est renforcée par une forte substituabilité par l'offre.
Sur le marché français, l'ensemble des liaisons louées, tous débits confondus, et des services de capacités avec interfaces alternatives font partie du même ensemble des services de capacités.


II-2.1.4. Inclusion des services de capacités non filaires


L'analyse de l'Autorité étant technologiquement neutre, les services de capacités produits autrement que par des technologies filaires, s'ils sont substituables aux liaisons louées filaires, sont inclus dans le même marché.
Il est à noter que cette catégorie de services de capacités (liaisons satellites, Wifi, Wimax...) représentait moins de 1 % de la valeur du marché en 2004 et, au vu des contraintes techniques et des investissements nécessaires, elle devrait rester marginale pendant la durée de la présente analyse. S'il tel ne devait pas être le cas, l'Autorité pourrait, conformément aux dispositions de l'article D. 301 du CPCE, anticiper une nouvelle analyse.


II-2.1.5. Exclusion des RPV IP du marché pertinent des services de capacités


Les réseaux privés virtuels IP (RPV IP) sont des services de communications électroniques simulant une continuité de réseau IP entre différents sites.


II-2.1.5.1. Du côté de la demande


Les RPV IP sont actuellement en plein essor. Une partie de cet essor provient du remplacement massif des anciens contrats de transmission de données commutées en X.25 ou frame relay par des contrats RPV IP ; cette substitution n'est pas examinée par cette analyse de marché. L'autre essor des RPV IP provient de la substitution des anciens contrats de liaisons louées de détail souscrits par des clients multi-sites en RPV IP. Cette substitution provient de deux phénomènes majeurs : la montée en puissance déjà mentionnée des applications en IP dans les entreprises (remplacement d'anciennes applications informatiques, notamment avec l'intranet ou encapsulation des applications informatiques antérieures pour le transport, enfin, convergence voix-donnée avec la voix sur IP) et montée en puissance des capacités avec interfaces alternatives (services xDSL) comme support des RPV IP en remplacement des liaisons louées traditionnelles dans le réseau d'accès. Ces facteurs de substituabilité des liaisons louées de détail vers les RPV IP sont les mêmes que ceux étudiés pour les services de capacités avec interfaces alternatives de détail.
Le principal frein à la substituabilité des liaisons louées et services de capacités avec interfaces alternatives et des RPV IP est la différence dans le mode d'achat adopté par les entreprises : certaines entreprises ou administrations qui achètent des services de capacités souhaitent séparer la fourniture de capacités (niveau 1 ou 2) de la fonction de routage IP entre équipements actifs installés dans les sites reliés (niveau 3) : cette séparation correspond :
- soit à la volonté de conserver la fonction de routage IP en interne pour mieux la contrôler, notamment pour des considérations de qualité de service : les réticences des clients de liaisons louées attachés à l'aspect garanti, dédié et sécurisé de la bande passante fourni par les liaisons louées, qui sont en train de s'atténuer pour les services ATM ou Ethernet du fait des mécanismes de gestion de la qualité de service au niveau 2, demeurent largement vis-à-vis des RPV IP ;
- soit à la volonté de mettre en concurrence les opérateurs de réseau avec des intégrateurs en constituant un lot séparé de celui de la transmission de données afin d'en retirer un surcroît de concurrence (baisse des prix ou meilleure qualité de service). A l'inverse, l'achat d'un service de réseau privé virtuel IP, plus packagé que la simple capacité de niveau 1 ou 2, est le fait d'entreprises et d'administrations qui externalisent la fonction de routage entre leurs sites auprès d'un opérateur ou d'un intégrateur.


II-2.1.5.2. Du côté de l'offre


Il n'y a pas de substituabilité du côté de l'offre car les intégrateurs qui fournissent les RPV IP n'ont pas de nécessité de posséder un réseau en propre et ne sont donc pas en mesure de fournir des services de capacités.


II-2.1.5.3. Conclusion


Les services de RPV IP ne sont pas substituables aux liaisons louées.


II-2.1.6. Exclusion des services de transmission de données (X.25 et Frame Relay)
du marché pertinent des services de capacités


Le positionnement concurrentiel des services X.25 et Frame Relay est proche de celui des RPV IP. Il est donc considéré que ces services ne sont pas substituables aux liaisons louées.


II-2.1.7. Exclusion des services de niveau « 0 » du marché pertinent des services de capacités


Sur le marché de détail, l'achat de services support est très rare et ne présente pas de « substituabilité » avec les services de capacités.
Tout d'abord, la demande potentielle pour des services « support » reste rare et marginale : seules quelques très grandes entreprises ayant des besoins non satisfaits pour des débits très élevés le manifestent. La demande potentielle est également « restreinte » par une offre rare, que ce soit de la part des gestionnaires d'infrastructures ou de la part des opérateurs. Les gestionnaires d'infrastructures et les opérateurs ne louent pas ces supports (paires de cuivre ou fibre optique) aux clients du marché de détail, sauf exception (collectivités locales notamment) car ils en retirent une valeur ajoutée très faible. Par ailleurs, les opérateurs refusent que leurs clients retirent les équipements terminaux des services de capacité qu'ils commercialisent pour poser leurs propres équipements sur des paires de cuivre ou des fibres optiques (clauses contractuelles).
France Télécom, dans sa réponse à la première consultation publique, approuve cette exclusion et indique que « les services de niveau "0 ne font pas partie du marché pertinent de détail des services de capacité : à l'exception des collectivités locales [..] les gestionnaires d'infrastructures ou les opérateurs ne louent généralement pas les supports nus aux clients du marché de détail ».
Toutefois, France Télécom souligne également qu'il convient que « soient intégrés dans le périmètre d'analyse, les "services supports dès lors que leur utilisation par les acteurs les rend effectivement substituables aux "liaisons louées alternatives [..] faisceaux hertziens, Wi-FI, WiMax, liaisons satellitaires [et] courants porteurs en ligne. »
Comme indiqué précédemment, les services de capacité produits autrement que par des technologies filaires sont inclus dans le marché, mais pas les services supports sous jacents.


II-2.2. Délimitation géographique


France Télécom est présent sur l'ensemble du territoire d'analyse. Certains produits sont proposés de façon identique sur l'ensemble du territoire (par exemple les liaisons louées Transfix), et d'autres ne sont disponibles que dans les zones les plus denses (par exemple VPN HD). La disponibilité des services très haut débit évolue rapidement : France Télécom a ajouté plusieurs listes supplémentaires de communes éligibles à son offre Ethernet Link quelques mois après avoir lancé l'offre.
Quant aux opérateurs alternatifs, ils ne couvrent aujourd'hui par leurs réseaux propres que quelques agglomérations, mais peuvent proposer des services de détail sur une grande partie du territoire en utilisant les offres de gros de l'opérateur historique. Là encore le déploiement des opérateurs alternatifs est en cours d'augmentation.
Il n'existe donc pas de critères objectifs permettant de délimiter plusieurs zones géographiques en fonction de la couverture des réseaux. La délimitation d'un marché géographique pertinent englobant le périmètre effectivement déployé des réseaux des opérateurs n'aurait pas de sens dans le cadre de la régulation sectorielle ex ante car le périmètre des réseaux est relativement mouvant et changeant, notamment du point de vue du dégroupage total, ce qui ne nécessiterait une révision permanente de la délimitation des marchés et une insécurité juridique pour le marché.
A cet égard, il convient de souligner que le Conseil de la concurrence dans son avis n° 2005-A-03 du 31 janvier 2005 relatif à l'analyse des marchés du haut débit a estimé qu'une segmentation du territoire national, hormis le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon, ne serait pas justifiée. Il a ainsi noté qu'en ce qui concerne la délimitation géographique des marchés d'accès à large bande les frontières des zones dégroupées et non dégroupées évoluent rapidement et que « les conditions de concurrence sur ces zones sont directement liées à la progression de la capillarité des réseaux des opérateurs et à leur déploiement sur les répartiteurs ouverts par France Télécom au dégroupage. Si ce déploiement doit à terme rencontrer une limite du fait de perspectives de rentabilité insuffisantes sur les zones restant à couvrir, cette limite n'est pas connue aujourd'hui. [...] S'il ne peut donc être exclu que, sur certaines zones non dégroupées, subsiste un monopole de fait de France Télécom sur les offres de gros d'accès large bande et une position prépondérante des offres de détail de Wanadoo, cette perspective ne préjuge cependant pas des limites du dégroupage lui-même. Une délimitation géographique des zones non dégroupées pourrait donc artificiellement figer le marché et restreindre sa dynamique. L'absence de distinction à priori s'inscrit bien, au cas d'espèce, dans la démarche prospective imposée par le nouveau cadre réglementaire, particulièrement pertinente sur les marchés du haut débit compte tenu des évolutions très rapides qui peuvent y être constatées. »
L'Autorité estime qu'une segmentation géographique trop fine des marchés de capacité aurait également pour conséquence d'opérer une distinction arbitraire entre les différentes zones géographiques et de figer le marché.
Enfin, le cadre juridique étant le même sur l'ensemble du territoire, il n'existe pas de critère justifiant une distinction de zones géographiques en fonction de différences de réglementation.
Il est à noter que l'enquête quantitative conduite par l'Autorité pour estimer les « parts de marché » des opérateurs dans les dix premières agglomérations où les opérateurs entrants ont déployé des infrastructures propres en chiffre d'affaires et en parcs s'est heurtée à l'incapacité des opérateurs nationaux à fournir une ventilation géographique de leur activité, à l'exception d'une ventilation approximative de leur parc de services pour les débits supérieurs à 2 Mbit/s pour l'année 2002 pour les services d'envergure locale (c'est-à-dire ayant leurs deux extrémités dans la même agglomération) ; même l'opérateur qui réclamait une segmentation géographique des marchés n'a pas fourni de ventilation de ses propres services selon la découpe qu'il proposait.


II-2.3. Pertinence du marché de détail


La recommandation de la Commission européenne concernant les marchés pertinents de produits et services dans le secteur des communications électroniques propose comme délimitation du marché de détail la fourniture au détail de lignes louées dans le cadre de l'ensemble minimal.
En appliquant un test « théorique » du monopoleur hypothétique sur le marché de détail des capacités, on finit par incorporer au marché pertinent les services suivants substituables par la demande à l'ensemble minimal jusqu'à une rupture de la chaîne de substituabilité :





Cette extension du marché de détail conduit à la délimitation d'un marché plus vaste que celui proposé par la Commission dans sa recommandation, limité à l'ensemble minimal de liaisons louées.
Cependant, le nouveau marché défini répond aux trois critères pour la délimitation d'un marché pertinent ex ante.


II-2.3.1. Barrières à l'entrée


Tout d'abord en ce qui concerne le premier critère relatif aux barrières à l'entrée, ce marché est effectivement caractérisé par d'importantes barrières à l'entrée qui perdureront à l'horizon de la présente analyse.
En effet, l'entrée sur ce marché nécessite un coût d'investissement important, en particulier parce qu'il est impossible, techniquement et économiquement, de dupliquer la boucle locale mais aussi le réseau de desserte inter-répartiteur de France Télécom. Le niveau des investissements nécessaires des opérateurs comparés aux revenus procurés par les services reste une barrière économique à l'entrée très élevée, notamment pour les opérateurs qui ne sont présents que sur le marché professionnel.
L'introduction du dégroupage total permet de réduire le coût de déploiement dans la boucle locale pour les services de moins de 10 Mbit/s. De même, le déploiement d'infrastructures optiques en propre permet d'accéder aux sites des clients pour leur fournir des services de plus de 10 Mbit/s. Cependant, le dégroupage total et le déploiement des infrastructures optiques des opérateurs entrants ne devraient se limiter que dans les principales zones d'activité économique réunissant suffisamment de demande potentielle pour rentabiliser les investissements nécessaires et donc n'avoir qu'un impact insuffisant sur la période couverte par l'analyse de marché pour réduire sensiblement l'avantage conféré par le contrôle de l'infrastructure d'accès aux sites clients sur le segment terminal.
France Télécom, dans sa réponse à la première consultation publique, indique que « 71,5 % des extrémités de liaisons louées aboutissent sur des NRA sur lesquels se trouvent des infrastructures de dégroupage en service. [...] De plus, dès aujourd'hui, 60 % des liaisons louées ont une extrémité localisée sur des communes où au moins un opérateur est présent sur le marché entreprise via des offres construites à partir du dégroupage ainsi que d'un réseau local en fibre optique. Le marché des liaisons louées est ainsi beaucoup plus facile à couvrir par les opérateurs tiers que celui des lignes principales cuivre, ce qui diminue considérablement les barrières à l'entrée sur ce marché. »
Il est difficile de tirer une conclusion de ces éléments. Tout d'abord, les liaisons louées ayant deux extrémités, le fait que 71,5 % des extrémités aboutissent sur des NRA dégroupés ne dit rien sur le nombre de liaisons louées dont les deux extrémités aboutissent sur des NRA dégroupés. L'archétype de la liaison louée étant une liaison entre un centre serveur et des sites capillaires ruraux, il semble raisonnable de considérer, vu le chiffre avancé par France Télécom, que plus de 50 % des liaisons louées ont une extrémité qui aboutit sur un NRA qui n'est dégroupé par aucun opérateur. Ensuite, toute liaison louée aboutissant sur des NRA dégroupés n'est pas nécessairement réplicable par une offre xDSL via le dégroupage. En effet, comme évoqué au [II-2.1.3.1](e) et au II-3.1, toute liaison louée ETSI ne peut pas être migrée facilement vers une offre sDSL. Enfin, la référence aux LPT est non pertinente puisqu'en l'absence de régulation des liaisons louées, une telle offre n'existerait pas.
En outre, l'opérateur historique dispose de nombreux avantages, en sa qualité de premier entrant sur ce marché. Tout d'abord, il bénéficie d'importantes économies d'échelle et de gammes grâce à l'importance de ses volumes de production. Il dispose également d'une gamme de service plus étendue que celle des opérateurs alternatifs. Enfin, le marché des services de capacités est caractérisé par des coûts de changement d'opérateurs très élevés qui poussent les entreprises à réaliser des lots importants, d'une durée assez longue et à réduire le nombre de fournisseurs pour ce type de services, tendances qui favorisent l'opérateur en place. Par conséquent, les opérateurs en place, et en particulier l'opérateur historique, disposent de conditions plus favorables que les éventuels nouveaux entrants.
France Télécom évoque dans sa réponse à la première consultation publique les technologies de type satellitaire ou boucle locale radio (Wimax, etc.) qui permettraient de substituer de nouveaux services de capacité aux liaisons louées traditionnelles. France Télécom, dans sa réponse à la deuxième consultation publique achevée le 21 juillet 2006, note que 49 licences régionales Wimax ont été attribuées début juillet 2006 par l'ARCEP. Sur la durée d'analyse, l'Autorité considère que ces technologies ne seront pas en mesure d'abaisser significativement les barrières à l'entrée. Les services de capacité non filaires représentent aujourd'hui moins de 1 % du marché. Il faut noter que les technologies utilisant la propagation aérienne ont des caractéristiques techniques qui les rendent difficilement utilisables pour supporter des services de capacité. En outre, le déploiement d'un réseau permettant d'utiliser de telles technologies avec une qualité de service suffisante demande de très forts investissements.
L'Autorité estime que les technologies utilisant la propagation aérienne ne devraient pas abaisser significativement les barrières à l'entrée du marché des liaisons louées dans les trois années à venir. Dans le cas contraire, l'Autorité anticiperait le renouvellement de la présente analyse des marchés des services de capacité pour adapter ses conclusions, comme le prévoit l'article D. 301 du CPCE.
France Télécom, toujours dans sa réponse à la première consultation publique, souligne que le développement des délégations de services publics (DSP) facilite le développement des nouveaux entrants. L'Autorité considère que les DSP, à l'horizon de l'analyse de marché, ne seront pas en mesure d'abaisser significativement les barrières à l'entrée (cf. section III-2.2.3). Dans le cas contraire, l'Autorité anticiperait le renouvellement de la présente analyse des marchés des services de capacité pour adapter ses conclusions, comme le prévoit l'article D. 301 du CPCE.


II-2.3.2. Absence d'évolution vers une situation de concurrence effective


En ce qui concerne le second critère lié à l'absence d'évolution vers une situation de concurrence effective, il est également rempli. En effet, il convient de noter que dans l'ancien cadre, France Télécom était soumis à une obligation de contrôle tarifaire de ses offres de détail. Malgré ce contrôle et en raison de la complexité de ce marché caractérisé par de nombreuses offres sur mesure difficilement appréhendables dans cet ancien cadre, France Télécom a conservé une part de marché supérieure à 85 % de 2001 à 2004. Dans l'analyse prospective menée par l'Autorité dans le chapitre suivant relatif à la puissance, il est démontré que cette puissance ne devrait pas significativement évoluer à l'horizon de la présente analyse.
En outre, malgré l'existence d'une régulation sectorielle, ou en raison de son inadaptation dans l'ancien cadre, France Télécom a été tentée de mettre en oeuvre à plusieurs reprises des pratiques d'éviction. Peut en particulier être cité le cas de l'offre de détail Ethernet Link. France Télécom avait proposé à l'homologation une offre de détail à interface Ethernet que les opérateurs alternatifs n'étaient pas en mesure de répliquer alors même que ce segment de marché était en plein développement. Par conséquent, l'Autorité a émis un avis défavorable à son homologation et n'a modifié cette position que lorsque France Télécom a été en mesure de démontrer qu'elle avait mis en oeuvre une offre de gros permettant aux opérateurs alternatifs de répliquer cette offre de détail. En l'absence de régulation, France Télécom aurait donc pu évincer du marché les opérateurs entrants.
De même, dans la mesure où le fonctionnement de ce marché se caractérise par de nombreuses offres sur mesure, l'opérateur historique est en mesure d'apprécier pour chaque appel d'offres, les zones où il demeure le seul opérateur capable de répondre et celles où il peut potentiellement avoir des concurrents. Il peut donc être amené à adopter des stratégies différentes d'un point de vue technique ou tarifaire pour ces deux types de zone et formuler des propositions pas nécessairement réplicables par les opérateurs concurrents, lorsqu'ils sont susceptibles de répondre également à l'appel d'offres.
A cet égard, l'Autorité note que les opérateurs alternatifs dans leur contribution à la consultation publique soulignent unanimement l'importance du maintien de la régulation de ce marché.
Il n'existe pas de raison objective permettant de considérer que ce type de comportement ne serait pas également adopté dans le futur, le risque étant encore plus grand si toute régulation devait être supprimée sur le marché de détail tel que défini par l'Autorité.
Dans la mesure où les parts de marché des différents opérateurs ne sont pas susceptibles d'évoluer significativement à l'horizon de la présente analyse, notamment en raison des fortes barrières à l'entrée, et eu égard au comportement passé de l'opérateur historique, la levée de toute régulation à ce stade d'évolution du marché aurait nécessairement pour effet de mettre un terme au développement de la concurrence, malgré les investissements déjà importants engagés par les opérateurs alternatifs.


II-2.3.3. Insuffisance du droit de la concurrence
pour remédier aux problèmes de concurrence constatés


Enfin, le troisième critère est relatif à l'insuffisance du droit de la concurrence pour remédier aux problèmes de concurrence constatés.
Il convient de rappeler que l'objectif du nouveau cadre, et de l'Autorité, est de favoriser la régulation des marchés de gros.
Au titre de la présente analyse, l'Autorité propose effectivement d'améliorer la régulation des marchés de gros des services de capacité, afin notamment de veiller à la réplicabilité des offres de détail. En outre, la régulation du marché de détail proposée va également dans le sens d'un allégement des contraintes par rapport à l'ancien cadre où toutes les offres de détail de liaisons louées étaient soumises à homologation préalable. Toutefois, en raison des éléments exposés ci avant, l'Autorité considère que supprimer toute régulation du marché de détail des services de capacité, à l'exception de l'ensemble minimal, aurait pour effet de mettre un terme au développement de la concurrence sur ce segment de marché et de désinciter les opérateurs à investir.
Le marché de détail tel que défini par l'Autorité connaît deux spécificités : il comprend un nombre important et complexe de produits d'une part, et, d'autre part, il est caractérisé par de nombreuses offres sur mesure.
Or, le droit de la concurrence n'est pas nécessairement le mieux outillé pour traiter ce genre de spécificités. En effet, il peut lui être difficile par exemple d'appréhender, en particulier au titre des mesures conservatoires, une seule offre sur mesure qui sans nécessairement être prédatrice peut avoir pour effet d'évincer les concurrents potentiels en raison d'une absence de réplicabilité de cette offre.
A cet égard, le raisonnement tenu par le Conseil de la concurrence dans son avis n° 2005-A-05 du 16 février 2005 sur l'analyse des marchés de la téléphonie fixe peut être transposé au cas d'espèce. Il précisait : « Toutefois, par rapport aux marchés du haut débit sur lesquels le Conseil était saisi dans son avis du 31 janvier 2005, les marchés de détail de la téléphonie fixe, même limités aux abonnés résidentiels, se caractérisent par une multiplicité d'offres et de tarifs, dont chacune peut être, au moment de sa mise en place, d'un poids trop limité dans l'ensemble pour que l'octroi de mesures conservatoires soit justifié. Celui-ci nécessite en effet que puissent être démontrées une atteinte grave et immédiate au secteur ou à une entreprise, et l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre cette atteinte et la pratique. Ces conditions peuvent se révéler difficiles à satisfaire dès lors qu'il s'agit de se prononcer sur la tarification de services très spécifiques mais qui néanmoins pourraient présenter des risques de distorsion de concurrence dont les effets pourraient ne pas être négligeables à moyen terme. »
En outre, pour favoriser le développement de la concurrence sur le marché de détail, il est primordial de veiller à la réplicabilité des offres de détail de l'opérateur historique et d'inciter les opérateurs à investir dans leurs propres infrastructures. Or, l'Autorité est d'avis que la régulation sectorielle dispose d'outils plus adaptés en ce qu'elle peut en particulier imposer sur le marché de détail une obligation de comptabilisation des coûts spécifiques et sur les marchés de gros des obligations de ne pas pratiquer des tarifs excessifs, et non une obligation de reflet des coûts, pour certaines prestations afin d'inciter à l'investissement, ou encore une obligation de séparation comptable.
Grâce au nouveau cadre, l'Autorité sera plus à même de réguler les marchés de gros. Toutefois, dans la mesure où cette régulation n'est pas encore effective et portera ses fruits à moyen, voire, long terme, il demeure indispensable à l'horizon de la présence analyse de conserver un contrôle du marché de détail à travers une régulation sectorielle.


II-2.4. Conclusion sur les marchés de détail


L'Autorité définit le marché pertinent de détail des services de capacité comme comprenant l'ensemble minimal, les liaisons louées jusqu'à et supérieures à 2 Mbit/s, ainsi que les services de capacité à interfaces alternatives. Ce marché couvre l'ensemble du territoire d'analyse.
Il exclut les RPV IP, les anciens services de transmission de données (X.25 et Frame Relay) ainsi que les services support.
Cette définition a été approuvée par le Conseil de la concurrence et validée par la Commission européenne, cf. partie II-5.


II-3. MARCHÉS DE GROS DU SEGMENT TERMINAL
II-3.1. Délimitation du marché de gros du segment terminal en terme de produits et services


Les besoins de capacités des opérateurs sur le segment terminal servent à raccorder leur POP à deux types de sites :
- des sites de clients finals professionnels, entreprises ou administrations (besoins de demi-circuits) pour leur fournir des services de détail (services de capacités de détail, accès à internet bas et haut débit, voix, X.25, frame relay ou RPV IP). Dans ce cas l'opérateur installera par ses moyens propres ou achètera sur le marché libre du segment terminal le service de capacité le plus adapté qui servira d'input à la fourniture du service de détail. Il pourra notamment, si cela est techniquement réalisable, mutualiser sur un seul service de capacité (un seul accès) des besoins de plusieurs marchés de détail séparés mais partageant les mêmes services support de niveau 1 ou 2 ;
- des sites capillaires de réseau pour compléter son propre réseau dorsal ou le réseau dorsal de l'opérateur client.
Dans la recommandation sur les marchés pertinents de la Commission, la fourniture de capacités sur le segment terminal n'est pas restreinte en interfaces ni en débits. Comme signalé dans l'introduction, cette recommandation mentionne néanmoins le fait de pouvoir segmenter les marchés selon les débits.
Du périmètre complet des produits du segment terminal, il faut tout d'abord exclure les services du marché 12, puis distinguer les débits inférieurs à 10 Mbit/s et supérieurs à 10 Mbit/s.
Les services du marché 12, ou marché de gros des offres d'accès large bande livrées au niveau régional, sont en effet soumis à une régulation spécifique, en vertu de la recommandation de la Commission précitée. L'ARCEP a finalisé son analyse de ce marché à travers les décisions susvisées n° 2005-278 et n° 2005-280 du 19 mai 2005.

France Télécom indique dans sa réponse à la première consultation publique : « Le périmètre d'analyse devrait s'étendre ainsi en réalité, très au-delà des segments identifiés, à l'ensemble des liaisons supports de capacités de transmission et inclure également une partie des liaisons relevant des marchés 11 et 12. En effet, le dégroupage, les offres de gros d'accès et de collecte haut débit s'ajoutent aux offres de gros de services de capacités et aux réseaux propres des acteurs, leur permettant de composer des offres aisément substituables aux liaisons louées et d'abaisser ainsi de façon significative les barrières à l'entrée. La grande majorité des sites principaux entreprises est ainsi à portée des opérateurs tiers via les offres xDSL ou via le dégroupage. » Elle réitère son commentaire dans sa deuxième contribution.
L'Autorité considère cependant qu'au sens du cadre réglementaire européen précisé par les « lignes directrices » de la commission un produit de communications électroniques ne peut être que dans un seul marché. En l'espèce, le dégroupage et les offres de bitstream ont été inclus dans des marchés pertinents spécifiques dans les décisions de l'Autorité susmentionnées. L'Autorité admet qu'il puisse y avoir une certaine forme de substituabilité entre ces produits et les produits du marché 14, mais celle-ci n'est pas suffisante pour les considérer dans un même marché. Même si ces produits sont considérés dans des marchés distincts, l'Autorité, dans son analyse de la pertinence du marché du segment terminal, des opérateurs y exerçant une influence significative ainsi que des obligations nécessaires pour remédier aux problèmes concurrentiels, prend en compte l'existence de ces produits et leurs liens avec les produits analysés.
Enfin, il faut noter que, si certains produits du marché 12 peuvent en effet être utilisés par les opérateurs alternatifs pour construire des produits du marché de détail des liaisons louées, non seulement ce n'est pas à ce jour leur principal usage (le principal usage est de construire des accès à Internet), mais en plus ils ne permettent pas de répondre à l'ensemble de la demande en produits de détail de liaisons louées de moins de 10 Mbit/s. Tout d'abord ils ne sont pas disponibles sur tout le territoire avec un débit suffisant (selon une estimation optimiste, 15 % du parc de liaisons louées des opérateurs alternatifs à 2 Mbit/s ne sont pas éligibles au SDSL). Ensuite, il existe un parc historique très important en HDSL ou même dans des technologies plus anciennes antérieures à 1995 (27). Une grande partie de ce parc est très difficile à migrer en raison du caractère critique des interruptions de service et des difficultés de reconfiguration (28). Enfin, quand bien même la liaison louée pourrait être techniquement produite en SDSL, cela ne correspondrait pas à toutes les demandes, en particulier celle des clients qui exigent une bande passante clear channel, c'est-à-dire non supportée par un réseau à commutation de paquets.