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Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Saisine du Conseil constitutionnel en date du 16 octobre 1996, présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 96-383 DC)

Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Saisine du Conseil constitutionnel en date du 16 octobre 1996, présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 96-383 DC)

III. - Sur la méconnaissance par le législateur

de son propre pouvoir d'appréciation


Le pouvoir d'appréciation du Parlement ne saurait être satisfait par l'organisation d'un système de compétence liée.
Car c'est bien de cela dont il s'agit quand le texte prévoit qu'« afin de permettre l'examen des dispositions législatives nécessaires à l'entrée en vigueur des clauses dérogatoires des accords de branche mentionnés à l'alinéa précédent », le Parlement sera saisi.
Certes, le recours à la validation législative est admis. En matière sociale, il a ainsi été jugé que le législateur puisse intervenir pour substituer rétroactivement une règle législative impérative résultant des stipulations d'une convention collective dont l'interprétation donnait lieu à des divergences, dès lors qu'une telle mesure réserve expressément la situation des personnes à l'égard desquelles est intervenue une décision de justice définitive et entend mettre fin à des divergences d'interprétation ainsi qu'au développement des contestations (CC 13 janvier 1994, DC no 93-332).
Mais, en l'occurrence, le législateur va plus loin. Il décide de se lier pour le futur et, devenu auxiliaire des partenaires sociaux, il propose que la loi entérine leurs volontés. Par là, le Parlement consent à l'abaissement de la loi en tant que norme subsidiaire.
Il ressort du paragraphe V, alinéa 2, que le législateur devra intervenir pour que les clauses dérogatoires, donc celles entamant le principe de faveur, entrent en vigueur. A cette occasion, il perdra toute marge véritable de manoeuvre. Dans ces conditions, il faut se demander comment l'on peut concilier cette prescription avec l'article 34 C aux termes duquel le Parlement détermine, par exemple, les principes fondamentaux du droit du travail.
Un tel abandon de son pouvoir d'appréciation pour l'avenir correspond à une forme originale d'incompétence négative, originale mais inadmissible.
De ce chef encore, la censure est encourue.
(Liste des signataires : voir décision no 96-383 DC.)