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Article (Observations du Gouvernement en réponse aux saisines du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 1995 et du 21 décembre 1995 par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs)

Article (Observations du Gouvernement en réponse aux saisines du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 1995 et du 21 décembre 1995 par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs)

I. - Sur la procédure d'adoption du texte


On écartera d'emblée le premier grief articulé par les députés saisissants. Ceux-ci reconnaissent que l'utilisation, au titre de la procédure d'habilitation prévue par l'article 38 de la Constitution, des pouvoirs que les articles 45 et 49 attribuent au Gouvernement n'est pas contraire à la Constitution. En revanche, ils critiquent l'utilisation combinée de ces dispositions. Cette critique, qui ne peut trouver sa place que sur le terrain de l'opportunité, n'appelle pas, dans ces conditions, d'observations de la part du Gouvernement, qui entend s'en tenir au débat constitutionnel.
On écartera de même, comme manquant en fait, le moyen tiré de l'absence de délibération du conseil des ministres sur l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur ce texte devant l'Assemblée nationale. Cette délibération a eu lieu le 6 décembre 1995, ainsi qu'en fait foi l'extrait du relevé de décisions communiqué au Conseil constitutionnel.
On ne s'arrêtera guère non plus sur le grief tiré de ce que l'habilitation aurait été donnée sur un élément retiré, en cours de procédure, du programme du Gouvernement (la réforme des régimes spéciaux de retraite). Ce grief manque en fait, en tout état de cause, puisque le projet de loi d'habilitation n'a, à aucune étape de son élaboration, comporté cet élément. Le Gouvernement avait en effet, dès le 15 novembre, subordonné la réforme des régimes spéciaux à une concertation (commission Le Vert). Il avait d'emblée placé cette réforme en dehors du champ de l'habilitation.
Pour le surplus, les auteurs des deux saisines soutiennent que la loi a été débattue au Sénat en méconnaissance de la Constitution, la majorité sénatoriale ayant, en votant la question préalable, fait une application du règlement du Sénat contraire au droit d'amendement.
Ce grief ne saurait être accueilli.
La procédure de la question préalable est expressément prévue par les dispositions du troisième alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat.
Elle correspond à deux types d'hypothèses différentes, qui sont envisagées successivement par la première phrase de cet alinéa :
- la première est destinée à traduire la volonté du Sénat de s'opposer à l'ensemble du texte ;
- la seconde correspond aux autres hypothèses dans lesquelles la Haute Assemblée estime : « qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération ». On constate donc que le règlement du Sénat ne met, dans ce dernier type d'hypothèse, aucune condition au vote de la question préalable autre que l'accord d'une majorité de sénateurs, pour estimer qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération. Et cette possibilité résulte d'une modification apportée à l'article 44 par une résolution du 18 décembre 1991 dont la conformité à la Constitution a été reconnue par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 91-301 DC du 15 janvier 1992.
Sans doute le Conseil constitutionnel paraît-il s'être réservé, par sa décision no 86-218 DC du 18 novembre 1986, la possibilité de vérifier si la question préalable a été utilisée dans des conditions qui affectent la régularité de la procédure législative. Mais, d'une part, l'article 44 du règlement du Sénat ne prévoyait alors le recours à la question préalable que pour traduire l'opposition du Sénat à l'ensemble du texte ; d'autre part, et en tout état de cause, le Conseil a, en l'espèce, écarté le moyen, après avoir analysé le déroulement d'une procédure qui présente une forte parenté avec celle qui a conduit à l'adoption de la loi actuellement dérérée.