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Article (Décision n° 2006-0592 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 26 septembre 2006 portant sur la définition des marchés pertinents des services de capacité, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article (Décision n° 2006-0592 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 26 septembre 2006 portant sur la définition des marchés pertinents des services de capacité, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)



III-6.2.1.1. Sur la route entre la métropole et la Martinique


Il existe deux câbles, dont l'un, Americas II, est relativement récent et concurrentiel. France Télécom n'a donc pas un grand avantage concurrentiel sur la partie sous-marine par rapport aux autres opérateurs actifs sur le câble, tant qu'Americas II demeurera concurrentiel. Mais, France Télécom détient un monopole sur les « compléments terrestres » entre la station d'atterrissement et le brasseur de liaisons louées sur les deux câbles atterrissant en Martinique.


III-6.2.1.2. Sur la route entre la métropole et la Guadeloupe


Il n'existe qu'un seul câble, ECFS, ancien, avec deux acteurs actifs sur la route entre la métropole et la Guadeloupe (France Télécom et Cable & Wireless), aux intérêts convergents et avec une capacité de réserve réduite. Aussi, France Télécom détient un certain pouvoir de marché sur la partie sous-marine entre la métropole et la Guadeloupe. Ce pouvoir de marché est accru par son monopole sur le « complément terrestre » entre la station d'atterrissement et le brasseur de liaisons louées.


III-6.2.1.3. Sur la route entre la métropole et la Guyane


Il existe un seul câble, Americas II, entre la métropole et la Guyane. De ce fait, le pouvoir de marché sur la partie sous-marine est relativement réduit, bien que plus important qu'en Martinique où il y a deux câbles. Mais, France Télécom détient un monopole sur les « compléments terrestres » entre la station d'atterrissement et le brasseur de liaisons louées.


III-6.2.1.4. Sur la route entre la métropole et la Réunion


Il existe un seul câble, SAFE, sur lequel France Télécom dispose d'un monopole sur la partie sous-marine reliant le câble à l'île de la Réunion, ce qui lui permet de facturer librement ses prestations de demi-circuit aux autres opérateurs membres du consortium et, par ce biais, les évincer de la route entre la métropole et l'île de la Réunion (en facturant ses propres circuits complets au-dessous des coûts d'un opérateur efficace). Par ailleurs, France Télécom dispose d'un monopole sur le « complément terrestre » entre la station d'atterrissement et le brasseur de liaisons louées.


III-6.2.2. Absence de contre-pouvoir des acheteurs


Les opérateurs acheteurs sur ces marchés ont indiqué que les volumes de trafic qu'ils réalisent, ne justifient pas, pour eux, d'investir dans ce type d'infrastructures, que ce soit au moment de la construction de ces câbles ou, par la suite, sous la forme d'un IRU (durée d'engagement de cinq ans jugé trop long, volumes minimaux à réserver trop élevés). De même, ils ne peuvent pas non plus investir de manière rentable dans l'accès à une station d'atterrissement (en cas de levée du monopole sur l'entrée). France Télécom est donc en présence d'opérateurs de petite taille, qui ne peuvent se passer de sa prestation qui représente un pourcentage élevé de leurs coûts et de leur activité.


III-6.2.3. Intégration verticale et effet de levier sur les marchés de détail


La présence de France Télécom comme membre du consortium et détenteur de monopole sur les stations d'atterrissement lui confère la possibilité d'évincer ses concurrents sur le marché de gros du circuit interurbain (notamment par la fixation de prix élevés de « compléments terrestres » et de demi-circuits ne leur permettant pas de s'aligner sur les prix des prestations de bout en bout de France Télécom).
En outre, France Télécom est le seul opérateur présent sur toute la chaîne géographique : les opérateurs membres des consortiums sur les câbles sous-marins sont tous des opérateurs internationaux qui sont peu, voire pas actifs sur le territoire national et exercent donc une faible concurrence vis-à-vis de France Télécom sur ce type de routes.
Enfin, entre la décision de mise en place d'une offre de gros et sa mise en oeuvre opérationnelle par les opérateurs entrants, les délais peuvent être extrêmement longs du fait de pratiques de blocage ou de points à régler dans le choix précis des modalités techniques et financières du service : ainsi, dans le cas de l'offre de gros dite de liaison louée de transport entre la métropole et la Réunion, la mise en place a été effectuée en mai 2004 suite au règlement de différend entre Outremer Télécom et France Télécom, mais n'était souscrite fin 2004 que par un seul opérateur, et par 4 opérateurs à mi-2006. Des difficultés persistent concernant la sécurisation et la qualité de service des circuits passant par le câble.


III-6.3. Conclusion sur l'influence significative


France Télécom dispose d'une influence significative sur les marchés de gros du circuit interurbain interterritorial : routes métropole-Martinique, métropole-Guadeloupe, métropole-Guyane, métropole-la Réunion, ainsi que l'ensemble des routes reliant directement les départements d'outre-mer entre eux (Guadeloupe-Martinique, Guadeloupe-Guyane, Martinique-Guyane).


III-7. COMMENTAIRES SUR L'ANALYSE DE L'AUTORITÉ
III-7.1. Avis du Conseil de la concurrence


Conformément à l'article L. 37-1 du CPCE, l'Autorité a sollicité l'avis du Conseil de la concurrence, notamment sur la liste des opérateurs réputés exercer une influence significative sur les marchés pertinents qu'elle a identifiés, le 28 mars 2006. Le Conseil de la concurrence a rendu son avis n° 2006-A-10 du 12 mai 2006.
Au sujet de l'influence significative, le conseil partage l'appréciation de l'ARCEP selon laquelle France Télécom exerce une influence significative sur les marchés considérés. Actant du fait qu'il est difficile de juger de l'impact futur sur le jeu concurrentiel des projets de collectivités non encore réalisés, et de la progression relative des offres d'accès en SDSL en raison notamment des freins entravant la migration d'une offre de liaison louée traditionnelle vers une offre de service de capacité sur interface alternative, il recommande toutefois à l'Autorité de suivre avec attention la double dynamique concurrentielle résultant de l'intervention des collectivités territoriales d'une part, et de la montée en puissance des services de capacités sur accès dégroupés d'autre part.
L'ARCEP avait déjà indiqué qu'elle entendait effectivement suivre avec attention ces évolutions. Elle rappelle qu'en cas d'évolution de la situation concurrentielle des marchés, elle peut anticiper une nouvelle analyse des marchés.


III-7.2. Observations de la Commission européenne


Dans ses observations en date du 24 juillet 2006 susvisée, la commission ne formule pas d'observations sur la désignation de France Télécom comme opérateur disposant d'une influence significative sur les marchés de détail et de gros des services de capacité ; elle approuve ainsi l'analyse et la conclusion de l'Autorité.


IV. - LES OBLIGATIONS SUR LES MARCHÉS PERTINENTS
IV-1. INTRODUCTION
IV-1.1. Objectifs de l'action réglementaire


Si l'analyse du niveau de développement de la concurrence conclut qu'un marché est effectivement concurrentiel, l'Autorité peut proposer la suppression des éventuelles obligations qui s'y appliquaient jusqu'alors ; dans le cas contraire, l'Autorité impose aux entreprises identifiées comme puissantes les obligations spécifiques appropriées, conformément aux articles L. 38 et L. 38-1. L'imposition de ces obligations doit être établie en tenant compte de la nature des obstacles au développement d'une concurrence effective et proportionnée à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE :
« 1° A la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques ;
« 2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ;
« 3° Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;
« 4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;
« 5° Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel ;
« 6° Au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique ;
« 7° A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements ;
« 8° Au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48 ;
« 9° A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ;
« 10° A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen ;
« 11° A l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation ;
« 12° A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public ;
« 13° Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent ;
« 14° A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public. »


IV-1.2. Obligations génériques d'interconnexion et d'accès
IV-1.2.1. Introduction


D'une manière générale, l'interconnexion des réseaux permet aux opérateurs d'acheminer leurs trafics sur les réseaux des autres opérateurs. Elle permet ainsi à leurs abonnés de joindre les abonnés physiquement présents sur d'autres réseaux.
En outre, l'existence de marchés de gros de l'accès et de l'interconnexion permet à des opérateurs qui ne possèdent pas l'ensemble des infrastructures nécessaires à l'acheminement de trafic de bout en bout de s'appuyer sur les réseaux existants pour intervenir sur les marchés de détail.
Par conséquent, ces marchés de gros sont indispensables à l'existence et au bon fonctionnement d'une concurrence durable sur les marchés des communications électroniques.


IV-1.2.2. Prééminence de la régulation via les marchés de gros


La finalité de la conduite des analyses de marchés est, au-delà de la désignation d'opérateurs puissants, de déterminer les obligations spécifiques qui paraissent, conformément aux dispositions des articles L. 38 et L. 38-1 du CPCE, proportionnées aux objectifs de régulation fixés à l'article L. 32-1.
Dans l'esprit du nouveau cadre européen, et conformément à l'article L. 38-1 du CPCE, l'Autorité privilégie une régulation via les marchés de gros et n'envisage une régulation via les marchés de détail que lorsque l'imposition d'obligations de gros ne suffit pas à atteindre l'objectif poursuivi. Dans cette logique, on examine en premier lieu les obligations sur les marchés de gros et dans un deuxième temps les obligations complémentaires sur les marchés de détail.
La présente analyse de marché connaît toutefois des spécificités concernant la régulation applicable au segment de l'ensemble minimal de liaisons louées (cf. infra).


IV-1.2.3. Principales obligations sur les marchés de gros


Conformément à l'article 16 de la directive-cadre, lorsqu'une autorité de régulation nationale a identifié un opérateur exerçant une influence significative sur un marché pertinent, celle-ci est tenue de lui imposer des mesures réglementaires spécifiques visées aux articles 9 à 13 de la directive « accès ». Ces obligations sont les suivantes :
- obligations de transparence ;
- obligations de non-discrimination ;
- obligations relatives à la séparation comptable ;
- obligations relatives à l'accès à des ressources spécifiques et à leur utilisation ;
- contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts.

L'article 8 la directive « accès » prévoit également que les obligations imposées sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés dans l'article 8 de la directive « cadre ».
En outre, le paragraphe 118 des « Lignes directrices » indique qu'un projet de mesure est considéré comme compatible avec le principe de proportionnalité si la mesure à prendre poursuit un but légitime et si les moyens employés sont à la fois nécessaires et aussi peu contraignants que possible.
L'article L. 38-I du code des postes et des communications électroniques prévoit que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, une ou plusieurs des obligations [...], proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 ».
Il s'agit des obligations suivantes :
- rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non-discrimination ;
- fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ;
- faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés ;
- ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ;
- isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès.
S'agissant de l'accès, l'Autorité peut imposer à un opérateur réputé exercer une influence significative de faire droit aux demandes raisonnables, notamment lorsqu'elle considère qu'un refus ou des propositions déraisonnables empêcheraient l'émergence d'un marché de détail concurrentiel durable ou risqueraient d'être préjudiciables aux utilisateurs finals.
Dans ce cadre, l'Autorité peut préciser les contours de l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès en imposant certains des mécanismes spécifiques qui figurent notamment à l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques.
En outre, lorsque l'Autorité apprécie le caractère proportionné des obligations d'accès qu'elle est susceptible d'imposer, elle veille notamment à prendre en compte les critères d'analyse suivants mentionnés à l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques :
- la viabilité technique et économique de l'utilisation ou de la mise en place de ressources concurrentes, compte tenu du rythme auquel le marché évolue et de la nature et du type d'interconnexion et d'accès concerné ;
- le degré de faisabilité de la fourniture d'accès proposée, compte tenu de la capacité disponible ;
- l'investissement initial réalisé par le propriétaire des ressources, sans négliger les risques inhérents à l'investissement ;
- la nécessité de préserver la concurrence à long terme ;
- le cas échéant, les éventuels droits de propriété intellectuelle pertinents ;
- la fourniture de services paneuropéens.


IV-1.3. Obligations génériques pour les marchés de détail


En ce qui concerne les obligations imposées sur les marchés de détail, l'article 17 de la directive « service universel » dispose que lorsqu'un marché de détail n'est pas en situation de concurrence réelle et que les obligations imposées au titre de l'interconnexion et de l'accès ne permettent pas réaliser les objectifs de régulation, les autorités réglementaires nationales peuvent imposer des obligations aux entreprises puissantes sur ces marchés. Ces obligations « peuvent inclure l'exigence que les entreprises visées ne pratiquent pas de prix excessifs, n'interdisent pas l'accès au marché ou ne restreignent pas la concurrence en fixant des prix d'éviction, ni ne privilégient de manière abusive certains utilisateurs finals ou groupent leurs services de façon déraisonnable. Les autorités réglementaires nationales peuvent appliquer à ces entreprises des mesures d'encadrement des tarifs [...]. Les autorités réglementaires nationales veillent à ce que lorsqu'une entreprise est soumise à une réglementation relative aux tarifs de détail ou à d'autres contrôles concernant le marché de détail, les systèmes nécessaires et appropriés de comptabilité des coûts soient mis en oeuvre [...] ».
Ces dispositions ont été transposées à l'article L. 38-1 du CPCE qui dispose que l'Autorité peut imposer aux opérateurs disposant d'une influence significative sur les marchés de détail lorsque les obligations imposées au titre de l'article L. 38 ne permettent pas d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 une ou plusieurs des obligations suivantes, proportionnées à la réalisation de ces objectifs et établies en tenant compte de la nature des obstacles au développement d'une concurrence effective identifiés lors de l'analyse du marché prévue à l'article L. 37-1 :
- obligation de non-discrimination et interdiction de couplage abusif ;
- obligation de contrôle tarifaire : interdiction des tarifs excessifs ou d'éviction, pratiquer des tarifs reflétant les coûts, encadrement pluriannuel des tarifs, communication préalable des tarifs dans la mesure où ces tarifs ne sont pas déjà contrôlés au titre du service universel ;
- obligation de comptabilisation des coûts.
Enfin, le marché des liaisons louées de détail connaît une spécificité dans la mesure où tant l'article 18 de la directive service universel, et son annexe VII, que les articles L. 38-2 et D. 369 et suivants du CPCE définissent les obligations qui doivent être imposées à tout opérateur puissant sur le segment de l'ensemble minimal de liaisons louées. L'Autorité ne dispose donc d'aucun pouvoir d'appréciation sur ce segment et doit imposer les obligations de non-discrimination, d'orientation des tarifs vers les coûts et de transparence à tout opérateur désigné comme disposant d'une influence significative.


IV-1.4. Obstacles au développement d'une concurrence effective


En vertu des articles L. 37-1 et L. 38 du CPCE, la mise en oeuvre, par l'Autorité, d'obligations ex ante au niveau des marchés de gros, doit permettre « de lever ou d'atténuer les obstacles au développement d'une concurrence effective », ces obstacles étant identifiés au cours de l'analyse des marchés. Il convient donc de procéder à cet examen en ce qui concerne France Télécom.
Dans l'esprit du nouveau cadre européen, l'Autorité privilégie une régulation via les marchés de gros ; seul son caractère insuffisant peut conduire l'Autorité à envisager une régulation des marchés de détail pour atteindre l'objectif poursuivi, à l'exception du segment de l'ensemble minimal de liaisons louées.
Les remèdes imposés sur les marchés de gros reposent principalement sur l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès, les obligations de transparence et de non-discrimination, la publication d'offres de référence, le contrôle des tarifs et les obligations comptables ; ces obligations font l'objet de la partie IV-2 de la présente analyse.
D'une façon générale, il est difficile de prévoir avec certitude l'effet des remèdes imposés sur les marchés de gros sur le fonctionnement de la concurrence. En effet, l'imposition de ces remèdes a pour objectif de permettre aux opérateurs concurrents d'accéder aux offres de gros nécessaires pour intervenir dans des conditions de concurrence équivalentes sur les marchés détail par rapport à celles dont bénéficie France Télécom. Cependant, comme cela est exposé dans l'analyse des marchés de détail, il paraît peu vraisemblable que ces remèdes conduisent les marchés de détail à une situation de concurrence effective sur la période 2006-2008.
Le principal frein au développement d'une concurrence effective réside dans la très forte position de puissance de France Télécom sur les marchés du segment terminal. A partir de cette position, France Télécom est potentiellement en mesure d'exercer un effet de levier horizontal vers l'ensemble des autres marchés.
Dans cette attente et comme on l'a vu précédemment, ce manque de concurrence effective n'est pas uniquement lié à l'importance de la puissance de France Télécom sur les marchés de détail. Certains facteurs tels que la persistance de barrières économiques à l'entrée suggèrent que la contrainte exercée sur France Télécom par l'entrée effective ou potentielle de nouveaux opérateurs est limitée. D'autres facteurs, tels que la puissance exercée simultanément par France Télécom sur les marchés de gros et les marchés avals de détails, montrent que les risques d'éviction de la concurrence ou de fermeture de l'accès à certains marchés demeurent relativement élevés. Ces risques sont détaillés ci-après, afin de préciser les obligations qui permettent de les anticiper.


IV-1.5. Objectifs principaux de cette analyse de marché et durée de validité


Les obligations imposées au titre de la présente analyse de marché ont deux objectifs principaux :
- d'une part, assurer une réplicabilité raisonnable des offres de détail de France Télécom à travers la mise en place de « briques de base » au profit des opérateurs alternatifs. La réalisation de cet objectif nécessite la fourniture d'offres de gros sur le segment terminal adaptées (débits, interfaces, qualité de service) et la réduction des goulots d'étranglement du transport interurbain ;
- d'autre part, ne pas désinciter les opérateurs dans le déploiement de boucles locales optiques. La réalisation de cet objectif conduit à ne pas imposer une obligation de reflet des coûts pour les tarifs des offres de gros sur la boucle locale optique et à empêcher la forclusion : interdiction des prix d'éviction et de la discrimination sur le marché de détail.
L'ensemble des obligations imposées au titre de la présente analyse à France Télécom sont valables jusqu'au 1er octobre 2009, sans préjudice de l'éventuel réexamen que l'Autorité pourrait être amenée à anticiper conformément à l'article D. 303 du CPCE.


IV-2. LES OBLIGATIONS SUR LES MARCHÉS DE GROS


L'influence significative qu'exerce France Télécom sur les marchés de gros et de détail des services de capacité rend nécessaire l'imposition d'obligations sur les marchés de gros.


IV-2.1. Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès


L'article L. 38-I du code des postes et communications électroniques précité prévoit que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, (...) [de] faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés ».
Comme cela a été démontré précédemment, France Télécom dispose d'une influence significative sur l'ensemble des marchés pertinents de détail et de gros étudiés dans la présente analyse. L'analyse a également montré qu'il disposait d'un réseau capillaire très étendu qui peut difficilement être dupliqué par un opérateur alternatif.
Par conséquent, afin de permettre aux opérateurs d'intervenir dans des conditions équivalentes sur les marchés de détail situés en aval, il est nécessaire d'imposer à France Télécom une obligation de fournir, en réponse aux demandes raisonnables des opérateurs alternatifs, des prestations d'accès, lorsque celles-ci sont relatives aux marchés de gros sur lesquels elle exerce une influence significative, ou nécessaires pour l'exercice, au bénéfice des utilisateurs, d'une concurrence effective et loyale sur les marchés de détail.
D'une manière générale, conformément aux dispositions de l'article L. 38-V du code, le caractère raisonnable d'une demande d'accès formulée par un opérateur devra être apprécié au regard de la proportionnalité entre les contraintes économiques et techniques d'une telle demande pour France Télécom, et le bénéfice attendu pour la résolution d'un problème concurrentiel particulier ou plus généralement pour le fonctionnement d'un des marchés de gros ou de détail des services de capacité pertinent.
Les parties suivantes précisent cette obligation, certaines modalités d'accès ou d'interconnexion étant d'ores et déjà raisonnables et doivent être fournies par France Télécom.


I-2.1.1. Obligations générales


En premier lieu, compte tenu des investissements consentis par les opérateurs pour s'interconnecter sur l'un ou l'autre des brasseurs de France Télécom (brasseurs de liaisons louées ou brasseurs ATM), et en vertu de l'article D. 310 (3°) du CPCE, il est proportionné d'imposer à cette dernière de ne pas retirer un accès déjà accordé à un opérateur, sauf accord préalable expresse de l'Autorité ou de l'opérateur concerné, conformément à l'objectif de développement efficace dans les infrastructures et de compétitivité du secteur mentionné au 3° de l'article L. 32-1 du code précité.
De plus, France Télécom étant une entreprise verticalement intégrée fournissant tout type de prestations de détail et de gros, il est également nécessaire et proportionné, au regard notamment de l'objectif de développement efficace dans les infrastructures et de compétitivité du secteur mentionné au 3° de l'article L. 32-1 du code précité, qu'elle présente les prestations qu'elle offre de façon suffisamment claire et détaillée, et qu'elle ne subordonne pas l'octroi d'une prestation à une autre, afin de ne pas conduire les acteurs à payer pour des prestations qui ne leur seraient pas nécessaires.
Enfin, France Télécom devra, conformément à l'article D. 310 (2°), négocier de bonne foi avec les opérateurs qui demandent des prestations d'accès relatives à ces marchés, afin d'une part de minimiser les cas de litige, et d'autre part de ne pas profiter de l'influence significative qu'elle exerce sur ces marchés pour faire obstruction dans les négociations avec les opérateurs.
Ces obligations sont conformes aux critères fixés par l'article L. 38-V, en particulier les a, b et d en ce qu'elles sont aujourd'hui fournies par France Télécom, et permettent le développement de la concurrence. Elles sont proportionnées aux objectifs fixés à l'article L. 32-1-II du CPCE précités, en particulier les 2°, 3° et 4°.


IV-2.1.2. Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès et d'interconnexion nécessaires
à une concurrence effective sur les marchés de gros et de détail
IV-2.1.2.1. Offres de France Télécom existantes


France Télécom fournit aujourd'hui les offres suivantes au catalogue d'interconnexion ou dans ses conventions :
- les offres de liaisons louées partielles terminales « LPT » jusqu'à 2 Mbit/s (avec les prestations connexes associées du type LA, colocalisation et interconnexion in-span) ; cette prestation est inscrite dans le catalogue d'interconnexion de l'opérateur pour les LPT dites « locales » ;
- les « LPT » très haut débit de 34 et 155 Mbit/s (avec les mêmes prestations techniques que pour les débits inférieurs à 2 Mbit/s) ; cette prestation est inscrite dans les conventions d'interconnexion avec les autres opérateurs ;
- une offre sur le circuit interurbain (« LLT », Liaison Louée de Transport) entre la métropole et l'île de la Réunion.
En outre, France Télécom commercialise également des offres d'accès aux opérateurs sur le marché de gros :
- une offre de capacité avec interface ATM et Ethernet sur support xDSL allant de 128 kbit/s à 4 Mbit/s (jusqu'à présent), « TDSL ». A la suite de l'analyse de marché des offres d'accès large bande livrées au niveau régional, France Télécom publie désormais une offre de référence « DSL-E » (39) ;
- une offre de capacité dénommée « CN2 » avec interface Ethernet 1920 kbit/s en cas de livraison au brasseur ATM, et interface G703 2048 kbit/s en cas de livraison au NRA ;
- une offre de capacité avec interface Ethernet en fibre optique entre 6 et 100 Mbit/s, « CE2O », qui est vendue hors catalogue aux opérateurs pour raccorder leurs sites clients principalement ;
- une offre de capacité avec interface ATM et Ethernet sur supports xDSL pour les débits inférieurs à 6 Mbit/s et fibre optique au-delà, « AIRCOM », vendue aux opérateurs mobiles pour raccorder leurs BTS à leurs MSC (40) ;
- une offre de capacité avec interfaces SDH et GigaEthernet de débits compris entre 34 Mbit/s et 2,5 Gbit/s, « VPN HD », vendue aux opérateurs à la fois pour raccorder des très gros sites clients et leurs points de présence entre eux ;
- des offres de liaisons louées aux opérateurs entre la métropole et les départements d'outre-mer, et entre les départements d'outre-mer ;
- des offres de « compléments terrestres » en métropole et dans les départements d'outre-mer entre les stations d'atterrissement des câbles sous-marins et les brasseurs du réseau RTNM les plus proches.