Article (Circulaire du 6 juin 1997 relative à l'organisation du travail gouvernemental)
IV. - L'élaboration des textes législatifs et réglementaires
L'initiative des lois et, sauf dans les cas particuliers où il relève du Président de la République, le pouvoir réglementaire appartiennent au Premier ministre.
Mais il vous revient, dans votre secteur d'attributions, de préparer les avant-projets de loi et les projets de décret. Cette préparation emprunte les procédures ordinaires du travail gouvernemental. Elle vous impose en particulier de fonder sur une étude d'impact argumentée le choix des mesures envisagées. Cette étude sera réalisée en amont du processus décisionnel et progressivement affinée.
La consultation du Conseil d'Etat est obligatoire dans la préparation de certains textes. Il faut tenir le plus grand compte des avis donnés par celui-ci. Il s'agit d'abord d'assurer le respect du droit. Il s'agit aussi de rendre les textes parfaitement conformes à l'objectif poursuivi et d'assurer leur intelligibilité et leur lisibilité, comme leur correcte insertion dans l'ordonnancement juridique.
Dans l'élaboration des projets de loi, vous veillerez au strict respect de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Je vous demande à cette fin :
De faire étudier attentivement par vos services les questions de constitutionnalité que pourrait soulever un texte en cours d'élaboration et de saisir le secrétariat général du Gouvernement suffisamment à l'avance pour lui permettre de se livrer également à cette étude ;
De prévoir un calendrier des travaux préparatoires laissant au Conseil d'Etat le temps de procéder à un examen approfondi du projet. Sauf urgence,
la transmission du projet au Conseil d'Etat par les soins du secrétariat général du Gouvernement devra précéder d'au moins quatre semaines sa délibération par le conseil des ministres. Vous ne devrez pas hésiter à exposer au Conseil d'Etat les questions de constitutionnalité que vous avez rencontrées au cours de l'élaboration du projet qui lui est soumis ;
De tenir informé le secrétariat général du Gouvernement des amendements présentés au cours des débats parlementaires et susceptibles de poser des questions de constitutionnalité, afin d'organiser, en tant que de besoin, des réunions interministérielles destinées à prévenir tout risque contentieux.
En outre, je vous invite, dans le cadre de vos responsabilités législatives, à vous garder de deux périls :
a) La durée de vie des textes est en constant raccourcissement parce que,
préparés et débattus avec une hâte excessive, les imperfections qu'ils contiennent imposent des rectifications.
S'agissant des lois, vous vous efforcerez donc de laisser au Parlement le temps de débattre.
Sauf urgence avérée, vous devrez prévoir des délais d'examen par le Parlement sensiblement plus importants que ceux qui ont été observés au cours des années passées. J'ai donné en ce sens des instructions particulières au ministre des relations avec le Parlement ;
b) Nos concitoyens sont justement irrités par le nombre et la complexité des règles que l'Etat leur impose, ainsi que par la difficulté d'y avoir accès.
Le resserrement du lien social et la sauvegarde de l'intérêt général justifient l'édiction de nouvelles règles ou la modification des règles existantes. La production de normes juridiques n'en doit pas moins éviter certaines dérives : dispositions nouvelles se superposant, sans s'y insérer de façon claire, aux dispositions existantes ; textes obscurs suscitant toutes sortes de difficultés d'interprétation et d'application ; procédures inutilement complexes portant en germe des développements contentieux ;
ambiguïtés volontaires engendrées par une pratique mal maîtrisée de la concertation ; dispositions sans contenu normatif n'ayant leur place que dans les exposés des motifs ou les débats ; recours à un langage codé connu des seuls initiés donnant à l'administration et à quelques spécialistes un monopole d'interprétation.