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Article (ELECTION DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE)

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4. La campagne officielle


La description de la campagne officielle ne saurait se limiter à celle

des moyens de propagande autorisés par le décret du 14 mars 1964.

La campagne officielle se définit en effet d'abord comme un ensemble de

principes applicables pendant une période de temps limitée précédant immédiatement les élections.

Du point de vue de la qualité démocratique du débat électoral, ces

principes définis et contrôlés par la Commission nationale de contrôle sont plus importants que la nature des moyens officiels dont les textes prévoient la mise à la disposition des candidats. Celle-ci en effet peut légitimement susciter quelques interrogations.
4.1. Les principes qui régissent la campagne officielle.
4.1.1. La campagne officielle se définit d'abord comme une période de temps limitée pendant laquelle s'appliquent des contraintes particulières.

Si des rapports antérieurs de la Commission nationale de contrôle

avaient souligné le caractère artificiel de la coupure introduite par l'ouverture de la campagne officielle, qui rendait du jour au lendemain interdits des procédés autorisés la veille, on doit relever que les obligations liées aux campagnes électorales ne se limitent plus à la période des quinze derniers jours qui précèdent le scrutin. La loi du 15 janvier 1990 relative aux dépenses électorales et au financement des activités politiques prend effet, en ce qui concerne le dispositif financier de la campagne électorale, un an avant le premier jour du mois de l'élection; le Conseil supérieur de l'audiovisuel, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 16 de la loi du 30 septembre 1986 pour adresser des recommandations et fixer les règles de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives aux campagnes électorales distingue plusieurs périodes, dont la première commence six mois déjà avant l'ouverture de la campagne officielle. Enfin, la loi du 15 janvier 1990, déjà citée,
interdit, six mois avant le scrutin, les campagnes de promotion publicitaire portant sur la réalisation ou la gestion d'une collectivité, et, trois mois avant le scrutin, l'emploi de procédés commerciaux de propagande.

La campagne officielle telle qu'elle est définie par le décret du 14

mars 1964 constitue donc l'aboutissement d'un processus commencé bien en amont. Elle intervient dès lors que la liste des candidats à l'élection est officiellement arrêtée par le Conseil constitutionnel et ouvre une période pendant laquelle ces candidats ont droit, pour leur campagne électorale, à être traités de manière égale par l'Etat et par les services autorisés ou concédés de radiodiffusion, à charge pour eux de respecter les règles découlant du principe d'égalité entre les candidats.

Dans ces conditions, il n'apparaît pas qu'il y ait des raisons de

remettre en cause l'existence de cette période, sa durée et son caractère particulier. La Commission nationale de contrôle a d'ailleurs implicitement confirmé les prises de position prises lors d'élections précédentes, selon lesquelles la campagne électorale pour l'élection présidentielle forme un tout depuis son ouverture jusqu'au deuxième tour de scrutin, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des dispositions du décret du 14 mars 1964, prévoyant pour le second tour une réouverture après que les deux candidats restant en lice eurent été officiellement désignés par le Conseil constitutionnel. Ces dispositions pourraient d'ailleurs faire l'objet d'un aménagement en ce sens. 4.1.2. La commission a eu également à s'interroger sur les conséquences qu'il convenait de tirer du principe d'égalité entre les candidats en ce qui concerne les moyens de propagande qu'ils pouvaient utiliser pendant la campagne officielle.

En effet, le décret du 14 mars et le code électoral, pour la partie qui

en est applicable à l'élection présidentielle, soit interdisent certaines pratiques, soit en autorisent expressément d'autres. La commission s'est posé la question de savoir si les pratiques qui n'étaient ni interdites ni expressément autorisées restaient permises; en l'espèce, il s'agissait plus particulièrement de l'envoi de tracts à domicile.

La commission a considéré, alors même que la rédaction du décret du 14

mars 1964 permettait une autre interprétation, et qu'une législation sur le financement des campagnes électorales, qui limite globalement les moyens des candidats, était intervenue, que les règles relatives à l'égalité entre les candidats imposent à ceux-ci de ne pas recourir à des moyens de propagande autres que ceux organisés par les dispositions du décret du 14 mars 1964 et du code électoral. Elle a donc confirmé une position déjà prise en 1981 et a diffusé, à l'ouverture de la campagne, un communiqué de presse en ce sens (cf. annexe XVII).
Dans le même esprit, elle a estimé, comme lors des élections antérieures, que, selon la tradition républicaine, la veille du jour du scrutin ne devait donner lieu à aucune manifestation de propagande d'aucune sorte, alors que la rédaction de certaines dispositions applicables à l'élection présidentielle pouvait conduire à une autre interprétation.

Toutefois, s'agissant de tracts diffusés sur la voie publique, la

commission s'est livrée à une interprétation libérale des textes en admettant la régularité de tels tracts dès lors qu'ils ne comporteraient qu'un appel à assister à une réunion publique tenue par un candidat. Elle a considéré en effet qu'au-delà de l'affichage prévu à l'article 14 du décret du 14 mars 1964 les candidats autorisés à tenir des réunions publiques par l'article 11 du même décret devaient disposer de moyens suffisants pour en informer leurs concitoyens (cf. annexe XVIII).
4.1.3. Enfin, le principe de neutralité de l'Etat et des collectivités publiques à l'égard des candidats, notamment dans les moyens qu'ils mettent à leur disposition, est un corollaire évident du principe d'égalité.

La Commission nationale de contrôle a eu à le rappeler à propos d'un

message adressé pendant la période de la campagne électorale par un membre du cabinet du ministre de l'intérieur à la communauté juive, à l'occasion d'une fête religieuse. Dès lors que ce message ne se présentait pas comme ceux adressés traditionnellement en de telles circonstances par le ministre à certaines communautés religieuses, mais comportait un bilan de l'action gouvernementale, au regard notamment des préoccupations de cette communauté, la Commission nationale de contrôle a considéré que le principe de neutralité de l'Etat avait été méconnu (cf. annexe XIX).

Ce même principe a conduit la commission à réaffirmer l'importance de la

disposition du code électoral qui, à propos des affiches, prohibe la combinaison des trois couleurs: bleu, blanc et rouge. Elle a considéré qu'au-delà de ses origines historiques cette interdiction vise à empêcher toute appropriation d'emblèmes nationaux par un candidat; elle a souhaité qu'à l'avenir cette prohibition soit systématiquement étendue aux émissions télévisées de la campagne officielle.
4.2. Les moyens de la campagne officielle.

Ainsi qu'il vient d'être dit, ces moyens se résument à ce qui est

autorisé par les textes, c'est-à-dire: la tenue de réunions publiques, les émissions radiophoniques ou télévisées, sous leur forme officielle ou non,
l'affichage sur des panneaux officiels réservés à cet effet, et enfin l'envoi aux électeurs d'une profession de foi. L'interdiction faite aux candidats d'utiliser des moyens commerciaux de propagande a, en principe, valorisé les moyens officiels qui restent à leur disposition. Cela est vrai notamment pour les réunions publiques qui ont été largement relayées par les médias et pour les émissions télévisées ou radiophoniques.

En revanche, la question de l'adéquation des deux autres moyens,

l'affichage et l'envoi aux électeurs des professions de foi des candidats,
aux nécessités d'une campagne électorale moderne reste posée.

Cette question avait déjà été largement traitée par la Commission

nationale de contrôle dans son rapport sur l'élection présidentielle de 1988; les observations qui avaient alors été faites n'ont pas entièrement perdu de leur pertinence du seul fait de l'interdiction intervenue depuis lors de l'utilisation des procédés commerciaux.

En effet, la contribution de ces moyens au débat électoral paraît rester

faible, si l'on se réfère aux chiffres donnés par un sondage fait à la sortie des urnes par l'institut C.S.A., le 23 avril 1995, auprès d'un échantillon national de 3 765 personnes: les électeurs se déterminent à 83 p. 100 à partir de la télévision, à 32 p. 100 à partir de la presse écrite, à 23 p.
100 à partir de la radio; les professions de foi, les tracts et les affiches ne représentent que, respectivement, 6 p. 100, 4 p. 100 et 1 p. 100.
L'influence des sondages est, elle, évaluée à 5 p. 100 (cf. annexe XXI).

Or, les coûts de la campagne officielle ne sont pas négligeables. Pour

la présente campagne, ces coûts sont estimés de la manière suivante par le ministère de l'intérieur sur la base de dix candidats au premier tour et de deux au second (4):


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Vous pouvez consulter le tableau dans le JO no 0243 du 18/10/95 Page 15127 a 15134
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On constate donc que les coûts liés directement à la propagande

électorale prise en charge par l'Etat représentent plus de 60 p. 100 du coût total de ces dépenses.

Dès lors, on ne peut éviter de s'interroger sur l'intérêt que présentent

l'affichage sur les panneaux officiels et l'envoi des professions de foi, au regard de la finalité assignée à une campagne électorale: contribuer dans des conditions respectant l'égalité entre les candidats à l'information des électeurs pour leur permettre d'exercer leur choix.

Il paraît difficile de remettre en cause l'envoi au domicile des

électeurs des professions de foi des candidats, même s'il s'agit là d'un procédé coûteux qui implique une organisation administrative lourde. En effet, dans le cadre de la campagne officielle, ces circulaires sont le seul élément qui utilise l'écrit, et leur envoi personnalisé est l'objet d'un attachement réel de la part d'un certain nombre d'électeurs.

La commission, en revanche, s'est interrogée sur l'intérêt de

l'affichage sur les panneaux officiels. Même si la contribution de ce moyen de propagande au débat électoral paraît assez faible, elle a constaté d'une part, qu'il s'agit d'un mode d'expression politique traditionnel chargé d'une valeur symbolique forte, d'autre part, qu'il contribue, compte tenu de sa localisation devant les bureaux de vote qui sont souvent des écoles, à la formation civique et, qu'enfin, son maintien justifie la prohibition de tous les autres modes d'affichage. Compte tenu de ces considérations, elle a estimé que la remise en cause de ce moyen de propagande n'est pas justifiée.