Article (Circulaire du 10 février 1995 commentant la loi no 95-1 du 2 janvier 1995 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991)
2.3.2. Arrestation et remise (art. 9 à 14)
Les dispositions qui traitent de l'arrestation et de la remise sont largement inspirées de la procédure de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers. La nature du tribunal international, autorité juridictionnelle internationale, et non pas autorité étatique étrangère,
entraîne cependant plusieurs conséquences.
Tout d'abord, l'autorité judiciaire française décide souverainement, sans intervention du pouvoir exécutif, de la remise des personnes réclamées par le tribunal international.
Ensuite, la procédure a été confiée, du fait de sa spécificité et dans un souci de centralisation, à la chambre d'accusation de Paris.
Le contrôle effectué par cette juridiction est moins approfondi qu'en matière d'extradition puisqu'il a pour seul objet de constater que les faits objets de la demande d'arrestation entrent bien dans le champ d'application de l'article 1er de la loi et qu'il n'y a pas d'erreur évidente (art. 13). Ce contrôle est ainsi de même nature que celui exercé par la chambre criminelle de la Cour de cassation, en matière de dessaisissement des juridictions nationales.
L'article 9 dispose que la demande d'arrestation aux fins de remise au tribunal international est adressée au ministère de la justice, sauf en cas d'urgence, où elle peut être adressée directement et par tout moyen au procureur de la République territorialement compétent, qui, après s'être assuré de sa régularité formelle, la transmet au procureur général près la cour d'appel de Paris, et, dans le même temps, la met à exécution dans toute l'étendue du territoire de la République.
Les articles 10, 11 et 12 déterminent la procédure à suivre en cas de demande d'arrestation aux fins de remise.
Ainsi, l'article 10 prévoit que la personne appréhendée en vertu d'une telle demande doit être déférée dans un délai de vingt-quatre heures au procureur de la République territorialement compétent. Celui-ci ordonne son incarcération, après l'avoir informée, dans une langue qu'elle comprend,
qu'elle fait l'objet d'une demande d'arrestation et qu'elle comparaîtra,
assistée, si elle le souhaite, d'un avocat, dans un délai de cinq jours devant le procureur général près la cour d'appel de Paris.
L'article 10 précise que la personne appréhendée bénéficie des dispositions du code de procédure pénale relatives à la garde à vue, soit le droit de faire prévenir un tiers, d'être examinée par un médecin et de s'entretenir avec un avocat à l'expiration d'un délai de vingt heures si, avant l'expiration de ce délai, elle n'a pas déjà été présentée devant le procureur de la République.
En application de l'article 11, la personne réclamée est transférée dans une maison d'arrêt du ressort de la cour d'appel de Paris, dans un délai maximum de cinq jours à compter de sa présentation devant le procureur de la République, faute de quoi elle est remise en liberté, sauf si le transfèrement a été retardé par des circonstances insurmontables. Cette mise en liberté doit être ordonnée par le président de la chambre d'accusation de Paris, qui est donc seul compétent pour apprécier l'existence ou non des circonstances insurmontables.
C'est ensuite au procureur général près la cour d'appel de Paris qu'il revient de notifier à la personne arrêtée la demande d'arrestation ainsi que les chefs d'accusation portés contre elle. Si l'intéressé n'a pas déjà réclamé un avocat, le procureur général lui rappelle ce droit, afin que cette notification puisse avoir lieu en présence, le cas échéant, d'un avocat désigné ou commis d'office par le bâtonnier.
L'article 12 précise les conditions du déroulement de l'audience devant la chambre d'accusation de Paris. Cette audience doit avoir lieu dans un délai de huit jours à compter de la présentation de l'intéressé au procureur général. Lors de sa comparution, l'intéressé peut demander à ce qu'un délai supplémentaire de huit jours lui soit accordé avant les débats. L'audience est normalement publique, sauf décision contraire de la chambre d'accusation. En application des dispositions de l'article 13, la décision de la chambre d'accusation ordonnant ou refusant la remise doit intervenir dans les quinze jours de la comparution de la personne devant la juridiction (c'est-à-dire de sa comparution lors des débats portant sur l'examen de la demande de remise, et non de l'éventuelle comparaison au cours de laquelle l'intéressé a demandé le report à huitaine des débats). Cet arrêt peut faire l'objet d'un pourvoi, la chambre criminelle de la Cour de cassation devant statuer dans un délai d'un mois à compter de la réception du dossier.
L'article 14 précise que l'intéressé peut demander à tout moment sa mise en liberté à la chambre d'accusation de Paris qui procède conformément aux articles 148-1 et suivants du code de procédure pénale.
L'article 15 règle les modalités pratiques de l'exécution de la décision de remise au tribunal international et fixe pour l'effectuer un délai maximal d'un mois, dont le non-respect est sanctionné par la mise en liberté de l'intéressé, sauf si sa remise a été retardée par des circonstances insurmontables. Comme dans l'hypothèse prévue par l'article 11, cette mise en liberté doit être ordonnée par le président de la chambre d'accusation de Paris, qui est donc seul compétent pour apprécier l'existence ou non des circonstances insurmontables.
L'article 16 rappelle enfin que les dispositions relatives à la remise des personnes au tribunal international doivent être appliquées même si l'intéressé est poursuivi ou condamné en France pour d'autres faits.
Dans cette hypothèse, l'article 16 précise que ne sont pas applicables les dispositions prévoyant la mise en liberté de la personne faisant l'objet d'une procédure de remise en cas de non-respect des délais édictés par la loi. Cette précision doit s'entendre comme indiquant que les libérations prévues par ces dispositions ne peuvent évidemment intervenir si l'intéressé est détenu pour une autre cause.
L'article 16 précise également que la procédure suivie devant le tribunal international en cas de remise suspend la prescription de l'action publique ou de la peine concernant les procédures suivies en France.
Je vous serai obligé de veiller à la diffusion de la présente circulaire et de m'informer, sous le double timbre de la direction des affaires criminelles et des grâces et du service des affaires européennes et internationales, des procédures engagées en application des dispositions de la présente loi, y compris celles consistant dans l'audition de personnes réfugiées sur notre territoire. Une copie de ces procédures devra être adressée au service des affaires européennes et internationales afin d'être transmise pour information au procureur du tribunal international.