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Article (Circulaire du 22 septembre 2004 relative au titre II de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social)

Article (Circulaire du 22 septembre 2004 relative au titre II de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social)


Paris, le 22 septembre 2004.


Le ministre délégué aux relations du travail à Madame et Messieurs les préfets de région, Mesdames et Messieurs les préfets de département, Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, Mesdames et Messieurs les directeurs départementaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, Mesdames et Messieurs les inspecteurs du travail
La loi du 4 mai 2004 procède à une réforme en profondeur des règles régissant la négociation et la conclusion de la négociation collective afin de conforter le développement du dialogue social.
Elle marque à ce titre une étape essentielle dans l'histoire du droit de la négociation collective en France.
Depuis la loi du 19 mars 1919, qui a reconnu pour la première fois la spécificité des accords collectifs en droit du travail, une construction originale a progressivement vu le jour, fondée sur quatre principes :
- l'affirmation du caractère pleinement contractuel des conventions et accords collectifs de travail et de son corollaire, la liberté de négociation ;
- le principe de faveur, qui assure au salarié la couverture conventionnelle la plus favorable ;
- la portée quasi réglementaire conférée aux accords interprofessionnels et de branche par le mécanisme de l'extension ;
- la prise en compte de la pluralité syndicale, à travers le droit, pour tout syndicat représentatif, même minoritaire, de contracter au nom des salariés.
Quelles que soient ses qualités, notre système, qui repose pour l'essentiel sur la loi du 11 février 1950, s'est progressivement essoufflé et rigidifié, en raison tout à la fois de l'emprise croissante du législateur sur le droit du travail et d'une hiérarchisation trop forte entre les différents niveaux d'accords, bridant le développement de la négociation d'entreprise que la loi du 13 novembre 1982 avait mise en avant.
S'inspirant des solutions préconisées par les partenaires sociaux dans la « Position commune » signée le 16 juillet 2001, la loi du 4 mai 2004 entend rendre à la négociation collective son rôle premier en matière de régulation sociale.
Pour ce faire, elle institue de nouvelles marges d'autonomie dans les rapports entre les accords d'entreprise et les accords de branche ou interprofessionnels, renforce la place de l'accord d'entreprise et consacre de nouveaux niveaux de négociation, tant à l'échelle du groupe que du territoire. Elle relance, par conséquent, la dynamique du dialogue social à tous les niveaux de négociation.
Cette autonomie nouvelle accroît les responsabilités confiées aux partenaires sociaux. Aussi a-t-elle pour corollaire un renforcement de l'exigence de la légitimité des accords en faisant du respect du principe majoritaire une condition impérative de validité.


1. Le renouveau de la négociation collective
1.1. Une autonomie plus grande
entre les différents niveaux d'accords


Modifiant les articles L. 132-13 et L. 132-23 du code du travail, la loi du 4 mai 2004 renforce l'autonomie des accords d'entreprise en faisant évoluer la portée du principe de faveur entre les différents niveaux d'accords. Désormais, en effet, les accords, qu'ils soient interprofessionnels, de branche ou d'entreprise, peuvent comporter des dispositions dérogeant en tout ou partie aux dispositions applicables en vertu d'une convention ou d'un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large.
Cette autonomie nouvelle, pleinement validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2004-494 DC du 29 avril 2004, reste toutefois circonscrite dans son champ comme dans sa portée.
Elle ne concerne que les rapports entre les différents niveaux d'accord et non les rapports entre la loi ou le règlement et les accords collectifs, d'une part, ou les rapports entre le contrat individuel de travail et les accords collectifs, d'autre part.
Comme l'a expressément rappelé le Conseil constitutionnel, la loi n'a « ni pour objet ni pour effet de modifier, d'une part, les rapports entre les normes législatives ou réglementaires et les accords collectifs, et, d'autre part, les rapports entre les accords collectifs et les contrats de travail ».
En particulier, la loi n'a pas modifié l'article L. 132-4 du code du travail, qui dispose que : « La convention et l'accord collectif de travail peuvent comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions d'ordre public de ces lois et règlements. »
Conformément au principe de faveur, dans les rapports entre la loi et l'accord collectif, la dérogation n'est possible que dans un sens favorable au salarié et à condition qu'elle ne porte pas sur des règles impératives. Il n'en va différemment que lorsque le législateur autorise expressément les négociateurs à conclure, dans un domaine qu'il a précisément circonscrit, des accords dérogatoires aux principes qu'il a lui-même édictés.
L'autonomie nouvelle donnée aux différentes catégories d'accords est par ailleurs limitée dans sa portée.
Dans un certain nombre de matières - salaires minima, classifications, garanties collectives en matière de prévoyance et mutualisation des fonds de la formation professionnelle -, les accords de branche continueront de prévaloir sur les accords d'entreprise.
Au-delà de ces domaines réservés, les négociateurs de la branche et de l'interprofession peuvent décider de conférer aux stipulations des accords qu'ils concluent un caractère impératif à l'égard des accords de niveau inférieur.


1.2. La place renforcée de l'accord d'entreprise


La loi entend donner une place plus importante à l'accord d'entreprise.
A cet effet, elle ouvre, à son article 43, des domaines jusque-là réservés à la négociation de branche (en particulier la fixation du contingent d'heures supplémentaires ou la définition du taux de majoration des heures supplémentaires) à la négociation d'entreprise.
Prenant en compte la situation particulière des petites et moyennes entreprises, dans lesquelles la présence syndicale est moins développée, l'article L. 132-26 généralise la possibilité de recourir à des formes dérogatoires de négociation, dans les conditions définies par voie d'accord de branche ou d'accord professionnel étendu.
En l'absence de délégué syndical, des accords d'entreprise peuvent ainsi être négociés avec les représentants élus du personnel au comité d'entreprise ou, à défaut, avec les délégués du personnel. De tels accords doivent toutefois être approuvés par une commission nationale paritaire de branche.
En l'absence de tout représentant élu, la négociation peut aussi être menée par des salariés mandatés par une organisation syndicale représentative au niveau national. Mais l'accord ainsi conclu doit alors être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.


1.3. La reconnaissance de nouveaux niveaux de négociation


Le nouvel article L. 132-19-1 fait du groupe, tel que défini à l'article L. 439-1 du code du travail, un niveau de négociation à part entière, au même titre que l'entreprise ou l'établissement.
L'article L. 132-30 offre enfin un cadre renouvelé à la négociation locale. Les commissions paritaires locales se voient reconnaître la faculté de conclure des accords sur des sujets d'intérêt local, qu'il s'agisse du niveau régional, départemental ou de tout autre niveau retenu par les partenaires sociaux. Ainsi, la négociation locale pourra accompagner la régionalisation des compétences en matière de formation professionnelle ou s'adapter à des formes particulières d'activité, par exemple le travail saisonnier.


2. La consécration du principe majoritaire


Corollaire du renouveau de la négociation collective, la loi fait du respect du principe majoritaire une condition impérative de validité des accords collectifs, quel que soit le niveau auquel ils sont conclus.
Soucieux de laisser aux partenaires sociaux la possibilité de choisir le dispositif qui leur paraît le mieux adapté, le législateur a prévu que le principe majoritaire puisse se décliner de façon différente selon les niveaux de négociation.
Au niveau interprofessionnel ou de branche, ce principe prend la forme d'un droit d'opposition dont peuvent user la majorité des organisations de salariés représentatives dans le champ de l'accord.
Au niveau de la branche, de l'entreprise, de l'établissement ou du groupe, lorsqu'un accord étendu le prévoit, il peut aussi prendre la forme d'une majorité d'adhésion. L'accord n'est alors valide que s'il est signé par des organisations syndicales représentant une majorité de salariés dans le champ de l'accord ou, à défaut, s'il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. Cette disposition permettra la formation de véritables majorités d'engagement. Un bilan en sera effectué dans le cadre du rapport qui sera remis au Parlement avant le 31 décembre 2007.
De plus, au niveau de l'entreprise, lorsque l'audience des organisations syndicales ne peut être mesurée, notamment en raison de la carence d'élections professionnelles, l'accord doit obligatoirement être soumis aux suffrages des salariés.
Ces règles sont de nature à assurer aux accords conclus à tous les niveaux une véritable légitimité, gage de leur acceptation et de leur application effective.


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Tels sont les axes de cette réforme sur lesquels je tiens plus particulièrement à attirer votre attention en insistant sur le rôle d'information et de pédagogie qu'il vous appartiendra d'assurer vis-à-vis de l'ensemble des acteurs que sont les partenaires sociaux, les entreprises et les salariés.
Il vous appartiendra d'abord d'expliquer le sens et les enjeux de la réforme de façon à éviter que la technicité du texte n'en dissimule la portée réelle.
Il vous appartiendra ensuite d'expliquer le contenu des dispositions du texte afin que les négociations qui s'ouvrent sur le fondement de la nouvelle loi se fassent sur des bases dépourvues de toute ambiguïté. Pour ce faire, vous serez destinataires de supports d'information établis par le ministère.
C'est dans ce cadre qu'il m'apparaît nécessaire de préciser les dispositions de la loi dans les fiches ci-jointes en annexe.
Fait à Paris, le 22 septembre 2004