I. - Sur l'ensemble de la loi de financement
de la sécurité sociale
Les sénateurs soussignés estiment que l'ensemble de la loi de financement de la sécurité sociale en 2001 est contraire à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
La loi de financement pour 2001 met en place un certain nombre de circuits financiers de transferts de dépenses et de recettes au sein même des branches de la sécurité sociale et des fonds concourant à son financement, mais également entre ces branches et fonds, d'une part, et le budget général, d'autre part.
Ainsi, l'article 15 prévoit la prise en charge de dépenses supplémentaires par le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), auparavant inscrites au budget général ; l'article 16 affecte au FOREC la taxe sur les véhicules de société ainsi qu'une part de la taxe sur les conventions d'assurance, qui constituaient auparavant des recettes de l'Etat, des droits sur les tabacs auparavant affectés à la CNAMTS et des droits sur les alcools auparavant affectés au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ; l'article 17 transfère du FSV à la CNAMTS 0,15 point de CSG ; l'article 21 transfère du FSV à la CNAF la charge des majorations de pensions pour enfant, l'article 29 met à la charge du FSV le règlement d'un engagement de l'Etat à l'égard des régimes de retraite complémentaire ; l'article 31 affecte au FSV les produits de la taxe de 2 % sur le revenu du patrimoine et des placements auparavant affectés à la CNAF et à la CNAMTS.
En outre, l'article 54 traduit l'inscription de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire dans les comptes de la branche famille, nette de la reprise du FASTIF par le budget général.
Au total, l'ensemble de ces mouvements financiers qui, selon le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, sont « parfois artificiels » et « font perdre une grande partie de leur signification aux soldes des branches du régime général » a pour effet de mobiliser au profit du FOREC environ 16 milliards de francs financés essentiellement par le FSV et la branche famille (cf. le rapport du Sénat no 67, 2000-2001, tome I, p. 67 à 81).
Par des mécanismes compliqués à dessein, le présent projet de loi porte atteinte au principe de la compensation intégrale à la sécurité sociale des exonérations de charges sociales.
Il réalise ainsi, de façon opaque et détournée, l'objectif auquel le Gouvernement avait dû renoncer lors de l'examen du projet de loi de financement pour 2000 : instituer une contribution sur les organismes de protection sociale « déterminée en fonction du surcroît de recettes et des économies de dépenses induits par la réduction du temps de travail » pour ces organismes (cf. art. 2 du projet de loi no 1835, AN, 11e législature).
La différence tient » ce que seuls la CNAF et le FSV sont désormais mis à contribution et que l'Etat lui-même s'exonère de cette théorie, au demeurant critiquable, des « retours ».
Ce faisant, le projet de loi s'affranchit de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi (cf. décision no 99-421 DC du 16 décembre 1999), particulièrement nécessaire dans le cas des lois de financement de la sécurité sociale, catégorie de lois créée par la réforme constitutionnelle de 1996, afin de permettre, dans la transparence, un débat annuel sur les enjeux financiers de la protection sociale.
Dès lors que les articles précités bouleversent les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses de la loi et donc les conditions générales de l'équilibre financier, c'est l'ensemble de la loi qui est contraire à l'objectif de valeur constitutionnelle susmentionné.