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Article (Décision n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article (Décision n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)



V-3.4.3. L'obligation de proscrire des tarifs d'éviction


Dans la continuité des consultations menées par l'Autorité en 2004, l'obligation de proscrire des tarifs d'éviction est imposée jusqu'au 1er septembre 2008. Elle est imposée sur les marchés pertinents de l'accès résidentiels et professionnels et sur les marchés pertinents des communications associées à ces accès ; elle n'est pas imposée aux communications VLB.
L'article L. 38-1 du CPCE distingue l'obligation de ne pas pratiquer des tarifs d'éviction de celle de pratiquer des « tarifs reflétant les coûts correspondants ». Une obligation pour les tarifs de détail de refléter les coûts peut avoir pour effet de limiter, voire d'annihiler, tout espace économique dans lequel les concurrents pourraient se positionner pour fournir une offre similaire. Il est donc justifié au cas d'espèce de maintenir un tel espace en imposant une obligation de proscrire les tarifs d'éviction. Cette obligation permet de voir l'opérateur puissant fournir les prestations de détail à un niveau de prix supérieur à celui qu'entraînerait l'obligation de refléter les coûts ; elle prend donc en compte les obstacles à la concurrence relevés par l'analyse de marché et est proportionnée aux objectifs poursuivis par la régulation cités à l'article L. 32-1, et en particulier les objectifs définis au 2°.


V-4. Obligations relatives à la prévention
et à l'identification de pratiques proscrites


Le respect par France Télécom des obligations précédemment énumérées (non-discrimination, interdiction des couplages abusifs, interdiction des prix excessifs et interdiction des prix d'éviction), associé au respect des obligations imposées sur les marchés de gros sous-jacents, devrait permettre de remédier aux problèmes concurrentiels identifiés.
Néanmoins, au vu du comportement de France Télécom dans le passé, il est probable que la simple imposition des obligations mentionnées ne soit pas suffisante pour que l'opérateur les mette en oeuvre systématiquement. L'article L. 36-11 du CPCE donne à l'Autorité le pouvoir de sanctionner un opérateur pour un manquement aux obligations découlant du CPCE ou des décisions prises pour son application, et donc en particulier les obligations imposées par la présente décision. Cette procédure peut cependant s'avérer peu adaptée aux circonstances car elle nécessite que l'Autorité soit informée d'éventuels manquements commis ; cela induit pour l'Autorité une action décalée dans le temps par rapport au comportement litigieux. Afin que France Télécom ne puisse pas commercialiser des prestations qui ne répondent pas aux obligations qui lui sont imposées, il est nécessaire de lui imposer une communication préalable de ses tarifs de détail, sauf dans certaines circonstances où une transmission d'information a posteriori est suffisante (V-4.1).
En outre, la répercussion des baisses de terminaison d'appel mobile doit être immédiate et le pouvoir d'opposition de la procédure de communication préalable n'est pas adapté pour exiger de France Télécom une baisse des tarifs vers les mobiles. Il est donc nécessaire d'imposer à France Télécom un encadrement pluriannuel des tarifs de base des communications vers les mobiles (V-4.2).
Enfin, afin de disposer d'un référentiel de coût permanent permettant de s'assurer du respect par France Télécom de ses obligations, comme c'est le cas aujourd'hui, l'Autorité estime nécessaire d'imposer à France Télécom une obligation de comptabilisation des coûts (V-4.3).


V-4.1. Communication des tarifs de détail
V-4.1.1. Régime juridique de la communication préalable des tarifs


France Télécom est soumis aujourd'hui à deux procédures de communication préalable des tarifs. Les tarifs des prestations du service universel qui ne sont pas soumis à un encadrement pluriannuel des tarifs doivent être communiqués préalablement à l'Autorité selon les dispositions des articles L. 35-2 et R. 20-30-11 du CPCE. Toutes les autres prestations comprises dans le champ de l'ancienne procédure d'homologation ministérielle prévue par le décret n° 96-1225 susvisé continuent à être soumises à communication préalable tant que la présente décision n'est pas entrée en vigueur pour les seules prestations concernées par la présente décision, au titre de l'article 133 IV de la loi « communications électroniques » susvisée.
Les articles L. 38-1 (2°) et D. 315 du CPCE prévoient la possibilité d'imposer une nouvelle procédure de communication préalable des tarifs :


Article L. 38-1


« [L'Autorité peut] prévoir la communication des tarifs à l'Autorité de régulation des télécommunications préalablement à leur mise en oeuvre, dans la mesure où ces tarifs ne sont pas contrôlés en application de l'article L. 35-2 ; l'autorité peut s'opposer à la mise en oeuvre d'un tarif qui lui est communiqué en application du présent alinéa par une décision motivée explicitant les analyses, notamment économiques, qui sous-tendent son opposition ; »


Article D. 315


« Les opérateurs tenus de communiquer à l'Autorité de régulation des télécommunications les tarifs de certaines prestations de détail préalablement à leur mise en oeuvre, en application du 2° de l'article L. 38-1, transmettent les tarifs correspondants à l'Autorité au moins trois semaines avant leur mise en oeuvre.

« Ces tarifs sont accompagnés des éléments d'information permettant de les évaluer ainsi que des éléments de l'offre correspondante.
« L'Autorité de régulation des télécommunications peut s'opposer à la mise en oeuvre de ces tarifs par une décision motivée explicitant les analyses, notamment économiques, qui sous-tendent son opposition, notifiée à l'opérateur concerné dans un délai de trois semaines suivant la transmission du dossier complet et rendue publique. Ces analyses prennent en compte, en tant que de besoin, l'ensemble des obligations imposées à l'opérateur concerné en application de l'article L. 38-1. »
La nouvelle procédure prévue par le CPCE est beaucoup plus souple que la précédente puisque c'est la même entité, à savoir l'ARCEP, qui instruit et prend la décision, et qu'en outre elle n'est obligée de prendre une décision que pour s'opposer aux projets de l'opérateur puissant, ce qui permet de réduire le temps d'instruction. Enfin, alors que l'ancienne procédure conduisait à une forte transparence sur la politique tarifaire de l'opérateur puissant puisque tous les avis de l'Autorité étaient publics, le fait qu'il n'y ait plus un avis systématique pour chaque dossier présenté par France Télécom réduit cette transparence.


V-4.1.2. Nécessité d'un contrôle des obligations imposées


Comme cela a déjà été évoqué précédemment, la simple imposition de l'obligation de non-discrimination et des interdictions de couplages abusifs, de prix excessifs et de prix d'éviction n'est pas suffisante pour que ces obligations soient systématiquement mises en oeuvre par France Télécom. Au cours des quatre premiers mois de l'année 2005, une seule procédure a abouti à un avis défavorable partiel. En revanche, dans près de la moitié des dossiers transmis par l'opérateur puissant, France Télécom a modifié son projet durant l'instruction du dossier, l'Autorité ayant estimé que les évolutions initialement envisagées pouvaient conduire à une discrimination, à des prix excessifs ou à des prix d'éviction. En l'absence d'une procédure de communication préalable, il est probable que France Télécom commercialiserait des prestations qui pourraient ne pas respecter les obligations imposées par l'Autorité, et qu'il faudrait attendre l'issue d'une procédure de sanction pour que France Télécom retire ou modifie ces offres, au détriment des acteurs du secteur et des consommateurs. Il est donc nécessaire d'imposer une obligation de communication préalable.
Néanmoins, pour certaines « grandes offres » proposées aux grandes entreprises, la procédure de communication préalable ne semble pas adaptée. Les offres destinées aux grandes entreprises sont en effet caractérisées par leur sophistication, en réponse à des besoins complexes et de grande dimension (80). Les modalités et le rythme des négociations qui conduisent à la conclusion de tels contrats apparaissent peu compatibles avec la procédure d'homologation tarifaire. Il semble donc justifié d'imposer pour ces « grandes offres » une obligation moins contraignante pour l'opérateur. L'Autorité estime qu'une obligation de transmission systématique a posteriori des informations sur ces offres, combinée à la procédure de sanction, semble suffisante et permet de répondre à la nécessaire proportionnalité des remèdes.
L'Autorité estime donc que l'obligation de communication préalable des tarifs est nécessaire en raison des problèmes concurrentiels identifiés et qu'elle est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1 du CPCE. Elle est imposée pour l'ensemble des prestations fournies par France Télécom et incluses dans les marchés pertinents de détail de la téléphonie fixe mais exclut les communications qui ne sont pas associées à un accès inclus dans un marché pertinent, ainsi que les prestations de « grandes offres ». Pour ces dernières, une obligation de transmission périodique a posteriori d'information est suffisante.