Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL)
II. - Sur le respect du droit de propriété
A. - Selon les requérants, l'article 2 de la loi déférée porterait une atteinte disproportionnée au droit de propriété en doublant le taux d'imposition des plus-values de cessions d'éléments d'actifs, sans que la valeur d'origine des biens ne soit actualisée au regard de l'évolution monétaire.
Ils exposent que le choix d'un taux réduit permettait de n'imposer que la plus-value économique, sans avoir à corriger la valeur d'origine. Le passage au taux ordinaire aboutirait ainsi à taxer une plus-value purement nominale. Les auteurs de la saisine invitent en outre le Conseil constitutionnel à assortir une déclaration de conformité de la loi d'une réserve d'interprétation, en vue d'exclure que la majoration de taux qui résulte de la réforme puisse s'appliquer aux plus-values neutralisées ou en différé d'imposition à la suite de restructurations ou de cessions à l'intérieur d'un groupe fiscal.
B. - Cette argumentation ne peut être accueillie.
Il est exact que le Conseil constitutionnel a souligné, dans la décision déjà citée du 29 décembre 1989, que « si la suppression d'une exonération fiscale a pour conséquence d'entraîner pour certaines catégories de contribuables une majoration d'imposition, il n'en résulte pas, au cas présent, une atteinte au droit de propriété qui serait contraire à la Constitution ». Une décision no 91-298 DC du 24 juillet 1991 souligne en outre que « des dispositions rétroactives ne sauraient avoir pour conséquences, par leurs effets sur le patrimoine des contribuables, de porter atteinte au droit de propriété ».
Mais, comme le relève un commentateur (B. Genevois, RFDA 1990, p. 154), le Conseil constitutionnel a seulement entendu réserver l'hypothèse où une mesure d'ordre fiscal, en raison de l'ampleur considérable des sommes exigées, porterait une atteinte au droit de propriété qui serait contraire à la Constitution.
Tel n'est évidemment pas le cas du texte déféré, qui se borne à soumettre au même régime d'imposition les différents éléments du bénéfice imposable, en mettant fin, dans les limites précisées plus haut, au régime plus favorable dont bénéficiaient certaines plus-values.
Et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le législateur n'a pas entendu laisser l'interprétation du texte à la discrétion de l'administration, s'agissant de l'application des nouveaux taux à des opérations réalisées avant 1997 qui auraient été neutralisées ou différées et qui seraient seulement dénouées à compter du 1er janvier 1997.
D'une part, en effet, la loi ne comporte à cet égard aucune difficulté d'interprétation : comme il a été rappelé plus haut, l'article 2 fixe le régime fiscal applicable aux résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1997 ; ce faisant, il concerne nécessairement toutes les plus-values, y compris celles réalisées au cours d'un exercice antérieur, mais qui ont été placées sous un régime de sursis d'imposition et sont, du fait du choix de l'entreprise, soumises au régime d'imposition en vigueur au titre de l'exercice auquel elles seront ainsi rattachées.
D'autre part, il convient de rappeler que l'administration n'appliquera le texte que sous le contrôle du juge de l'impôt, auquel il n'est nul besoin de fixer des directives d'interprétation, dès lors que la question ainsi soulevée ne met en cause aucun principe constitutionnel.