Articles

Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Décision no 95-370 DC du 30 décembre 1995)

Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Décision no 95-370 DC du 30 décembre 1995)

En ce qui concerne le principe de nécessité de l'impôt et le pouvoir de contrôle du Parlement :

Considérant qu'aux termes des 7o et 8o de l'article 1er de la loi déférée,
l'autorisation de prendre des ordonnances concerne toutes mesures... : « 7o Définissant, sans empiéter sur le domaine exclusif de la loi de finances, les modalités de consolidation et d'apurement de la dette accumulée au 31 décembre 1995 par le régime général de sécurité sociale et par le régime d'assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles, ainsi que du déficit prévisionnel de l'exercice 1996 de ces régimes, et instituant les organismes et les ressources, notamment fiscales, nécessaires à cet effet ; 8o Modifiant, sous la même réserve, les dispositions relatives au Fonds de solidarité vieillesse pour recentrer ses missions sur le financement des prestations relevant de la solidarité nationale tout en préservant, par les ressources mentionnées au 7o ci-dessus, la neutralité de cette mesure pour le budget de l'Etat. » ;
Considérant que les requérants font valoir que les ressources fiscales ainsi visées ne répondent pas à l'exigence de nécessité de l'impôt posée par l'article 14 précité de la Déclaration de 1789 ; qu'à l'appui de ce grief,
ils rappellent qu'en application de la loi de finances rectificative pour 1993 susvisée, le taux de la contribution sociale généralisée a été porté de 1,1 p. 100 à 2,4 p. 100, à compter du 1er juillet 1993 ; que les ressources obtenues par l'accroissement de ce prélèvement ont été affectées au Fonds de solidarité vieillesse institué par la loi susvisée du 22 juillet 1993, auquel a été notamment dévolu le versement correspondant à la dette, en principal et intérêts, du régime général au 31 décembre 1993 prise en charge par l'Etat en application de l'article 105 de la loi de finances pour 1994 susvisée ; que, dès lors qu'en vertu du 8o de l'article 1er précité, les missions du Fonds de solidarité vieillesse devront être « recentrées » sur le financement des prestations relevant de la solidarité nationale, les ressources fiscales que les 7o et 8o dudit article autorisent à créer, au titre du remboursement de la « dette sociale », et qui seraient affectées à un nouvel établissement public administratif dénommé « caisse d'amortissement de la dette sociale », auraient pour effet d'imposer aux contribuables un double prélèvement en vue de financer une dépense unique ; que le Parlement n'a en outre pas été suffisamment informé des montants et des procédures de transfert de ressources prévus par les dispositions précitées des 7o et 8o de l'article 1er ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi que les ressources devant être affectées à la caisse d'amortissement de la dette sociale seront consacrées pour partie au financement des concours au budget de l'Etat assurés, en application de la loi de finances pour 1994 précitée, par le Fonds de solidarité vieillesse ; qu'il incombera en conséquence à ce fonds d'utiliser, pour ses missions permanentes, la totalité de ses recettes provenant du produit de l'augmentation de la contribution sociale généralisée, qui n'avaient d'ailleurs pas fait l'objet d'une affectation particulière ; qu'il s'ensuit que les prélèvements, qui seront mis en place par application des 7o et 8o de l'article 1er de la loi soumise au Conseil constitutionnel, répondent à une finalité différente de celle qui était visée par l'augmentation de la contribution sociale généralisée ; que leur création ne peut, dès lors, être considérée comme méconnaissant le principe de nécessité de l'impôt qui résulte de l'article 14 de la Déclaration de 1789 ;
Considérant, d'autre part, que les dispositions d'une loi d'habilitation ne sauraient avoir ni pour objet, ni pour effet, de dispenser le Gouvernement du respect des règles et principes de valeur constitutionnelle ; qu'il appartient au Conseil constitutionnel de n'admettre la conformité à la Constitution de la loi d'habilitation que sous l'expresse condition qu'elle soit interprétée et appliquée dans le strict respect de la Constitution ;
Considérant que les dispositions critiquées des 7o et 8o de l'article 1er de la loi déférée prévoient que les mesures prises sur leur fondement, par voie d'ordonnance, ne pourront « empiéter sur le domaine exclusif de la loi de finances » ; que cette restriction a pour objet de répondre aux exigences de l'article 47 de la Constitution ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée : « les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elles déterminent » ; que la charge de la dette sociale, évaluée au 31 décembre 1993, reprise par l'Etat en application de l'article 105 de la loi de finances pour 1994, est traduite dans le budget de l'Etat dans les conditions prévues par l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ; que la substitution du concours financier de la caisse d'amortissement de la dette sociale à celui du Fonds de solidarité vieillesse, qui pourrait être opérée au titre du 8o de l'article 1er de la loi, n'aurait aucune incidence sur l'équilibre du budget ; que cette mesure peut être décidée par voie d'ordonnance, avant d'être retracée dans la plus prochaine loi de finances ; que s'agissant des versements de la caisse, au titre du remboursement de la dette des régimes de sécurité sociale au 31 décembre 1995 et de leur déficit prévisionnel pour 1996, prévus par le 7o de l'article 1er de la loi, ceux-ci ne pourront être attribués aux organismes de sécurité sociale concernés que dans les limites de l'habilitation en cause,
avant qu'il appartienne au Parlement d'en connaître à l'occasion de l'examen du projet de loi de ratification des ordonnances dont s'agit ;
Considérant que, sous ces réserves, le grief relatif à la méconnaissance des droits du Parlement ne saurait être accueilli ;
Considérant qu'il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,
Décide :