Articles

Article (Décision n° 2005-0280 du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros des offres d'accès large bande livrées au niveau régional)

Article (Décision n° 2005-0280 du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros des offres d'accès large bande livrées au niveau régional)



II-D-1. Mise en place d'un engagement de niveau de service


En premier lieu, France Télécom doit proposer aux opérateurs un « engagement de niveau de service », i.e. un mécanisme qui l'incite au respect des niveaux de qualité de service annoncés dans l'offre de référence, afin que ces niveaux soient garantis pour les opérateurs. Ce mécanisme pourra notamment reposer sur un système de pénalités incitatives ou sur la reconnaissance par France Télécom de sa responsabilité commerciale.
Cette obligation se rattache au régime juridique en vigueur en matière d'accès, dans la mesure où la livraison ou la réparation des accès en fonction d'un délai précis constitue une modalité de mise en oeuvre concrète de l'obligation de faire droit aux demandes d'accès raisonnables. Ainsi, l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'Autorité « définit en tant que de besoin les conditions de mise en oeuvre des obligations [...] de façon à assurer leur exécution dans des conditions équitables et raisonnable ».
En outre, cette obligation d'engagement de France Télécom au respect des niveaux de qualité de service annoncés peut se prévaloir des dispositions relatives à la non-discrimination dans la mesure où elle permet aux opérateurs alternatifs d'obtenir des conditions sur le marché de gros comparables à celles que France Télécom offre à ses services, filiales ou partenaires : cette obligation leur permet, à l'instar de France Télécom, de s'engager auprès des consommateurs sur les marchés de détail.
Enfin, cette modalité de mise en oeuvre des obligations d'accès fait peser sur France Télécom une contrainte limitée. Ce type d'engagement correspond en effet à des pratiques commerciales courantes sur les marchés concurrentiels et s'avère nécessaire pour pallier les éventuelles réticences de France Télécom dans la fourniture à ses concurrents d'une offre satisfaisantes en termes de qualité de service.
Enfin, il est laissé à l'opérateur toute latitude quant à la forme et aux modalités que peut prendre le mécanisme contraignant, à condition cependant qu'il reste suffisamment incitatif.
Cette mesure apparaît donc comme justifiée au regard de l'objectif d'égalité des conditions de concurrence et proportionnée en ce qu'elle constitue le mesure la moins contraignante pour France Télécom, le choix lui étant laissé de la modalité de mise en oeuvre de remplir l'objectif d'engagement sur des niveaux de qualité de service.


II-D-2. Publication d'indicateurs de qualité de service


En second lieu, afin de s'assurer de l'efficacité du système d'incitation mis en place par France Télécom et de vérifier que les niveaux de qualité de service de l'offre de gros sont non-discriminatoires par rapport à ce que France Télécom propose à ses propres services sur les marchés aval, l'Autorité estime nécessaire que l'opérateur mesure et publie mensuellement des indicateurs de qualité de service pour l'offre de gros, ainsi que pour les offres aval correspondantes.
En application de l'article D. 307 du code, l'Autorité peut en effet imposer à France Télécom de publier des informations concernant les conditions de fourniture des prestations d'accès.
De plus, la publication des indicateurs de qualité de service est un moyen efficace pour s'assurer, en application des dispositions relatives à la non-discrimination prévues à l'article D. 309 du code des postes et des communications électroniques, que la société France Télécom fournit aux autres opérateurs des services et des informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'elle offre à ses propres services, filiales ou partenaires.
La publication d'indicateurs de niveau de service s'analyse comme une obligation non disproportionnée pour France Télécom. La réalisation de mesures et la publication périodique de plusieurs indicateurs de suivi constituent en effet une pratique très courante et constituent la mesure la moins contraignante pour France Télécom de s'assurer de l'absence de pratiques discriminatoires et de permettre, notamment au client final, d'apprécier les responsabilités de France Télécom, d'une part, et de l'opérateur alternatif, d'autre part, dans la qualité de service de l'offre de détail.
Une liste d'indicateurs pertinents, mesurés et transmis mensuellement par France Télécom à l'Autorité, existe d'ores et déjà pour le dégroupage. Les indicateurs pertinents à mesurer pour le présent marché et les offres aval correspondantes seront définis par l'Autorité après consultation de France Télécom et des opérateurs clients de l'offre de gros, au regard notamment des indicateurs que France Télécom élabore déjà pour son propre suivi.


II-E. - Obligation de contrôle tarifaire


L'article L. 38-I (4°) du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'Autorité peut imposer un contrôle tarifaire aux opérateurs disposant d'une influence significative.


II-E-1. Obligation générique
II-E-1-a. Tarification reflétant les coûts


Alors que 12 000 répartiteurs desservent le territoire national, dont plus de la moitié équipés par France Télécom pour le DSL, le dégroupage n'est aujourd'hui déployé que sur les 900 plus grands sites environ, raccordant 50 % de la population. Sur le reste du territoire, France Télécom ne peut encore être concurrencée en tant qu'offreur sur le marché des offres de gros régionales.
Sur le marché de gros des offres régionales, il convient, d'une part, d'assurer que les conditions tarifaires dans lesquelles l'accès est accordé sont à même de garantir l'égalité des conditions de concurrence et, d'autre part, d'éviter que l'opérateur disposant d'une influence significative, France Télécom, ne recoure à une tarification de monopole, au détriment du consommateur.
Or, France Télécom étant verticalement intégrée, elle n'utilise pas pour ses propres besoins l'offre de gros qu'elle fournit à ses concurrents. Par conséquent, l'obligation de non-discrimination imposée par ailleurs ne peut suffire, s'agissant des conditions tarifaires, à atteindre les deux objectifs précités.
Dans cette situation, une obligation de tarification reflétant les coûts permet d'assurer à la fois l'égalité des conditions de concurrence entre les opérateurs alternatifs clients de l'offre et France Télécom en tant que fournisseur sur le marché de détail et de garantir des prix attractifs pour le consommateur. En effet, la tarification, en fonction des coûts de l'offre de gros proposée par l'opérateur historique, permet à ce dernier de recouvrer ses coûts tout en faisant bénéficier aux opérateurs alternatifs, qui n'ont pas atteint la même masse critique, de ses économies d'échelle et en permettant in fine au consommateur sur le marché de détail d'avoir accès à des prix bas.
L'obligation pour les tarifs de refléter les coûts de l'offre d'accès large bande régionale apparaît donc comme la seule à même de répondre aux objectifs de la régulation ex ante fixés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques.
L'Autorité estime donc qu'il est justifié et proportionné d'imposer à France Télécom l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts pour l'offre d'accès large bande régionale et les prestations associées.
Par ailleurs, conformément à l'article D. 311 du code des postes et communications électroniques, l'Autorité considère que les mécanismes de recouvrement des coûts et les méthodes de tarification de l'offre d'accès large bande régionale doivent promouvoir l'efficacité économique, favoriser une concurrence durable et optimiser les avantages pour le consommateur.
Dès lors, les tarifs de l'offre doivent refléter les coûts de long terme d'un opérateur efficace aux caractéristiques comparables à celles de France Télécom.
A ce titre, ils ne doivent pas être marqués par des effets de seuil et sont établis sur la base de choix économiques rationnels, en ayant recours notamment à des capacités adaptées.
L'Autorité sera amenée à faire évoluer le système de comptabilisation et d'allocation des coûts de France Télécom actuellement en vigueur par une décision complémentaire ultérieure.
En outre, ce même article précise qu'une fois cette obligation imposée l'opérateur doit, d'une part, être en mesure de démontrer que les tarifs de son offre d'accès large bande régionale reflètent effectivement les coûts de long terme d'un opérateur efficace.
En particulier, toute modification des prix de cette offre amènera l'Autorité à demander à France Télécom de justifier intégralement ses tarifs au regard de ces coûts.
D'autre part, en cas d'absence de justification, l'Autorité est habilitée à exiger l'adaptation de ces tarifs et modifier l'offre de référence.


II-E-1-b. Proscription des tarifs d'éviction


Le dégroupage de la boucle locale joue un rôle fondamental dans le déploiement de la concurrence par les infrastructures sur les marchés français des communications électroniques. Des investissements de grande ampleur ont été engagés par les opérateurs alternatifs pour relier et équiper les répartiteurs de France Télécom.
Les offres d'accès large bande livrées au niveau régional ne doivent pas empêcher les opérateurs alternatifs de rentabiliser ces investissements ou de continuer à déployer leurs réseaux de collecte.
Par suite, l'Autorité estime qu'il est justifié et proportionné aux objectifs fixés à l'article L. 32-1-II du code, en particulier les 2° et 4°, d'imposer à France Télécom l'obligation de proscrire les tarifs d'éviction de deux formes :
- les tarifs de l'offre de gros régionale devront éviter tout effet de ciseau tarifaire sur le dégroupage, afin qu'il puisse disposer d'un espace économique suffisant pour concurrencer cette offre et continuer son déploiement géographique ;
- les tarifs de l'offre de gros régionale devront éviter l'éviction des opérateurs ayant recours à un raccordement très capillaire au titre de cette offre par ceux bénéficiant d'un raccordement au niveau « plaque » ou « région », et ce afin de maintenir une incitation suffisante pour les opérateurs à se déployer plus bas dans le réseau.

En conséquence, les tarifs de l'offre d'accès large bande régionale doivent être compatibles avec les coûts d'un opérateur nouvel entrant efficace suivant une stratégie de déploiement fondée sur dégroupage. Ces coûts peuvent notamment être évalués sur la base de modèles, tels que ceux développés par l'Autorité en concertation avec le secteur.
Enfin, dans son avis n° 2005-A-03, le Conseil de la concurrence souligne les liens existant entre marchés de détail et marché de gros : « Ainsi, des tarifs trop élevés sur les marchés de gros du haut débit, comme les tarifs du dégroupage ou de l'accès large bande DSL, sont susceptibles d'empêcher les opérateurs tiers de s'aligner sur les tarifs de détail des offres d'accès ADSL sans que ces tarifs n'occasionnent de pertes pour l'entreprise intégrée France Télécom ».
Ainsi, en présence d'une obligation de non-discrimination sur les prestations amont, telle que décrite précédemment, la non-réplicabilité des offres de détail de France Télécom conduit à s'interroger à la fois sur les caractéristiques des offres disponibles sur le marché de gros et sur celles des offres vendues sur le marché de détail.
Si les tarifs prévalant sur les marchés de détail sont susceptibles d'empêcher les opérateurs tiers de s'y aligner, France Télécom devra justifier du respect du principe de non-discrimination en démontrant la compatibilité des offres de gros avec les offres qu'elle propose sur le marché de détail.
Si cette compatibilité n'est pas avérée, l'Autorité sera amenée à imposer des modifications sur les offres de gros correspondantes, à saisir le Conseil de la concurrence, à même de mener une action directe sur les prix de détail, ou encore à sanctionner France Télécom pour non-respect de l'obligation de non-discrimination pesant sur elle.
Compte tenu de la possibilité pour France Télécom de recourir à une tarification de monopole, le contrôle tarifaire constitue le minimum nécessaire pour permettre le développement d'une concurrence durable, l'optimisation des avantages pour le consommateur et l'efficacité économique. Elle n'est donc, par suite, pas disproportionnée.


II-F. - Obligation de séparation comptable


L'article L. 38-I (5°) du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'Autorité peut imposer aux opérateurs disposant d'une influence significative d'isoler sur le plan comptable certaines activités.
L'obligation de séparation comptable repose sur la mise en oeuvre d'un système de comptabilisation et consiste en un dispositif comptable qui permet d'une part d'assurer la transparence des prix des offres de gros et des prix de transferts internes à l'entreprise verticalement intégrée, et de ce fait de garantir le respect de l'obligation de non-discrimination lorsqu'elle s'applique, et d'autre part de prévenir les subventions croisées abusives.
La réintégration de Wanadoo au sein de France Télécom a pour conséquence de renforcer sa structure verticale intégrée et d'accroître les risques concurrentiels, notamment les effets de leviers horizontaux et verticaux, les risques de pratiques prédatrices ou de subventions croisées, ou encore les pratiques de ciseau tarifaire. L'avis de Conseil de la concurrence précité indique que ce mouvement d'intégration « pourrait faciliter la mise en oeuvre des pratiques décrites ci-dessus dans la mesure où elle pourrait réduire la transparence des flux financiers entre les différents marchés concernés par les activités de France Télécom ».
Par ailleurs, la caractéristique d'infrastructure essentielle de la boucle locale cuivre de France Télécom donne à l'opérateur un pouvoir de marché sur l'ensemble des marchés avals, dont la situation concurrentielle est conditionnée par l'accès des opérateurs alternatifs à cette infrastructure essentielle. France Télécom pourrait être tenté d'abuser de cette position en amont pour tenter d'évincer des marchés avals ses concurrents par le biais de subventions croisées ou de pratiques de ciseau tarifaire, et par voie de conséquence limiter l'exercice d'une concurrence effective à la fois sur les marchés de gros et sur les marchés de détail.
Ce double aspect de la position concurrentielle de France Télécom sur les marchés des communications électroniques peut se traduire par des distorsions discriminatoires sur les marchés de gros et les marchés de détail, qui peuvent être mises sous surveillance grâce à l'imposition d'une obligation de séparation comptable.
En effet, comme le mentionne l'avis du Conseil de la concurrence susmentionné : « Dans le cadre de l'ouverture à la concurrence de secteurs auparavant dominés par une entreprise en situation de monopole, la séparation comptable des différentes activités de ces entreprises constitue une condition nécessaire pour s'assurer que le jeu concurrentiel n'est pas faussé. [...] Cette séparation comptable n'apparaît pas toujours suffisante. Elle doit parfois être complétée par une véritable séparation fonctionnelle. A cet égard, il appartient au régulateur sectoriel, conformément aux pouvoirs qui lui ont été donnés par le législateur, de déterminer les mesures ou modalités qui pourraient être imposées à un opérateur verticalement intégré, disposant d'un monopole de fait sur la boucle locale, pour assurer ex ante une égalité des opérateurs notamment dans les conditions d'accès à la boucle locale ou pour prévenir d'éventuels abus, tant sur les marchés en "amont que sur les marchés "aval. »
Ainsi, compte tenu, d'une part, du caractère verticalement intégré de France Télécom et de la réintégration de Wanadoo au sein de sa société mère, d'autre part, du caractère d'infrastructure essentielle de la boucle locale et, enfin, de la dynamique concurrentielle des marchés amont et aval, l'obligation de séparation comptable est justifiée et constitue le minimum nécessaire pour s'assurer de l'absence de subventions croisées et de pratiques de ciseau tarifaire destinées à évincer des concurrents. Elle est donc proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques et en particulier les 2° et 9°.
Dans un souci de cohérence et d'homogénéité des obligations imposées à la suite des analyses de marché menées dans le nouveau cadre, cette obligation de séparation comptable sera précisée dans une décision ultérieure, conformément à l'article D. 312 du code des postes et des communications électroniques, et après consultation publique et notification à la Commission européenne.


III. - COMMENTAIRES DES AUTORITÉS RÉGLEMENTAIRES NATIONALES
ET DE LA COMMISSION EUROPÉENNE


La Commission européenne a indiqué qu'elle n'avait pas d'observation à formuler s'agissant de l'analyse du marché de gros des offres d'accès large bande livrées au niveau régional menée par l'Autorité et de ses conclusions,

Décide :