Article (Circulaire du 14 avril 1997 relative à l'établissement des listes électorales prud'homales)
b) L'employeur est un service public
à caractère industriel et commercial
La jurisprudence nouvelle ne s'applique pas dans ce cas, et ne modifie rien non plus en ce qui concerne les salariés de personnes privées remplissant une mission de service public.
Cependant, la distinction entre les services publics administratifs et les services publics industriels et commerciaux n'est pas toujours aisée. En dehors des cas où la loi détermine expressément la nature industrielle ou commerciale, ou au contraire administrative, d'un service public, c'est au juge qu'il revient de déterminer au cas par cas la nature du service public. Un certain nombre de critères jurisprudentiels ont été formulés en la matière dans un arrêt du Conseil d'Etat du 16 novembre 1956 (Union syndicale des industries aéronautiques) et repris progressivement par la jurisprudence judiciaire et le tribunal des conflits. Ces critères sont liés :
- à l'objet du service ;
- à l'origine de ses ressources ;
- à ses modalités de fonctionnement.
Les entreprises et établissements publics à caractère industriel et commercial, quelle que soit leur forme (régie, société d'économie mixte,
entreprise nationalisée), ne sont pas soumis aux règles, budgétaires notamment, de la gestion administrative. Ils utilisent les règles de gestion du commerce et de l'industrie.
A ce titre, ils sont considérés comme des employeurs privés, même lorsque l'autorité publique réglemente les statuts de leurs personnels. Ces derniers relèvent dans leur ensemble de la compétence des conseils de prud'hommes, à l'exception :
- du directeur et de l'agent comptable qui sont des agents de droit public (CE Jalenques de Labeau, 8 mars 1957) ;
- des agents qui, soumis à un statut particulier pris en application du statut général, ont gardé, lors de la création de l'établissement, la qualité de fonctionnaire de l'Etat (CE L'Herbier, 29 janvier 1965) ;
- des agents pour lesquels la loi a attribué compétence à un autre ordre de juridiction (ex : loi no 73-7 du 3 janvier 1973 relative à la Banque de France).
Le Conseil d'Etat a rendu de nombreuses décisions dans ce sens, estimant que les établissements publics à caractère industriel ou commercial agissent suivant les règles du commerce et de l'industrie privés et que le fait que le personnel soit régi par un statut réglementaire n'exclut pas l'existence de contrats individuels de travail de caractère privé dans le cadre de ce statut. Parmi celles-ci, on peut citer les décisions concernant :
- la SNCF, société d'économie mixte à caractère industriel et commercial,
pour l'ensemble de son personnel (CE 20 octobre 1951) ; la compétence prud'homale a été ici confirmée par le tribunal des conflits (TC 26 octobre 1981, Grostin c/SNCF) ;
- l'Agence France-Presse, établissement public industriel et commercial,
sauf pour son directeur et son chef comptable qui sont nommés par l'Etat (CE 8 mars 1957, Jalenques de Labeau) ;
- le Commissariat à l'énergie atomique, établissement public d'ordre scientifique, technique et industriel (CE 20 avril 1951).
La Cour de cassation s'est également souvent prononcée dans le même sens.
Ainsi a-t-elle jugé que les salariés de Gaz de France, Electricité de France relèvent de la compétence des conseils de prud'hommes (Cass. soc. 12 juillet 1950).
Postérieurement à l'arrêt du tribunal des conflits du 25 mars 1996, elle a réaffirmé la compétence prud'homale à l'égard des litiges individuels opposant la SNCF et EDF à leurs agents (Cass. soc. 17 juillet 1996, SNCF c/Vizcaino et autres et Rousson c/EDF).
En ce qui concerne les banques nationalisées, la loi du 2 décembre 1945 relative à la nationalisation de la Banque de France et des grandes banques a précisé en son article 19 qu'il n'était rien changé au statut du personnel des banques nationalisées, à ses modes de recrutement, de licenciement et de rémunération. En conséquence, les litiges survenant entre un établissement de crédit nationalisé et ses employés relèvent de la juridiction prud'homale.
Ainsi en a-t-il été jugé pour le Crédit lyonnais (Cass. soc. 12 juillet 1950). Toutefois, la loi du 3 janvier 1973 citée plus haut a modifié cette règle en ce qui concerne la Banque de France.
La Cour de cassation s'est aussi prononcée pour la compétence des conseils de prud'hommes à juger les litiges concernant les personnels de Télédiffusion de France (Cass. soc. 14 novembre 1979), de l'Institut national de l'audiovisuel (Cass. soc. 28 novembre 1979) et du Centre national d'études spatiales (Cass. soc. 13 décembre 1979) qui sont régis par un statut réglementaire.
Le tribunal des conflits a, pour sa part, affirmé la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire à l'égard des organismes suivants,
considérés comme établissements à caractère industriel ou commercial :
- Office national interprofessionnel des céréales (TC 8 novembre 1982,
préfet de Paris c/Office national interprofessionnel des céréales) ;
- Office national des forêts (TC 10 janvier 1983, Beck c/Office national des forêts) ;
- Commissariat à l'énergie atomique (TC 11 octobre 1976) ;
- établissements ou services d'utilité agricole créés par les chambres départementales et par l'assemblée permanente des présidents des chambres d'agriculture (TC 8 novembre 1982, Lemut c/chambre d'agriculture du Lot) ;
- compagnie Air France (TC 15 janvier 1968).
Dans le cas particulier des organismes de sécurité sociale, il convient d'établir une distinction entre les organismes nationaux, c'est-à-dire les trois caisses nationales, et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'une part, et les autres organismes d'autre part.
Les trois caisses nationales et l'agence centrale sont des établissements publics nationaux à caractère administratif. Leur personnel comprend :
- des agents régis par le statut général des fonctionnaires ;
- des agents soumis à un statut de droit public établi par décret ;
- des agents liés par un contrat de droit privé, bénéficiaires des conventions collectives applicables au personnel des organismes de sécurité sociale.
Au sujet de cette dernière catégorie, le tribunal des conflits a jugé, dans une décision du 8 novembre 1982 (Blanchenois c/Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés), que, nonobstant la circonstance que la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés présentait le caractère d'un établissement public administratif et, alors même que les fonctions exercées par les intéressés impliqueraient leur participation directe à l'exécution du service public, ceux-ci se trouvaient dans la situation de salariés de droit privé titulaires d'un contrat de travail. Dans ces conditions, le litige qui les opposait à leur employeur relativement à leur classement hiérarchique et au montant de leur rémunération relevait de la compétence des tribunaux judiciaires.
Enfin, en ce qui concerne les entreprises et organismes privés chargés d'un service public, qu'il s'agisse d'entreprises concessionnaires ou d'organismes privés assurant une mission de service public, les contrats de travail passés avec leurs employés sont considérés comme des contrats de droit privé relevant de la compétence des conseils de prud'hommes.
Il convient aussi de noter que certains établissements publics administratifs peuvent gérer accessoirement un service public industriel et commercial n'ayant pas de personnalité juridique distincte.
C'est le cas des chambres de commerce et d'industrie, établissements publics administratifs qui peuvent exploiter accessoirement un aéroport ou des installations portuaires. La jurisprudence qualifie de contrat de travail de droit privé le lien qui unit à l'établissement public administratif le personnel affecté à cette exploitation industrielle et commerciale.
Ainsi le Conseil d'Etat a-t-il jugé que relevait du droit privé l'agent d'une chambre de commerce et d'industrie employé comme ouvrier grutier dans un service portuaire de la chambre, service ayant un caractère industriel et commercial (CE 15 décembre 1967, Level), ce qui justifiait la compétence du conseil de prud'hommes.