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Article undefined undefined undefined, en vigueur depuis le (Décision no 2000-435 DC du 7 décembre 2000)

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LOI D'ORIENTATION POUR L'OUTRE-MER

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 16 novembre 2000, par MM. Jean Arthuis, Jean-Paul Amoudry, Philippe Arnaud, Denis Badré, Michel Bécot, Jean Bernadaux, Maurice Blin, Jean-Guy Branger, Jean-Pierre Cantegrit, Serge Franchis, Yves Fréville, Francis Grignon, Pierre Hérisson, Rémi Herment, Daniel Hoeffel, Jean-Jacques Hyest, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Jacques Machet, André Maman, René Marquès, Michel Mercier, Philippe Nogrix, Michel Souplet, Xavier de Villepin, Jean Bernard, Roger Besse, Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calméjane, Gérard César, Jean Chérioux, Gérard Cornu, Xavier Darcos, Jacques Delong, Michel Doublet, Paul Dubrule, Hilaire Flandre, Gaston Flosse, Bernard Fournier, Philippe François, Alain Gérard, Alain Gournac, Georges Gruillot, Lucien Lanier, Edmond Lauret, Guy Lemaire, Philippe Marini, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Luc Miraux, Josselin de Rohan, Michel Rufin, Martial Taugourdeau, Jean-Pierre Vial, Serge Vinçon, Nicolas About, Mme Janine Bardou, MM. Christian Bonnet, James Bordas, Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean Clouet, Charles-Henri de Cossé Brissac, Jean Delaneau, Jean-Paul Emorine, Hubert Falco, André Ferrand, René Garrec, Louis Grillot, Jean-François Humbert, Roland du Luart, Serge Mathieu, Philippe Nachbar, Michel Pelchat, Guy Poirieux, Jean Puech, Henri de Raincourt, Charles Revet, Henri Revol, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Georges Berchet, Fernand Demilly, Paul Girod, Aymeri de Montesquiou et Georges Othily, sénateurs, et par MM. Philippe Douste-Blazy, Pierre-Christophe Baguet, Jacques Barrot, Jean-Louis Bernard, Claude Birraux, Emile Blessig, Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Bernard Bosson, Mme Christine Boutin, MM. Loïc Bouvard, Jean Briane, Yves Bur, Hervé de Charrette, Jean-François Chossy, Charles de Courson, Yves Coussain, Marc-Philippe Daubresse, Jean-Claude Decagny, Léonce Deprez, Renaud Donnedieu de Vabre, Renaud Dutreil, Alain Ferry, Jean-Pierre Foucher, Claude Gaillard, Germain Gengenwin, Hubert Grimault, Pierre Hérioux, Francis Hillmeyer, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Henry Jean-Baptiste, Jean-Jacques Jégou, Christian Kert, Edouard Mandrain, Jean Léonetti, François Léotard, Roger Lestas, Maurice Bigot, François Loos, Christian Martin, Pierre Méhaignerie, Pierre Menjucq, Pierre Micaux, Hervé Morin, Jean-Marie Morisset, Arthur Paecht, Dominique Paillé, Henri Plagnol, Jean-Luc Préel, Marc Reymann, Gilles de Robien, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Pierre-André Wiltzer, Jean-François Mattei, François d'Aubert, Dominique Bussereau, Pierre Cardo, Pascal Clément, Bernard Deflesselles, Laurent Dominati, Nicolas Forissier, François Goulard, Claude Goasguen, Michel Herbillon, Jean-Louis Debré, Jean-Claude Abrioux, Pierre Aubry, Jean Auclair, Philippe Chaulet, Alain Cousin, Arthur Dehaine, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Yves Deniaud, Jean-Pierre Dupont, Jean Falala, Christian Jacob, Thierry Mariani, Jacques Myard, Pierre Petit, Anicet Turinay, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi d'orientation pour l'outre-mer,

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l'ordonnance no 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu les observations présentées par le Gouvernement, enregistrées le 24 novembre 2000 ;

Vu les observations en réplique présentées par les sénateurs auteurs de la requête, enregistrées le 4 décembre 2000 ;

Vu les observations en réplique présentées par les députés auteurs de la requête, enregistrées le 5 décembre 2000 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Considérant que les députés et les sénateurs auteurs des saisines défèrent au Conseil constitutionnel la loi d'orientation pour l'outre-mer en arguant d'inconstitutionnalité les articles 1er, 42, 43 et 62 de celle-ci ;

Sur l'article 1er :

Considérant que les deux premiers alinéas de l'article 1er de la loi se bornent à énoncer les priorités que le législateur entend mettre en oeuvre dans les départements d'outre-mer ;

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa du même article : « La présente loi a également pour objet de poursuivre, avec les départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon, la rénovation du pacte qui unit l'outre-mer à la République » ; qu'à ceux de son quatrième alinéa : « A ce titre, elle reconnaît à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique et à la Réunion la possibilité de disposer à l'avenir d'une organisation institutionnelle qui leur soit propre. Respectant l'attachement des Réunionnais à ce que l'organisation de leur île s'inscrive dans le droit commun, elle accorde aux assemblées locales des départements français d'Amérique la capacité de proposer des évolutions statutaires. Dans ce cadre, elle pose le principe de la consultation des populations sur les évolutions qui seraient envisagées » ;

Considérant que, selon les sénateurs requérants, ces dispositions auraient pour effet d'autoriser la création d'entités territoriales dotées d'une organisation particulière et violeraient en conséquence les articles 1er et 73 de la Constitution ; qu'ils relèvent par ailleurs « l'absence d'intelligibilité et de clarté des dispositions en cause au regard de celles de l'article 62 de la loi » ;

Considérant que, pour leur part, les députés requérants soutiennent que l'article 1er méconnaîtrait la compétence que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur, dans la mesure où « les autorités nationales seront tenues, pour la consultation des populations des départements d'outre-mer, de se conformer au contenu des propositions qui seront faites par les assemblées locales » ; qu'ils allèguent, au surplus, que l'article critiqué, qui impose « au Gouvernement de présenter au Parlement un projet de loi organisant la consultation pour chaque proposition d'évolution statutaire présentée par les assemblées locales des départements d'outre-mer », constituerait une injonction adressée au Gouvernement contraire à la Constitution ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion... » ; qu'en vertu du premier alinéa de l'article 72 de la Constitution : « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d'outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi » ; que le deuxième alinéa du même article dispose : « Ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi » ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 73 de la Constitution : « Le régime législatif et l'organisation administrative des départements d'outre-mer peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que les départements d'outre-mer et la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon sont des collectivités territoriales qui font partie intégrante de la République ; que, dès lors, la référence faite par le législateur au « pacte qui unit l'outre-mer à la République » est contraire à la Constitution ; qu'il y a lieu par suite de déclarer contraire à la Constitution le troisième alinéa de l'article 1er de la loi déférée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des articles précités de la Constitution que le statut des départements d'outre-mer doit être le même que celui des départements métropolitains sous la seule réserve des mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière ; que ces adaptations ne sauraient avoir pour effet de doter les départements d'outre-mer d'une « organisation particulière » au sens de l'article 74 de la Constitution, réservée aux seuls territoires d'outre-mer ;

Considérant, en conséquence, que la possibilité reconnue par la présente loi aux départements d'outre-mer « de disposer à l'avenir d'une organisation institutionnelle qui leur soit propre » ne peut être entendue que dans les limites fixées par l'article 73 de la Constitution ; que, sous cette réserve, la première phrase du quatrième alinéa de l'article 1er de la loi déférée est conforme à la Constitution ;

Considérant, en troisième lieu, que les dispositions des deux dernières phrases de l'article 1er de la loi déférée, qui n'ont pas de portée normative propre, ne visent qu'à introduire les dispositions ultérieures de la loi, en particulier le titre VII de celle-ci, intitulé : « De la démocratie locale et de l'évolution des départements d'outre-mer » ; qu'en conséquence, l'indication selon laquelle est reconnue à certaines assemblées locales « la capacité de proposer des évolutions statutaires », ainsi que la référence au « principe de la consultation des populations sur les évolutions qui seraient envisagées » doivent s'entendre dans les limites et dans les conditions fixées par les dispositions du titre VII précité ;

Sur les articles 42 et 43 :

Considérant que le titre V de la loi, intitulé « De l'action internationale de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion dans leur environnement régional », est composé des articles 42 et 43 ; que l'article 42 de la loi insère dans le code général des collectivités territoriales les articles L. 3441-2 à L. 3441-7 ; que l'article 43 introduit dans le même code les articles L. 4433-4-1 à L. 4433-4-8 ;

Considérant que ces dispositions confèrent aux conseils généraux des départements d'outre-mer et aux conseils régionaux de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de la Réunion, ainsi qu'à leurs présidents, des attributions nouvelles en matière de négociation et de signature d'accords entre la République française et les Etats, territoires ou organismes régionaux voisins ;

Considérant que, selon les sénateurs et les députés requérants, les articles 42 et 43 de la loi déférée seraient contraires aux articles 3, 52, 53 et 53-1 de la Constitution et porteraient atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ; qu'ils font valoir à cet égard que les articles L. 3441-3, L. 3441-4, L. 4433-4-2 et L. 4433-4-3 du code général des collectivités territoriales introduits par les articles 42 et 43 méconnaîtraient les compétences du chef de l'Etat en matière de négociation et de ratification des traités, ainsi que celles du Gouvernement pour approuver et signer les accords en forme simplifiée ; que serait également méconnue la compétence du législateur en matière de ratification et d'approbation des accords internationaux ;

Considérant que l'article L. 3441-3 du code général des collectivités territoriales permet, en son premier alinéa, aux autorités de la République de délivrer pouvoir aux présidents des conseils généraux des départements d'outre-mer pour négocier et signer des accords dans les domaines de compétence de l'Etat avec un ou plusieurs Etats, territoires ou organismes régionaux voisins y compris ceux dépendant des institutions spécialisées des Nations unies ;

Considérant qu'il résulte du premier alinéa de l'article L. 4433-4-2 du code général des collectivités territoriales que les présidents des conseils régionaux de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de la Réunion peuvent se voir délivrer pouvoir dans les mêmes conditions ;

Considérant que le législateur a pu, sans porter atteinte ni à l'exercice de la souveraineté nationale ni aux prérogatives réservées à l'Etat par le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, autoriser les présidents des conseils généraux des départements d'outre-mer et des conseils régionaux de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de la Réunion à négocier et signer des accords dans les domaines de compétence de l'Etat, dès lors que, pour ce faire, le président du conseil général ou celui du conseil régional doit avoir expressément reçu des autorités de la République les pouvoirs appropriés et que ces accords demeurent soumis aux procédures prévues par les articles 52 et 53 de la Constitution ;

Considérant que, lorsqu'ils négocient ou signent les accords en cause, les présidents des conseils généraux ou des conseils régionaux agissent comme représentants de l'Etat et au nom de la République française ; qu'ils doivent, dans l'exécution de leur mandat, mettre en oeuvre les instructions qui leur sont données par les autorités de la République compétentes ; que ces mêmes autorités restent libres de délivrer pouvoir à d'autres plénipotentiaires ou de ne délivrer pouvoir aux présidents des conseils généraux ou régionaux que pour l'une seulement des phases de négociation et de signature ; qu'elles peuvent retirer à tout moment les pouvoirs ainsi confiés ;

Considérant que, dans ces conditions, les articles L. 3441-3 et L. 4433-4-2 du code général des collectivités territoriales sont conformes à la Constitution ;

Considérant qu'il résulte du premier alinéa de l'article L. 3441-4 et du premier alinéa de l'article L. 4433-4-3 du code général des collectivités territoriales que les conseils généraux des départements d'outre-mer et les conseils régionaux de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de la Réunion peuvent, respectivement dans les domaines de compétence du département et dans ceux de la région, demander aux autorités de la République d'autoriser leur président à négocier, dans le respect des engagements internationaux de la République, des accords avec des Etats, territoires ou organismes régionaux voisins ;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de ces mêmes articles : « Lorsque cette autorisation est accordée, les autorités de la République sont, à leur demande, représentées à la négociation » ;

Considérant qu'en application de leur troisième alinéa, le projet d'accord est soumis, à l'issue de la négociation, à la délibération du conseil général ou du conseil régional « pour acceptation » ; que les autorités de la République peuvent ensuite donner, sous réserve du respect des engagements internationaux de celle-ci, pouvoir au président du conseil général ou à celui du conseil régional aux fins de signature de l'accord ;

Considérant, en premier lieu, que les autorités compétentes de la République ont un pouvoir discrétionnaire d'appréciation et de décision quant à la mise en oeuvre des articles L. 3441-4 et L. 4433-4-3 du code général des collectivités territoriales ; que les précisions ci-dessus énoncées sur la portée des articles L. 3441-3 et L. 4433-4-2 du même code sont applicables aux présentes dispositions ; qu'en particulier, lorsqu'ils négocient ou signent les accords, les présidents des conseils généraux et des conseils régionaux concernés agissent comme représentants de l'Etat ; qu'en outre, le deuxième alinéa des articles L. 3441-4 et L. 4433-4-3 doit être entendu comme reconnaissant aux autorités de la République la faculté de participer à la négociation à tout moment ;

Considérant, en second lieu, que la décision des autorités compétentes de la République de signer un accord international ne saurait être soumise à une quelconque autorisation préalable ; qu'en conséquence, la référence à l'« acceptation » du conseil général ou du conseil régional figurant aux troisièmes alinéas des articles L. 3441-4 et L. 4433-4-3 doit s'entendre comme ne visant qu'une consultation pour avis ; que, quel que soit le sens de la délibération desdits conseils, les autorités de la République conservent toute liberté pour donner pouvoir, aux fins de signature de l'accord, à la personne de leur choix, y compris aux présidents des conseils généraux ou régionaux intéressés ;

Considérant que, dans ces conditions et sous cette réserve, les articles L. 3441-4 et L. 4433-4-3 du code général des collectivités territoriales sont conformes à la Constitution ;

Considérant qu'en application du premier alinéa de l'article L. 3441-5 et du premier alinéa de l'article L. 4433-4-4 du code général des collectivités territoriales, les accords internationaux portant à la fois sur des domaines de compétence de l'Etat et sur des domaines de compétence des départements ou des régions d'outre-mer sont, quand il n'est pas fait application du premier alinéa de l'article L. 3441-3 ou du premier alinéa de l'article L. 4433-4-2, négociés et signés par les autorités de la République ; qu'en outre, le président du conseil général ou celui du conseil régional « à sa demande,... participe au sein de la délégation française, à la négociation de ces accords et à leur signature » ;

Considérant qu'en prévoyant que les présidents des conseils généraux des départements et des conseils régionaux d'outre-mer participeraient à leur demande à la signature d'accords signés directement par les autorités de la République, le législateur a méconnu les exigences constitutionnelles ; qu'en effet, la signature des accords visés aux articles L. 3441-5 et L. 4433-4-4 est une attribution propre des autorités compétentes de la République, à laquelle les présidents des assemblées délibérantes des collectivités territoriales concernées ne sauraient prendre part à leur seule initiative ;

Considérant, par suite, qu'à la dernière phrase des premiers alinéas des articles L. 3441-5 et L. 4433-4-4 du code général des collectivités territoriales, les mots : « et à leur signature » doivent être déclarés contraires à la Constitution ;

Sur l'article 62 :

Considérant que l'article 62 de la loi déférée complète la cinquième partie du code général des collectivités territoriales par un livre IX relatif au « congrès des élus départementaux et régionaux » ; qu'il introduit dans ce code les articles L. 5911-1 à L. 5916-1 ;

Considérant que selon les députés et les sénateurs requérants, l'article 62 de la loi déférée serait contraire aux articles 72 et 73 de la Constitution ; que les sénateurs font valoir à cet égard que le congrès des élus départementaux et régionaux serait « une troisième assemblée délibérante permanente et non élue, ce en contradiction avec le principe de libre administration des collectivités locales posé par l'article 72 de la Constitution » ; que, selon les requérants, l'obligation pour les conseils généraux et régionaux de délibérer sur les propositions du congrès méconnaîtrait cette même disposition ;

Considérant que les auteurs des saisines estiment par ailleurs que l'article 62 instaure un « dispositif d'évolution de certains départements d'outre-mer qui va au-delà des mesures d'adaptation autorisées par la Constitution pour tenir compte de leur situation particulière » ;

Considérant, en outre, que selon les sénateurs requérants, « la consultation prévue à l'article 62 ne saurait regarder que les territoires d'outre-mer auxquels la Constitution reconnaît exclusivement le droit à la libre détermination » ; que serait par suite violé le deuxième alinéa du Préambule de la Constitution ;

Considérant, enfin, que les députés auteurs de l'une des requêtes soutiennent que l'article 62 comporterait une injonction au Gouvernement contraire à la Constitution ;

En ce qui concerne les griefs allégués à l'encontre des dispositions relatives au congrès des élus départementaux et régionaux :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 5911-1 du code général des collectivités territoriales : « Dans les régions d'outre-mer qui comprennent un seul département, il est créé un congrès des élus départementaux et régionaux composé des conseillers généraux et des conseillers régionaux » ; que, par suite, le congrès des élus départementaux et régionaux pourra être créé, en l'état de la législation, dans l'ensemble des régions d'outre-mer, nonobstant l'indication qui figure à l'article 1er de la loi sur « l'attachement des Réunionnais à ce que l'organisation de leur île s'inscrive dans le droit commun » ;

Considérant que le livre IX inséré dans le code général des collectivités territoriales a pour objet de déterminer des règles de procédure permettant de faciliter, en matière d'évolution institutionnelle ou de modification des compétences, les échanges de vues entre élus départementaux et régionaux ; qu'à cette fin, les dispositions introduites dans le code général des collectivités territoriales précisent les modalités selon lesquelles se réunissent les élus départementaux et régionaux ;

Considérant qu'en application de l'article L. 5913-1, le congrès des élus départementaux et régionaux est convoqué et présidé alternativement par le président du conseil général et le président du conseil régional ; qu'il résulte du premier alinéa de l'article L. 5912-1 que le congrès n'a pas l'initiative de l'ordre du jour de ses séances ; qu'en effet, il « se réunit à la demande du conseil général ou du conseil régional, sur un ordre du jour déterminé par délibération prise à la majorité des suffrages exprimés des membres de l'assemblée » ; que les propositions sur lesquelles le congrès délibère en application de l'article L. 5915-1, c'est-à-dire les propositions d'évolution institutionnelle, celles relatives à de nouveaux transferts de compétences de l'Etat vers le département et la région concernés, ainsi que celles portant sur la modification de la répartition des compétences entre ces collectivités locales, émanent exclusivement du conseil général ou du conseil régional ;

Considérant, en outre, que les propositions du congrès des élus départementaux et régionaux sont, conformément à l'article L. 5915-2, transmises tant au conseil général qu'au conseil régional qui, en application de l'article L. 5915-3, délibèrent sur ces propositions ; que les propositions du congrès et les délibérations des assemblées locales sont transmises au Premier ministre ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la création du congrès des élus départementaux et régionaux, qui ne conduit pas à la mise en place d'un conseil élu par lequel s'administrerait une collectivité territoriale de la République, ne porte pas atteinte au régime propre aux départements et aux régions d'outre-mer ; que le législateur n'a pas davantage méconnu les dispositions constitutionnelles qui consacrent la libre administration de ces collectivités territoriales ;

Considérant, par ailleurs, que la procédure organisée par l'article 62 de la loi déférée vise à permettre aux élus départementaux et régionaux de présenter au Premier ministre de simples propositions portant, ainsi qu'il a été dit, sur l'évolution institutionnelle des départements d'outre-mer et sur la modification des compétences des collectivités concernées ; qu'elle n'outrepasse pas les mesures d'adaptation nécessitées par la situation particulière des départements d'outre-mer et ne méconnaît donc pas les dispositions de l'article 73 de la Constitution ;

Considérant, toutefois, que le troisième alinéa de l'article L. 5915-3 dispose que le Premier ministre accuse réception dans les quinze jours des délibérations adoptées par le conseil général et le conseil régional qui lui sont transmises par le président de l'assemblée concernée ; que le même alinéa précise que le Premier ministre « fixe le délai dans lequel il apportera une réponse » ;

Considérant que la Constitution attribue au Gouvernement, d'une part, et au Parlement, d'autre part, des compétences qui leur sont propres ; que le législateur ne saurait, sans excéder la limite de ses pouvoirs, enjoindre au Premier ministre de donner une réponse aux propositions de modifications législatives émanant d'organes délibérants de collectivités territoriales, ce même si le Premier ministre fixe le délai dans lequel il fournira ladite réponse ; qu'en conséquence, le troisième alinéa de l'article L. 5915-3 du code général des collectivités territoriales doit être déclaré contraire à la Constitution ;

En ce qui concerne les griefs allégués à l'encontre des dispositions prévoyant la consultation des populations :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 5916-1 du code général des collectivités territoriales : « Le Gouvernement peut, notamment au vu des propositions mentionnées à l'article L. 5915-1 et des délibérations adoptées dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 5915-3, déposer un projet de loi organisant une consultation pour recueillir l'avis de la population du département concerné sur les matières mentionnées à l'article L. 5915-1 » ;

Considérant que, pour la mise en oeuvre des dispositions du deuxième alinéa du Préambule de la Constitution de 1958, les autorités compétentes de la République sont, dans le cadre de la Constitution, habilitées à consulter les populations d'outre-mer intéressées notamment sur l'évolution statutaire de leur collectivité à l'intérieur de la République ;

Considérant, toutefois, que, dans cette éventualité, ces autorités sont libres de définir l'objet de cette consultation ; que le projet de loi organisant la consultation devra satisfaire à la double exigence constitutionnelle de clarté et de loyauté ; qu'enfin, le législateur ne saurait être lié, en vertu de l'article 72 de la Constitution, par le résultat de la consultation ; que, sous ces réserves, l'article L. 5916-1 du code général des collectivités territoriales n'est pas contraire à la Constitution ;

Sur l'article 3 :

Considérant que le deuxième alinéa du II de l'article 3 de la loi déférée permet l'allègement des charges sociales des marins-pêcheurs propriétaires embarqués ayant subi un préjudice matériel découlant d'une houle cyclonique lorsque l'état de catastrophe naturelle est reconnu sur le territoire d'un département d'outre-mer ou sur une portion de ce territoire ;

Considérant que ces dispositions prévoient « une exonération égale à 100 % des cotisations d'allocations familiales, d'assurance maladie et d'assurance vieillesse des employeurs et travailleurs indépendants pendant les six mois suivant la catastrophe naturelle » pour les marins-pêcheurs « qui sont à jour de leur paiement de rôle d'équipage » ; qu'elles ne prévoient en revanche qu'un report de trois mois pour le paiement des arriérés de cotisations et contributions des employeurs et travailleurs indépendants « pour ceux qui ne sont pas à jour de paiement de leur rôle d'équipage » ;

Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi ;

Considérant qu'au regard de l'objet de la loi, qui est de favoriser le rétablissement rapide des capacités de production après un cyclone, les marins-pêcheurs embarqués, qu'ils aient ou non acquitté leur rôle d'équipage, sont dans la même situation ; qu'en traitant les intéressés de façon différente, les uns ayant droit à une exonération de cotisations sociales pendant six mois, les autres bénéficiant d'un simple report de trois mois pour le paiement de leurs arriérés de cotisations, le législateur a méconnu le principe d'égalité ;

Considérant, par suite, qu'au deuxième alinéa du II de l'article 3 de la loi déférée les mots : « soit d'un report de trois mois pour le paiement des arriérés de cotisations et contributions visées ci-dessus pour ceux qui ne sont pas à jour de paiement de leur rôle d'équipage, soit » ainsi que les mots : « , pour ceux qui sont à jour de leur paiement de rôle d'équipage » doivent être déclarés contraires à la Constitution ;

Sur l'article 9 :

Considérant que l'article 9 de la loi dispose : « Le Gouvernement transmet chaque année au Parlement, à l'appui de la loi de finances, un rapport sur les conditions de fixation des taux bancaires dans les départements d'outre-mer et sur les raisons de leur écart par rapport aux taux pratiqués en métropole » ;

Considérant que, si, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée : « Les dispositions législatives destinées à organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques... sont contenues dans les lois de finances », un rapport relatif au mode de fixation des taux bancaires dans les départements d'outre-mer n'a pas pour but d'organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu'ainsi, l'article 9 de la loi tend à annexer au projet de loi de finances de l'année un document étranger à l'objet des lois de finances ; qu'il y a lieu, par suite, de déclarer non conformes à la Constitution les mots : « , à l'appui de la loi de finances, » ;

Sur l'article 14 :

Considérant que l'article 14 de la loi substitue à la rédaction actuelle de l'article L. 720-4 du code de commerce la rédaction suivante : « Dans les départements d'outre-mer, sauf dérogation motivée de la Commission nationale d'équipement commercial, l'autorisation demandée ne peut être accordée, que celle-ci concerne l'ensemble du projet ou une partie seulement, lorsqu'elle a pour conséquence de porter au-delà d'un seuil de 25 %, sur l'ensemble du territoire du département ou d'un pays de ce département ou d'une agglomération au sens des articles 25 et 26 de la loi no 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, ou d'augmenter, si elle est supérieure à ce seuil au-delà duquel la demande est automatiquement rejetée, qu'il s'agisse d'un ou de plusieurs transferts, changements d'activité, extensions, ou toute opération de concentration, la surface totale des grandes et moyennes surfaces de détail dans lesquelles sont mis en vente des produits alimentaires, ou la part de son chiffre d'affaires annuel hors taxes incluant toutes les ventes au détail sur place, par correspondance ou par tout autre moyen de communication, et appartenant :

« - soit à une même enseigne ;

« - soit à une même société, ou une de ses filiales, ou une société dans laquelle l'un des associés du groupe possède une fraction du capital comprise entre 10 % et 50 %, ou une société contrôlée par cette même société au sens de l'article L. 233-3 ;

« - soit contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé du groupe exerçant sur elle une influence au sens de l'article L. 233-16, ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun. » ;

Considérant que les limitations ainsi apportées par l'article 14 à la liberté d'entreprendre ne sont pas énoncées de façon claire et précise ; qu'il y a lieu par suite de déclarer cet article contraire à l'article 34 de la Constitution ;

Sur l'article 19 :

Considérant qu'il résulte de la première phrase de l'article 19 de la loi déférée, que dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane, par dérogation notamment à la loi no 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, les conventions et autorisations relatives aux services réguliers de transport public routier de personnes peuvent voir se poursuivre leurs effets pour une durée ne pouvant excéder dix-huit mois après la promulgation de la loi déférée, si l'autorité organisatrice de transport compétente le décide ; qu'aux termes des deuxième et troisième phrases de l'article 19 : « Dans ce délai, une loi définira un nouveau dispositif d'organisation des transports publics terrestres de personnes, portant en particulier sur les modalités d'attribution des lignes, les financements et la gestion de ce service public. Cette loi précisera également les conditions dans lesquelles s'effectuera le passage du dispositif actuel à ce nouveau dispositif » ;

Considérant qu'il ressort des travaux parlementaires que ces dernières dispositions font obligation au Gouvernement de déposer, dans un délai de dix-huit mois, un projet de loi ; qu'une telle injonction ne trouve de base juridique ni dans l'article 34 ni dans aucune autre disposition de la Constitution et porte atteinte au droit d'initiative des lois conféré par son article 39 au Premier ministre ; que les deuxième et troisième phrases de l'article 19 de la loi, qui sont détachables de la phrase qui précède, doivent par suite être déclarées contraires à la Constitution ;

Sur les articles 24 et 69 :

Considérant que l'article 24 de la loi déférée, qui abroge les dispositions du code du travail relatives au salaire minimum de croissance dans les départements d'outre-mer, et son article 69, qui institue à Saint-Pierre-et-Miquelon une commission territoriale d'insertion, sont issus d'amendements adoptés après la réunion de la commission mixte paritaire ;

Considérant qu'il ressort de l'économie de l'article 45 de la Constitution que des adjonctions ne sauraient, en principe, être apportées au texte soumis à la délibération des assemblées après la réunion de la commission mixte paritaire ; qu'en effet, s'il en était ainsi, des mesures nouvelles, résultant de telles adjonctions, pourraient être adoptées sans avoir fait l'objet d'un examen lors des lectures antérieures à la réunion de la commission mixte paritaire et, en cas de désaccord entre les assemblées, sans être soumises à la procédure de conciliation confiée par l'article 45 de la Constitution à cette commission ; qu'en conséquence, les seuls amendements susceptibles d'être adoptés après la réunion de la commission mixte paritaire doivent être soit en relation directe avec une disposition restant en discussion, soit dictés par la nécessité de respecter la Constitution, d'assurer une coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement ou de corriger une erreur matérielle ; que, par suite, à ce stade de la discussion parlementaire, doivent être regardés comme adoptés selon une procédure irrégulière les amendements qui ne remplissent pas l'une ou l'autre de ces conditions ;

Considérant que les amendements dont procèdent les articles 24 et 69 étaient sans relation directe avec aucune des dispositions restant en discussion ; que leur adoption n'était pas davantage justifiée par la nécessité de respecter la Constitution, d'assurer une coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement ou de corriger une erreur matérielle ; que, par suite, les articles 24 et 69 ont été adoptés au terme d'une procédure irrégulière ; qu'ils doivent être dès lors déclarés contraires à la Constitution ;

Sur l'article 44 :

Considérant que le I de l'article 44 de la loi déférée insère dans le code général des collectivités territoriales les articles L. 3444-1 à L. 3444-5 relatifs notamment à la consultation obligatoire, pour certains textes, des conseils généraux des départements d'outre-mer et des conseils régionaux des régions d'outre-mer ;

Considérant qu'en application du premier alinéa de l'article L. 3444-2, les conseils généraux des départements d'outre-mer peuvent présenter des propositions de modification des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ; qu'aux termes du troisième alinéa du même article : « Le Premier ministre accuse réception dans les quinze jours et fixe le délai dans lequel il apportera une réponse au fond » ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la Constitution attribue au Gouvernement, d'une part, et au Parlement, d'autre part, des compétences qui leur sont propres ; que le législateur ne saurait, sans excéder la limite de ses pouvoirs, enjoindre au Premier ministre de donner une réponse aux propositions émanant d'organes délibérants de collectivités territoriales, ce même si le Premier ministre fixe le délai dans lequel il fournira ladite réponse ; qu'en conséquence, le troisième alinéa de l'article L. 3444-2 du code général des collectivités territoriales doit être déclaré contraire à la Constitution ;

Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,

Décide :