Sur l'article 18 :
30. Considérant que l'article 18 de la loi déférée insère plusieurs articles dans le code de la sécurité sociale et en modifie plusieurs autres, en vue de réorganiser complètement les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les professions mentionnées aux articles L. 162-5, L. 162-9, L. 162-12-2, L. 162-14 et L. 322-5-2 du même code ;
31. Considérant que les députés requérants reprochent à ces dispositions de rompre l'égalité entre professionnels de santé en ce que « le pouvoir unilatéral des caisses de prendre des mesures de sanction (application des lettres clés flottantes) est supprimé pour les professions placées sous une convention et maintenu pour les autres » ;
32. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent, quant à eux, que l'article 18 a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière ; que, dans un premier temps, « il s'agissait, selon les propres termes du Gouvernement, d'un "amendement d'esquisse", comprenant deux modestes paragraphes » ; que, dans un second temps, « l'article 18 s'est transformé en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale en un dispositif de quinze paragraphes occupant six pages de la petite loi » ; qu'ainsi, selon les requérants, la procédure suivie par le Gouvernement n'aurait tendu qu'à contourner la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'introduction de dispositions nouvelles après la réunion de la commission mixte paritaire ;
33. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d'amendement peut, sous réserve des limitations posées aux deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 45, s'exercer à chaque stade de la procédure législative ; que le deuxième alinéa de celui-ci précise en particulier que la commission mixte paritaire est « chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion » ;
34. Considérant qu'il ressort de l'économie de l'article 45 que des adjonctions ne sauraient, en principe, être apportées au texte soumis à la délibération des assemblées après la réunion de la commission mixte paritaire ; qu'en effet, s'il en était ainsi, des mesures nouvelles, résultant de telles adjonctions, pourraient être adoptées sans avoir fait l'objet d'un examen lors des lectures antérieures à la réunion de la commission mixte paritaire et, en cas de désaccord entre les assemblées, sans être soumises à la procédure de conciliation confiée par l'article 45 de la Constitution à cette commission ; qu'il ressort en outre du deuxième alinéa de cet article que des dispositions adoptées en termes identiques avant la réunion de la commission mixte paritaire ne sauraient, en principe, être modifiées après cette réunion ;
35. Considérant, en conséquence, que les seuls amendements susceptibles d'être adoptés après la réunion de la commission mixte paritaire doivent être soit en relation directe avec une disposition restant en discussion, soit dictés par la nécessité de respecter la Constitution, d'assurer une coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement ou de corriger une erreur matérielle ; que, par suite, à ce stade de la discussion parlementaire, doivent être regardés comme adoptés selon une procédure irrégulière les amendements qui ne remplissent pas l'une ou l'autre de ces conditions ;
36. Considérant que l'article 18 ne présente de relation directe qu'avec l'un des articles introduits dans le texte en première lecture, numéroté 10 A en cours d'examen ; que ce dernier est issu d'un amendement gouvernemental déposé la veille de son adoption par l'Assemblée nationale et n'évoque que de façon vague et succincte des « engagements collectifs et individuels, le cas échéant pluriannuels, portant notamment sur l'organisation des soins, sur l'évolution des pratiques et de l'activité des professions concernées » ; que l'amendement insérant l'article 10 A dans le texte de la loi a été présenté par le Gouvernement lui-même comme « un amendement d'esquisse » dont la portée serait déterminée à une étape ultérieure de la procédure législative ; que ce n'est qu'en nouvelle lecture, à la suite d'un amendement déposé par le Gouvernement devant l'Assemblée nationale, que le contenu de l'article 10 A a été présenté ;
37. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 10 A a été remplacé après la réunion de la commission mixte paritaire par des dispositions qui, compte tenu de leur portée et de leur ampleur, doivent être considérées comme nouvelles ; que son adoption n'était dictée ni par la nécessité de respecter la Constitution, ni par celle d'assurer une coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement ou de corriger une erreur matérielle ;
38. Considérant qu'il y a lieu, dès lors, de déclarer l'article 10 A, devenu 18, contraire à la Constitution ;