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Article (Décision n° 2006-0593 du 27 juillet 2006 portant sur la définition des marchés pertinents de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles en métropole, la désignation d'opérateur disposant d'influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article (Décision n° 2006-0593 du 27 juillet 2006 portant sur la définition des marchés pertinents de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles en métropole, la désignation d'opérateur disposant d'influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)



Conclusion


Le caractère élevé de la TA SMS par rapport aux coûts accroît artificiellement les coûts supportés par les plus petits opérateurs au niveau du détail, ce qui réduit la capacité de ces opérateurs à retenir et conquérir les gros consommateurs de SMS par rapport à leurs concurrents de plus grande taille et peut notamment leur rendre difficile la « réplication » de certaines offres, notamment promotionnelles ou d'abondance.
Le caractère élevé de la TA SMS par rapport aux coûts favorise également la différenciation tarifaire on net/off net, qui handicape, par effet club, les plus petits opérateurs.
Bouygues Telecom a ainsi fait valoir à l'Autorité, dans le cadre de l'analyse des marchés, ses difficultés à développer son activité SMS. L'évolution des trafics mensuels par client actif des trois opérateurs mobiles métropolitains depuis 2003 souligne en effet un rattrapage d'Orange France et une croissance soutenue de SFR par rapport à une relative stagnation chez Bouygues Telecom (croissance de 68,9 % pour Orange France et 40,2 % pour SFR sur la période, contre 27 % pour Bouygues Telecom).


Trafic SMS mensuel moyen par client actif entre le 31 décembre 2002 et le 30 juin 2005




4.1.1.1.2. Vis-à-vis des autres exploitants de réseau ouvert au public


Ainsi qu'il a été développé au chapitre 3, les exploitants de réseau ouvert au public non mobiles disposent d'un contre-pouvoir d'acheteur encore plus faible que celui des opérateurs mobiles entre eux. Aussi ces acteurs subissent-ils de façon plus directe encore le pouvoir monopolistique de chaque opérateur mobile sur sa TA SMS.
Certains fournisseurs d'accès à Internet (FAI) proposent des services de SMS interpersonnels, notamment au départ de leur portail. Toutefois, ces services sont aujourd'hui limités du fait du niveau jugé élevé de la TA SMS, qui rend notamment difficile l'interopérabilité entre des services de messagerie instantanée (fondés sur un modèle économique différent, cf. section 1.5.3.2) et les SMS. De la même manière, des opérateurs fixes ou multi-play ont indiqué à l'Autorité leur intérêt pour le lancement ou le développement de services de SMS interpersonnels, à condition toutefois que la TA SMS soit ramenée à un niveau raisonnable, de façon à présenter au détail des tarifs compatibles avec la disposition à payer des clients.
D'une manière générale, l'Autorité souscrit à l'analyse selon laquelle des tarifs d'interconnexion trop élevés freinent la mise en place des interconnexions nécessaires à l'interopérabilité la plus grande des services. S'agissant plus particulièrement du SMS interpersonnel, il est possible que des usages au départ ou à destination des réseaux fixes se développent à côté des SMS mobile vers mobile, qui représentent aujourd'hui la quasi-totalité du trafic SMS. A l'heure actuelle, aucune interconnexion n'a été mise en place dans ce cadre, les acteurs concernés préférant recourir à des offres de SMS Push étant donné le caractère limité des volumes en jeu.
L'Autorité considère que les niveaux de TA SMS actuellement pratiqués limitent le développement de services SMS alternatifs en renchérissant leur prix au niveau du détail. Au surplus, à supposer que certains opérateurs lancent de tels services, il est crédible, au vu de la structuration actuelle du marché du SMS, autour du mobile, que les usagers aient tendance, au moins initialement, à envoyer plus de SMS qu'ils n'en reçoivent, ce qui désavantage encore les nouveaux entrants dans l'économie globale du service (trafic sortant et entrant).
A titre incident, l'Autorité signale que certains FAI et agrégateurs ont évoqué des pratiques tarifaires des opérateurs mobiles jugées discriminatoires : la possibilité d'envoyer gratuitement des SMS (ou des WebSMS) on net dans le cadre d'offres promotionnelles ponctuelles, la distinction entre des tarifs de détail heure pleine/heure creuse qui n'existe pas sur le marché de gros, voire l'introduction de forfaits proposant l'envoi de SMS à des prix inférieurs à 6 cEUR HT. L'Autorité comprend néanmoins que la portée de telles pratiques, à les supposer établies, serait grandement limitée par la mise en place d'interconnexions entre ces acteurs et les opérateurs mobiles concernés.


4.1.1.2. Problèmes concurrentiels sur le marché de détail
4.1.1.2.1. Un jeu concurrentiel bridé au niveau du détail
Le niveau actuel de la charge de terminaison d'appel SMS
constitue un frein au libre jeu de la concurrence au niveau du détail


L'ARCEP a élaboré, au cours de l'été 2005, un comparatif international des niveaux de terminaison d'appel SMS et des prix de détail SMS avec l'aide des ARN concernées. Le champ couvert par ce comparatif comprend les 25 membres de l'Union européenne, ainsi que la Bulgarie, l'Islande, la Norvège, la Roumanie et la Suisse. L'annexe G précise la méthodologie qui a été mise en oeuvre pour construire ce benchmark.
Le graphique ci-dessous représente, pour ces pays, les prix de détail des SMS en fonction des charges d'interconnexion SMS nationales pratiquées au 1er septembre 2005. Les prix de détail concernés sont calculés comme la moyenne arithmétique des prix hors taxe des SMS off net, en heure pleine, appliqués aux clients post-payé, hors forfait par chaque opérateur mobile présent dans le pays. Les charges d'interconnexion concernées sont calculées comme la moyenne arithmétique des charges pratiquées par les opérateurs dans le pays lorsque celles-ci différent ou présentent une modulation horaire.
A la demande des ARN concernées, la correspondance entre les pays et les points sur le graphique est soumise au secret des affaires.




Ce comparatif appelle plusieurs observations.
En premier lieu, la TA SMS apparaît bien comme une composante du prix de détail des SMS et plus précisément comme un coût pour la fourniture de SMS au détail (ce qui confirme l'analyse développée en section 4.1.1.1.1). En effet, d'une part, il existe bien une corrélation (coefficient de corrélation supérieur à 0,70) entre le niveau de la TA SMS d'un pays et le niveau des prix de détail SMS dans ce pays. D'autre part, pour vingt-huit des trente pays recensés, la TA SMS représente un prix minimum en deçà duquel il n'existe pas d'offres de services SMS.
En deuxième lieu, avec une TA SMS égale à 5,336 c en métropole, la France faisait partie en septembre 2005 des cinq pays d'Europe où la charge d'interconnexion était la plus élevée en valeur absolue, la moyenne pondérée par la population des pays de l'Union européenne s'établissant à 4,77 c.
En dernier lieu, il apparaît que plus la terminaison a été fixée tardivement, plus elle s'établit à un niveau bas. C'est notamment le cas d'un certain nombre de pays qui pratiquaient encore le « bill and keep » (66) pour les SMS jusqu'en 2002 ou en 2003. Les pays d'Europe de l'Est, représentés en vert sur le graphique, en sont une bonne illustration. Cette tendance est confirmée par le cas de la Suède où la charge de TA SMS a baissé de 30 % depuis janvier 2002. Cet élément dynamique doit être pris en compte lorsqu'on analyse les niveaux de terminaison d'appel SMS en Europe.
Si les niveaux de prix pratiqués en France se situent globalement dans la moyenne européenne, le montant de la charge d'interconnexion SMS apparaît en revanche très élevé dans la mesure où il représente près de 50 % du prix hors taxe d'un SMS. En ce sens, le niveau élevé de la TA SMS en métropole résulte d'une situation historique et constitue un obstacle au plein exercice de la concurrence au niveau du détail, et notamment à la baisse des prix de détail.