Article (Circulaire du 26 mars 1993 relative à la recherche des malades transfusés)
Paris, le 26 mars 1993.
Le ministre de la santé et de l’action humanitaire à Mmes et MM. les préfets de région (direction régionale des affaires sanitaires et sociales /pour information) et à Mmes et MM. les préfets de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales [pour mise en oeuvre]).
Texte de références : loi n° 93-5 du 4 janvier 1993, décret n° 93-353 du 15 mars 1993, circulaire DGS/DH n° 38 du 15 septembre 1992 et circulaire DGS/DH n° 69 du 10 décembre 1992.
L’article 13 de la loi n° 93-5 du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament a prévu que « les personnes ayant reçu une transfusion de sang ou de produits dérivés du sang entre le 1er janvier 1980 et le 31 décembre 1985 sont invitées à se présenter dans l’établissement de santé où a été effectuée la transfusion, ou tous autres établissements mandatés par eux pour y être informées des risques de contamination par le virus de l’immunodéficience humaine » et qu’un test de dépistage de l’infection par ce virus leur serait proposé à cette occasion. Le législateur a confié au pouvoir exécutif le soin de fixer par décret les conditions de l’accueil et de l’information par les établissements de santé des personnes concernées. Tel est l’objet du décret n° 93-353 du 15 mars 1993 (Journal officiel du 17 mars 1993).
Ces textes répondent au problème posé par les patients qui ont été exposés à un risque transfusionnel et dont certains ont pu être contaminés et peuvent l’ignorer encore aujourd’hui, voire ignorer qu’ils ont été transfusés. Il y a là une responsabilité de santé publique qui avait déjà motivé la circulaire DGS/DH/92 n° 69 du 10 décembre 1992 qui avait prévu que les établissements de santé, tant publics que privés, rechercheraient toutes les personnes transfusées.
Les difficultés d’application de cette circulaire sont importantes et variées car fonction des situations locales, mais peuvent se ramener à quelques cas de figures simples :
- il est possible pour certains établissements de faire une recherche systématique mais avec des obstacles nombreux : exploitation lente des dossiers, absence de coordonnées du médecin traitant, etc. ;
- d’autres établissements ont recours aux registres de distribution des établissements de transfusion sanguine, en apparence commodes mais sources d’erreurs indécelables car le caractère nominatif de la distribution n’a pas toujours été systématique ; en outre, il faut les croiser avec le fichier administratif, ce qui n’est pas toujours réalisable ;
- enfin, dans certains établissements il y a impossibilité matérielle totale ou partielle d’aboutir à un résultat dans des délais et avec une efficacité raisonnable (archives détruites, modalités de classement...).
Pour répondre à une question souvent posée, dans le cas d’absence de mention du médecin traitant dans le dossier ou d’impossibilité de le joindre, il convient que le médecin responsable du dispositif décrit ci-dessous ou du service dans lequel le patient a été hospitalisé, écrive au patient pour lui proposer d’être reçu en consultation. Pour assurer la confidentialité de ce courrier, il est préférable de l’envoyer en recommandé.
En dépit de ces difficultés, la recherche individuelle des transfusés doit être encouragée et menée à bien dans toute la mesure du possible.
Les obligations incombant aux établissements de santé
L’article 13 de la loi du 4 janvier 1993 précitée assigne aux pouvoirs publics l’obligation de faire en sorte que le maximum de personnes concernées soient informées et qu’il leur soit proposé un dépistage. Dans le décret d’application précité figurent donc une série d’obligations :
- sensibiliser et informer la population concernée par voie de presse selon des modalités précises ;
- organiser l’accueil et le conseil des personnes qui se présentent pour pouvoir proposer dans les meilleures conditions possibles un dépistage.
Champ d’application
L’obligation légale est très strictement définie dans son objet - le V.I.H. - et son cadre chronologique - période située entre le 1er janvier 1980 et le 31 décembre 1985. Compte tenu des connaissances épidémiologiques les plus récentes, il paraît opportun de coupler la recherche d’une séropositivité V.I.H. éventuelle avec celle qui concerne le virus de l’hépatite C (V.H.C.) et d’étendre ce dispositif après 1985.
Aussi convient-il de :
- proposer également un dépistage V.H.C. à toute personne se présentant au titre du risque transfusionnel 1980-1985 ;
- proposer un dépistage V.I.H. et V.H.C. à toute personne qui se présenterait au titre de la période postérieure à 1985 ;
- proposer un dépistage V.H.C. à toute personne qui se présenterait au titre de la période antérieure à 1980.
Le dispositif d’accueil et de conseil
Selon les termes du décret, il doit consister en un dispositif dont les modalités pratiques ont été laissées à l’appréciation locale mais qui doit :
- être sous la responsabilité d’un médecin coordonnateur désigné par la commission médicale d’établissement ;
- comporter du personnel compétent, ayant déjà suivi une formation dans le domaine de l’accueil et du conseil des personnes consultant au sujet du V.I.H. ;
Par ailleurs, ce dispositif doit offrir des conditions matérielles qui garantissent totalement le respect de la confidentialité de la démarche.
Dans le cas où un établissement considérerait qu’il risque de ne pas être en mesure de remplir ces conditions impératives, il devra user de la faculté prévue par le décret consistant à mandater, avec l’accord de celui-ci, un autre établissement de santé. Dans ce cas, l’établissement mandant devra veiller à ce que soit organisée l’orientation des patients vers l’établissement mandataire.
Vous devrez veiller à ce qu’aucun établissement n’échappe à ces obligations.
La mise en oeuvre du dépistage
Toute personne qui s’est vu proposer un test de dépistage est libre de donner suite ou non à cette proposition. Dans le cas où elle accepte celte proposition, il lui sera indiqué que les tests peuvent être réalisés par le laboratoire de l’établissement ou par un laboratoire de son choix et que ceux-ci sont pris en charge à 100 p. 100.
L’interprétation des résultats doit être l’occasion d’un entretien médical qui permettra aussi d’éclairer la personne sur l’ensemble des risques liés aux affections concernées et sur les précautions qu’elles imposent.
En cas de résultat positif
Il importe d’offrir une prise en charge médicale aux patients en cas de résultat positif. Cette prise en charge pourra s’effectuer soit en consultation externe, soit en hôpital de jour, soit auprès d’un médecin de ville.
L’information du public
Au-delà des obligations qui figurent dans le décret à cet égard, toutes autres modalités peuvent être mises en oeuvre, notamment par des annonces sur les radios ou télévision locales. Il conviendra d’encourager les établissements concernés à mettre en commun leurs moyens pour aboutir à des messages collectifs avec liste des différents lieux d’accueil ainsi regroupés.
Ces messages, émanant d’un ou plusieurs établissements, devront toujours offrir l’alternative de s’adresser soit au médecin traitant soit à l’établissement concerné.
Divers documents d’information ont été ou vont être diffusés à l’intention des médecins et peuvent être obtenus auprès du Comité français d’éducation pour la santé (C.F.E.S.).
Je vous demande de veiller personnellement à la bonne exécution de ces instructions, de me tenir informé sans délai des difficultés éventuellement rencontrées et, en tout état de cause, de me faire parvenir un premier bilan de l’application de ces mesures pour le 15 juin 1993, en deux exemplaires, l’un à la direction générale de la santé (bureau SQ 3), l’autre à la direction des hôpitaux (bureau AF 5).
BERNARD KOUCHNER