Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Décision no 95-365 DC du 27 juillet 1995)
Sur le grief tiré d'un détournement de procédure:
Considérant que les auteurs de la saisine soulignent que la proposition de loi déposée le 7 juillet 1995 d'où est issue la loi contestée n'a fait que reprendre, en avançant sa date d'entrée en vigueur du 10 août au 1er août,
une disposition augmentant le taux de la taxe sur la valeur ajoutée qui figurait dans un projet de loi de finances rectificative déposé le 28 juin sur le bureau de l'Assemblée nationale; qu'ils soutiennent que le dépôt et l'adoption de cette proposition constituent un détournement de procédure méconnaissant la distinction entre proposition de loi et projet de loi dès lors qu'il aurait incombé au Parlement, pour parvenir aux mêmes fins, de modifier le projet de loi de finances qui lui était soumis; qu'ils font valoir au surplus que la proposition de loi en cause est intervenue dans le domaine exclusif des lois de finances dès lors que son seul objet a été selon eux de modifier les conditions de l'équilibre budgétaire de l'exercice en cours ;
Considérant que, si aux termes de l'article 2, avant-dernier alinéa, de l'ordonnance du 2 janvier 1959, « seules des lois de finances, dites rectificatives, peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année », cette règle doit être rapprochée tant de l'article 34 de la Constitution en vertu duquel « la loi fixe les règles... concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » que de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959, lequel précise que « les lois de finances peuvent également contenir toutes dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature »; qu'il résulte de l'ensemble de ces textes que les dispositions fiscales ne sont pas au nombre de celles qui sont réservées à la compétence exclusive des lois de finances et qu'elles peuvent figurer dans une loi ordinaire;
Considérant dès lors que si les articles 1er, 2, deuxième alinéa et 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 placent dans la compétence des seules lois de finances la définition de l'équilibre économique et financier, la prévision et l'autorisation de l'ensemble des ressources de l'Etat ainsi que l'évaluation du rendement des impôts dont le produit est affecté à l'Etat,
ces dispositions ne sauraient s'opposer à ce qu'une loi ordinaire, même lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, elle affecte l'exécution du budget en cours, édicte une modification fiscale avant l'adoption d'une loi de finances qui doit en traduire l'incidence sur l'équilibre du budget;
Considérant en outre que la circonstance qu'une proposition de loi ait contenu une disposition similaire à celle d'un projet de loi de finances rectificative antérieurement déposé ne saurait faire obstacle au droit d'initiative des lois reconnu aux membres du Parlement par l'article 39 de la Constitution;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief invoqué par les auteurs de la saisine doit être rejeté;