V-3.1.2. L'obligation de non-discrimination
Le risque de pratiques discriminatoires de France Télécom justifie l'obligation de les proscrire, sur les marchés pertinents de la téléphonie fixe de détail du territoire d'analyse ; cette obligation est nécessaire tant que les mesures prévues pour les opérateurs puissants sur les marchés de gros ne permettent pas de lever un tel risque. L'obligation de non-discrimination, à la lumière de l'article 17 de la directive « service universel », ne limite pas la possibilité pour France Télécom de différencier ses offres, si ces différences sont objectivement justifiées d'un point de vue technique, économique ou commercial et qu'elles n'affectent pas la concurrence ni les utilisateurs.
L'obligation de proscrire les pratiques discriminatoires est imposée jusqu'au 1er septembre 2008, sur les prestations incluses dans les marchés pertinents de l'accès résidentiels et professionnels, et sur les prestations des marchés pertinents des communications résidentielles et professionnelles, à l'exclusion des communications non associées à un accès inclus dans un marché pertinent de détail.
Eu égard aux obstacles à la concurrence démontrés ci-dessus sur les marchés de détail, et dans la mesure où les obligations imposées au titre de l'accès et de l'interconnexion ne permettraient pas le développement effectif de la concurrence sur ces mêmes marchés de détail, cette obligation est proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1 précité et en particulier aux objectifs définis par les 2° et 3°.
Par ailleurs, si la commercialisation de produits de téléphonie fixe par des filiales de France Télécom engendrait des problèmes concurrentiels non identifiés à ce jour, l'Autorité pourrait être amenée à préciser certains éléments de la présente décision ou à modifier certaines obligations.
V-3.2. Proscription des couplages abusifs
L'article L. 38-1-I (1°) du CPCE prévoit la possibilité d'imposer l'obligation de « ne pas coupler abusivement [les prestations] » ; l'article 17 de la directive « service universel » prévoit l'obligation de « ne pas groupe[r] [les] services de façon déraisonnable ».
V-3.2.1. Les couplages abusifs
Le lien de couplage entre deux offres peut être d'ordre tarifaire, contractuel ou technique ; il renvoie aux ventes liées désignant l'association d'une offre en monopole ou en quasi-monopole et d'une offre concurrentielle, avec un rabais sur la première. Un couplage n'est pas abusif en soi, il le devient s'il ne comporte aucune justification objective, s'il constitue un obstacle à la commercialisation d'offres concurrentes, et/ou s'il porte atteinte aux intérêts des clients.
Un couplage abusif peut conduire à limiter la demande dont peuvent bénéficier les concurrents, ou à augmenter le coût de l'entrée sur le marché, ce qui peut la rendre impossible.
Sur les marchés de détail de la téléphonie fixe, on peut actuellement identifier la vente liée de l'accès au réseau téléphonique public et des communications fixes qui y sont associées comme un couplage abusif.
Les communications VLB peuvent pour leur part être couplées avec un accès inclus dans les marchés pertinents de détail pour la clientèle résidentielle sans que ce couplage ne paraisse abusif a priori.
V-3.2.2. Le risque de couplages abusifs
La puissance de France Télécom sur les marchés de détail et sur les marchés de gros de la téléphonie fixe le place dans une position qui rend possible des couplages abusifs, soit tarifairement, soit contractuellement, soit techniquement. Il existe un risque particulier que l'opérateur puissant ne cherche, en liant deux produits appartenant à des marchés de détail différents, à tirer avantage de sa puissance sur l'un des marchés de détail pour restreindre, par effet de levier horizontal, la concurrence sur un autre marché de détail.
Il existe également un risque que l'opérateur puissant cherche, en couplant un service donné pour lequel il ne fournit pas d'offre de gros adaptée, à tirer avantage de sa puissance sur les marchés de gros pour restreindre, par effet de levier vertical, la concurrence sur les marchés de détail situés en aval (situation où une entreprise disposant d'une influence significative sur un marché de gros peut étendre son pouvoir de marché vers un autre marché de gros ou un marché de détail qui lui est lié). La régulation des marchés de gros permet de faire bénéficier les opérateurs concurrents d'une modification de l'offre disponible pour proposer à leur tour des offres couplées ; elle ne permet cependant pas de prévenir le risque de couplages abusifs.
Des pratiques de couplages abusifs ont pu être évitées dans le cadre de l'homologation des tarifs de France Télécom. En 2002, l'analyse concurrentielle de deux couplages consistant en une promotion réservée aux clients résidentiels d'une offre d'accès ADSL et d'une offre de téléphonie fixe avait montré qu'ils comportaient un déséquilibre réel pour le développement de la concurrence, car ils comprenaient l'abonnement à une offre d'accès à internet à haut débit sans que ce segment soit encore concurrentiel. Il s'agissait des couplages entre les forfaits « Les heures locales » et « Les heures France », d'une part, et l'offre « La Ligne ADSL. 512 », d'autre part (68).
Le couplage d'offres pour lesquelles il existe des concurrents détenant des parts de marché très inférieures à celles de France Télécom (ce qui reste le cas de la totalité des prestations fournies sur les marchés pertinents de détail de la téléphonie fixe) nécessite donc au cas par cas une analyse concurrentielle.