Articles

Article (Circulaire du 22 juillet 1996 prise pour l'application de la loi no 96-432 du 22 mai 1996 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et, s'agissant des citoyens rwandais, sur le territoire d'Etats voisins)

Article (Circulaire du 22 juillet 1996 prise pour l'application de la loi no 96-432 du 22 mai 1996 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et, s'agissant des citoyens rwandais, sur le territoire d'Etats voisins)



A N N E X E I

RESOLUTION 955 DU CONSEIL DE SECURITE

DE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES


Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant toutes ses résolutions antérieures sur la situation au Rwanda ; Ayant examiné les rapports que le secrétaire général lui a présentés conformément au paragraphe 3 de sa résolution 935 (1994) du 1er juillet 1994 (S/1994/879 et S/1994/906) et ayant pris acte des rapports du rapporteur spécial pour le Rwanda de la Commission des droits de l'homme des Nations unies (S/1994/1157, annexe I et annexe II) ;
Saluant le travail accompli par la commission d'experts créée en vertu de sa résolution 935 (1994), en particulier son rapport préliminaire sur les violations du droit international humanitaire au Rwanda que le secrétaire général lui a transmis dans sa lettre du 1er octobre 1994 (S/1994/1125) ;
Se déclarant de nouveau gravement alarmé par les informations selon lesquelles des actes de génocide et d'autres violations flagrantes,
généralisées et systématiques du droit international humanitaire ont été commis au Rwanda ;
Constatant que cette situation continue de faire peser une menace sur la paix et la sécurité internationales ;
Résolu à mettre fin à de tels crimes et à prendre des mesures efficaces pour que les personnes qui en sont responsables soient traduites en justice ;
Convaincu que, dans les circonstances particulières qui règnent au Rwanda,
des poursuites contre les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire permettraient d'atteindre cet objectif et contribueraient au processus de réconciliation nationale ainsi qu'au rétablissement et au maintien de la paix ;
Estimant que la création d'un tribunal international pour juger les personnes présumées responsables de tels actes ou violations contribuera à les faire cesser et à en réparer dûment les effets ;
Soulignant qu'une coopération internationale est nécessaire pour renforcer les tribunaux et l'appareil judiciaire rwandais, notamment en raison du grand nombre de suspects qui seront déférés devant ces tribunaux ;
Considérant que la Commission d'experts créée en vertu de la résolution 935 (1994) devrait continuer à rassembler de toute urgence des informations tendant à prouver que des violations graves du droit international humanitaire ont été commises sur le territoire du Rwanda, et qu'elle devrait présenter son rapport final au secrétaire général le 30 novembre 1994 au plus tard ;
Agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies :
1. Décide par la présente résolution, comme suite à la demande qu'il a reçue du Gouvernement rwandais (S/1994/1115), de créer un tribunal international chargé uniquement de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'Etats voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994, et d'adopter à cette fin le statut du tribunal criminel international pour le Rwanda annexé à la présente résolution ;
2. Décide que tous les Etats apporteront leur pleine coopération au tribunal international et à ses organes, conformément à la présente résolution et au statut du tribunal international, et qu'ils prendront toutes mesures nécessaires en vertu de leur droit interne pour mettre en application les dispositions de la présente résolution et du statut, y compris l'obligation faite aux Etats de donner suite aux demandes d'assistance ou aux ordonnances émanant d'une chambre de première instance, conformément à l'article 28 du statut, et prie les Etats de tenir le secrétaire général informé des mesures qu'ils prendront ;
3. Considère qu'une notification devrait être adressée au Gouvernement rwandais avant que des décisions ne soient prises en vertu des articles 26 et 27 du statut ;
4. Prie instamment les Etats ainsi que les organisations intergouvernementales et non gouvernementales d'apporter au tribunal international des contributions sous forme de ressources financières,
d'équipements et de services, y compris des services d'experts ;
5. Prie le secrétaire général de mettre en oeuvre d'urgence la présente résolution et de prendre en particulier des dispositions pratiques pour que le tribunal international puisse fonctionner effectivement le plus tôt possible, notamment de lui soumettre des recommandations quant aux lieux où le siège du tribunal international pourrait être établi, et de lui présenter des rapports périodiques ;
6. Décide qu'il choisira le siège du tribunal international en fonction de critères de justice et d'équité ainsi que d'économie et d'efficacité administrative, notamment des possibilités d'accès aux témoins, sous réserve que l'Organisation des Nations unies et l'Etat où le tribunal aura son siège concluent des arrangements appropriés qui soient acceptables pour le Conseil de sécurité, étant entendu que le tribunal international pourra se réunir ailleurs quand il le jugera nécessaire pour l'exercice efficace de ses fonctions, et décide d'établir un bureau au Rwanda et d'y conduire des procédures, si cela est possible et approprié, sous réserve de la conclusion d'arrangements adéquats analogues ;
7. Décide d'envisager d'augmenter le nombre de juges et de chambres de première instance du tribunal international si cela s'avère nécessaire ;
8. Décide de rester activement saisi de la question.

A N N E X E I I

STATUT DU TRIBUNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA


Créé par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies, le tribunal criminel international chargé de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 (ci-après dénommé « tribunal international pour le Rwanda ») exercera ses fonctions conformément aux dispositions du présent statut.

Article 1er

Compétence du tribunal international pour le Rwanda


Le tribunal international pour le Rwanda est habilité à juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994, conformément aux dispositions du présent statut.

Article 2

Génocide


1. Le tribunal international pour le Rwanda est compétent pour poursuivre les personnes ayant commis un génocide, tel que ce crime est défini au paragraphe 2 du présent article, ou l'un quelconque des actes énumérés au paragraphe 3 du présent article.
2. Le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
- meurtre de membres du groupe ;
- atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
- soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
- mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
- transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.
3. Seront punis les actes suivants :
- le génocide ;
- l'entente en vue de commettre le génocide ;
- l'incitation directe et publique à commettre le génocide ;
- la tentative de génocide ;
- la complicité dans le génocide.

Article 3

Crimes contre l'humanité


Le tribunal international pour le Rwanda est habilité à juger les personnes présumées responsables des crimes suivants lorsqu'ils ont été commis dans le cadre d'une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle qu'elle soit, en raison de son appartenance nationale,
politique, ethnique, raciale ou religieuse :
- assassinat ;
- extermination ;
- réduction en esclavage ;
- expulsion ;
- emprisonnement ;
- torture ;
- viol ;
- persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses ;
- autres actes inhumains.

Article 4

Violations de l'article 3 commun aux conventions de Genève

et du protocole additionnel II


Le tribunal international pour le Rwanda est habilité à poursuivre les personnes qui commettent ou donnent l'ordre de commettre des violations graves de l'article 3 commun aux conventions de Genève du 12 août 1949 pour la protection des victimes en temps de guerre et du protocole additionnel II auxdites conventions du 8 juin 1977. Ces violations comprennent, sans s'y limiter :
- les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles ;
- les punitions collectives ;
- la prise d'otages ;
- les actes de terrorisme ;
- les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur ;
- le pillage ;
- les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés ;
- la menace de commettre les actes précités.

Article 5

Compétence ratione personae


Le tribunal international pour le Rwanda a compétence à l'égard des personnes physiques conformément aux dispositions du présent statut.

Article 6

Responsabilité pénale individuelle





1. Quiconque a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime visé aux articles 2 à 4 du présent statut est individuellement responsable dudit crime.
2. La qualité officielle d'un accusé, soit comme chef d'Etat ou de gouvernement, soit comme haut fonctionnaire, ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale et n'est pas un motif de diminution de la peine.
3. Le fait que l'un quelconque des actes visés aux articles 2 à 4 du présent statut a été commis par un subordonné ne dégage pas son supérieur de sa responsabilité pénale s'il savait ou avait des raisons de savoir que le subordonné s'apprêtait à commettre cet acte ou l'avait fait et que le supérieur n'a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs.
4. Le fait qu'un accusé a agi en exécution d'un ordre d'un gouvernement ou d'un supérieur ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale mais peut être considéré comme un motif de diminution de la peine si le tribunal international pour le Rwanda l'estime conforme à la justice.

Article 7

Compétence ratione loci et compétence ratione temporis


La compétence ratione loci du tribunal international pour le Rwanda s'étend au territoire du Rwanda, y compris son espace terrestre et son espace aérien, et au territoire d'Etats voisins en cas de violations graves du droit international humanitaire commises par des citoyens rwandais. La compétence ratione temporis du tribunal international s'étend à la période commençant le 1er janvier 1994 et se terminant le 31 décembre 1994.

Article 8

Compétences concurrentes


1. Le tribunal international pour le Rwanda et les juridictions nationales sont concurremment compétents pour juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.
2. Le tribunal international pour le Rwanda a la primauté sur les juridictions nationales de tous les Etats. A tout stade de la procédure, il peut demander officiellement aux juridictions nationales de se dessaisir en sa faveur conformément au présent statut et à son règlement.

Article 9

Non bis in idem

1. Nul ne peut être traduit devant une juridiction nationale pour des faits constituant de graves violations du droit international humanitaire au sens du présent statut s'il a déjà été jugé pour les mêmes faits par le tribunal international pour le Rwanda.
2. Quiconque a été traduit devant une juridiction nationale pour des faits constituant de graves violations du droit international humanitaire ne peut subséquemment être traduit devant le tribunal international pour le Rwanda que si :
- le fait pour lequel il a été jugé était qualifié crime de droit commun ;
ou - la juridiction nationale n'a pas statué de façon impartiale ou indépendante, la procédure engagée devant elle visait à soustraire l'accusé à sa responsabilité pénale internationale, ou la poursuite n'a pas été exercée avec diligence.
3. Pour décider de la peine à infliger à une personne condamnée pour un crime visé par le présent statut, le tribunal international pour le Rwanda tient compte de la mesure dans laquelle cette personne a déjà purgé toute peine qui pourrait lui avoir été infligée par une juridiction nationale pour le même fait.

Article 10

Organisation du tribunal international pour le Rwanda


Le tribunal international comprend les organes suivants :
- les chambres, soit deux chambres de première instance et une chambre d'appel ;
- le procureur ; et - un greffe.

Article 11

Composition des chambres


Les chambres sont composées de onze juges indépendants, ressortissants d'Etats différents et dont :
- trois siègent dans chacune des chambres de première instance ; et - cinq siègent à la chambre d'appel.

Article 12

Qualifications et élection des juges


1. Les juges doivent être des personnes de haute moralité, impartialité et intégrité, possédant les qualifications requises, dans leurs pays respectifs, pour être nommés aux plus hautes fonctions judiciaires. Il est dûment tenu compte, dans la composition globale des chambres, de l'expérience des juges en matière de droit pénal et de droit international, notamment de droit international humanitaire et des droits de l'homme.
2. Les juges siégeant à la chambre d'appel du tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 (ci-après dénommé « le tribunal international pour l'ex-Yougoslavie ») siègent également à la chambre d'appel du tribunal international pour le Rwanda.
3. Les juges des chambres de première instance du tribunal international pour le Rwanda sont élus par l'assemblée générale sur une liste présentée par le Conseil de sécurité, selon les modalités ci-après :
- le secrétaire général invite les Etats membres de l'Organisation des Nations unies et les Etats non membres ayant une mission d'observation permanente au siège de l'organisation à présenter des candidatures ;
- dans un délai de trente jours à compter de la date de l'invitation du secrétaire général, chaque Etat peut présenter la candidature d'au maximum deux personnes réunissant les conditions indiquées au paragraphe 1 ci-dessus et n'ayant pas la même nationalité et dont aucune n'a la même nationalité que l'un quelconque des juges de la chambre d'appel ;
- le secrétaire général transmet la candidature au Conseil de sécurité. Sur la base de ces candidatures, le conseil dresse une liste de douze candidats au minimum et dix-huit candidats au maximum en tenant dûment compte de la nécessité d'assurer au tribunal international pour le Rwanda une représentation adéquate des principaux systèmes juridiques du monde ;
- le président du Conseil de sécurité transmet la liste de candidats au président de l'assemblée générale. L'assemblée élit sur cette liste les six juges des chambres de première instance. Sont élus les candidats qui ont obtenu la majorité absolue des voix des Etats membres de l'Organisation des Nations unies et des Etats non membres ayant une mission d'observation permanente au siège de l'organisation. Si deux candidats de la même nationalité obtiennent la majorité requise, est élu celui sur lequel se sont portées le plus grand nombre de voix.
4. Si un siège à l'une des chambres de première instance devient vacant, le secrétaire général, après avoir consulté les présidents du Conseil de sécurité et de l'assemblée générale, nomme une personne réunissant les conditions indiquées au paragraphe 1 ci-dessus pour siéger jusqu'à l'expiration du mandat de son prédécesseur.
5. Les juges des chambres de première instance sont élus pour un mandat de quatre ans. Leurs conditions d'emploi sont celles des juges du tribunal international pour l'ex-Yougoslavie. Ils sont rééligibles.

Article 13

Constitution du bureau et des chambres


1. Les juges du tribunal international pour le Rwanda élisent un président. 2. Après les avoir consultés, le président nomme les juges du tribunal international pour le Rwanda à l'une des chambres de première instance. Les juges ne siègent qu'à la chambre à laquelle ils ont été nommés.
3. Les juges de chaque chambre de première instance choisissent un président qui conduit toutes les procédures devant cette chambre.

Article 14

Règlement du tribunal


Les juges du tribunal international pour le Rwanda adopteront, aux fins de la procédure du tribunal international pour le Rwanda, le règlement du tribunal international pour l'ex-Yougoslavie régissant la mise en accusation, les procès en première instance et les recours, la recevabilité des preuves, la protection des victimes et des témoins et d'autres questions appropriées, en y apportant les modifications qu'ils jugeront nécessaires.

Article 15

Le procureur


1. Le procureur est responsable de l'instruction des dossiers et de l'exercice de la poursuite contre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.
2. Le procureur, qui est un organe distinct au sein du tribunal international pour le Rwanda, agit en toute indépendance. Il ne sollicite ni ne reçoit d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucune autre source.
3. Le procureur du tribunal international pour l'ex-Yougoslavie exerce également les fonctions de procureur du tribunal international pour le Rwanda. Il dispose, pour le seconder devant le tribunal international pour le Rwanda, de personnel supplémentaire, dont un procureur adjoint supplémentaire. Ce personnel est nommé par le secrétaire général sur recommandation du procureur.

Article 16

Le greffe


1. Le greffe est chargé d'assurer l'administration et les services du tribunal international pour le Rwanda.
2. Le greffe se compose d'un greffier et des autres fonctionnaires nécessaires.
3. Le greffier est désigné par le secrétaire général après consultation du président du tribunal international pour le Rwanda pour un mandat de quatre ans renouvelable. Les conditions d'emploi du greffier sont celles d'un sous-secrétaire général de l'Organisation des Nations unies.
4. Le personnel du greffe est nommé par le secrétaire général sur recommandation du greffier.

Article 17

Information et établissement de l'acte d'accusation


1. Le procureur ouvre une information d'office ou sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources, notamment des gouvernements, des organes de l'Organisation des Nations unies, des organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Il évalue les renseignements reçus ou obtenus et décide s'il y a lieu de poursuivre.
2. Le procureur est habilité à interroger les suspects, les victimes et les témoins, à réunir des preuves et à procéder sur place à des mesures d'instruction. Dans l'exécution de ces tâches, le procureur peut, selon que de besoin, solliciter le concours des autorités de l'Etat concerné.
3. Tout suspect interrogé a le droit d'être assisté d'un conseil de son choix, y compris celui de se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, s'il n'a pas les moyens de le rémunérer et de bénéficier, si nécessaire, de services de traduction dans une langue qu'il parle et comprend et à partir de cette langue.
4. S'il décide qu'au vu des présomptions, il y a lieu d'engager des poursuites, le procureur établit un acte d'accusation dans lequel il expose succinctement les faits et le crime ou les crimes qui sont reprochés à l'accusé en vertu du statut. L'acte d'accusation est transmis à un juge de la chambre de première instance.


Article 18

Examen de l'acte d'accusation


1. Le juge de la chambre de première instance saisi de l'acte d'accusation examine celui-ci. S'il estime que le procureur a établi qu'au vu des présomptions il y a lieu d'engager des poursuites, il confirme l'acte d'accusation. A défaut, il le rejette.
2. S'il confirme l'acte d'accusation, le juge saisi décerne, sur réquisition du procureur, les ordonnances et mandats d'arrêt, de dépôt, d'amener ou de remise et toutes autres ordonnances nécessaires pour la conduite du procès.

Article 19

Ouverture et conduite du procès


1. La chambre de première instance veille à ce que le procès soit équitable et rapide et à ce que l'instance se déroule conformément au règlement de procédure et de preuve, les droits de l'accusé étant pleinement respectés et la protection des victimes et des témoins dûment assurée.
2. Toute personne contre laquelle un acte d'accusation a été confirmé est,
conformément à une ordonnance ou un mandat d'arrêt décerné par le tribunal international pour le Rwanda, placée en état d'arrestation, immédiatement informée des chefs d'accusation portés contre elle et déférée au tribunal international pour le Rwanda.
3. La chambre de première instance donne lecture de l'acte d'accusation,
s'assure que les droits de l'accusé sont respectés, confirme que l'accusé a compris le contenu de l'acte d'accusation et l'invite à faire valoir ses moyens de défense. La chambre de première instance fixe alors la date du procès.
4. Les audiences sont publiques à moins que la chambre de première instance décide de les tenir à huis clos conformément à son règlement de procédure et de preuve.

Article 20

Les droits de l'accusé


1. Tous sont égaux devant le tribunal international pour le Rwanda.
2. Toute personne contre laquelle des accusations sont portées a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, sous réserve des dispositions de l'article 21 du statut.
3. Toute personne accusée est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie conformément aux dispositions du présent statut. 4. Toute personne contre laquelle une accusation est portée en vertu du présent statut a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes : - à être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation portée contre elle ;
- à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix ;
- à être jugée sans retard excessif ;
- à être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir l'assistance d'un défenseur de son choix ; si elle n'a pas de défenseur, à être informée de son droit d'en avoir un et, chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, à se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, si elle n'a pas les moyens de le rémunérer ;
- à interroger ou faire interroger les témoins à charge et à obtenir la comparution et l'interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
- à se faire assister gratuitement d'un interprète si elle ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience ;
- à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable.

Article 21

Protection des victimes et des témoins


Le tribunal international pour le Rwanda prévoit dans son règlement de procédure et de preuve des mesures de protection des victimes et des témoins. Les mesures de protection comprennent, sans y être limitées, la tenue d'audiences à huis clos et la protection de l'identité des victimes.

Article 22

Sentence


1. La chambre de première instance prononce des sentences et impose des peines et sanctions à l'encontre des personnes convaincues de violations graves du droit international humanitaire.
2. La sentence est rendue en audience publique à la majorité des juges de la chambre de première instance. Elle est établie par écrit et motivée ; des opinions individuelles ou dissidentes pouvant y être jointes.

Article 23

Peines


1. La chambre de première instance n'impose que des peines d'emprisonnement. Pour fixer les conditions de l'emprisonnement, la chambre de première instance a recours à la grille générale des peines d'emprisonnement appliquée par les tribunaux du Rwanda.
2. En imposant toute peine, la chambre de première instance tient compte de facteurs tels que la gravité de l'infraction et la situation personnelle du condamné.
3. Outre l'emprisonnement du condamné, la chambre de première instance peut ordonner la restitution à leurs propriétaires légitimes de tous biens et ressources acquis par des moyens illicites, y compris par la contrainte.

Article 24

Appel


1. La chambre d'appel connaît des recours introduits soit par les personnes condamnées par les chambres de première instance, soit par le procureur, pour les motifs suivants :
a) Erreur sur un point de droit qui invalide la décision ; ou b) Erreur de fait qui a entraîné un déni de justice.
2. La chambre d'appel peut confirmer, annuler ou réviser les décisions des chambres de première instance.

Article 25

Révision


S'il est découvert un fait nouveau qui n'était pas connu au moment du procès en première instance ou en appel et qui aurait pu être un élément décisif de la décision, le condamné ou le procureur peut saisir le tribunal international pour le Rwanda d'une demande en révision de la sentence.

Article 26

Exécution des peines


Les peines d'emprisonnement sont exécutées au Rwanda ou dans un Etat désigné par le tribunal international pour le Rwanda sur la liste des Etats qui ont fait savoir au Conseil de sécurité qu'ils étaient disposés à recevoir des condamnés. Elles sont exécutées conformément aux lois en vigueur de l'Etat concerné, sous la supervision du tribunal.

Article 27

Grâce et commutation de peine


Si le condamné peut bénéficier d'une grâce ou d'une commutation de peine en vertu des lois de l'Etat dans lequel il est emprisonné, cet Etat en avise le tribunal international pour le Rwanda. Une grâce ou une commutation de peine n'est accordée que si le président du tribunal international pour le Rwanda, en consultation avec les juges, en décide ainsi dans l'intérêt de la justice et sur la base des principes généraux du droit.

Article 28

Coopération et entraide judiciaire


1. Les Etats collaborent avec le tribunal international pour le Rwanda à la recherche et au jugement des personnes accusées d'avoir commis des violations graves du droit international humanitaire.
2. Les Etats répondent sans retard à toute demande d'assistance ou à toute ordonnance émanant d'une chambre de première instance et concernant, sans s'y limiter :
- l'identification et la recherche des personnes ;
- la réunion des témoignages et la production des preuves ;
- l'expédition des documents ;
- l'arrestation ou la détention des personnes ;
- le transfert ou la traduction de l'accusé devant le tribunal international pour le Rwanda.

Article 29

Statut, privilèges et immunités

du tribunal international pour le Rwanda


1. La convention sur les privilèges et immunités des Nations unies en date du 13 février 1946 s'applique au tribunal international pour le Rwanda, aux juges, au procureur et à son personnel ainsi qu'au greffier et à son personnel.
2. Les juges, le procureur et le greffier jouissent des privilèges et immunités, des exemptions et des facilités accordés aux agents diplomatiques, conformément au droit international.
3. Le personnel du procureur et du greffier jouit des privilèges et immunités accordés aux fonctionnaires des Nations unies en vertu des articles V et VII de la convention visée au paragraphe 1 du présent article.
4. Les autres personnes, y compris les accusés, dont la présence est requise au siège ou au lieu de réunion du tribunal international pour le Rwanda bénéficient du traitement nécessaire pour assurer le bon fonctionnement du tribunal.

Article 30

Dépenses du tribunal international pour le Rwanda


Les dépenses du tribunal international pour le Rwanda sont imputées sur le budget ordinaire de l'Organisation des Nations unies conformément à l'article 17 de la Charte des Nations unies.

Article 31

Langues de travail


Les langues de travail du tribunal international sont l'anglais et le français.

Article 32

Rapport annuel


Le président du tribunal international pour le Rwanda présente chaque année un rapport du tribunal international pour le Rwanda au Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale.

A N N E X E I I I

REGLEMENT DE PROCEDURE ET DE PREUVE


Chapitre Ier

Dispositions générales


Article 1er

Entrée en vigueur


Le présent règlement de procédure et de preuve, adopté conformément aux dispositions de l'article 14 du statut du tribunal, entre en vigueur le 29 juin 1995.

Article 2

Définitions


(A) Sauf incompatibilité tenant au contexte, les expressions suivantes signifient :
Règlement : le règlement visé à l'article 1er ci-dessus ;
Statut : le statut du tribunal adopté par le Conseil de sécurité dans sa résolution 955 du 8 novembre 1994 ;
Tribunal : le tribunal pénal international chargé de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994, créé par le Conseil de sécurité dans sa résolution 955 du 8 novembre 1994 ;
Accusé : toute personne physique faisant l'objet d'un acte d'accusation conformément à l'article 47 ci-après ;
Arrestation : l'acte par lequel une autorité nationale appréhende et place en garde à vue un suspect ou un accusé ;
Bureau : organe constitué du président, du vice-président et du doyen des présidents des chambres de première instance ;
Enquête : tous les actes accomplis par le procureur conformément au statut et au règlement afin de rassembler des informations et des éléments de preuve ;
Partie : le procureur ou l'accusé ;
Président : le président du tribunal ;
Procureur : le procureur désigné conformément à l'article 15 du statut ;
Règlements internes : toute réglementation adoptée par le procureur en application du paragraphe (A) de l'article 37 dans le but d'organiser les activités du bureau du procureur ;
Suspect : toute personne physique au sujet de laquelle le procureur possède des informations fiables qui tendent à montrer qu'elle aurait commis une infraction relève de la compétence du tribunal ;
Entreprise criminelle : un certain nombre d'actions ou d'omissions survenant à l'occasion d'un seul événement ou de plusieurs, en un seul endroit ou en plusieurs, et faisant partie d'un plan, d'une stratégie ou d'un dessein commun ;
Victime : toute personne physique à l'égard de laquelle aurait été commise une infraction relevant de la compétence du tribunal.
(B) Aux fins du présent règlement, l'emploi du masculin et du singulier comprend le féminin et le pluriel et inversement.

Article 3

Emploi des langues


(A) Les langues de travail du tribunal sont le français et l'anglais.
(B) L'accusé a le droit de parler sa propre langue.
(C) Toute autre personne, à l'exception du conseil de l'accusé,
comparaissant devant le tribunal peut, sous réserve du paragraphe (D) du présent article, employer sa propre langue si elle n'a pas une connaissance suffisante de l'une ou l'autre des deux langues de travail.
(D) Le conseil de l'accusé peut demander au président d'une chambre l'autorisation d'employer une langue autre que les deux langues de travail ou celle de l'accusé. Si une telle autorisation est accordée, les frais d'interprétation et de traduction sont pris en charge par le tribunal dans les limites éventuellement fixées par le président, compte tenu des droits de la défense et de l'intérêt de la justice.
(E) Le greffier prend les dispositions voulues pour assurer la traduction des pièces et l'interprétation des débats dans les langues de travail.

Article 4

Réunions hors le siège du tribunal


Une chambre peut, avec l'autorisation du président, exercer ses fonctions hors du siège du tribunal si l'intérêt de la justice le commande.

Article 5

Effet d'une violation du règlement


Toute exception soulevée par une partie à l'égard d'un acte d'une autre partie et fondée sur une violation du règlement ou des règlements internes doit l'être dès que possible ; elle n'est accueillie et l'acte déclaré nul que si ce dernier est incompatible avec les principes fondamentaux de l'équité et a entraîné effectivement un mauvais fonctionnement de la justice.

Article 6

Modification du règlement


(A) Tout article du règlement peut être modifié à la demande d'un juge, du procureur ou du greffier. Une réunion plénière est convoquée à cet effet.
Chaque juge reçoit communication de la proposition de modification. Celle-ci est adoptée par un vote favorable de sept juges au moins.
(B) S'il n'est pas procédé comme prévu au paragraphe (A) ci-dessus, les modifications du règlement ne peuvent être adoptées qu'à l'unanimité.
(C) Les modifications entrent en vigueur immédiatement, sans préjudice du respect des droits de l'accusé dans les affaires en instance.

Article 7

Textes authentiques


Les textes en français et en anglais du règlement font également foi. En cas de divergence, le texte qui reflète le plus fidèlement l'esprit du statut et du règlement prévaut.

Chapitre II

Primauté du tribunal


Article 8

Demande d'information


Lorsqu'il apparaît au procureur qu'une infraction relevant de la compétence du tribunal fait ou a fait l'objet d'enquêtes ou de poursuites pénales devant une juridiction interne, il peut demander à l'Etat dont relève cette juridiction de lui transmettre toutes les informations pertinentes. L'Etat transmet sans délai au procureur ces informations, en application de l'article 28 du statut.

Article 9

Requête du procureur aux fins de dessaisissement


S'il apparaît au procureur, au vu des enquêtes ou poursuites pénales engagées devant une juridiction interne comme cela est prévu à l'article 8 ci-dessus, que :

i) L'infraction a reçu une qualification de droit commun ; ou

ii) La procédure engagée ne serait ni impartiale ni indépendante,

viserait à soustraire l'accusé à sa responsabilité pénale internationale ou n'aurait pas été exercée avec diligence ; ou

iii) L'objet de la procédure porte sur des faits ou des points de droit

qui ont une incidence sur des enquêtes ou des poursuites en cours devant le tribunal,
le procureur peut saisir la chambre de première instance désignée à cet effet par le président d'une requête aux fins de demander officiellement le dessaisissement de cette juridiction en faveur du tribunal.

Article 10

Demande officielle de dessaisissement


(A) S'il apparaît à la chambre de première instance saisie d'une telle requête de la part du procureur qu'elle est fondée, conformément à l'article 9 ci-dessus, la chambre de première instance peut demander officiellement à l'Etat dont relève la juridiction que celle-ci se dessaisisse en faveur du tribunal.
(B) La demande de dessaisissement porte également sur la transmission des éléments d'enquêtes, des copies du dossier d'audience et, le cas échéant,
d'une expédition du jugement.
(C) Lorsque le dessaisissement a été demandé par une chambre de première instance, tout procès ultérieur est porté devant l'autre chambre de première instance.

Article 11

Non-respect d'une demande officielle de dessaisissement


Si, dans un délai de soixante jours à compter de la date à laquelle le greffier a notifié la demande de dessaisissement à l'Etat dont relève l'institution judiciaire ayant connu de l'affaire dont il s'agit, l'Etat ne fournit pas à la chambre de première instance l'assurance qu'il a pris ou entend prendre les mesures voulues pour se conformer à cette demande, la chambre peut prier le président de soumettre la question au Conseil de sécurité.

Article 12

Décisions des juridictions internes


Sous réserve du paragraphe 2 de l'article 9 du statut, les décisions des juridictions internes ne lient pas le tribunal.

Article 13

Non bis in idem


Si le président est valablement informé de poursuites pénales engagées contre une personne devant une juridiction interne pour des faits constituant de graves violations du droit international humanitaire au sens du statut pour lesquels l'intéressé a déjà été jugé par le tribunal, une chambre de première instance rend, conformément à la procédure visée à l'article 10,
mutatis mutandis, une ordonnance motivée invitant cette juridiction à mettre fin définitivement aux poursuites. Si cette juridiction s'y refuse, le président peut soumettre la question au Conseil de sécurité.

Chapitre III

Organisation du tribunal


Section 1

Les juges


Article 14

Déclaration solennelle


(A) Avant de prendre ses fonctions, chaque juge fait la déclaration solennelle suivante :
« Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai mes attributions de juge du tribunal pénal international chargé de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et en toute conscience. » (B) Le texte de cette déclaration, signé par le juge en présence du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies ou de son représentant, est versé aux archives du tribunal.

Article 15

Récusation et empêchement de juges


(A) Un juge ne peut connaître en première instance ou en appel d'une affaire dans laquelle il a un intérêt personnel ou avec laquelle il a ou il a eu un lien quelconque de nature à porter atteinte à son impartialité. En ce cas, il doit se dessaisir de cette affaire. Lorsque le juge renonce à siéger au sein d'une chambre de première instance, le président désigne un autre juge de première instance pour siéger à sa place. Lorsqu'un juge renonce à siéger au sein de la chambre d'appel, le président de la chambre d'appel désigne un autre juge pour siéger à sa place.
(B) Toute partie peut solliciter du président de la chambre qu'un juge de cette chambre soit dessaisi d'une affaire en première instance ou en appel pour les raisons ci-dessus énoncées. Après que le président de la chambre en a conféré avec le juge concerné, le bureau statue si nécessaire. Si le bureau donne suite à la demande, le président désigne un autre juge pour remplacer le juge dessaisi.
(C) Le juge d'une chambre de première instance qui examine un acte d'accusation, conformément à l'article 18 du statut et à l'article 47 du règlement, ne peut siéger à la chambre appelée à juger ultérieurement l'accusé.
(D) Aucun membre de la chambre d'appel ne peut connaître, en cette qualité, d'une affaire dont un autre juge de la même nationalité a eu à connaître en première instance.
(E) Si, pour une raison quelconque, un membre d'une chambre est empêché de siéger à l'instance, le président de la chambre peut, si l'empêchement semble devoir être de courte durée, surseoir à la procédure ; dans le cas contraire, il en rend compte au président, lequel peut désigner un autre juge et ordonner soit la réouverture, soit la poursuite des débats.
Toutefois, après les déclarations liminaires prévues par l'article 84, ou le début de présentation des preuves en application de l'article 85, la poursuite des débats ne peut être ordonnée qu'avec le consentement de l'accusé.

Article 16

Démission


La démission d'un juge est adressée par écrit au président pour être transmise au secrétaire général de l'Organisation des Nations unies.

Article 17

Préséance


(A) Tous les juges sont égaux dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, quels que soient la date de leur élection ou de leur nomination, leur âge ou la durée des fonctions déjà exercées.
(B) Après le président et le vice-président, les présidents des chambres prennent rang entre eux selon l'ancienneté d'âge.
(C) Les juges élus ou nommés à des dates différentes prennent rang selon la date de leur élection ou de leur nomination ; les juges élus ou nommés à la même date prennent rang entre eux selon l'ancienneté d'âge.
(D) En cas de réélection, il est tenu compte de la durée totale des fonctions déjà exercées par le juge intéressé.

Section 2

Présidence du tribunal


Article 18

Election du président


(A) Le président est élu pour une période de deux ans, dès lors que cette période ne dépasse pas sa durée de fonctions en tant que juge. Le président est rééligible une fois.
(B) Si le président cesse d'être membre du tribunal ou démissionne avant l'expiration normale de son mandat, les juges du tribunal élisent parmi eux son successeur pour le reste de son mandat.
(C) Le président est élu à la majorité des juges du tribunal. Si aucun juge ne recueille la majorité, il est procédé à un nouveau tour de scrutin entre les deux juges qui ont obtenu le plus de voix. En cas de partage des voix au second tour, est élu le juge qui a préséance, conformément à l'article 17 ci-dessus.

Article 19

Fonctions du président


Le président préside toutes les réunions plénières du tribunal, coordonne les travaux des chambres, contrôle les activités du greffe et s'acquitte de toutes les autres fonctions qui lui sont confiées par le statut et par le règlement.

Article 20

Le vice-président


(A) Le vice-président est élu pour une période de deux ans, dès lors que cette période ne dépasse pas sa durée de fonctions en tant que juge. Le vice-président est rééligible une fois.
(B) Les dispositions prévues aux paragraphes (B) et (C) de l'article 18 s'appliquent mutatis mutandis au vice-président.

Article 21

Fonctions du vice-président


Le vice-président exerce les fonctions du président si celui-ci est absent ou empêché.

Article 22

Remplacement du président et du vice-président


(A) Si le président et le vice-président sont l'un et l'autre empêchés d'exercer la présidence, celle-ci est assurée par le juge doyen de la chambre de première instance, conformément à l'article 17 ci-dessus.

Section 3

Fonctionnement interne du tribunal


Article 23

Le bureau


(A) Le bureau est constitué du président, du vice-président et du doyen des présidents des chambres de première instance. Lorsque le doyen des présidents des chambres de première instance exerce la fonction de président ou de vice-président, le président de l'autre chambre de première instance devient membre du bureau.

(B) Le président consulte les autres membres du bureau au sujet de toutes les questions importantes liées au fonctionnement du tribunal.

(C) Tout juge peut appeler l'attention d'un membre du bureau sur les questions qui méritent à son avis d'être examinées par le bureau ou d'être soumises à une réunion plénière du tribunal.

Article 24

Réunions plénières du tribunal


Les juges se réunissent en plénière pour :
i) L'élection du président et du vice-président ;
ii) L'adoption et la modification du règlement ;

iii) L'adoption du rapport annuel prévu à l'article 32 du statut ;

iv) L'adoption de décisions sur les questions liées au fonctionnement

interne des chambres et du tribunal ;

v) La détermination ou le contrôle des conditions de détention ;

vi) L'accomplissement de toute autre tâche prévue dans le statut ou le

règlement.

Article 25

Sessions plénières


(A) En principe, le tribunal arrête au mois de juillet les dates et la durée de ses réunions plénières ordinaires pour l'année civile suivante.
(B) Si au moins six juges le demandent, le président doit convoquer d'autres réunions plénières ; il peut aussi en convoquer dans tous les cas où l'exigent les fonctions que lui confèrent le statut ou le règlement.

Article 26

Quorum et vote


(A) Un quorum de sept juges est requis pour chaque réunion plénière du tribunal.
(B) Sous réserve des dispositions des paragraphes (A) et (B) de l'article 6 ci-dessus et des paragraphes (B) et (C) de l'article 18 ci-dessus, les décisions adoptées par le tribunal en plénière sont prises à la majorité des juges présents. En cas de partage des voix, celle du président ou du juge faisant fonction est prépondérante.

Section 4

Les chambres


Article 27

Roulement des juges


(A) L'affectation des juges aux chambres de première instance se fait par roulement périodique, compte tenu de la nécessité d'assurer la bonne expédition des affaires.
(B) Les juges prennent leurs fonctions à la chambre à laquelle ils sont affectés dès que le président le juge opportun, compte tenu de la nécessité d'expédier des affaires en instance.
(C) Le président peut à tout moment affecter temporairement un membre d'une chambre de première instance à une autre chambre.

Article 28

Affectation aux fins de l'examen des actes d'accusation


Au mois de juillet de chaque année et après avoir consulté les juges, le président désigne, pour chaque mois de l'année civile à venir, un juge dans chaque chambre de première instance auquel les actes d'accusation seront transmis pour examen conformément à l'article 47 ci-après et en publie la liste.

Article 29

Délibéré


Les délibérations des chambres sont et demeurent secrètes.

Section 5

Le greffe


Article 30

Nomination du greffier


Avant de donner son avis au secrétaire général de l'Organisation des Nations unies conformément au paragraphe 3 de l'article 16 du statut, le président recueille l'opinion des juges au sujet des candidats à la fonction de greffier.

Article 31

Nomination du greffier adjoint et du personnel du greffe


Après avoir consulté le président, le greffier recommande au secrétaire général de l'Organisation des Nations unies la personne à nommer aux fonctions de greffier adjoint ainsi que les autres membres du personnel du greffe.

Article 32

Déclaration solennelle


(A) Avant son entrée en fonctions, le greffier fait devant le président la déclaration suivante :
« Je déclare solennellement que je remplirai en toute loyauté, discrétion et conscience les devoirs qui m'incombent en ma qualité de greffier du tribunal pénal international chargé de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda, et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 et que j'observerai fidèlement toutes les prescriptions du statut et du règlement du tribunal. » (B) Le greffier adjoint fait devant le président une déclaration semblable avant son entrée en fonctions.
(C) Tout membre du personnel du greffe fait une déclaration semblable devant le greffier.

Article 33

Fonctions du greffier


Le greffier apporte son concours aux chambres et lors des réunions plénières du tribunal, ainsi qu'aux juges et au procureur dans l'exercice de leurs fonctions. Sous l'autorité du président, il est responsable de l'administration et du service du tribunal et est chargé de toute communication émanant du tribunal ou adressée à celui-ci.

Article 34

Division d'aide aux victimes et aux témoins


(A) Il est créé auprès du greffier une division d'aide aux victimes et aux témoins, composée d'un personnel qualifié et chargée de :

i) Recommander l'adoption de mesures de protection des victimes et des

témoins conformément à l'article 21 du statut ;

ii) Fournir conseils et assistance aux victimes et aux témoins,

particulièrement en cas de viols et violences sexuelles.
(B) Il est dûment tenu compte, lors de la nomination du personnel de la division, de la nécessité d'y employer des femmes ayant une formation spécialisée.

Article 35

Procès-verbaux


Hormis les cas de compte rendu intégral prévu à l'article 81 ci-après, le greffier ou les fonctionnaires du greffe désignés par lui établissent les procès-verbaux des réunions plénières du tribunal et des audiences des chambres, à l'exception des délibérations à huis clos.

Article 36

Répertoire général


Le greffier tient un répertoire général indiquant, pour chaque affaire portée devant le tribunal, sous réserve de l'article 53, tous les renseignements pertinents. Le répertoire général est ouvert au public.

Section 6

Le procureur


Article 37

Fonctions du procureur


(A) Le procureur remplit toutes les fonctions prévues par le statut conformément au règlement et aux règlements internes qu'il adopte, pour autant que ceux-ci soient compatibles avec le statut et le règlement. Toute incompatibilité présumée des règlements internes est portée à la connaissance du bureau, dont l'opinion prévaut.
(B) Les pouvoirs du procureur tels que définis aux chapitres IV à VIII du règlement peuvent être exercés par le personnel du bureau du procureur qu'il autorise à cette fin ou par toute personne mandatée par lui à cet effet.

Article 38

Procureur adjoint


(A) Le procureur recommande au secrétaire général de l'Organisation des Nations unies la personne à nommer aux fonctions de procureur adjoint.
(B) Le procureur adjoint remplit les fonctions du procureur en cas d'absence ou d'incapacité ou sur instructions formelles du procureur.

Chapitre IV

Enquêtes et droits des suspects


Section 1

Enquêtes


Article 39

Déroulement des enquêtes


Aux fins de ses enquêtes, le procureur est habilité à :

i) Convoquer et interroger les suspects, entendre les victimes et les

témoins, enregistrer leurs déclarations, recueillir tous les éléments de preuve et enquêter sur les lieux ;

ii) Prendre toutes autres mesures jugées nécessaires aux fins de

l'enquête et aux fins de soutenir l'accusation au procès, y compris des mesures spéciales nécessaires à la sécurité d'éventuels témoins et informateurs ;

iii) Obtenir à ces fins l'aide de toute autorité nationale compétente,

ainsi que tout organisme international, y compris l'organisation internationale de police criminelle (Interpol) ;

iv) Solliciter d'une chambre de première instance ou d'un juge le

prononcé de toute ordonnance nécessaire.

Article 40

Mesures conservatoires


En cas d'urgence le procureur peut demander à tout Etat :

i) De procéder à l'arrestation et au placement en garde à vue d'un

suspect ;
ii) De saisir tous éléments de preuves matériels ;

iii) De prendre toute mesure nécessaire pour empêcher l'évasion du

suspect ou de l'accusé, l'intimidation ou les atteintes à l'intégrité physique des victimes ou des témoins, ou la destruction d'éléments de preuve. L'Etat concerné s'exécute sans délai, en application de l'article 28 du statut.

Article 41

Conservation des informations


Le procureur est responsable de la conservation, la garde et la sécurité des informations et des éléments de preuve matériels recueillis au cours des enquêtes.

Article 42

Droits du suspect pendant l'enquête


(A) Avant d'être interrogé par le procureur, le suspect est informé de ses droits dans une langue qu'il parle et comprend, à savoir :

i) Son droit à l'assistance d'un conseil de son choix ou s'il est

indigent à la commission d'office d'un conseil à titre gratuit ;

ii) Son droit à l'assistance gratuite d'un interprète s'il ne comprend

pas ou ne parle pas la langue utilisée lors de l'interrogatoire ; et

iii) Son droit de garder le silence et d'être averti que chacune de ses

déclarations sera enregistrée et pourra être utilisée comme moyen de preuve. (B) L'interrogatoire d'un suspect ne peut avoir lieu qu'en présence de son conseil, à moins que le suspect n'ait renoncé à son droit à l'assistance d'un conseil. L'interrogatoire doit néanmoins cesser si un suspect qui a initialement renoncé à son droit à l'assistance d'un conseil, s'en prévaut ultérieurement ; l'interrogatoire ne doit reprendre que lorsque le suspect a obtenu de son chef ou d'office l'assistance d'un conseil.

Article 43

Enregistrement des interrogatoires des suspects


Le procureur ne peut interroger un suspect que si l'interrogatoire est consigné sous forme d'enregistrement sonore ou vidéo selon les modalités suivantes :

i) Le suspect est informé, dans une langue qu'il parle et comprend, de

ce que l'interrogatoire est consigné sous forme d'enregistrement sonore ou vidéo ;

ii) Si l'interrogatoire est suspendu, l'heure de la suspension et celle

de la reprise de l'interrogatoire sont respectivement mentionnées dans l'enregistrement avant qu'il n'y soit procédé ;

iii) A la fin de l'interrogatoire, il est donné au suspect la

possibilité de préciser ou de compléter toutes ses déclarations ; l'heure de la fin de l'interrogatoire est alors mentionnée dans l'enregistrement ;

iv) La teneur de l'enregistrement est transcrite dès que possible après

la fin de l'interrogatoire et copie du texte de la transcription est remise au suspect ; copie de l'enregistrement ou, s'il a été utilisé un appareil d'enregistrements multiples, l'une des bandes originales, est également remise au suspect ;

v) Après copie faite si nécessaire de l'enregistrement aux fins de

transcription, la bande originale de l'enregistrement ou l'une d'entre elles est placée en présence du suspect, sous scellés contresignés par lui-même et par le procureur.

Section 2

Du conseil


Article 44

Mandat et qualification


Le conseil choisi par un suspect ou un accusé dépose dès que possible son mandat auprès du greffier. Sous réserve de vérification par le greffier, tout conseil est considéré comme qualifié pour représenter un suspect ou un accusé dès lors qu'il est habilité à exercer la profession d'avocat dans un Etat ou est professeur de droit dans une université.

Article 45

Commission d'office d'un conseil


(A) Le greffier tient une liste des conseils parlant au moins une des deux langues de travail du tribunal et remplissant les conditions visées à l'article 44 ci-dessus, qui, en outre, ont fait savoir qu'ils accepteraient d'être commis d'office par le tribunal pour représenter un suspect ou un accusé indigent.
(B) Les critères de l'indigence sont déterminés par le greffier et approuvés par les juges du tribunal.
(C) Un conseil est commis d'office pour représenter un suspect ou un accusé indigent conformément à la procédure suivante :

i) Une demande aux fins de commission d'un conseil doit être présentée

au greffier ;

ii) Le greffier doit s'enquérir des moyens financiers du suspect ou de

l'accusé et apprécier si les critères d'indigence sont réunis ;

iii) Dans l'affirmative, il commet un conseil choisi sur la liste ; dans

le cas contraire, il en informe l'intéressé.

(D) En cas de rejet de la demande, le suspect ou l'accusé peut soumettre au greffier une nouvelle demande motivée par un changement de circonstances.
(E) Le greffier en consultation avec les juges détermine le tarif des honoraires à verser au conseil commis d'office.
(F) Si un suspect ou un accusé décide d'assurer lui-même sa défense, il en avertit par écrit le greffier dès que possible.
(G) S'il s'avère qu'une personne présumée indigente ne l'est pas, la chambre peut rendre une ordonnance aux fins de récupérer les frais entraînés par la commission d'un conseil.

Article 46

Discipline


(A) Une chambre peut, après un rappel à l'ordre resté sans effet, refuser d'entendre un conseil si elle considère que son comportement est offensant ou entrave le bon déroulement de l'audience.
(B) Un juge ou une chambre de première instance peut, avec l'accord du président, signaler tout manquement du conseil à l'ordre des avocats dans le pays où il est admis à l'exercice de sa profession ou, si l'intéressé est professeur et n'est pas avocat, à l'université dont il relève.

Chapitre V

Mise en accusation


Section 1

L'acte d'accusation


Article 47

Présentation de l'acte d'accusation par le procureur


(A) Lorsque l'enquête permet au procureur d'établir qu'il existe des éléments de preuve suffisants pour soutenir raisonnablement qu'un suspect a commis une infraction relevant de la compétence du tribunal, le procureur établit et transmet au greffier pour confirmation par un juge un acte d'accusation auquel il joint tous les éléments justificatifs.
(B) L'acte d'accusation indique le nom du suspect et les renseignements personnels le concernant ainsi qu'une relation concise des faits de l'affaire et la qualification qu'ils revêtent.
(C) Le greffier transmet l'acte d'accusation et les pièces jointes à l'un des juges désigné conformément à l'article 28 ci-dessus, lequel informe le procureur de la date fixée pour l'examen de l'acte d'accusation.
(D) Au cours de son examen, le juge entend le procureur. Ce dernier peut présenter tout élément supplémentaire à l'appui d'un chef d'accusation. Le juge peut confirmer ou rejeter chaque chef d'accusation. Il peut également surseoir à sa décision.
(E) Le rejet d'un chef d'accusation n'interdit pas au procureur d'établir ultérieurement un nouvel acte d'accusation sur la base des faits ayant fondé le chef d'accusation rejeté, pour autant que soient produits à l'appui des éléments de preuve supplémentaires.

Article 48

Jonction d'instances


Des personnes accusées d'une même infraction ou d'infractions différentes commises à l'occasion de la même entreprise criminelle peuvent être mises en accusation et jugées ensemble.

Article 49

Jonction de chefs d'accusation


Plusieurs infractions peuvent faire l'objet d'un seul et même acte d'accusation si les actes incriminés ont été commis à l'occasion de la même opération et par le même accusé.

Article 50

Modifications de l'acte d'accusation


Le procureur peut, sans autorisation préalable, apporter des modifications à l'acte d'accusation à tout moment avant sa confirmation. Postérieurement, il ne peut le faire qu'avec l'autorisation du juge ayant confirmé ou, au cours du procès, avec l'autorisation de la chambre de première instance. Si une telle autorisation est accordée, l'acte d'accusation modifié est communiqué à l'accusé et à son conseil et, si nécessaire, la date du procès est repoussée pour donner à la défense le temps de se préparer.

Article 51

Retrait d'un acte d'accusation


(A) Le procureur peut, sans autorisation préalable, retirer un acte d'accusation à tout moment avant sa confirmation. Postérieurement, il ne peut le faire qu'avec l'autorisation du juge l'ayant confirmé ou, au cours du procès, avec l'autorisation de la chambre de première instance.
(B) Le retrait de l'acte d'accusation est notifié sans délai au suspect ou à l'accusé et à son conseil.

Article 52

Publicité de l'acte d'accusation


Après la confirmation par le juge de première instance, et sous réserve de l'article 53 ci-après, l'acte d'accusation est rendu public.

Article 53

Non-divulgation


(A) Lorsqu'il confirme un acte d'accusation, le juge peut, après avis du procureur, ordonner sa non-divulgation au public jusqu'à sa signification à l'accusé ou, en cas de jonction d'instances, à tous les accusés.
(B) Un juge ou une chambre de première instance, après avis du procureur,
peut également ordonner la non-divulgation au public de tout ou partie de l'acte d'accusation, de toute information et de tout document particuliers,
si l'un ou l'autre est convaincu qu'une telle ordonnance est nécessaire pour donner effet à une disposition du règlement ou pour préserver des informations confidentielles obtenues par le procureur ou encore que l'intérêt de la justice le commande.

Section 2

Ordonnances et mandats


Article 54

Disposition générale


A la demande d'une des parties ou de sa propre initiative un juge ou une chambre de première instance peut délivrer les ordonnances, citations à comparaître, assignations et mandats nécessaires aux fins de l'enquête, de la préparation ou de la conduite du procès.

Article 55

Exécution des mandats d'arrêt


(A) Tout mandat d'arrêt doit être signé par un juge et revêtu du sceau du tribunal. Il est accompagné d'une copie de l'acte d'accusation et d'un document rappelant les droits de l'accusé. Au titre de ces droits figurent ceux qui sont énoncés à l'article 20 du statut et, mutatis mutandis, aux articles 42 et 43 ci-dessus, ainsi que le droit de conserver le silence et la mise en garde selon laquelle toute déclaration faite par l'accusé est enregistrée et peut être retenue contre lui.
(B) Le greffier transmet le mandat aux fins d'arrestation et l'ordonnance de déferrement de l'accusé aux autorités nationales de l'Etat sur le territoire ou sous la juridiction ou le contrôle duquel l'accusé réside ou a eu sa dernière résidence connue. Ce mandat est accompagné d'instructions selon lesquelles, au moment de son arrestation, l'acte d'accusation, le document rappelant les droits de l'accusé et la mise en garde prévus au paragraphe (A) ci-dessus doivent lui être lus dans une langue qu'il comprend.
(C) Lorsqu'un mandat d'arrêt émis par le tribunal est exécuté, un membre du bureau du procureur peut être présent à compter du moment de l'arrestation.

Article 56

Coopération des Etats


L'Etat auquel est transmis un mandat d'arrêt agit sans tarder et avec toute la diligence voulue pour assurer sa bonne exécution, conformément à l'article 28 du statut.

Article 57

Procédure après l'arrestation


Après l'arrestation de l'accusé, l'Etat concerné détient l'intéressé et en informe sans délai le greffier. Le transfert de l'accusé au siège du tribunal ou à tout autre lieu que le bureau peut fixer, après consultation du procureur et du greffier, est organisé par les autorités nationales intéressées en liaison avec les autorités du pays hôte et le greffier.

Article 58

Dispositions de droit interne relatives à l'extradition


Les obligations énoncées à l'article 28 du statut prévalent sur tous obstacles juridiques que la législation nationale ou les traités d'extradition auxquels l'Etat intéressé est partie pourraient opposer à la remise ou au transfert de l'accusé au tribunal.

Article 59

Défaut d'exécution d'un mandat d'arrêt


(A) Lorsque l'Etat auquel un mandat d'arrêt a été transmis n'a pu l'exécuter, il en informe sans délai le greffier et en indique les raisons.
(B) Si, dans un délai raisonnable, il n'est pas rendu compte des mesures prises, l'Etat est réputé ne pas avoir exécuté le mandat d'arrêt et le tribunal, par l'intermédiaire du président, en informe le conseil de sécurité.

Article 60

Publication de l'acte d'accusation


A la demande du procureur, le greffier transmet le texte d'une annonce aux autorités nationales de l'Etat ou des Etats sur les territoires desquels le procureur a des raisons de croire que l'accusé peut se trouver, aux fins de publication dans des journaux à grande diffusion. L'annonce porte à la connaissance de l'accusé que l'on cherche à lui notifier un acte d'accusation le concernant.

Article 61

Procédure en cas d'inexécution d'un mandat d'arrêt


(A) Si le mandat d'arrêt n'a pas été exécuté et, dès lors, l'acte d'accusation n'a pas été signifié à l'accusé, et si le procureur établit devant le juge de première instance qui a confirmé l'acte d'accusation que :

i) Le procureur a pris toutes les mesures raisonnables pour effectuer la

signification à personne, notamment en ayant recours aux autorités compétentes de l'Etat sur le territoire ou sous la juridiction ou le contrôle duquel l'accusé réside ou avait sa dernière résidence connue, et

ii) Le procureur a essayé selon d'autres modalités d'informer l'accusé

de l'existence de l'acte d'accusation en cherchant à publier des annonces appropriées dans les journaux dudit Etat conformément à l'article 60 ci-dessus, le juge ordonne que le procureur saisisse la chambre de première instance à laquelle il est effecté de l'acte d'accusation.
(B) Dès le prononcé d'une telle ordonnance, le procureur soumet l'acte d'accusation à la chambre de première instance en audience publique, en y joignant tous les éléments de preuve présentés au juge qui a initialement confirmé l'acte d'accusation. Le procureur peut également citer à comparaître et interroger, devant la chambre de première instance, tout témoin dont la déclaration a été soumise au juge ayant initialement confirmé l'acte d'accusation.
(C) Si la chambre de première instance considère, sur la base de ces éléments de preuve ainsi que de tous autres que le procureur pourra produire, qu'il existe des raisons suffisantes de croire que l'accusé a commis une ou toutes les infractions mises à sa charge dans l'acte d'accusation, elle statue en conséquence. La chambre prie le procureur de donner lecture des parties pertinentes de l'acte d'accusation et de rendre compte des efforts déployés pour effectuer la signification tels que prévus au paragraphe (A) ci-dessus.
(D) En outre, la chambre de première instance délivre contre l'accusé un mandat d'arrêt international qui est transmis à tous les Etats.
(E) Si le procureur établit à l'audience devant la chambre de première instance que le défaut de signification de l'acte d'accusation est imputable en tout ou en partie au défaut ou au refus de coopération d'un Etat avec le tribunal contrairement à l'article 28 du statut, la chambre de première instance en dresse constat et le président en informe le Conseil de sécurité.

Article 62

Comparution initiale de l'accusé


Après son transfert au tribunal, l'accusé comparaît sans délai devant une chambre de première instance et est officiellement mis en accusation. La chambre de première instance :

i) S'assure que le droit de l'accusé à l'assistance d'un conseil est

respecté ;

ii) Donne lecture ou fait donner lecture de l'acte d'accusation à

l'accusé dans une langue qu'il parle et comprend, et s'assure que l'intéressé comprend l'acte d'accusation ;

iii) Invite l'accusé à plaider coupable ou non coupable pour chaque chef

d'accusation et, à défaut pour l'accusé de plaider, inscrit en son nom au dossier qu'il a plaidé non coupable ;

iv) Au cas où l'accusé plaide non coupable, donne instruction au

greffier de fixer la date du procès ;

v) Au cas où l'accusé plaide coupable, donne instruction au greffier de

fixer la date de l'audience préalable au prononcé de la sentence ;

vi) Donne instruction au greffier de fixer toute autre date appropriée.


Article 63

Interrogatoire de l'accusé


Après la comparution initiale de l'accusé, le procureur ne peut l'interroger qu'en présence de son conseil et pour autant que l'interrogatoire soit consigné sous forme d'enregistrement sonore ou vidéo conformément à la procédure prévue à l'article 43. Le procureur informe en outre l'accusé préalablement à l'interrogatoire de ce qu'il n'est pas obligé de parler et que, s'il choisit de parler, ce qu'il dira pourra être retenu contre lui.

Article 64

Détention préventive


Après son transfert au tribunal, l'accusé est détenu dans les locaux mis à disposition par le pays hôte ou par un autre pays. Le président peut à la requête d'une des parties demander de modifier les conditions de la détention de l'accusé.

Article 65

Mise en liberté provisoire


(A) Une fois détenu, l'accusé ne peut être mis en liberté provisoire que sur ordonnance d'une chambre de première instance.
(B) La mise en liberté provisoire ne peut être ordonnée par la chambre de première instance que dans des circonstances exceptionnelles, après avoir entendu le pays hôte, et pour autant qu'elle ait la certitude que l'accusé comparaîtra et, s'il est libéré, ne mettra pas en danger une victime, un témoin ou toute autre personne.
(C) La chambre de première instance peut subordonner la mise en liberté provisoire aux conditions qu'elle juge appropriées, y compris la mise en place d'un cautionnement et, le cas échéant, l'observation des conditions nécessaires pour garantir la présence de l'accusé au procès et la protection d'autrui.
(D) Si besoin est, la chambre de première instance peut délivrer un mandat d'arrêt pour garantir la comparution d'un accusé précédemment mis en liberté provisoire ou en liberté pour toute autre raison.

Section 3

Production de moyens de preuve


Article 66

Communication de pièces par le procureur


(A) Dès que possible après la comparution initiale de l'accusé, le procureur communique à la défense copie de toutes les pièces jointes à l'acte d'accusation lors de la demande de confirmation ainsi que toutes les déclarations préalables de l'accusé ou des témoins à charge recueillies par le procureur.
(B) A la demande de la défense, le procureur doit, sous réserve du paragraphe (C), permettre à celle-ci de prendre connaissance des livres,
photographies, pièces à conviction et tous documents se trouvant en sa possession ou sous son contrôle qui, soit sont nécessaires à la défense de l'accusé, soit seront utilisés par le procureur comme moyens de preuve au procès, soit ont été obtenus de l'accusé ou lui appartiennent.
(C) Dans le cas où la communication de pièces se trouvant en la possession du procureur pourrait nuire à de nouvelles enquêtes ou à des enquêtes en cours, ou pour toute autre raison pourrait être contraire à l'intérêt public ou porter atteinte à la sécurité d'un Etat, le procureur peut demander à la chambre de première instance siégeant à huis clos d'être dispensé de l'obligation visée au paragraphe (B) ci-dessus. En formulant sa demande, le procureur fournira à la chambre de première instance (mais uniquement la chambre de première instance) les pièces dont la confidentialité est recherchée.

Article 67

Echange des moyens de preuve


(A) Dès que possible et en toute hypothèse avant le début du procès :

i) Le procureur informe la défense du nom des témoins à charge qu'il a

l'intention d'appeler pour établir la culpabilité de l'accusé et pour réfuter tout moyen de défense dont le procureur a été informé conformément au paragraphe (ii) ci-dessous ;

ii) La défense informe le procureur de son intention d'invoquer :

a) Une défense d'alibi, avec indication du lieu ou des lieux

spécifiques où l'accusé prétend s'être trouvé au moment des faits incriminés, des nom et adresse des témoins ainsi que tous autres éléments de preuve sur lesquels l'accusé a l'intention de se fonder pour établir sa défense d'alibi ;

b) Un moyen de défense spécial, y compris le défaut total ou partiel

de responsabilité mentale, avec indication des nom et adresse des témoins ainsi que tous autres éléments de preuve sur lesquels l'accusé a l'intention de se fonder pour établir ce moyen de défense.
(B) Le défaut d'une telle notification par la défense ne limite pas le droit de l'accusé d'invoquer ces moyens de défense.
(C) Si la défense introduit la requête prévue au paragraphe (B) de l'article 66 ci-dessus, le procureur peut à son tour prendre connaissance des livres,
photographies, pièces à conviction et tous documents en la possession ou sous le contrôle de la défense et qu'elle entend produire.
(D) Si l'une ou l'autre des parties découvre des éléments de preuve ou informations supplémentaires qui auraient dû être produits conformément au règlement, elle en informe sans tarder l'autre partie et la chambre de première instance.

Article 68

Communication des moyens de preuve à décharge


Le procureur informe la défense aussitôt que possible de l'existence d'éléments de preuve dont il a connaissance qui sont de nature à disculper en tout ou en partie l'accusé ou qui pourraient porter atteinte à la crédibilité des moyens de preuve à charge.

Article 69

Protection des victimes et des témoins


(A) Dans des cas exceptionnels, le procureur peut demander à la chambre de première instance d'ordonner la non-divulgation de l'identité d'une victime ou d'un témoin pour empêcher qu'ils ne courent un danger ou des risques, et ce jusqu'au moment où ils seront placés sous la protection du tribunal.
(B) En déterminant les mesures de protection destinées aux victimes ou témoins, la chambre de première instance peut consulter la division d'aide aux victimes et aux témoins.
(C) Sans préjudice des dispositions de l'article 75 ci-dessous, l'identité de cette victime ou de ce témoin devra être divulguée avant le commencement du procès et dans des délais permettant à la défense de se préparer.

Article 70

Exception à l'obligation de communication


(A) Nonobstant les dispositions des articles 66 et 67 ci-dessus, les rapports, mémoires ou autres documents internes établis par une partie, ses assistants ou ses représentants dans le cadre de l'enquête ou de la préparation du dossier n'ont pas à être communiqués ou échangés.
(B) Si le procureur possède des informations qui ont été communiquées à titre confidentiel et dans la mesure où ces informations n'ont été utilisées que dans le seul but de recueillir des éléments de preuve nouveaux, le procureur ne peut divulguer ces informations initiales et leur source qu'avec le consentement de la personne ou de l'entité les ayant fournies. Ces informations et leur source ne seront en aucun cas utilisées comme moyens de preuve avant d'avoir été communiquées à l'accusé.

Section 4

Dépositions


Article 71

Dépositions


(A) En raison de circonstances exceptionnelles, et dans l'intérêt de la justice, la chambre de première instance peut ordonner, à la demande de l'une des parties, qu'une déposition soit recueillie en vue du procès. La chambre mandate à cet effet un officier en charge qui préside à la prise de déposition.
(B) La requête visant à faire recueillir une déposition est présentée par écrit. Elle mentionne les nom et adresse du témoin, les conditions de date et de lieu de la déposition, l'objet de cette déposition ainsi que les circonstances exceptionnelles qui la justifient.
(C) S'il est fait droit à la requête, la partie ayant demandé la déposition en donne préavis raisonnable à l'autre partie qui aura le droit d'assister à la déposition et de contre-interroger le témoin.
(D) La déposition peut aussi être recueillie par voie de vidéoconférence.
(E) L'officier en charge s'assure que la déposition et, le cas échéant, le contre-interrogatoire, sont recueillis et enregistrés selon les formes prévues au règlement ; il reçoit et réserve à la décision de la chambre les objections soulevées par l'une ou l'autre des parties. Il transmet tout le dossier à la chambre de première instance.

Section 5

Exceptions préjudicielles


Article 72

Disposition générale


(A) Après la comparution initiale de l'accusé, l'une ou l'autre des parties peut soulever devant la chambre de première instance une ou plusieurs exceptions préjudicielles. La chambre décide si l'exception est présentée sous forme écrite ou orale.
(B) La chambre se prononce sur les exceptions préjudicielles in limine litis. Les décisions ainsi rendues ne sont pas susceptibles d'appel, sauf dans le cas où la chambre a rejeté une exception d'incompétence.

Article 73

Exceptions préjudicielles soulevées par l'accusé


(A) Les exceptions préjudicielles soulevées par l'accusé sont :
i) L'exception d'incompétence ;

ii) L'exception fondée sur des vices de forme de l'acte d'accusation ;

iii) L'exception aux fins d'irrecevabilité d'éléments de preuve obtenus

de l'accusé ou lui appartenant ;

iv) L'exception aux fins de disjonction des chefs d'accusation joints

conformément à l'article 49 ci-dessus, ou de disjonction d'instances conformément au paragraphe (B) de l'article 82 ci-après ;

v) L'exception fondée sur le rejet d'une demande de commission d'office

d'un conseil.
(B) Les exceptions ci-dessus doivent être soulevées par l'accusé dans les soixante jours suivant sa comparution initiale et en toute hypothèse avant l'audience au fond.
(C) Le défaut par l'accusé de soulever les exceptions préjudicielles ci-dessus dans les délais prescrits vaut renonciation de sa part. La chambre de première instance peut néanmoins déroger à ces délais pour des raisons jugées valables.

Chapitre VI

Le procès en première instance


Section 1

Dispositions générales


Article 74

Amicus curiae


Une chambre peut, si elle le juge souhaitable dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, inviter ou autoriser tout Etat, toute organisation ou toute personne à faire un exposé sur toute question qu'elle juge utile.

Article 75

Mesures destinées à assurer la protection

des victimes et des témoins


(A) Un juge ou une chambre peut, de sa propre initiative ou à la demande d'une des parties ou de la victime ou du témoin intéressé, ou de la division d'aide aux victimes et aux témoins, ordonner des mesures appropriées pour protéger la vie privée et la sécurité de victimes ou de témoins, à condition toutefois que lesdites mesures ne portent pas atteinte aux droits de l'accusé.
(B) Une chambre peut tenir une audience à huis clos pour déterminer s'il y a lieu d'ordonner notamment :

i) Des mesures de nature à empêcher la divulgation au public ou aux

médias de l'identité d'une victime ou d'un témoin, d'une personne qui leur est apparentée ou associée ou du lieu où ils se trouvent, telles que :

a) La suppression, dans les dossiers du tribunal, du nom de

l'intéressé et des indications permettant de l'identifier ;

b) L'interdiction de l'accès du public à toute pièce du dossier

identifiant la victime ;

c) Lors des témoignages, l'utilisation de moyens techniques permettant

l'altération de l'image ou de la voix ou l'usage d'un circuit de télévision fermé, et d) L'emploi d'un pseudonyme ;

ii) La tenue d'audiences à huis clos conformément à l'article 79

ci-après ;

iii) Les mesures appropriées en vue de faciliter le témoignage d'une

victime ou d'un témoin vulnérable, par exemple au moyen d'un circuit de télévision fermé unidirectionnel.
(C) La chambre assure le cas échéant le contrôle du déroulement des interrogatoires aux fins d'éviter toute forme de harcèlement ou d'intimidation.

Article 76

Déclaration solennelle des interprètes et des traducteurs


Avant de prendre ses fonctions, tout interprète ou traducteur prononce une déclaration solennelle aux termes de laquelle il s'engage à accomplir sa tâche avec dévouement, indépendance et impartialité et dans le plein respect de son devoir de confidentialité.

Article 77

Outrage au tribunal


(A) Sous réserve des dispositions du paragraphe (E) de l'article 90, un témoin qui refuse de répondre à une question en rapport avec l'affaire dont la chambre est saisie, ou qui persiste dans son attitude, peut être déclaré coupable d'outrage au tribunal et condamné à une amende ne dépassant pas 10 000 US dollars ou à une peine de prison de six mois au maximum.
(B) Toutefois, si elle le juge approprié, la chambre peut relever le témoin de son obligation de répondre.
(C) Toute personne cherchant à intervenir auprès d'un témoin ou à l'intimider peut être déclarée coupable d'outrage et condamnée en application du paragraphe (A).
(D) Tout jugement prononcé en vertu du présent article est susceptible d'appel.
(E) L'amende est payée au greffier, qui la verse à un compte distinct.

Article 78

Audiences publiques


Sauf disposition contraire, la procédure devant une chambre de première instance est publique, à l'exception du délibéré.

Article 79

Audiences à huis clos


(A) La chambre de première instance peut ordonner que la presse et le public soient exclus de la salle pendant tout ou partie de l'audience :
i) Pour des raisons d'ordre public ou de bonnes moeurs ;

ii) Pour assurer la sécurité et la protection d'une victime ou d'un

témoin ou pour éviter la divulgation de son identité en conformité à l'article 75 ci-dessus ; ou iii) En considération de l'intérêt de la justice.
(B) La chambre de première instance rend publiques les raisons de sa décision.

Article 80

Maintien de l'ordre


(A) La chambre de première instance peut ordonner que toute personne soit exclue de la salle afin de sauvegarder le droit de l'accusé à un procès équitable et public ou afin de maintenir l'ordre.
(B) La chambre de première instance peut ordonner l'exclusion de l'accusé de la salle d'audience et poursuivre les débats en son absence si l'accusé,
après avoir été averti que son comportement risque de justifier son exclusion de la salle d'audience, persiste dans ce comportement.

Article 81

Enregistrement des débats et conservation des preuves


(A) Le greffier établit et conserve un compte rendu intégral de tous les débats, y compris un enregistrement sonore, sa transcription et, lorsque la chambre de première instance le juge nécessaire, un enregistrement vidéo.
(B) La chambre de première instance peut ordonner la divulgation de tout ou partie du compte rendu des débats à huis clos lorsque les raisons qui ont motivé le huis clos ont disparu.
(C) Le greffier assure la conservation et la garde de tous les éléments de preuve matériels produits au cours des procédures.
(D) La chambre de première instance détermine si des photographies, des enregistrements vidéo ou des enregistrements sonores peuvent être pris lors de l'audience autrement que par le greffe.

Section 2

Déroulement du procès


Article 82

Jonction et disjonction d'instances


(A) En cas d'instances jointes, chaque accusé a les mêmes droits que s'il était jugé séparément.
(B) La chambre de première instance peut ordonner un procès séparé pour des accusés dont les instances avaient été jointes en application de l'article 48, pour éviter tout conflit d'intérêts de nature à causer un préjudice grave à un accusé ou pour sauvegarder l'intérêt de la justice.

Article 83

Instruments de contrainte


Les instruments de contrainte, tels que les menottes, ne sont pas utilisés si ce n'est pour éviter un risque d'évasion au cours du transfert ou pour des raisons de sécurité ; ils sont retirés lorsque l'accusé comparaît devant la chambre.

Article 84

Déclarations liminaires


Avant la présentation par le procureur de ses moyens de preuve, chacune des parties peut faire une déclaration liminaire. Toutefois la défense peut décider de faire sa déclaration après que le procureur a présenté ses moyens de preuve et avant de présenter elle-même ses propres moyens de défense.

Article 85

Présentation des moyens de preuve


(A) Chacune des parties peut appeler des témoins à la barre et présenter des moyens de preuve. A moins que la chambre n'en décide autrement dans l'intérêt de la justice, les moyens de preuve sont présentés dans l'ordre suivant :
i) Preuves du procureur ;
ii) Preuves de la défense ;
iii) Réplique du procureur ;
iv) Duplique de la défense ;

v) Moyens de preuve ordonnés par la chambre de première instance

conformément à l'article 98 ci-après.
(B) Chaque témoin peut, après son interrogatoire principal, faire l'objet d'un contre-interrogatoire et d'un interrogatoire supplémentaire. Toutefois le juge peut également poser toute question au témoin à quelque stade que ce soit. Le témoin est d'abord interrogé par la partie qui le présente.
(C) L'accusé peut s'il le souhaite comparaître en qualité de témoin pour sa propre défense.

Article 86

Plaidoiries


Après présentation de tous les moyens de preuve, le procureur peut présenter son réquisitoire, et la défense y répondre. S'il le souhaite, le procureur peut répliquer, et la défense présenter une duplique.

Article 87

Délibéré


(A) Après les plaidoiries des parties, le président de la chambre déclare clos les débats et la chambre se retire pour délibérer à huis clos. L'accusé n'est déclaré coupable que lorsque la majorité de la chambre de première instance considère que la culpabilité de l'accusé a été prouvée au-delà de tout doute raisonnable.
(B) La chambre de première instance vote séparément sur chaque chef visé dans l'acte d'accusation. Si deux ou plusieurs accusés sont jugés ensemble,
en application de l'article 48 ci-dessus, la chambre statue séparément sur le cas de chacun d'eux.

Article 88

Jugement


(A) Le jugement est prononcé en audience publique à une date qui a été notifiée aux parties et aux conseils. Ces derniers sont en droit d'être présents.
(B) Si elle juge l'accusé coupable de l'infraction et si à l'examen des preuves il est établi que l'infraction a donné lieu à l'acquisition illicite d'un bien, la chambre de première instance le constate spécifiquement dans son jugement et peut ordonner la restitution de ce bien conformément à l'article 105 ci-après.
(C) Le jugement est adopté à la majorité et est motivé par écrit dans les meilleurs délais possible. Des opinions individuelles ou dissidentes peuvent être jointes.

Section 3

De la preuve


Article 89

Dispositions générales


(A) En matière de preuve, les règles énoncées dans la présente section s'appliquent à toute procédure devant les chambres. La chambre saisie n'est pas liée par les règles de droit interne régissant l'administration de la preuve.
(B) Dans les cas où le règlement est muet, la chambre applique les règles d'administration de la preuve propres à parvenir, dans l'esprit du statut et des principes généraux du droit, à un règlement équitable de la cause.
(C) La chambre peut recevoir tout élément de preuve pertinent qu'elle estime avoir valeur probante.
(D) La chambre peut demander à vérifier l'authenticité de tout élément de preuve obtenu hors audience.

Article 90

Témoignages


(A) En principe, les chambres entendent les témoins en personne à moins qu'une chambre n'ordonne qu'un témoin dépose selon les modalités prévues à l'article 71.
(B) Avant de témoigner, tout témoin fait la déclaration solennelle suivante : « Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. » (C) Un enfant qui, de l'avis de la chambre, ne comprend pas la nature d'une déclaration solennelle peut être autorisé à témoigner sans cette formalité,
si la chambre estime qu'il est suffisamment mûr pour être en mesure de relater les faits dont il a eu connaissance et qu'il comprend ce que signifie le devoir de dire la vérité. Un jugement, toutefois, ne peut être fondé sur un seul témoignage de ce type.
(D) Un témoin, autre qu'un expert, qui n'a pas encore témoigné ne doit pas être présent lors de la déposition d'un autre témoin. Toutefois, s'il a entendu cet autre témoignage, le sien n'est pas pour autant irrecevable.
(E) Un témoin peut refuser de faire toute déclaration qui risquerait de l'incriminer. La chambre peut, toutefois, obliger le témoin à répondre. Aucun témoignage obtenu de la sorte ne pourra être utilisé par la suite comme élément de preuve contre le témoin, hormis le cas de poursuite pour faux témoignage.

Article 91

Faux témoignage sous déclaration solennelle


(A) De sa propre initiative ou à la demande d'une partie, la chambre avertit le témoin de son obligation de dire la vérité et des conséquences pouvant résulter d'un faux témoignage.
(B) Si la chambre a de bonnes raisons de croire qu'un témoin a sciemment et volontairement fait un faux témoignage, elle peut demander au procureur d'examiner l'affaire en vue de préparer et de soumettre un acte d'accusation pour faux témoignage.
(C) Les dispositions de procédure et de preuve prévues aux chapitres IV à VIII du règlement s'appliquent, mutatis mutandis, aux procédures visées au présent article.
(D) Un juge ayant siégé à la chambre de première instance devant laquelle le témoin a comparu ne peut connaître des procédures pour faux témoignage dont le témoin est l'objet.
(E) Le faux témoignage sous déclaration solennelle est passible d'une amende ne pouvant excéder 10 000 US dollars ou d'une peine d'emprisonnement de douze mois maximum, ou des deux. L'amende est payée au greffier, qui la verse au compte distinct visé au paragraphe (E) de l'article 77 ci-dessus.

Article 92

Aveux


Sous réserve du respect rigoureux des conditions visées à l'article 63 ci-dessus, l'aveu de l'accusé donné lors d'un interrogatoire par le procureur est présumé libre et volontaire jusqu'à preuve du contraire.

Article 93

Ligne de conduite délibérée


(A) Les éléments de preuve permettant d'établir l'existence d'une ligne de conduite délibérée dans laquelle s'inscrivent des violations sérieuses du droit international humanitaire au sens du statut sont recevables dans l'intérêt de la justice.
(B) Les actes qui tendent à démontrer l'existence d'une telle ligne de conduite font l'objet d'une communication à la défense par le procureur,
conformément à l'article 66.


Article 94

Faits de notoriété publique


La chambre de première instance n'exige pas la preuve de ce qui est de notoriété publique, mais en dresse le constat judiciaire.

Article 95

Irrecevabilité des éléments de preuve du fait des procédés

par lesquels ils sont obtenus


N'est recevable aucun moyen de preuve obtenu par des procédés qui entament fortement sa fiabilité ou dont l'admission irait à l'encontre d'une bonne administration de la justice et lui porterait gravement atteinte.

Article 96

Administration des preuves en matière de violences sexuelles