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Article (Circulaire du 22 octobre 1996 relative à l'application de l'article 10 de la loi no 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité (décret sur la vidéosurveillance))

Article (Circulaire du 22 octobre 1996 relative à l'application de l'article 10 de la loi no 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité (décret sur la vidéosurveillance))

2. Le champ d'application de la loi


2.1. La loi s'applique à tous les systèmes de vidéosurveillance :

- que le dispositif technique fasse appel aux techniques analogiques ou

numériques ;

- quand il y a simple visionnage d'images transmises à un poste central,

sans dispositif d'enregistrement ;

- quand il y a transmission et enregistrement des images, mais seulement

dans le cas où ces images ne sont pas utilisées pour alimenter un fichier nominatif. Dans le cas d'une utilisation en liaison avec un fichier nominatif, vous devrez inviter le pétitionnaire à saisir la Commission nationale de l'informatique et des libertés en application de la loi n 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et informer la C.N.I.L. de l'existence de ce projet (art. 5 du décret). Il n'y a donc pas cumul des deux réglementations.
2.2. Toute caméra ne constitue pas un système de vidéosurveillance.

Un système dans lequel il n'y aurait ni enregistrement ni même une

simple transmission des images (lorsque, par exemple, les écrans de visualisation sont installés à la vue de tous) ne sera pas soumis à autorisation, sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux. C'est notamment le cas des systèmes installés dans certaines boutiques qui permettent au responsable de surveiller les mouvements dans son magasin tout en servant ses clients.

Par contre une information du public sur l'existence de caméras doit

être exigée.

Dans ce cadre et à ces conditions, les commerces de détails ne seront

pas nécessairement astreints à constituer un dossier de demande d'autorisation dans le cadre de la loi s'ils utilisent la vidéosurveillance. Au demeurant, l'on ne saurait considérer qu'ils sont, par principe, tous au nombre des lieux « particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol » au sens de la loi sur la vidéosurveillance (cf. 2.3.2.2).
2.3. La loi s'applique, d'autre part, sous certaines conditions de lieux.

Cette indication détermine la qualité de la personne susceptible de le

mettre en oeuvre :
2.3.1. Sur la voie publique.

L'installation d'un système de vidéosurveillance sur la voie publique

peut être autorisée à une double condition :
2.3.1.1. Mise en oeuvre par « une autorité publique compétente », ou son concessionnaire.

Il faut entendre par là le préfet et le maire, mais également les

responsables d'établissements publics (par exemple S.N.C.F., R.A.T.P.,
hôpitaux) ou services publics (par exemple établissements pénitentiaires) et certains concessionnaires, tels que les sociétés concessionnaires d'autoroutes.

Le critère d'admission est la capacité à exercer un pouvoir de police,

pour les systèmes ayant pour finalité la régulation du trafic routier ou la prévention d'infractions aux règles de la circulation, ou la nécessité de sauvegarder la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords, ainsi que la sauvegarde des installations utiles à la défense nationale pour les autres.
2.3.1.2. Finalité limitée à quatre domaines :

- protection des bâtiments et installations publics et surveillance de

leurs abords ;

- sauvegarde des installations utiles à la défense nationale ;

- régulation du trafic routier et constatation des infractions aux

règles de la circulation ;

- prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans

des lieux particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol.

Enfin, il apparaît nécessaire de commenter brièvement la notion de «

bâtiments et installations publics ». Cela recouvre à coup sûr :

- les immeubles appartenant à des personnes publiques ou chargées d'un

service public au sens de l'article 322-1 (1o) du nouveau code pénal ;

- les édifices publics au sens de l'article 16 de la loi du 29 juillet

1881 sur la liberté de la presse ;

- d'une manière générale, les bâtiments ou installations dont la

protection est justifiée au regard du principe de continuité du service public.

Quant à la sauvegarde des installations utiles à la défense nationale,

il s'agit de toute installation publique ou privée dont la sensibilité est reconnue. La compétence du préfet est pleine et entière dès lors qu'il s'agit d'une installation de vidéosurveillance sur la voie publique.
2.3.2. Dans les lieux et établissements ouverts au public.

L'installation de systèmes de vidéosurveillance peut également être

assurée, sans distinction entre les personnes publiques et les personnes privées, sous la double condition que les lieux ou établissements concernés soient à la fois :
2.3.2.1. Ouverts au public.

Pour la jurisprudence, un lieu public est « un lieu accessible à tous,

sans autorisation spéciale de quiconque, que l'accès en soit permanent et inconditionnel ou subordonné à certaines conditions » (par exemple acquittement d'un droit d'entrée). Voir à ce propos le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 23 octobre 1986, Gazette du Palais du 8 janvier 1987, confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 novembre 1986.
2.3.2.2. Particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol.

Les critères d'admission à prendre en compte seront notamment

l'isolement ou l'ouverture tardive (centres commerciaux, stations-service),
la valeur des marchandises (banques, bijouteries) ou leur nature (pharmacies). Le nombre d'agressions dont a fait l'objet le local ou ce type de local dans l'agglomération ou le département peut également être retenu.

Une installation de vidéosurveillance motivée exclusivement par une

finalité commerciale, fût-elle dans un lieu ouvert au public comme une grande surface, ne rentre pas dans le champ d'application de la loi, pas plus que la surveillance d'un atelier par vidéosurveillance. L'état du droit antérieur en ces cas n'est en rien modifié et la référence au contrat d'adhésion, par une information convenable du public concerné, reste valable. En particulier,
s'agissant d'un lieu de travail, l'obligation d'information des salariés via le comité d'entreprise par l'employeur demeure, selon les règles du code du travail, comme le rappelle la loi (art. 10-VI).

Par contre, les casinos entrent bien dans le champ d'application de la

loi, nonobstant l'obligation faite à certains d'entre eux d'installer un système de vidéosurveillance par l'article 69-31 de l'arrêté du 23 décembre 1959 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos.

Dans le cas où le lieu de travail est ouvert au public, il y aura

éventuellement cumul des procédures avec celles prévues par la loi nouvelle sur la vidéosurveillance si la vidéosurveillance est motivée par l'une des finalités d'ordre public prévues par la loi du 21 janvier 1995.

Au demeurant, vous observerez que la jurisprudence judiciaire sur la

prise d'images dans des lieux publics condamne nettement l'usage de ces images lorsqu'elle porte atteinte à la vie privée et que les autres situations donnent lieu à des appréciations plus complexes. Autrement dit,
tant l'article 9 du code civil que l'article 226-1 du nouveau code pénal ont pour principal effet de construire une barrière au profit de la vie privée,
dans les lieux publics comme dans les lieux privés, mais n'interdisent pas nécessairement de manière univoque les prises d'images qui la respectent.
Cela signifie qu'une installation de vidéosurveillance qui vous serait soumise avec une finalité accessoire par rapport aux objectifs de l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995 ne serait pas nécessairement prohibée par la loi. Cette appréciation ne sera d'ailleurs pas de votre ressort, mais de celui des juridictions judiciaires. Vous vous attacherez donc à instruire les demandes au regard des seules finalités inscrites dans la loi du 21 janvier 1995, sans vous interdire toutefois une appréciation large des risques :
- d'atteinte à la vie privée ;

- d'insuffisance de l'information donnée au public (y compris sur la ou

les finalités du système).

Je crois utile à ce propos de vous rappeler la doctrine de la

chancellerie sur le délit d'atteinte à la vie privée qui peut être constaté à l'occasion d'une prise d'image : l'infraction est réalisée par la fixation,
l'enregistrement ou la transmission, sans consentement de l'intéressé, de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.

En principe, les opérations de vidéosurveillance sont réalisées de telle

sorte qu'elles ne visualisent pas les lieux privés. Néanmoins, si ce principe n'est pas respecté et que l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé est visualisée, l'infraction ne sera réalisée qu'à la condition que cette visualisation ait été réalisée dans l'intention de porter atteinte à l'intimité de la vie privée de la personne concernée.

Par ailleurs, si la personne était informée de l'existence du système de

vidéosurveillance, comme le prévoit la loi, et était donc en mesure de savoir qu'elle était filmée sans s'être pour autant opposée à la fixation de son image, l'infraction ne sera pas réalisée, son consentement étant alors présumé.

En définitive et pour résumer, l'arrêté que vous prendrez s'inscrira

donc dans le seul cadre de la loi du 21 janvier 1995, après un examen de la juste proportion entre les nécessités de l'ordre public et les risques d'atteintes au droit à l'image, même si vous ne pouvez vous prononcer sur les éventuelles finalités accessoires du système, dont la licéité ne sera pas autrement contrôlée que sur le fondement des textes et principes généraux précités sur la protection du droit à l'image.
2.3.3. En dehors de la voie publique et des lieux et établissements ouverts au public, la loi du 21 janvier 1995 ne s'applique pas et vous ne disposez d'aucune compétence de police administrative spéciale. Les règles générales de protection de la vie privée peuvent toutefois trouver à s'appliquer, sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Mais il n'y a dans ces cas aucun changement par rapport au droit antérieurement applicable.
2.4. L'instruction conduite par vos services, comme celle de la commission départementale, devra s'attacher à vérifier que chacune des conditions rappelées ci-dessus est bien remplie et devra apprécier si le degré de risque d'agression ou de vol auquel le lieu est exposé justifie la mise en oeuvre d'un tel système par application du principe de proportionnalité, résultant de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, selon lequel « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

Ainsi, devront faire l'objet d'un refus d'autorisation au titre de la

loi du 21 janvier 1995 des systèmes de vidéosurveillance mis en oeuvre dans des lieux ou établissements publics, ou dans des lieux ou établissements privés ouverts au public, dont il apparaît qu'ils ne sont pas effectivement exposés à des risques particuliers d'agression ou de vol.

Il en ira de même pour les systèmes de prises d'images sur la voie

publique, lorsque le pétitionnaire n'est pas une autorité publique au sens de la loi (cf. 2.3.1.1) ou bien en dehors des finalités limitativement énumérées au premier alinéa de l'article 10-II de la loi du 21 janvier 1995.

Selon le cas, toutefois, il peut se faire que les systèmes ne relevant

pas de cette loi correspondent aux critères de l'article 9 du code civil et de l'article 226-1 du code pénal sur le droit à l'image ou de la loi du 31 décembre 1992 relative à l'emploi, au développement du travail à temps partiel et à l'assurance chômage, pour la protection des salariés sur leur lieu de travail.

Dans l'hypothèse où vous seriez saisis d'une demande concernant un lieu

privé ou un lieu de travail n'ayant pas le caractère d'un lieu ouvert au public, vous ferez part au demandeur qu'il n'y a pas lieu de statuer sur son dossier au titre de la loi du 21 janvier 1995 et vous l'inviterez à se situer dans le cadre juridiquement pertinent.

Sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, le fait que des

personnes étrangères à une entreprise puissent pénétrer dans des lieux surveillés par des caméras n'est pas a priori un élément suffisant pour considérer ces lieux comme ouverts au public et justifier d'une déclaration ou d'une demande d'autorisation au titre de la loi du 21 janvier 1995.

C'est en particulier le cas des aires de livraison des grandes surfaces

ou des centres commerciaux.