Article (Circulaire du 27 janvier 1993 relative à la présentation de l'ensemble des dispositions de la loi du 4 janvier 1993 et commentaire analytique de celles d'entre elles qui modifient le code de procédure pénale, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante)
Paris, le 27 janvier 1993.
Le garde des sceaux, ministre de la justice, à Madame et Messieurs les procureurs généraux, Mesdames et Messieurs les procureurs de la République.
La loi du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale a été adoptée le 20 décembre 1992 par le Parlement et publiée au Journal officiel de la République française le 5 janvier 1993.
Par circulaire du 31 décembre 1992, à laquelle était annexé un calendrier des entrées en vigueur, les dispositions de la loi applicables dès sa publication ont été commentées.
La présente circulaire a pour objet de rappeler l’esprit dans lequel le législateur a adopté cette loi et d’exposer les principales de ses dispositions. En annexe, est joint un comparatif des textes nouveaux et des textes anciens.
Dans quelques jours vous sera adressé le commentaire analytique, article par article, de toutes les dispositions nouvelles ou modifiées du code de procédure pénale, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, ainsi que les formulaires et imprimés qui faciliteront l’entrée en vigueur des dispositions de la loi applicables à compter du 1er mars 1993.
Notre procédure pénale aura bientôt deux siècles d’existence. Si profondément amendée qu’elle ait été au fil des années, elle conserve intacte sa trame initiale. La philosophie des auteurs du code d’instruction criminelle, pour qui le souci d’un Etat fortement armé contre le crime primait celui des droits individuels, demeure perceptible.
Nul ne conteste que l’Etat doive assurer sa mission de prévenir et réprimer la délinquance et le crime, avec efficacité et célérité. En même temps, les droits de la personne doivent être garantis et exercés librement devant les juridictions répressives. Entre des impératifs parfois contradictoires, l’évolution des différents systèmes de droit traduit la recherche du meilleur équilibre.
Nos institutions pénales ont mal résisté à la critique, qu’elle émane des professionnels du droit, des magistrats eux-mêmes, ou soit exprimée par l’opinion publique.
Il leur est reproché de ne pas toujours assurer la conduite du procès pénal dans un délai raisonnable, de ne pas contenir suffisamment la durée de la détention provisoire, et de manquer parfois de l’efficacité nécessaire.
Les droits des personnes poursuivies et ceux des victimes, tels qu’ils sont organisés et exercés, ne sont pas suffisamment garantis et ne satisfont pas pleinement à nos engagements internationaux. Un profond déséquilibre subsiste entre les droits des parties et ceux du ministère public.
Les atteintes à la présomption d’innocence qui s’attachent au mécanisme de l’inculpation, et parfois aux communications de la presse, ne sont ni prévenues ni réparées.
La recherche de meilleurs équilibres entre les droits des parties et l’efficacité de l’institution pénale a suscité, ces dernières années, une réflexion approfondie et d’importants projets de réforme.
La loi n° 85-1303 du 10 décembre 1985 portant réforme de la procédure d’instruction en matière pénale visait à remplacer le juge d’instruction par une collégialité composée de trois magistrats du siège dont deux au moins devaient être juges d’instruction. Revenaient à la collégialité les décisions juridictionnelles les plus importantes, et en particulier le contentieux de la détention provisoire. Cette loi fut abrogée avant sa mise en application.
La loi n° 87-1062 du 30 décembre 1987 relative aux garanties individuelles en matière de placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire et portant modification de la procédure pénale prévoyait de dissocier la conduite de l’information du placement en détention provisoire. Cette dernière mesure était confiée à une formation collégiale du tribunal de grande instance dont le juge d’instruction saisi de l’affaire ne pouvait pas être membre. Une nouvelle fois, ce dispositif fut abrogé avant d’entrer en vigueur.
En 1988, le ministre de la justice a confié à la commission Justice pénale et droits de l’homme la conduite d’une réflexion d’ensemble sur la procédure pénale française. Rendues publiques en juin 1990, les propositions de la commission, qui tendaient à supprimer l’institution du juge d’instruction et à dissocier les fonctions juridictionnelles et les fonctions d’enquête, ont suscité un large écho, des commentaires et des controverses.
Se gardant d’une entreprise de réforme trop radicale qui comportait le risque d’une paralysie des institutions répressives, le Gouvernement retenait au conseil des ministres du 20 novembre 1991 les orientations d’une modernisation profonde de la procédure pénale afin d’assurer une meilleure protection des droits fondamentaux des personnes et d’accroître l’efficacité des institutions pénales. Le projet de loi était adopté au conseil des ministres du 26 février 1992. Ce projet était ultérieurement complété par des dispositions visant à mieux protéger la présomption d’innocence et à réorganiser l’audience pénale.
Soumis au Parlement au cours de la session d’automne 1992, le projet du Gouvernement a été largement discuté et amendé.
La loi du 4 janvier 1993, issue de ces débats, est divisée en quinze titres, et porte sur l’ensemble du procès pénal, de l’enquête à l’audience, et crée ou modifie de nombreuses dispositions du code de procédure pénale ainsi que différents autres textes.
La loi vise à :
- améliorer les garanties individuelles par la réforme des dispositions du code de procédure pénale relatives à la garde à vue et à la détention provisoire ;
- renforcer la présomption d’innocence par la suppression de l’inculpation et différentes dispositions permettant de prévenir ou sanctionner les atteintes au principe posé par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;
- assurer un meilleur équilibre entre les parties au procès pénal par le renforcement du caractère contradictoire de la procédure préparatoire et de l’audience pénale ;
- accroître l’efficacité de l’institution répressive par le développement du travail en équipe des juges d’instruction, la réforme du régime des nullités de procédure et l’abrogation du dispositif dit des privilèges de juridiction.
Enfin, elle comporte diverses dispositions de simplification et de modernisation de la procédure pénale, telle la suppression des frais de justice.
1. L’amélioration des garanties individuelles
1.1. Le régime nouveau de la garde à vue
Les dispositions nouvelles relatives à la garde à vue, contenues dans le titre II de la loi, entreront en vigueur le 1er mars 1993. Toutefois, pour l’application du nouvel article 63-4 du code de procédure pénale, un régime transitoire est prévu du 1er mars 1993 au 1er janvier 1994.
Ces dispositions précisent les conditions d’exécution de la garde à vue et renforcent les droits des personnes qui se trouvent, par cette mesure, privées de leur liberté.
1.1.1. Le renforcement du contrôle des mesures de garde à vue, par l’autorité judiciaire.
Les procureurs de la République, dans le cadre des pouvoirs de direction de la police judiciaire qu’ils tiennent des articles 12 et 41 du code de procédure pénale, ont d’ores et déjà le pouvoir de contrôler le déroulement des gardes à vue en se déplaçant sur les lieux d’exécution de ces mesures. Pour autant, le principe de ce contrôle n’était pas posé dans la loi.
Les dispositions adoptées visent aussi, comme la création d’un article 19-1 du code de procédure pénale (art. 2 de la loi) selon lequel la notation judiciaire de l’officier de police judiciaire est prise en compte pour toute décision d’avancement, à renforcer encore les pouvoirs de direction des autorités judiciaires sur l’activité de police judiciaire.
L’article 41 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé (art. 5 de la loi) : « le procureur de la République contrôle les mesures de garde à vue ».
Pour accroître l’effectivité de ce contrôle, l’officier de police judiciaire, si la décision de placement en garde à vue d’une personne demeure de sa responsabilité propre, a l’obligation d’en informer le procureur de la République. Le principe est posé au premier alinéa du nouvel article 63 du code de procédure pénale (art. 9 de la loi) si la mesure est exécutée dans le cadre d’une enquête de flagrance, et au premier alinéa du nouvel article 77 du même code (art. 15 de la loi), si la mesure est exécutée dans le cours d’une enquête préliminaire. Le premier alinéa du nouvel article 154 du code de procédure pénale (art. 18 de la loi) impose à l’officier de police judiciaire l’obligation de prévenir le juge d’instruction lorsque la mesure de garde à vue est prise pour l’exécution d’une commission rogatoire.
La loi prévoit que ces avis, dont la mention au procès-verbal fait foi, doivent être donnés sans délai au magistrat. Il appartiendra aux procureurs de la République comme aux juges d’înstruction de déterminer les conditions matérielles dans lesquelles ces informations devront leur parvenir.
Je suis conscient des sujétions supplémentaires que ces dispositions nouvelles entraîneront pour les magistrats. Je tiens cependant pour essentielle à la protection des personnes et à la garantie des libertés individuelles, cette mission qui leur est confiée par la loi.
1.1.2. Les conditions juridiques du placement en garde à vue et de prolongation de la mesure.
En enquête de flagrance, les circonstances qui permettent le placement en garde à vue d’une personne ne sont pas modifiées. L’officier de police judiciaire peut, pour, les nécessités de l’enquête, retenir à sa disposition les personnes qui se trouvaient sur les lieux de l’infraction ou qui sont susceptibles de fournir des renseignements sur les faits ou les objets ou documents saisis, visées aux articles 61 et 62 du même code. Toutefois, l’article 63 du code de procédure pénale est complété (art. 9 de la loi) et prévoit que les personnes à l’encontre desquelles n’existe aucun élément de nature à motiver l’exercice de poursuites ne peuvent être retenues que le temps nécessaire à leur déposition sans que cette durée puisse excéder vingt-quatre heures.
En enquête préliminaire, l’ancien article 77 du code de procédure pénale autorisait le placement en garde à vue de toute personne pour les nécessités de l’enquête. Le nouvel article 77 (art. 15 de la loi) prévoit que ne peuvent être placées en garde à vue pour les nécessités de l’enquête préliminaire que les personnes à l’encontre desquelles existent des indices faisant présumer qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction.
Les témoins ne peuvent être retenus, aux termes du nouvel article 78, alinéa 2 (art. 16 de la loi), que le temps strictement nécessaire à leur audition.
Il a été soutenu que la suppression de la possibilité de placer un témoin en garde à vue en enquête préliminaire réduirait les possibilités d’investigations. Tel ne sera pas le cas. En effet, si dans le cadre préliminaire l’officier de police judiciaire pouvait placer un témoin en garde à vue, il ne disposait d’aucun pouvoir de coercition et ne pouvait décider d’une telle mesure qu’à l’égard des personnes qui déféraient à une convocation ou se présentaient spontanément. Il est mis fin à cette incohérence. Le nouvel article 78 du code de procédure pénale (art. 16 de la loi) prévoit que dans le cadre de l’enquête préliminaire, les personnes convoquées par un officier de police judiciaire ont l’obligation de comparaître. Si elles ne satisfont pas à cette obligation, l’officier de police judiciaire en réfère au procureur de la République qui peut décider de les y contraindre par la force publique.
Cette disposition nouvelle est le corollaire de la définition de conditions de fond au placement en garde à vue dans le cadre d’une enquête préliminaire. Elle permettra d’éviter l’ouverture d’une information aux seules fins d’audition d’un témoin récalcitrant et, par ailleurs, réduira le nombre des procédures conduites par défaut.
Pour l’exécution d’une commission rogatoire, le nouvel article 154 du code de procédure pénale (art. 18 de la loi), pas davantage que l’ancien, ne prévoit de condition particulière à la mise à exécution de la mesure de garde à vue.
S’agissant de la prolongation de la garde à vue, qu’aucune condition ne soit exigée en enquête préliminaire, alors que des critères stricts étaient prévus en enquête de flagrance, constituait une étrangeté et un défaut flagrant de garantie des libertés individuelles. Les nouveaux articles 63, d’une part, et 77, d’autre part (art. 9 et 15 de la loi), disposent que la garde à vue ne peut être prolongée que si les éléments recueillis sont de nature à motiver l’exercice de poursuites.
Pour l’exécution d’une commission rogatoire, le nouvel article 154 du code de procédure pénale (art. 18 de la loi) ne crée aucune condition juridique particulière à la prolongation de la mesure qui relève de la décision du juge d’instruction.
En enquête préliminaire ou de flagrance, l’officier de police judiciaire, à l’expiration du délai de vingt-quatre heures, présente la personne placée en garde à vue au procureur de la République saisi des faits ou au procureur de la République du lieu d’exécution de la mesure si l’enquête est diligentée dans un autre ressort.
A l’issue de la présentation de la personne gardée à vue, le procureur de la République peut accorder par autorisation écrite la prolongation de la mesure. Il en fixe alors la durée qui peut être inférieure à vingt-quatre heures, mais ne peut excéder cette durée. A titre exceptionnel, le procureur de la République peut accorder l’autorisation de prolongation de la mesure sans que la personne lui soit présentée. Il doit alors prendre une décision écrite et motivée tant sur les raisons de la prolongation que sur l’absence de présentation.
Pour la prolongation d’une mesure de garde à vue en exécution d’une commission rogatoire, le nouvel article 154 prévoit des formes similaires.
Pour faciliter les conditions d’exécution et de contrôle des mesures de garde à vue en région parisienne, les nouveaux articles 63, 77 et 154 prévoient que les ressorts des tribunaux de grande instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil constituent un seul et même ressort.
Les dispositions applicables aux mineurs sont, elles aussi, modifiées. Le nouvel article 4 de l’ordonnance du 2 février 1945 (art. 109 de la loi) dispose que le mineur de treize ans ne peut être placé en garde à vue. De plus, aucune prolongation de la garde à vue d’un mineur de plus de treize ans ne peut être décidée sans la présentation préalable de l’intéressé au procureur de la République ou au juge chargé de l’information.
1.1.3. Les droits nouveaux des personnes placées en garde à vue.
La garde à vue étant une mesure privative de liberté, il était nécessaire de redéfinir et de créer des droits au profit des personnes retenues, de manière à rompre leur isolement sans pour autant compromettre l’enquête en cours. Ces droits sont prévus par les nouveaux articles 63-1 à 63-4 du code de procédure pénale (art. 10 de la loi).
Aux termes du nouvel article 63-1 du code de procédure pénale, la personne placée en garde à vue doit être immédiatement informée des droits qu’elle tient de la loi ainsi que des dispositions légales relatives à la durée de la garde à vue. Ces informations doivent lui être données dans une langue qu’elle comprend.
Le nouvel article 63-2 crée au bénéfice de la personne placée en garde à vue le droit de demander que soit prévenu par téléphone un membre de sa famille. Cependant, les modalités d’exercice de ce droit, que reconnaissent la plupart des démocraties européennes, prennent en compte les impératifs de l’enquête. En effet, la personne placée en garde à vue n’a pas personnellement de contact avec sa famille. En outre, si l’officier de police judiciaire estime que cet avis à la famille peut porter tort au développement de l’enquête, il en réfère sans délai au procureur de la République qui décide de faire droit ou non à la demande, ou peut encore différer l’avis à la famille.
Si la personne gardée à vue est mineure, le nouvel article 4 de l’ordonnance du 2 février 1945 (art. 109 de la loi) prévoit que l’officier de police judiciaire doit informer les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur de la mesure dont elle est l’objet. Il ne peut y être fait exception que sur décision du procureur de la République ou du juge chargé de l’information, et pour la durée que ce magistrat détermine.
Le nouvel article 63-3 redéfinit les conditions dans lesquelles une personne placée en garde à vue est l’objet d’un examen médical. Toute personne placée en garde à vue peut demander à être examinée par un médecin et renouveler cette demande en cas de prolongation de la mesure. Si la personne placée en garde à vue s’en abstient, l’examen médical est aussi de droit si un membre de la famille en fait la demande. Celui ou celle qui fait la demande d’examen médical choisit le médecin sur une liste établie par le procureur de la République.
En outre, à tout moment de l’exécution de la mesure, le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire peut d’office désigner un médecin pour procéder à l’examen de la personne.
Dans tous les cas, le médecin doit se prononcer notamment sur l’aptitude au maintien en garde à vue de la personne.
Le nouvel article 63-4 du code de procédure pénale se rapporte à l’entretien de la personne en garde à vue avec un avocat.
Le projet du Gouvernement ne comportait pas de dispositions permettant à l’avocat d’intervenir dans les locaux de garde à vue. Au cours des débats parlementaires, de larges convergences sont apparues à l’Assemblée nationale pour retenir ce droit nouveau que reconnaissent déjà les législations des grandes démocraties européennes. Le Gouvernement ne s’est pas opposé à ce que le projet soit amendé en ce sens.
Le nouvel article 63-4 du code de procédure pénale, tel qu’applicable au 1er janvier 1994, dispose que, dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s’entretenir avec un avocat. Si l’avocat qu’elle a désigné ne peut être contacté ou si elle n’est pas en mesure d’en désigner un, la personne peut demander qu’il lui soit désigné un avocat d’office.
L’avocat peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions de confidentialité garantie. L’entretien ne peut excéder trente minutes. L’avocat peut présenter des observations écrites qui sont jointes à la procédure.
Lorsque la garde à vue est soumise aux règles particulières de prolongation prévues en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants, le droit à l’entretien avec un avocat ne peut être exercé qu’au terme de quarante-huit heures.
L’article 231 de la loi prévoit un régime transitoire applicable du 1er mars 1993 au 1er janvier 1994. Durant cette période, le droit à un entretien avec l’avocat ne peut être exercé que lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le début de la mesure. Dans les cas où la garde à vue est soumise à des règles particulières de prolongation, ce délai est porté à quarante-huit heures.
1.2. Les dispositions nouvelles relatives à la détention provisoire
Le projet déposé par le Gouvernement prévoyait, dans l’esprit qui avait présidé à la loi du 10 décembre 1985, que les décisions de placement en détention provisoire et de prolongation de la mesure devaient revenir à une collégialité composée de trois magistrats du siège dont le juge d’instruction chargé de l’affaire.
Il apparaissait en effet nécessaire à une meilleure garantie des libertés individuelles que les décisions se rapportant à la liberté des personnes ne relèvent plus du seul juge d’instruction. Ce magistrat, dont la fonction est profondément ancrée dans notre culture, est aussi, trop souvent, la cible de vives critiques. Il décide seul, allègue-t-on, de l’honneur et de la liberté des personnes poursuivies. La réunion entre les mêmes mains d’aussi larges prérogatives, quelles que soient les qualités humaines et professionnelles et le dévouement des personnes qui exercent la fonction, n’est plus aujourd’hui aisément acceptée.
Si les préoccupations du gouvernement ont été bien comprises, les dispositions du projet ont été toutefois largement amendées au cours des travaux parlementaires.
Les dispositions nouvelles relatives à la détention provisoire sont contenues dans le titre VI de la loi du 4 janvier 1993. Elles entreront pour la plupart en vigueur le 1er janvier 1994. Toutefois, à compter du 1er mars 1993 et jusqu’au 1er janvier 1994, des dispositions transitoires sont prévues.
S’agissant des mineurs, les dispositions nouvelles relatives à la détention provisoire sont inscrites à l’article II modifié de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante (art. 117 de la loi). Un régime transitoire est prévu de la même manière.
1.2.1. L’autorité compétente en matière de placement en détention provisoire et de prolongation de la mesure.
Le nouvel article 137-1 du code de procédure pénale (art. 57 de la loi) prévoit que la détention provisoire est prescrite ou prolongée par une chambre d’examen des mises en détention provisoire. Cette instance collégiale est présidée par un magistrat du siège désigné par le président du tribunal de grande instance. Elle est complétée par deux assesseurs échevins désignés par le président du tribunal sur une liste établie annuellement par l’assemblée générale de la juridiction.
Le magistrat qui a siégé dans la chambre d’examen des mises en détention provisoire ne peut à peine de nullité prendre part au jugement des affaires dont il a connu en qualité de membre de la chambre.
La loi n’apporte pas davantage de précision sur les modalités et conditions de recrutement des échevins, ni sur les dispositifs qui permettront de garantir leur impartialité. Sur ces différents points, des dispositions complémentaires devront donc être prises.
En application de l’article 228 de la loi, la collégialité échevinée compétente en matière de détention provisoire et les dispositions relatives à la procédure devant elle entreront en application le 1er janvier 1994. Toutefois, un régime transitoire est prévu par les articles 232 à 244 de la loi, qui recevra application à compter du 1er mars 1993 jusqu’au 1er janvier 1994.
L’article 137-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction transitoire (art. 235 de la loi), prévoit que la détention provisoire est prescrite ou prolongée par le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui.
Dès lors, durant la période transitoire, les garanties individuelles nouvelles ne tiennent pas au caractère collégial de l’instance compétente, mais à la dissociation de la fonction d’enquête et de la fonction juridictionnelle qui s’attache à la détention provisoire.
Pour les mineurs, l’article 11 nouveau de l’ordonnance du 2 février 1945 (art. 117 de la loi) prévoit que la détention provisoire est prescrite ou prolongée par une chambre d’examen des mises en détention provisoire des mineurs présidée par un magistrat du siège désigné par le président du tribunal de grande instance et complétée de deux assesseurs échevins désignés par le président du tribunal sur une liste établie annuellement par l’assemblée générale du tribunal. Cette disposition entrera en vigueur le 1er janvier 1994. A compter du 1er mars 1993 et jusqu’au 1er janvier 1994, le placement en détention provisoire d’un mineur ou la prolongation de la mesure relèvera du président du tribunal de grande instance ou du juge délégué par lui, saisi par le juge des enfants ou le juge d’instruction (art. 244 de la loi).
Ce sont les dispositions de procédure telles qu’elles seront applicables devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué durant la période transitoire, qui seront évoquées ci-après. Ces dispositions ne sont pas sensiblement différentes de celles qui seront ultérieurement applicables devant la formation collégiale.
1.2.2. Les règles de procédure applicables devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué en matière de détention provisoire.
Aux termes du nouvel article 137-1 tel qu’il résulte de l’article 235 de la loi, le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué se prononce à la demande du juge d’instruction chargé de l’affaire lorsque celui-ci envisage un placement en détention provisoire ou une prolongation de la mesure, considérant que les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes.
Le nouvel article 145 du code de procédure pénale (art. 238 de la loi) prévoit que lorsque le juge d’instruction chargé de l’affaire envisage un placement en détention provisoire, il avise la personne, si elle n’est pas assistée d’un avocat, de son droit d’en choisir un ou d’en demander la désignation d’office. Il l’avise aussi qu’elle peut demander un délai pour préparer sa défense.
Si la personne demande un délai, le juge d’instruction peut prescrire par ordonnance motivée et non susceptible d’appel une incarcération provisoire pour une durée qu’il détermine et qui ne peut excéder quatre jours ouvrables.
Dans l’hypothèse où le président du tribunal ou le juge délégué n’est pas en mesure de statuer immédiatement, l’incarcération provisoire peut être prescrite dans les mêmes formes pour une durée qui ne peut excéder deux jours ouvrables.
Si le juge d’instruction ne saisit pas le président du tribunal ou le juge délégué sur des réquisitions de placement en détention provisoire, il rend dans les cinq jours, aux termes de l’article 82 complété (art. 26 et 233 de la loi), une ordonnance motivée dont le procureur de la République peut interjeter appel.
Le président du tribunal ou le juge délégué, devant lequel un nouveau délai aux fins de préparation de la défense ne peut être demandé, se prononce après un débat contradictoire en chambre du conseil au cours duquel sont entendues les réquisitions du ministère public, les observations de la personne et celles de son avocat. Il peut recueillir, s’il l’estime utile, les observations du juge d’instruction chargé de l’affaire.
Le président du tribunal ou le juge délégué examine les éléments du dossier et les incriminations retenues, et se prononce au regard des conditions mises à la détention provisoire par l’article 144 du code de procédure pénale. Lorsqu’il ne prescrit pas ni ne prolonge la détention provisoire, il peut placer la personne sous contrôle judiciaire.
Le législateur n’a pas prévu que le ministère public peut interjeter appel de la décision rendue par le président du tribunal ou le juge délégué.
En application de l’article 122 modifié du code de procédure pénale (art. 59 et 236 de la loi), le juge d’instruction peut décerner mandat de comparution, mandat d’amener et mandat d’arrêt. Il lui reviendra aussi, en exécution de la décision du président du tribunal ou du juge délégué, de décerner mandat de dépôt. Il importe en effet que le titre qui emporte détention soit signé par le juge d’instruction en charge du dossier, qui aura à statuer sur les demandes de mise en liberté ou de permis de visite, et auquel il sera référé en cas d’incident au cours de la détention.
Les conditions de délai mises à la détention provisoire et les échéances auxquelles doivent avoir lieu les débats contradictoires aux fins de prolongation, telles qu’elles résultent notamment de la loi du 6 juillet 1989 relative à la détention provisoire, ne sont pas modifiées.
La détention provisoire en matière correctionnelle demeure limitée à quatre mois. Toutefois, ainsi qu’il est dit à l’article 145-1 modifié, alinéa 1, du code de procédure pénale (art. 239 de la loi), la détention provisoire peut être prolongée à l’expiration de ce délai par une décision du président du tribunal ou du juge délégué.
Dans les cas où la détention provisoire en matière correctionnelle peut, à titre exceptionnel, être prolongée au-delà d’un an, il revient au président du tribunal ou au juge délégué de décider de la prolongation pour une durée qui ne peut être supérieure à quatre mois. Cette décision est alors rendue après un débat contradictoire comme il est prévu aux alinéas 6 et 7 du nouvel article 145.
En matière criminelle, aux termes du nouvel article 145-2 du code de procédure pénale (art. 240 de la loi), la décision de prolonger la détention provisoire au-delà d’un an est prise par le président du tribunal ou le juge délégué qui statue après un débat contradictoire comme il est prévu aux alinéas 6 et 7 du nouvel article 145.
La loi n’ayant pas édicté d’incompatibilité entre la fonction du président du tribunal ou du juge délégué statuant en matière de détention provisoire et celle de juge du fond, ce magistrat pourra prendre part au jugement d’une affaire qu’il aura connue à l’occasion d’un placement en détention provisoire ou d’une prolongation, pourvu qu’il soit satisfait à la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation et à celle de la Cour européenne des droits de l’homme et que son impartialité ne puisse être soupçonnée. Dans un arrêt du 16 décembre 1992, la Cour européenne a affirmé que seules des circonstances particulières peuvent justifier des appréhensions quant à l’impartialité d’un juge qui a pris des décisions sur la détention avant le procès au fond.
2. Le renforcement de la présomption d’innocence
Deux séries de dispositions de la loi du 4 janvier 1993 visent à prévenir ou à sanctionner les atteintes au principe de la présomption d’innocence inscrit dans notre ordre constitutionnel par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Ce sont celles du titre IV de la loi qui suppriment l’inculpation, et celles du titre V relatives au respect de la présomption d’innocence et aux garanties de la liberté de l’information.
2.1. La mise en examen au cours de l’instruction et la notification des charges
Le code de procédure pénale liait par l’inculpation trois faits de procédure par nature différents : l’avis à la personne que l’action publique est engagée contre elle dans le cadre de l’information préparatoire, l’exercice des droits de la défense et la notification des charges. Ce triple aspect de l’inculpation a suscité d’importantes difficultés. Le moment où l’inculpation est prononcée peut être inadéquat au regard de l’un ou l’autre de ses aspects. En certaines circonstances, l’avis à la personne qu’elle se trouve nommément poursuivie peut être tardif. En d’autres circonstances, le juge d’instruction peut être conduit à prononcer l’inculpation avant que des charges précises aient été réunies contre la personne afin qu’elle soit en mesure d’exercer les droits de la défense.
Or l’inculpation est devenue aux yeux de l’opinion publique un préjugement de culpabilité. La charge sémantique du mot « inculpation » que notre droit connaît depuis le début du XVIe siècle et que les grands dictionnaires définissent comme le fait de « charger quelqu’un d’une faute » y concourait fortement. Un tort grave pouvait être ainsi porté à l’honneur et à la réputation de personnes qui, pour environ 10 p. 100 d’entre elles, bénéficient ultérieurement d’une décision de non-lieu.
Au cours des travaux préparatoires et des débats parlementaires, chacun s’est accordé sur ce constat et la nécessité d’y porter remède. Il ne pouvait suffire de supprimer le mot « inculpation » pour y substituer une autre terminologie. Deux solutions opposées pouvaient être envisagées et ont été discutées.
La première conduisait à faire de l’inculpation, ou de la notification des charges à la personne poursuivie, une décision à caractère juridictionnel, rendue, le cas échéant, au terme d’un débat contradictoire et susceptible de recours. Cette solution est apparue comme de nature à susciter certains inconvénients et notamment celui de renforcer le caractère de préjugement sur la culpabilité qui s’attache à l’inculpation.
La seconde solution, retenue par le projet du Gouvernement puis amendée par le Parlement, consistait à redéfinir l’esprit et la progressivité du processus qui conduit une personne poursuivie soit à un non-lieu, soit à sa comparution devant la juridiction de jugement. Il convenait, dans cette perspective, de dissocier le moment procédural où naissent les droits de la défense de celui où les charges réunies contre une personne lui sont notifiées.
Le processus défini par la loi fonctionnera de manière différentes selon que l’information sera ouverte par réquisitions nominatives, par réquisitions non nominatives, ou sur plainte avec constitution de partie civile.
2.1.1. Le nouvel article 80-1 du code de procédure pénale (art. 23 de la loi) dispose que le réquisitoire introductif est pris contre une personne dénommée lorsqu’il existe à son encontre des indices graves et concordants laissant présumer qu’elle a pris part aux faits dont le juge d’instruction est saisi.
Lorsqu’il prend des réquisitions nominatives contre une personne, le procureur de la République l’en avise et l’informe de son droit d’être assistée d’un avocat qu’elle choisit ou d’un avocat commis d’office.
Si la personne ne lui est pas déférée, et que son domicile est connu, le procureur de la République l’avise par l’envoi d’une lettre recommandée.
Aux termes de l’alinéa trois du nouvel article 80-1, « toute personne nommément visée par un réquisitoire du procureur de la République est mise en examen devant le juge d’instruction et ne peut être entendue comme témoin ».
2.1.2. Le nouvel article 80-2 (art. 23 de la loi), prescrit que si apparaissent au cours d’une procédure d’instruction des indices graves et concordants contre une personne non visée au réquisitoire introductif, que cette information ait été ouverte contre x... ou contre d’autres personnes dénommées, le juge d’instruction ne peut plus entendre ni faire entendre cette personne comme témoin.
Le juge d’instruction, après en avoir avisé le procureur de la République, donne connaissance à la personne des faits dont il est saisi. Il l’avise aussi de son droit d’être assistée d’un avocat choisi ou commis d’office. Cette personne est de ce fait mise en examen.
Si la personne ne lui est pas déférée et si son adresse est connue, le juge d’instruction procède à ces formalités par l’envoi d’une lettre recommandée.
2.1.3. L’article 86 modifié du code de procédure pénale (art. 28 de la loi) prévoit que sur la plainte avec constitution de partie civile, le réquisitoire est pris contre personne dénommée lorsqu’il existe à l’encontre d’une personne des indices graves et concordants laissant présumer qu’elle a participé aux faits dont le juge d’instruction est saisi.
Dans ce cas, le procureur de la République avise la personne de ses réquisitions prises sur plainte avec constitution de partie civile et l’informe de son droit d’être assistée d’un avocat.
Le procureur de la République procède par l’envoi d’une lettre recommandée si la personne ne lui est pas déférée et si son adresse est connue.
En application du dernier alinéa de l’article 86 modifié du code de procédure pénale, le procureur de la République peut aussi, lorsque le juge d’instruction, en application du premier alinéa, non modifié, de ce même article 86, lui communique la plainte avec constitution de partie civile, et que cette plainte ne lui paraît pas suffisamment motivée ou justifiée, demander à ce magistrat, avant de prendre ses réquisitions, d’entendre la partie civile et le cas échéant d’inviter cette dernière à produire toute pièce utile.
Le nouvel article 104 du code de procédure pénale (art. 30 de la loi) s’inspire des dispositions relatives au témoin dit assisté et prévoit que toute personne nommément visée par une plainte avec constitution de partie civile peut demander, lorsqu’elle est entendue comme témoin, à bénéficier des dispositions applicables aux personnes mises en examen.
2.1.4. Les articles nouveaux 7 et 7-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 (art. 112 et 113 de la loi) prescrivent qu’à l’égard d’un mineur contre qui apparaissent des indices graves et concordants, le procureur de la République, le juge des enfants ou le juge d’instruction procèdent comme il est dit aux articles 80-1 et 80-2. Avis doit, en outre, être donné aux parents, tuteur, personne ou service auquel le mineur est confié.
2.1.5. La notion d’indices graves et concordants à laquelle il est fait référence par les articles 80-1, 80-2 et 86, est en tous points identique à celle qui figurait à l’article 105 du code de procédure pénale, lequel est de ce fait abrogé (art. 31 de la loi). En conséquence, il convient de se référer à la jurisprudence développée par la Cour de cassation sur l’ancien article 105 du code de procédure pénale, en particulier par ses arrêts rejetant un pourvoi au motif que des indices graves et concordants n’étaient pas réunis.
Alors que nul ne pourrait contester qu’il est légitime que, dans un état de droit, la personne nommément poursuivie par le ministère public en soit informée, il a été prétendu que la procédure prévue par les nouveaux articles 80-l, 80-2 et 86, et tout spécialement l’avis adressé à la personne qu’elle se trouve mise en examen, est susceptible de nuire à l’efficacité des investigations. Tel n’est certainement pas le cas.
En effet, dès lors qu’une mesure de sûreté, détention provisoire ou contrôle judiciaire paraîtra devoir être prononcée, la personne étant susceptible de se soustraire à la justice, de faire disparaître des preuves ou de renouveler l’infraction, celle-ci sera déférée. Dans le cas contraire, la personne sera avisée par lettre recommandée des poursuites engagées contre elle et il n’en résultera aucun dommage.
Il en sera de même lorsque l’enquête sera conduite sur commission rogatoire et qu’apparaîtront contre une personne non visée au réquisitoire introductif des indices graves et concordants, le nouvel article 80-2 ne prévoyant pas le délai pouvant s’écouler entre la constatation des indices graves et concordants et l’avis de mise en examen.
En définitive, la possibilité prévue de donner l’avis par lettre recommandée permettra de ne pas faire déférer une personne dont il n’y a pas lieu de craindre que son comportement compromette la suite des investigations.
2.1.5. La méconnaissance des dispositions des articles 80-1, 80-2 et 86 est sanctionnée lorsqu’il a été porté atteinte aux intérêts de la personne comme il est dit au nouvel article 172 du code de procédure pénale (art. 71 de la loi).
La vigilance dont ont toujours fait preuve les magistrats instructeurs et les officiers de police judiciaire dans la mise en oeuvre des prescriptions de l’ancien article 105 garantit la bonne application des règles nouvelles sur la mise en examen.
2.1.6. Le nouvel article 80-3 du code de procédure pénale (art. 23 de la loi) se rapporte à la notification des charges réunies contre la personne mise en examen.
Le projet du Gouvernement, dans le souci d’assurer la progressivité de la procédure d’instruction, prévoyait que le juge d’instruction devait notifier à la personne mise en examen les charges réunies contre elle. Cette notification, qui emportait « mise en cause » de la personne, pouvait intervenir à tout moment de la procédure mais était un préalable obligatoire à une mesure de sûreté. Le Parlement a adopté un dispositif diffèrent.
Il est prévu par le nouvel article 80-3 du code de procédure pénale (art. 23 de la loi) qu’aussitôt que l’information lui paraît terminée le juge d’instruction donne connaissance à la personne des présomptions de charges qu’il estime réunies contre elle et recueille ses observations. A cette occasion, le juge informe la personne que le dossier de la procédure sera communiqué au procureur de la République à l’issue d’un délai de vingt jours et que, passé ce délai, elle ne sera plus recevable à demander des investigations nouvelles ou à soulever une nullité de procédure. Cette notification n’a pas à être réitérée, sous réserve de l’appréciation en opportunité du juge d’instruction, même si, postérieurement, sont conduites des investigations complémentaires à la demande d’une partie.
Si, au terme de ses investigations, le juge d’instruction estime ne pas avoir recueilli contre la personne mise en examen de présomptions de charges constitutives d’infraction pénale, il doit en aviser la personne mise en examen pour satisfaire aux prescriptions du nouvel article 80-3.
Aux termes des articles 175, 177, 178, 179 et 181 modifiés du code de procédure pénale (art. 72, 43, 73, 74 et 75 de la loi), le procureur de la République prend ensuite ses réquisitions définitives, et le juge d’instruction rend, soit une ordonnance de non-lieu, soit une ordonnance de présomption de charges qui emporte renvoi devant le tribunal de police ou le tribunal correctionnel, ou qui, dans le cas d’un crime, emporte transmission de pièces au procureur général.
Ces dispositions nouvelles relatives à la mise en examen, à la notification des présomptions de charges et à l’ordonnance de présomptions de charges entreront en vigueur le 1er mars 1993 (art. 226 de la loi). Elles seront applicables aux procédures en cours à cette date, à l’exception de celles qui auront été communiquées avant cette date pour règlement définitif à la double condition que cette communication soit suivie d’un réquisitoire définitif et que le dossier soit réglé par le juge d’instruction. Les personnes inculpées dans les procédures en cours bénéficieront des droits de la personne mise en examen. Les personnes nommément visées par un réquisitoire introductif mais non inculpées à la date du 1er mars 1993 devront être mises en examen dans un délai de trois mois, soit avant le 1er juin 1993.
2. 2. Les dispositions garantissant le respect de la présomption d’innocence et la liberté de l’information
Ces dispositions, incluses dans le titre V de la loi, résultent d’amendements du Gouvernement qui sont venus compléter le projet de loi portant réforme de la procédure pénale.
Le projet de loi du Gouvernement visait à tirer toutes les conséquences procédurales du principe de la présomption d’innocence, notamment en supprimant le mécanisme de l’inculpation et en lui substituant une procédure plus respectueuse des droits des personnes. Il était nécessaire de veiller à ce que le respect du principe de la présomption d’innocence soit garanti de la même manière à l’occasion de la diffusion de l’information et, dans certaines circonstances, par le moyen même de la diffusion de l’information.
La diffusion d’informations mal maîtrisées sur le cours des procédures pénales par certains organes de presse trop soucieux de répondre à la curiosité du public et de susciter la sensation peut entraîner des dommages considérables aux personnes, à leur famille et à leur situation professionnelle.
Le caractère insatisfaisant des conditions pratiques dans lesquelles sont mises en oeuvre les prescriptions relatives au secret de l’enquête et de l’instruction a suscité une réflexion approfondie. Depuis 1971, plusieurs commissions réunissant magistrats, avocats et membres de la presse, ont formulé des propositions dont quelques-unes ont été soumises au débat parlementaire, mais dont aucune n’a pu être adoptée. Il était donc nécessaire d’aboutir.
Le Gouvernement a écarté comme irréaliste et peu conforme à sa préoccupation d’assurer au mieux les conditions d’exercice de la liberté de l’information, l’idée de développer des interdictions de publication attachées au secret de l’enquête et de l’instruction. Il s’est ainsi opposé aux amendements parlementaires qui visaient à interdire aux organes de presse la publication du nom des personnes poursuivies.
En revanche, le Gouvernement a proposé que la liberté et le devoir d’information soient mieux exercés et garantis, tant au bénéfice des personnes poursuivies que des membres de la presse et du public. Le Parlement a donc adopté les dispositions suivantes.
Les dispositions évoquées aux paragraphes 2.2.1 à 2.2.4 ci-après, sont entrées en vigueur dès la publication de la loi du 4 janvier 1993 et ont été commentées par ma circulaire du 31 décembre 1992.
2.2.1. Un nouvel article 9-1 est créé dans le code civil (art. 47 de la loi) qui affirme le droit de toute personne au respect de la présomption d’innocence.
Lorsqu’une personne est publiquement désignée, avant toute condamnation, comme coupable de faits qui font l’objet d’une enquête ou d’une information, elle peut demander au juge, au besoin en référé, qu’il ordonne l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, sans préjudice des autres mesures qui peuvent être prescrites en application du nouveau code de procédure civile, ni d’une action en réparation des dommages subis. Les mesures sont prises aux frais de l’auteur de l’atteinte à la présomption d’innocence.
En application du nouvel article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (art. 53 de la loi), cette action se prescrit après trois mois révolus à compter du jour de l’acte de publicité tel que défini à l’article 23 de la loi sur la presse.
2.2.2. Une personne qui se trouve impliquée dans une procédure judiciaire et au préjudice de qui la présomption d’innocence est méconnue, peut souhaiter s’abstenir provisoirement de toute action tant que l’autorité judiciaire ne s’est pas prononcée, sans pour autant renoncer à voir réparée l’atteinte qui lui a été portée.
Afin que cette personne nommée ou désignée publiquement à l’occasion d’une procédure pénale ne puisse se voir opposer, après une décision la mettant hors de cause, la prescription du délai d’un an durant lequel elle pouvait faire usage du droit de réponse, l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée sur la liberté de la presse (art. 50 de la loi) prévoit qu’un délai de trois mois est ouvert à compter du jour où la décision de non-lieu est intervenue ou du jour où la décision de relaxe ou d’acquittement est devenue définitive, pendant lequel la personne peut exercer ce droit.
En outre, par une autre modification de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (art. 51 de la loi), la répression du refus par le directeur de publication d’insérer une réponse faite en application de l’article 13 de la loi sur la presse est renforcée, l’amende prévue devenant correctionnelle.
Enfin, le cinquième alinéa de l’article 6 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, relatif au droit de réponse exercé auprès d’une entreprise de communication audiovisuelle, est modifié (art. 54 de la loi) et prévoit la réouverture pour une nouvelle période de huit jours du délai pendant lequel une personne physique ou morale qui a fait l’objet, à l’occasion d’une poursuite pénale, d’imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation et a bénéficié ensuite d’une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, peut exercer le droit de réponse.
2.2.3. Le nouvel article 65-2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (art. 53 de la loi) permet de la même manière à la personne victime d’une allégation diffamatoire à l’occasion de la relation publique d’un fait susceptible de revêtir une qualification pénale et qui n’a pas agi dans le délai de la prescription de presse, d’engager une action dans un délai de trois mois à compter du jour où une décision définitive ne la mettant pas en cause a été rendue sur les faits objets de l’allégation.
2.2.4. La modification de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (art. 52 de la loi) vise à renforcer la sécurité juridique des procédures de presse et à en accélérer le cours, en donnant un caractère interruptif de prescription aux réquisitions aux fins d’enquête prises par le procureur de la République, dès lors que ces réquisitions articuleront et qualifieront les provocations, outrages, diffamations et injures qui font l’objet de l’enquête.
2.2.5. Un tel dispositif qui renforce les garanties des personnes que des organes de presse mettent abusivement en cause à l’occasion d’une procédure pénale serait demeuré incomplet si la juridiction, lorsqu’elle met hors de cause une personne, ne devait le faire toujours que dans le silence des cabinets.
Si la publicité de l’audience pénale s’attache à une décision de relaxe ou d’acquittement, une décision de non-lieu peut demeurer non connue, alors même que l’inculpation qui l’avait précédée avait été portée à la connaissance de l’opinion publique.
C’est pourquoi, il est créé un article 177-1 du code de procédure pénale (art. 48 de la loi), aux termes duquel le juge d’instruction, sur la demande de la personne concernée, ordonne soit la publication intégrale ou partielle de sa décision de non-lieu, soit la publication d’un communiqué dont il fixe les termes, dans un ou plusieurs journaux ou périodiques, ou sa diffusion par un ou plusieurs services de communication audiovisuelle.
La création d’un article 212-1 du code de procédure pénale (art. 49 de la loi) prévoit que les mêmes dispositions s’appliquent dans le cas d’un arrêt de non-lieu rendu par la chambre d’accusation.
Ces dispositions entreront en vigueur le 1er mars 1993 (art. 225 de la loi). Elles s’appliqueront pour toute décision de non-lieu devenue définitive à compter de cette date.
2.2.6. En présence de deux principes en apparence contradictoires, celui de la présomption d’innocence et celui de la liberté de l’information, le progrès de l’état de droit ne peut se fonder sur la subordination de l’un à l’autre, mais doit être recherché dans leur renforcement respectif. La loi complète donc le dispositif, comme l’avait proposé la commission présidée par M. le conseiller d’Etat Errera, en renforçant la liberté de l’information.
C’est dans cette perspective qu’est créé un article 56-2 du code de procédure pénale (art. 55 de la loi) qui prévoit qu’aucune perquisition dans les locaux d’une entreprise de presse écrite ou audiovisuelle ne pourra être réalisée hors la présence d’un magistrat, juge d’instruction ou procureur de la République. Ces opérations ne devront pas conduire à porter atteinte au libre exercice de la profession de journaliste, ni faire obstacle à la diffusion de l’information ou la retarder de manière injustifiée. Il appartiendra au magistrat présent d’y veiller spécialement.
En outre, l’article 109 du code de procédure pénale relatif à l’audition des témoins durant l’instruction est complété (art. 56 de la loi) et pose le principe de la légitime protection de ses sources par le journaliste. Celui-ci, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de sa profession, sera libre de n’en pas révéler l’origine.
Ces dispositions entreront en vigueur le 1er mars 1993 (art. 225 de la loi).
3. Les garanties d’un meilleur équilibre des parties à la procédure pénale
Si notre procédure pénale demeure fortement marquée par les pouvoirs de direction des investigations confiés au juge d’instruction, son évolution depuis un siècle marque un progressif dégagement de la tradition inquisitoire. Une conception française s’est peu à peu dégagée. S’éloignant des principes de l’inquisitoire sans pour autant rejoindre ceux de l’accusatoire, notre système procédural développe une conception du dialogue et du contradictoire qui laisse au juge les plus grandes responsabilités et garantit aux parties, personnes poursuivies mais aussi victimes d’infractions, des droits substantiels. Il restait à poursuivre et parfaire cette évolution tant pour ce qui concerne l’instruction que pour ce qui concerne l’audience pénale.
3.1. Les droits des parties pendant l’instruction
Les droits nouveaux des parties au cours de l’instruction sont principalement définis au titre IV de la loi.
3.1.1. Le nouvel article 114 du code de procédure pénale (art. 32 de la loi) se rapporte aux conditions dans lesquelles les parties peuvent être entendues, interrogées ou confrontées par le juge d’instruction.
Elles ne peuvent l’être, comme il était déjà prévu à l’ancien article 118, qu’en présence de leurs avocats, ou ces derniers dûment appelés.
Alors que l’ancien article 118 prévoyait que l’avocat devait être convoqué au plus tard quatre jours ouvrables avant l’interrogatoire par lettre recommandée ou par avis remis contre récépissé, il est désormais prescrit que les avocats sont convoqués cinq jours ouvrables avant l’interrogatoire ou l’audition de la partie, soit par pli recommandé avec demande d’avis de réception, soit par télécopie avec récépissé, soit verbalement avec émargement au dossier.
Alors que la procédure devait être mise à leur disposition deux jours ouvrables avant l’interrogatoire de l’inculpé ou l’audition de la partie civile, il est désormais prévu par l’alinéa 3 du nouvel article 114 que la procédure est mise à la disposition des avocats quatre jours ouvrables avant la première comparution de la personne mise en examen ou la première audition de la partie civile.
Aux termes de l’alinéa quatre du même article, par dérogation aux dispositions qui précèdent, l’avocat est convoqué sans délai et par tout moyen en cas de défèrement de la personne devant le juge d’instruction. Il peut alors consulter immédiatement le dossier et s’entretenir librement avec la personne qu’il assiste.
Après la première comparution de la personne mise en examen ou de la première audition de la partie civile, le dossier de la procédure est, sur leur demande, mis à tout moment durant les jours ouvrables à la disposition des avocats, cette prescription consacrant une pratique largement observée des juges d’instruction. Les avocats peuvent en outre se faire délivrer, à leurs frais, copies des pièces du dossier pour leur usage exclusif et sans pouvoir en établir de reproduction.
A l’égard des mineurs, l’article 8 modifié de l’ordonnance du 2 février 1945 (art. 114 de la loi) prescrit que le juge des enfants qui instruit devra désormais respecter les formes des nouveaux articles 114 et 118 du code de procédure pénale. Cependant, le juge pourra, si l’urgence l’exige, entendre le mineur sur sa situation familiale et personnelle sans avoir procédé à la convocation de l’avocat.
3.1.2. Les dispositions du nouvel article 116 du code de procédure pénale (art. 34 de la loi) se rapportent aux conditions de la première comparution de la personne poursuivie.
La personne mise en examen, si elle n’est pas déférée, est convoquée ainsi que son conseil, dans les conditions prévues au nouvel article 114 du code de procédure pénale.
Lors de la première comparution de la personne mise en examen, en présence de son avocat ou celui-ci dûment appelé, le juge d’instruction constate l’identité de la personne et lui donne connaissance de chacun des faits dont il est saisi et pour lesquels elle est poursuivie. Ces faits sont mentionnés au procès-verbal. Après quoi, il procède à son interrogatoire.
Si la personne mise en examen est déférée, le juge d’instruction l’avertit qu’elle ne peut être immédiatement interrogée qu’avec son accord. Cet accord ne peut être valablement donné qu’en présence de l’avocat.
Toutefois, la personne déférée peut faire des déclarations spontanées qui sont alors recueillies par le juge d’instruction.
Le nouvel article 116-1 (art. 35 de la loi) prescrit que lorsque la personne mise en examen en fait la demande écrite, le juge d’instruction doit procéder à son interrogatoire de première comparution dans les quinze jours de la réception de la demande.
En outre, aux termes de l’alinéa 3 du nouvel article 82-1 du code de procédure pénale (art. 27 de la loi), la personne mise en examen peut faire la demande écrite d’être entendue par le juge d’instruction, si un délai de trois mois s’est écoulé depuis sa dernière comparution.
Le juge d’instruction doit, dans ce cas, procéder à l’interrogatoire dans les quinze jours de la réception de la demande.
3.1.3. Les dispositions nouvelles de l’article 81 (art. 24 de la loi) prévoient que le juge d’instruction peut ordonner un examen médical, un examen psychologique ou ordonner toutes mesures utiles. L’ancien article 81 prévoyait ensuite l’obligation pour le juge d’instruction de rendre une ordonnance motivée s’il refusait ces examens lorsqu’ils lui étaient demandés par la personne inculpée ou son avocat. Ces dernières dispositions de l’article 81 sont modifiées et complétées par deux alinéas (art. 24 de la loi) selon lesquels :
- la personne mise en examen ou son avocat doivent demander ces examens ou mesures utiles par écrit motivé ;
- le juge d’instruction, s’il n’entend pas y faire droit, doit rendre une ordonnance motivée dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande, ordonnance dont il peut être interjeté appel ;
- faute par le juge d’instruction de répondre dans le délai d’un mois, la partie peut saisir le président de la chambre d’accusation ;
- dans les huit jours de la réception du dossier, le président de la chambre d’accusation décide, par une ordonnance qui n’est pas susceptible de recours, s’il y a lieu ou non de saisir la chambre d’accusation. Dans l’affirmative, il transmet le dossier au procureur général pour qu’il prenne ses réquisitions. Dans la négative, il ordonne « par décision motivée » que le dossier de l’information soit renvoyé au juge d’instruction.
3.1.4. Le nouvel article 82-1 du code de procédure pénale (art. 27 de la loi) prévoit que les personnes mises en examen et les parties civiles peuvent, au cours de l’information, saisir le juge d’instruction d’une demande écrite et motivée tendant à ce qu’il soit procédé :
- à leur interrogatoire ou à leur audition ;
- à l’audition d’un témoin ;
- à une confrontation ;
- à un transport sur les lieux ;
- ou à ce qu’il soit ordonné la production par l’une des parties d’une pièce utile à l’information.
En revanche, les parties ne peuvent demander valablement au juge d’instruction des mesures d’investigation telles qu’une perquisition ou le placement d’une ligne téléphonique sous écoute.
S’il décide de ne pas faire droit à la demande, le juge d’instruction doit, dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande, rendre une ordonnance motivée, dont il peut être relevé appel. Faute de réponse dans le délai imparti, les dispositions du dernier alinéa nouveau de l’article 81 sont applicables.
3.1.5. Le nouvel article 87 du code de procédure pénale (art. 29 de la loi) a trait à la recevabilité de la partie civile.
Il est désormais prévu que le juge d’instruction doit notifier la constitution de partie civile incidente aux autres parties à la procédure. La constitution de partie civile peut être contestée par les parties ou par le procureur de la République dans les dix jours de l’avis. Le juge d’instruction statue sur la contestation par ordonnance motivée dont il peut être relevé appel. Ce magistrat peut aussi déclarer d’office l’irrecevabilité de la partie civile dans les dix jours de sa constitution.
Les droits attachés à la qualité de partie civile ne peuvent être exercés que dix jours après le dépôt de la plainte devant le juge d’instruction ou, s’il y a contestation, après qu’elle ait été rejetée, le cas échéant en appel. Les dispositions du troisième alinéa de l’article 197 sont modifiées (art. 46 de la loi) et prévoient que la partie civile déclarée irrecevable par le juge d’instruction n’a pas accès au dossier déposé au greffe de la chambre d’accusation dans le cadre de la procédure d’appel.
3.1.6. L’article 156 du code de procédure pénale relatif à la décision d’ordonner une expertise est modifié (art. 38 de la loi). Il était prévu que le juge d’instruction, s’il rejetait une demande d’expertise, devait rendre une ordonnance motivée. Il est désormais précisé que cette ordonnance doit être rendue dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande et, par référence aux dispositions du dernier alinéa du nouvel article 81, que si le juge d’instruction ne répond pas dans ce délai, la partie peut s’adresser directement au président de la chambre d’accusation.
Le dernier alinéa de l’article 167 relatif à la demande de contre-expertise est complété de la même manière (art. 40 de la loi).
3.1.7. Aux termes de l’article 145-3 nouveau du code de procédure pénale (art. 67 de la loi), toute personne placée en détention provisoire peut recevoir des visites sur son lieu de détention. Si, à l’expiration d’un délai d’un mois à compter du placement en détention, le juge d’instruction entend refuser un permis de visite à un membre de la famille, il doit prendre une décision écrite et motivée au regard des nécessités de l’information.
Cette décision peut être déférée au président de la chambre d’accusation qui statue dans les cinq jours par décision motivée mais non susceptible de recours.
3.1.8. Le nouvel article 175-1 du code de procédure pénale (art. 41 de la loi) crée, au bénéfice de la personne mise en examen ou de la partie civile, le droit, à l’expiration du délai d’un an à compter soit de la mise en examen pour la première soit de sa constitution pour la seconde, de demander au juge d’instruction de prononcer le renvoi devant la juridiction de jugement ou le non-lieu.
Dans le délai d’un mois à compter de la réception de cette demande, le juge d’instruction, par ordonnance spécialement motivée, soit fait droit à la demande et, s’il y a lieu, procède à la notification des charges prévue à l’article 80-3 puis communique le dossier pour règlement, soit déclare qu’il y a lieu à poursuivre l’information. Les parties ne peuvent former recours contre l’ordonnance du juge d’instruction rendue dans le délai.
A défaut pour le juge d’instruction de statuer dans le délai prescrit, la personne peut saisir directement la chambre d’accusation qui se prononce dans les vingt jours de sa saisine.
3.2. Les débats contradictoires à l’audience de jugement
Le renforcement du caractère contradictoire de la procédure préparatoire était l’une des premières préoccupations du Gouvernement et caractérise nombre des dispositions adoptées. Il convenait de développer encore le principe du contradictoire dans la suite de la procédure, et de réorganiser l’audience pénale afin de mieux assurer l’équilibre entre l’accusation et la défense devant les juridictions.
Contrairement à ce qui a été parfois prétendu, il ne s’agissait nullement d’introduire en France les principes de l’audience accusatoire en usage dans les pays anglo-saxons et d’instruire l’affaire oralement à l’audience comme si la procédure préparatoire n’avait pas eu lieu. Les magistrats composant la juridiction auront, dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui, la connaissance du dossier de la procédure.
C’est dans cette perspective que le Gouvernement s’est opposé à un amendement parlementaire qui prévoyait que le procureur de la République et les avocats devraient poser leurs questions et présenter leurs observations à la même barre du tribunal.
Les expériences conduites de l’automne 1983 à l’été 1985 à Marseille, Rennes, Nantes, Créteil ainsi qu’à Paris dans une chambre de comparution immédiate et dans une autre compétente en matière économique et financière, ont montré les difftèrents aspects positifs de la procédure contradictoire à l’audience. Le renforcement de la fonction d’arbitre du président et des garanties d’impartialité qui s’ensuivent, la clarification du rôle du ministère public devenu plus présent et actif, la participation plus effective du prévenu ou de l’accusé comme de la partie civile à leur procès, contribuent puissamment à restaurer l’image de l’audience, en particulier correctionnelle. La justice est de ce fait mieux comprise et acceptée. Il n’est pour le vérifier que de constater que certains procès récents, unanimement considérés comme exemplaires, ont été conduits en fait dans des conditions proches de celles que prévoit la loi nouvelle.
Les dispositions adoptées dans cet esprit sont les suivantes :
3.2.1. Pour ce qui concerne les débats devant la Cour d’assises, le nouvel article 309 du code de procédure pénale (art. 83 de la loi) indique que le président a la police de l’audience et veille au bon déroulement des débats. Il rejette tout ce qui conduirait à compromettre leur dignité ou à les prolonger inutilement.
Le nouvel article 312 (art. 84 de la loi) prévoit que le ministère public, l’accusé, la partie civile, les avocats de l’accusé et de la partie civile peuvent poser des questions aux accusés, aux témoins et à toutes les personnes appelées à la barre.
Aux termes du nouvel article 328, alinéas 2 à 5 (art. 86 de la loi), l’accusé est interrogé directement par le ministère public, par l’avocat de la partie civile, puis par son défenseur. Cependant, la partie civile ne peut poser ses questions à l’accusé que par l’intermédiaire du président. Enfin, le président peut poser lui-même à l’accusé toute question qu’il estime utile sans manifester, bien entendu, son opinion sur la culpabilité.
Les témoins sont entendus dans l’ordre établi par le président. Le nouvel article 332 du code de procédure, pénale (art. 88 de la loi) prévoit que le témoin cité à la requête du ministère public est interrogé par le ministère public, par l’avocat de la partie civile, puis par l’avocat de l’accusè. Le tèmoin cité à la requête d’une partie est interrogé par l’avocat de cette partie, puis par le ministère public et par les avocats des autres parties. S’il est cité par la partie civile, il est interrogé en dernier lieu par l’avocat de l’accusé. La partie civile et l’accusé ne peuvent poser leurs questions aux témoins que par l’intermédiaire du président de l’audience. Ce dernier peut aussi, ainsi que les assesseurs et les jurés, poser aux témoins les questions qu’ils jugent utiles.
L’article 333 est modifié (art. 89 de la loi) de manière à ce que le procès-verbal des variations et contradictions d’un témoin ne puisse être dressé qu’à la requête du ministère public ou des parties. L’article 341 est lui aussi modifié (art. 90 de la loi) et prévoit que les pièces à conviction sont présentées à l’accusé et aux témoins par le président agissant soit d’office, soit à la demande du ministère public ou des parties.
3.2.2. Les débats devant le tribunal correctionnel et le tribunal de police se dérouleront selon les principes similaires posés par les nouveaux articles 401, 406, 426-1, 444, 454 et 455 du code de procédure pénale (art. 91, 92, 94, 96, 98 et 100 de la loi).
Les débats devant la chambre des appels correctionnels se dérouleront cependant de manière différente, l’article 513 modifié (art. 99 de la loi) prévoyant seulement que, désormais, les parties en la cause ont la parole dans l’ordre prévu pour l’audience du tribunal correctionnel.
3.2.3. Par ailleurs, l’usage des juridictions d’examiner en premier les renseignements de personnalité recueillis sur le compte du prévenu ou de l’accusé, et en second lieu les faits qui lui sont reprochés, peut faire craindre, parfois, que des éléments de personnalité défavorables pallient, dans un système d’intime conviction, l’insuffisance des charges recueillies. Aussi, la loi prévoit-elle, aux nouveaux articles 328 (art. 86 de la loi), pour ce qui concerne les débats devant la cour d’assises, et 426-1 (art. 94 de la loi), pour ce qui concerne les débats devant le tribunal correctionnel, que les débats portent en premier lieu sur les faits reprochés à l’accusé ou au prévenu, et en deuxième lieu sur la personnalité.
3.2.4. Un nouvel article 13-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 (art. 119 de la loi) organise de manière différente les débats devant le tribunal pour enfants pour prendre en compte la spécificité de cette juridiction. Le président du tribunal pour enfants a la police de l’audience et la direction des débats. Il interroge le prévenu et les témoins. Le ministère public, la partie civile et la défense peuvent leur poser des questions par l’intermédiaire du président.
3.2.5. Au cours des débats parlementaires, un large accord a été constaté à l’Assemblée nationale sur le principe même de l’audience contradictoire. Cependant, des objections légitimes ont été formulées quant aux charges supplémentaires que feront peser sur les magistrats les conditions de déroulement de l’audience contradictoire. Il était, en effet, apparu au terme des expérimentations que la conduite contradictoire du procès entraîne un allongement de l’ordre du cinquième de la durée de l’audience. En outre, le travail de préparation de l’audience, du moins correctionnelle, sera plus lourd pour le magistrat du ministère public.
Il convenait donc de prévoir un délai avant l’entrée en vigueur de ces dispositions nouvelles. L’article 227 de la loi prescrit la mise en application au 1er octobre 1994 des principes de l’audience contradictoire. La loi précise toutefois que, avant cette date, le président de l’audience peut décider, en application de ses pouvoirs de police de l’audience et de direction des débats, et après avoir recueilli l’accord des parties et de leurs avocats, ainsi que celui du ministère public, qu’il est procédé dans les formes prévues aux articles 83 à 90, 91 et 92 de la loi.
Il est opportun qu’il soit fait recours le plus souvent possible à cette faculté. Présidents, membres du ministère public et avocats pourront ainsi se familiariser avec les principes nouveaux de l’audience et mieux les maîtriser, tandis que les mesures de réorganisation nécessaires pourront être précisément déterminées.
4. L’amélioration de l’efficacité de l’institution répressive
Le renforcement des garanties individuelles et du principe du contradictoire ne saurait conduire à affaiblir les moyens de l’Etat dans son effort pour prévenir et sanctionner selon les voies les mieux appropriées les faits de délinquance et de criminalité.
La loi nouvelle a donc prévu différentes dispositions afin d’améliorer l’efficacité des institutions pénales et d’accroître la célérité de certaines procédures.
4.1. Les règles nouvelles relatives à la désignation des juges d’instruction
Alors que tous les acteurs du procès pénal, ministère public, police judiciaire, défense, constituent des structures organisées, le juge d’instruction demeure un homme seul. Les règles nouvelles relatives à la désignation du juge d’instruction et au travail en équipe visent à renforcer l’institution et, dans certaines circonstances, la sécurité de magistrats engagés dans des enquêtes particulièrement difficiles, et de ce fait très exposés.
Aux termes du nouvel article 83 du code de procédure pénale (art. 19 de la loi), le président du tribunal, lorsqu’il existe plusieurs juges d’instruction, désigne pour chaque affaire le juge d’instruction qui en sera chargé. Le tableau de roulement n’étant plus, sur amendement d’origine parlementaire, mentionné par la loi, il n’est plus que facultatif et n’a pas d’effet attributif de compétence.
Lors de l’ouverture de l’information, lorsque la gravité ou la complexité de l’affaire le justifie, le président du tribunal peut adjoindre au juge d’instruction chargé de l’affaire un ou plusieurs juges d’instruction qu’il désigne. A tout autre moment de la procédure, cette désignation d’une équipe de juges d’instruction peut intervenir sur décision du président, mais alors seulement à la demande du juge chargé de l’information.
Pour constituer une équipe de juges d’instruction dans les juridictions qui comportent au plus deux juges d’instruction, le premier président de la cour d’appel peut désigner, en application du nouvel article 80-3 (art. 20 de la loi), un ou plusieurs des juges de son ressort.
Le juge d’instruction chargé de l’information coordonne l’activité des autres juges d’instruction qui lui ont été adjoints. Mais il a seul compétence pour demander un placement en détention provisoire et pour régler la procédure. Cependant, l’article 84 modifié du code de procédure pénale (art. 21 de la loi), prévoit que le juge d’instruction adjoint au juge chargé de l’information peut suppléer ce dernier en cas d’empêchement sans qu’il y ait lieu à ordonnance du président du tribunal.
Ces dispositions nouvelles seront applicables aux informations ouvertes à compter du 1er mars 1993 (art. 226 de la loi).
4.2. La réforme du régime des nullités de procédure
La complexité du régime des nullités de procédure, des annulations trop fréquentes et tardives nuisent au bon fonctionnement de la justice et en ralentissent le cours. Des mises en liberté mal comprises portent tort au crédit de l’institution judiciaire. L’image de l’audience correctionnelle est aussi trop souvent affectée par des débats préliminaires interminables sur les irrégularités de procédure. La réflexion approfondie conduite sur la question difficile des nullités n’avait pu jusque-là aboutir.
Les dispositions nouvelles consacrent la distinction jurisprudentielle entre les irrégularités qui affectent les principes fondamentaux, et celles qui ne touchent qu’aux dispositions édictées dans le seul intérêt des parties. En outre elles organisent une procédure nouvelle de constatation et de purge des nullités.
4.2.1. Le nouvel article 171 du code de procédure pénale (art. 71 de la loi) énumère limitativement celles des régies de procédure dont la violation est sanctionnée par la nullité sans que la partie qui s’en prévaut ait à faire la preuve d’un grief. Cette énumération vise à répondre à une double préoccupation. Il s’agit, d’une part, de garantir le respect des règles de procédures essentielles dont la méconnaissance constitue, du fait même, une atteinte soir aux libertés individuelles soir aux principes de notre organisation judiciaire. Il s’agit, d’autre part, de clarifier le régime des nullités de procédure en mettant un terme au développement jurisprudentiel des cas de nullités substantielles d’ordre public qui n’étaient pas davantage soumises à la preuve d’un grief et dont le régime procédural emportait des conséquences aussi radicales sur le sort des procédures.
Les règles sanctionnées par la nullité énumérées par le nouvel article 171 sont, en l’état du droit applicable jusqu’au
1er mars 1993, pour la plupart sanctionnées soir de nullité textuelle soir d’une nullité substantielle d’ordre public.
En effet, les règles désormais sanctionnées de nullité textuelle correspondent :
- à certains cas où la nullité était déjà encourue sans qu’il soit besoin de faire la preuve d’un grief, comme en matière de perquisitions et saisies ou de rétention pour vérification d’identité ;
- à des cas actuels de nullité substantielle d’ordre public, tels que le non-respect des règles relatives à la compétence territoriale des officiers de police judiciaire ou des juges d’instruction, ou de certaines des règles se rapportant aux écoutes téléphoniques.
Est en outre sanctionné de nullité sans qu’il soit besoin de faire preuve d’un grief, le non-respect des prescriptions relatives aux conditions du placement en garde à vue, à la durée de cette mesure et à la notification des droits de la personne gardée à vue.
En revanche, la loi nouvelle supprime les cas d’ouverture à nullité qui étaient, en pratique, à l’origine du plus grand nombre d’annulations et étaient liés au dispositif dit des privilèges de juridiction, aux règles sur la désignation du juge d’instruction et aux délais de convocation des avocats.
4.2.2. Le nouvel article 172 du code de procédure pénale (art. 71 de la loi) prévoit qu’hors ces cas de nullité textuelle, il y a nullité lorsque la méconnaissance d’une formalité substantielle a porté atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne.
Cette partie peut renoncer à s’en prévaloir et ainsi régulariser la procédure. La renonciation doit être expresse et ne peur être valablement faite qu’en présence de l’avocat ou celui-ci dûment appelé.
4.2.3. En outre, la loi réorganise les procédures de constatation des nullités en donnant aux parties le droit d’en demander le prononcé durant tout le cours de la procédure d’instruction, la pratique ayant montré l’intérêt qui s’arrache à trancher sans tarder les contestations des parties, et prévoit un mécanisme de purge des nullités.
Le nouvel article 170 (art. 71 de la loi) dispose que la chambre d’accusation peut, au cours de la procédure d’instruction, être saisie d’une requête en annulation d’un acte ou d’une pièce de procédure soit par le juge d’instruction, soit par le procureur de la République, soir par les parties.
Le nouvel article 173 (art. 71 de la loi) prévoit que :
- le juge d’instruction peut saisir la chambre d’accusation après avoir recueilli l’avis du procureur de la République et informé les parties ;
- le procureur de la République présente requête aux fins d’annulation et en informe les parties ;
- les parties saisissent la chambre d’accusation par requête motivée dont elles adressent copie au juge d’instruction.
Lorsque la chambre d’accusation est saisie sur le fondement de l’article 173, tous moyens de nullité doivent lui être proposés, prescrit le nouvel article 174 (art. 71 de la loi), faute de quoi les parties ne sont plus recevables à en faire état, sauf le cas où elles n’auraient pu les connaître. Ainsi, l’arrêt de la chambre d’accusation statuant sur une requête en nullité purge la procédure à la date où elle lui est soumise. La chambre d’accusation, qui peut cependant relever d’office les moyens de nullité, décide de la portée de l’annulation.
L’ordonnance de règlement de la procédure renvoyant la personne mise en examen devant le tribunal correctionnel ou de police, dénommée désormais ordonnance de présomption de charges, couvre, s’il en existe, les vices de la procédure antérieure.
Ces dispositions nouvelles relatives aux nullités de procédure seront applicables le 1er mars 1993.
4.3. L’abrogation du dispositif dit des privilèges de juridiction
Le dispositif dit des privilèges de juridiction visait à garantir aux personnes titulaires de certains emplois, fonctions ou mandats publics, la sérénité et l’impartialité de la justice. La complexité des règles édictées avait conduit à deux séries de conséquences :
- des annulations retentissantes et désastreuses qui pouvaient donner à l’opinion publique le sentiment que l’institution judiciaire n’était pas en mesure de conduire certaines procédures à leur terme ;
- des mises en cause publiques, par le biais de l’arrêt de désignation, de personnes dont le nom pouvait n’apparaître qu’incidemment dans une procédure et à l’égard desquelles aucune recherche ou vérification n’avait pu être conduire préalablement.
4.3.1. Le Gouvernement a donc proposé au Parlement, qui l’a adoptée, l’abrogation pure et simple du dispositif (art. 102 de la loi). Cette abrogation est entrée en vigueur dès la publication de la loi, l’article 225 de la loi prévoyant que les juridictions antérieurement désignées en application des articles 681 à 688 demeurent compétentes pour l’instruction et le jugement des faits dont elles sont saisies.
Les anciens articles 679 à 688 demeurent cependant applicables dans les territoires d’outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte (art. 230).
4.3.2. Cependant, dans certaines circonstances particulières, la sérénité de la justice pourrait être suspectée ou compromise si une personne titulaire d’une fonction publique ou d’un mandat électif, ou plus généralement une personne possédant une importante notoriété locale ou régionale, est poursuivie devant une juridiction de son département. Il convenait donc de prévoir les mécanismes permettant, dans ces hypothèses, de renvoyer l’affaire à une autre juridiction dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. C’est pourquoi les règles de renvoi d’une juridiction à une autre figurant au titre VI du livre III du code de procédure pénale ont été toutes réaménagées.
Les dispositions relatives au renvoi dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice sont désormais prévues à l’article 665 nouveau du code de procédure pénale (art. 104 de la loi). Le renvoi dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice peut être ordonné par la chambre criminelle de la Cour de cassation, soit sur la requête du procureur général près la Cour de cassation, soit sur celle du procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle la juridiction saisie a son siège.
Le procureur général près la cour d’appel peut agir d’initiative ou à la demande d’une partie. S’il ne donne pas suite à la demande d’une partie, il doit l’informer des motifs de sa décision. La partie peut alors former un recours devant le procureur général près la Cour de cassation qui, s’il ne saisit pas la chambre criminelle, l’informe de sa décision.
5. Dispositions de simplification et de modernisation de la procédure pénale
La loi nouvelle prévoit de nombreuses et diverses mesures de simplification et de modernisation de la procédure pénale. Plusieurs d’entre elles sont entrées en vigueur dès la publication de la loi et ont été exposées par ma circulaire du 31 décembre 1992 (pages 10 à 15).
Parmi celles de ces dispositions de la loi nouvelle qui entreront en vigueur le 1er mars 1993, la plus importante est la suppression du recouvrement des frais de justice criminelle, correctionnelle et de police.
La complexité du régime des frais de justice, les difficultés de leur recouvrement et les lourdes charges qu’il imposait aux greffes des juridictions, ont suscité différents travaux d’enquête et de réflexion tant de l’inspection des finances que de la Cour des comptes. Sur la base de ces travaux, le gouvernement a proposé au Parlement la suppression du recouvrement des frais de justice pénale.
En conséquence, il est créé un article 800-1 du code de procédure pénale (art. 120 de la loi), qui pose le principe que les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l’Etat, sans recours envers les condamnés. Toutes les références des articles du code de procédure pénale et d’autres lois aux frais et dépens sont abrogées.
En revanche les droits fixes de procédure prévus à l’article 1018 A du code général des impôts, dont le recouvrement est aisé et rapide, sont revalorisés (art. 141 de la loi).
Une circulaire particulière sur ce nouveau dispositif vous sera très prochainement adressée.
La suppression du recouvrement des frais de justice ne conduira pas à encourager les parties civiles à engager abusivement l’action publique. Sans pour autant prétendre entraver l’exercice d’un droit légitime reconnu aux victimes d’infractions, la loi nouvelle réaménage les dispositions relatives à la sanction d’une constitution de partie civile abusive ou dilatoire.
Le nouvel article 91 du code de procédure pénale (art. 123 de la loi) prévoit que le ministère public pourra désormais, après une information ouverte sur constitution de partie civile et close par une décision de non-lieu, citer directement devant le tribunal correctionnel l’auteur de la constitution de partie civile abusive ou dilatoire. Le tribunal pourra prononcer une amende civile de 100000 F au plus. En outre, la personne mise en examen ou tout autre personne visée dans la plainte pourra, comme elle en a le droit aujourd’hui, agir pour la réparation du préjudice subi du fait de la plainte.
De ce fait, les articles 88 et 88-1 nouveaux du code de procédure pénale (art. 121 et 122 de la loi) maintiennent l’obligation pour la partie civile qui engage l’action publique en se constituant partie civile devant le juge d’instruction, de consigner une certaine somme. Celle-ci, déterminée en fonction des ressources de la partie civile, garantit le paiement de l’amende si, ultérieurement, le procureur de la République engage l’action prévue à l’article 91.
Telles sont les principales dispositions de la loi du 4 janvier 1993. Cette réforme est la plus importante intervenue en cette matière depuis la promulgation du code de procédure pénale, et certainement la plus significative pour la garantie des droits individuels dans le cadre de la procédure préparatoire depuis la loi du 8 décembre 1897.
Je n’ignore pas les conséquences de son entrée en vigueur sur le fonctionnement pratique des juridictions. Le renforcement des garanties individuelles et des droits des personnes poursuivies et des victimes d’infractions, rendu nécessaire pour assurer le plein respect des engagements internationaux souscrits par la France, voulu par le Gouvernement et décidé par la représentation nationale, entraînera, dans certaines circonstances, des sujétions supplémentaires pour les magistrats, les fonctionnaires des greffes et les officiers de police judiciaire. Tous sauront se mobiliser et consentir l’effort d’adaptation et d’organisation qui est attendu d’eux. L’entrée en application de la loi du 4 janvier 1993 sera facilitée par la suppression de certaines des causes les plus notoires des difficultés de l’institution judiciaire.
Vous voudrez bien assurer dans les meilleurs délais possibles, la diffusion de la présente circulaire auprès de l’ensemble des juridictions de votre ressort, et, comme il est d’usage, me tenir informé des difficultés d’application que vous pourrez rencontrer.
MICHEL VAUZELLE